Elle m'a envoyé balader une fois de plus. Cette vipère aquatique, Rheïane. Elle m'a envoyé sur les roses, comme à son habitude. Un jour elle finira bien par tomber dans mes bras. Nous avons tout notre temps après tout. C’est pas comme si elle allait se faner comme ces jolis brin de femme sur deux pattes. Si ? Toujours est-il que ce soir, j'ai mon orgueil en berne. C'est qu’elle a frappé fort, une sacrée gifle dont elle seule a le secret. J'en ai encore la joue rougie. Mais ça passera, tant la trace de sa main sur ma pommette d'ici une heure, que la blessure qu’elle a imposé à mon honneur d'ici deux.. quand je serais ivre mort et que vous verrez mon corps rouler sous une table d'auberge.
Car c'est évidement là que je compte passer ma soirée. Quel autre choix ? Je n'ai pas le cœur à tenter de séduire qui que ce soit d'autre ce soir, et encore moins à faire l'effort d'essayer d'être discret et vider quelques poches. Non ce soir je veux épancher les souffrances de mon pauvre orgueil. Et c'est dans cette optique que me voilà, attablé dans un coin d'une taverne miteuse de Blindman'sBluff. On fait mieux, on fait pire, mais entre nous, je voulais de l'alcool bon marché, pas du haut standing et ici ils servent de tout.
Un verre. Deux verres. Trois ? Non quatre. J'en sais rien, je sais plus. Mais comment je pourrais me concentrer sur le compte aussi, à l'autre bout de la pièce, y a trois gars qui jouent aux dés en hurlant presque leur résultats. Moi j'en ai perdu le fil. Et puis il se laisse boire ce rhum. Les premières gorgées m'ont arraché l’œsophage tant cette piquette est immonde, mais les autres... bah elles ont glissées toutes seules. Comme si les précédentes m'avaient anesthésié en quelque sorte. Ou bien je m'y suis adapté. Ou peut être que je suis déjà à demi saoul. Qu'importe, tant que je tiens droit sur mon tabouret, je continue.
Ils parlent fort. Toutes ces voix s’entremêlent en un brouhaha épuisant. Ça résonne. Mais ça fait un bien fou. J'ai pas besoin de l'autre garce pour me ridiculiser, pour me placer plus bas que terre, je peux faire ça tout seul, merci. Aller, un autre. Une des voix se rapproche mais je n'y prête pas attention. Cul sec ! Quand je disais que ce rhum se laissait boire. Ça vous est déjà arrivé à vous, d'avoir l'impression que tout se déroule au ralenti, avec ou sans alcool ? Ok l'alcool aide probablement. Mais c'est exactement de cette façon que je vis l'instant suivant. Une main sur mon épaule qui me force à pivoter. Des sourcils froncés qui me font face bien que sur le coup je n'arrive pas à mettre un nom sur le propriétaire des yeux qui me toisent avec une colère non dissimulée. L'impression de le connaître... Sa main qui recule. Le coup. Les chocs, le poing sur mon nez, puis ma tête sur le plancher comme je me suis lamentablement vautré de mon tabouret.
Merde j'ai pourtant payé chaque verre, c'est donc pas le tavernier. Enfin je crois. Et puis voilà qu'ils sont deux à se tenir au dessus de moi, l'air patibulaire, visiblement bien décidé à poursuivre. Deux ? Vraiment ? Ou bien c'est encore le rhum qui me joue des tours ? Et puis merde, je le... je les connais... mais si j'avais su qu'il avait un jumeau, je serais peut-être resté plus longtemps....« Mais c'est qu'il pique le Valet de cœur ! Quoi vous voulez te battre ? C’est pas parce que... je suis saoul et que je vois double .. que je vais pas me défendre.. » Faudrait déjà que j'arrive à me lever pour ça. « J'ai deux poings, alors je t'aurais tous les deux ! »
Dernière édition par Aëlis Hoosdeane le Mar 7 Juin 2016 - 23:44, édité 1 fois
La Taverne de l'Aigrefin. L'un des derniers endroits de cette ville qui m'accepte encore. Si mes parents me voyaient. Je n'ose même pas imaginer leur regard. Je suppose que j'y verrais de la honte. En tout cas c'est ce que je m'inspire. Alors eux. Enfin cela fait bien longtemps qu'ils ne se soucies plus de moi. J'ai encore du mal à croire qu'ils m'aient abandonné aussi lâchement. Un peu comme ce triton. Ce n'était qu'un passe-temps je le sais bien. Mais partir comme ça, en me volant en plus. Si jamais je le recroise celui-là je vais lui dire ma façon de penser. En attendant, bah j'ai repris mes bonnes veilles habitudes.
Et ce soir mes habitudes me conduisent ici. Je n'ai pas d'argent à perdre pour une fois. Je n'ai plus rien, ce maudit pirate m'a encore prit la plus grosse partie de mon salaire. Il doit me rester tout juste de quoi me payer un maigre repas et peut-être une chambre quelque part. Sinon je ferais comme la nuit dernière. Je dormirais sur le quai. Ça m'arrive de temps à autre. Quand je trouve pas d'autre endroit. Mais ce soir je vais essayer de trouver plus confortable et un peu plus sécurisé. C'est dans ce but et celui de manger quelque chose que je rentre dans la taverne.
Seulement, le hasard vient mettre son nez dans mes affaires et il me semble bien décider à me faire tourner en bourrique. Qui vois-je tranquillement assit au comptoir, s'enfilant un verre qui n'a pas l'air d'être le premier de la soirée ? Ce petit enfoiré d'Aëlis. Moi qui espéré passer une soirée calme voilà que mon sang ne fait qu'un tour et que je m'approche de lui en commençant à l'insulter. J'ai l'impression qu'il ne m'entend pas. Il est peut-être trop beurré pour ça, mais cela ne fait que me mettre plus en colère qu'autre chose. Ce n'est peut-être pas le meilleur endroit pour cela, mais je le force à se retourner et avant qu'il ne puisse esquisser le moindre geste je viens lui coller mon poing en pleine poire. Le voilà qui s'affale au sol en me menaçant, moi et mon double. Ouais, il est torché pas de doute. J'arme mon bras une seconde fois, sauf que je me retrouve bloqué. Enfin plus précisément on me bloque. L'homme qui est intervenu en sa faveur me somme de me calmer sous peine de me foutre dehors. Alors je me calme, à peu près. En fait, je ne veux juste pas me retrouver à la rue une nuit de plus. Un autre aide le triton à se redresser et le rassoie sur son tabouret. Moi je prend place à côté de lui une fois de nouveau libre de mes mouvements. « Rend-moi ce que tu m'as volé et je te laisse tranquille... » C'est tout ce que je veux. La chevalière qu'il m'a volé. À n'importe quel prix.
Dernière édition par Nolan Leigh le Mar 9 Fév 2016 - 14:35, édité 2 fois
Mais c'est qu'il m'aurait frappé de nouveau ! Il l'aurait fait sans aucun doute si quelqu'un ne l'en avait pas empêché. Qui ? J'en sais rien, vous l'avez vu vous ? Vous le remercierez pour moi.Je crois qu'on le menace de le foutre dehors s'il continue alors Nolan, il se calme. Oh je le connais bien le loustic, il a probablement encore claqué tout son fric ou presque dans quelques parties de cartes foireuses et il n'a pas envie de crécher dehors. Un autre inconnu m'aide à me redresser et me rasseoir et je le remercie d'une tape maladroite sur l’épaule. J'y aurais bien fais les poches au passage si j’étais pas si imbibé d'une part, et si j'avais pas d'autre part un certain sens de l'honneur qui m’empêche de m'en prendre à ceux qui viennent de me rendre service. Mais pour la première raison évoquée.. demain si je le recroise je me souviendrais même plus l'avoir déjà vu et je pourrais le dépouiller sans froisser ma conscience. C'est dommage hein ? Passons...
Nolan s'est installé à coté de moi, comme si de rien n’était, comme s'il s’était calmé aussi vite que la colère lui était montée. Il a toujours eu un tempérament explosif celui là. C'est ça qui plaît chez lui. Pour ça que je m'ennuie jamais vraiment avec ce type. Et c'est aussi pour ça que je suis certain que lui au moins, je risque pas de m'y attacher de trop et me laisser avoir par les sentiments ; C'est une teigne, je pourrais pas vivre avec sans avoir envie de l’égorger. Et sans vouloir me vanter, je crois que c’est réciproque. Mais c'est pas pour ça qu'il est là. Sa fichue chevalière, c'est ça qu'il veut bien sûr.
Je le nargue un peu, suivant sur mon poignet les tours que fait la lanière de cuir sur laquelle j'ai enfilé les différents trophée que j'ai ramassé au fil des années. « Ta chevalière... attends voir.... » Bon à dire vrai je suis pas sur de la trouver. Je sais qu'elle est là, je sais à quoi elle ressemble.. mais j'ai plus vraiment les yeux en face des trous. « Tu vas rire.. je la trouve pas. Et si tu restais avec moi jusqu'à demain. On la cherchera ensemble ? » J'ai une vague envie de lui tirer la langue puérilement.. ah l'alcool... mais je me retiens. A la place, je lève un doigt comme si l'idée du siècle venait de me frapper. « N’empêche ça prouve que j'avais raison de la prendre. Au moins t'es revenu me voir de toi même cette fois. Et pas pour que je paye un de tes créanciers. » Ouuuh j'aurais pas du.. je sens que j'aurais pas du.. il a pas l'air apprécier. Pourtant moi, je suis mort de rire.
Son bracelet, son foutu bracelet. Elle est quelque part dans tout ses trucs là. Dans les bijoux qui sont accrochées dessus. En tout cas c'est ce qui me semble, vu comment il me nargue avec. Et puis sa phrase. Elle est juste là. Autour de son poignet. Il me suffirait de tendre la main pour la récupérer. C'est peut-être ce que je devrais faire, la prendre de force. Après tout il me l'a volé. Et puis il ne la trouve pas, il le dit lui même. Je devrais peut-être l'aider alors… Seulement, lorsqu'il me propose de rester avec lui, si je lui file un coup de main c'est au sens propre du terme. Alors je me retiens, je fais en sorte de rester calme. Et puis le voilà qui lève son doigt comme s'il avait une idée. Il a l'air débile comme ça. Ou tout simplement bourré.
Je manque de me noyer dans mon verre, mon unique verre de la soirée. Non mais j'hallucine. Il est sérieux là ? Je me tourne vers lui avec un regard noir. Je ne suis jamais venu lui réclamer la moindre sommes d'argent. « Je... » Je reprend ma place correctement au moment où on m'apporte une assiette. Je paye de suite, ordre du patron. J'ai tout juste de quoi payer le verre, le repas et la chambre pour la nuit. Alors qu'il me reparle de ma dette… « J'avais rien demandé » que je marmonne plus qu'autre chose et je me concentre sur mon assiette. Je n'ai rien mangé de la journée, enfin depuis presque deux jours maintenant vu que j'ai passé la nuit dehors. Alors je dois avoir l'air affamé en me jetant dessus.
Pourtant je ne perd pas de vu mon objectif, récupérer ma chevalière. Mais je crains de devoir la jouer fine sur le coup. Le plus gros problème, c'est que c'est pas mon truc. Je suis plutôt du genre gros bourrin. Mais je trouverais, je suis sûr que je trouverais. C'est pas con ce qu'il propose, que je reste avec lui. Il est tellement torché que lorsqu'il dormira je pourrais lui reprendre sans problème avant de le foutre dehors. Ouais je vais faire ça. Mais avant ça je mange...
C'était mesquin de ma part que de remettre ça sur le tapis. Cette dette que j'avais réglée pour lui. D'autant qu'à l'époque, je ne me souviens même plus pour quelles raisons j'avais pris sur moi de rembourser ses créanciers mais je doute fort avoir agit pour le simple plaisir de le narguer avec plus tard. Quoi que.. aucune idée. Toujours est-il qu'il me semble que je l'ai mouché et qu'il ne trouve plus ses mots. Il me fusille du regard mais il ne répond pas. Pas tout de suite. Ce n'est qu'une fois qu'on lui a servi à manger, assiette qu'il paye sur le champ sa réputation n’étant plus à faire et le patron craignant probablement qu'il se tire sans payer, qu'il réussit enfin à en placer une. Moi j'arque simplement un sourcil. Bien sur qu'il n'avait rien demandé. Je l'ai fait parce que j'en avait envie, c'est aussi simple que ça.
Je ne sais si c’est l'alcool qui parle ou le simple fait de le regarder s'empiffrer de la sorte, mais je ne parviens décidément pas à chasser ce large sourire. Il est stupide. S'il était revenu plus vite, je lui aurais payé de quoi manger convenablement avant. Quoi que je doute qu'il aurait accepté, c’est qu'il est fière comme un paon mon ptit bout d'humain. Attendez.. j'ai dis MON ? Ok cette fois, c’est l'alcool. Il n’est pas mon humain. Une distraction fort agréable, mais il n'est pas mon humain. Ni mon quoi que ce soit d'ailleurs.
Et pour l'heure, il ne semble pas rechigner à l'idée de rester passer du temps en ma compagnie pour mériter que je lui rendre son truc. Du moins il n'a rien dit à ce propos. Alors je saisi l'occasion. Je commande deux rhums. Un pour moi, un pour lui, en guise de bonne foi. Et je les paye avant qu'il n'ai le temps de dire quoi que ce soit. Puis je lève mon verre devant lui pour trinquer. « Aller, valet de mon cœur, à la tienne. » seulement je n'attends pas qu'il réponde à mon invitation et je vide ce verre là comme les précédents, cul sec. valet de mon cœur.. beurk... où j'ai été piocher ça moi ?
Vous allez dire que là, j'aurais pu lui laisser le temps de souffler, de finir de manger, de boire, de réagir à toute cette agitation que je provoque soudain. Mais c'est pas comme si j'avais l'esprit suffisamment frais pour ça hein. Alors je lui colle une tape dans le dos avant de pointer la table plus loin où les gras continuent leur partie de dés. « Je sais que ton truc à toi c'est plutôt les cartes, mais si on allait se joindre à eux ? Tu perdras rien, c'est promis, je serais ton sponsor et ton porte bonheur ! » Un porte bonheur rien qu'à lui, mieux qu'une patte de lapin ! Ce que je ne dis pas, c'est que plus que toute autre chose, ce soir, c'est de compagnie dont j'ai besoin. Alors les dés, les cartes, n'importe quoi, pourvu qu'il ne me laisse pas seul. Je sais qu'il ne me reconsidère plus vraiment comme un ami, si tant est qu'il m’ait jamais vu ainsi, mais il est de loin le visage le plus amical qu eje puisse m'offrir ces derniers temps.
Un petit silence se fait, mais voilà le triton qui le rompt en commandant deux verres de rhum. Il en pose un devant moi et avant même que je ne puisse dire quoi que ce soit il les paye. Portant son verre à ses lèvres il trinque à ma santé. Seulement il y a un mot qu'il prononce qui me fait avaler de travers. Il a bien dit valet de mon cœur…. Il doit être encore plus bourré que je ne le pensais. J'ai comme l'impression que je vais avoir bien plus de facilité que prévu à retrouver ma chevalière. Le problème c'est qu'il ne me laisse pas manger. Il me colle une grande tape dans le dos et me montre une table au fond de la taverne. Un petit groupe d'homme semble y jouer aux dés.
J'arrive pas à y croire. Aëlis me propose de payer à ma place pour jouer. Seulement je n'ai pas envie. Quand bien même je ne perdrais rien, c'est à lui que je devrais de l'argent. Et je lui en doit bien assez comme ça. Et puis je voudrais manger. C'est d'ailleurs ce que je lui dis. « C'est mon premier repas depuis deux jours. Tu veux bien me laisser finir ? » Alors qu'il semblait sur le point de se lever il se fige un instant avant de reprendre sa place correctement. Moi je suis déjà reconcentré sur mon assiette. Je prend mon temps, autant que je peux. Je profite, je ne sais pas quand je pourrais de nouveau manger. Seulement il arrive bien un moment où je n'ai plus rien dedans.
Le triton revient alors à la charge et me propose d'aller jouer. Mais sur le coup je refuse. Je lui explique alors pourquoi. Que je lui dois déjà assez et que je ne veux pas rajouter cela. Sauf qu'il ne me laisse pas continuer mes explications. Il me « rassure » en me disant que je ne lui doit rien du tout. Il insiste encore un peu, me promettant de payer à ma place et me tire un peu pour que je me lève. Résultat des courses je me retrouve à le suivre à travers la salle pour rejoindre la table au fond. Il est fou, il va perdre un max ce soir.
A llons, allons, c’est quoi ces excuses. Son premier repas depuis deux jours ? Je lui aurais presque répliqué que me mentir à moi, moi qui suis passé maitre dans l’art de la manipulation depuis des siècles, c’est peine perdu. Presque ai-je dit. Parce qu’il ne ment pas. Avec ou sans alcool, il est aisé de comprendre que s’il je jette comme ça sur son assiette, c’est parce qu’il n’a pas du manger à sa faim ces derniers temps. Et voilà que je me perds dans mes pensées à essayer d’imaginer comment il a pu tomber si bas, lui le petit gars débrouillards que je pensais invincible. Alors je le laisse manger en paix, me contentant de le contempler. Ouai, j’ai bien dit contempler. Mais là on va pas se voiler la face, c’est le rhum qui parle. Pas qu’il soit pas délicieux à regarder, mais de là à l’idéaliser. Merde, il m’avait manqué ce crétin.
P uis vient le moment où j’en suis réduit à suçoter le rebord d’un verre vide et lui à gratter le gré du fond de l’assiette. Si je ne le connaissais pas si bien je le soupçonnerais de vouloir gagner du temps en espérant que je me lasse et que je le laisse en paix. Seulement, il y a sa chevalière. Il ne lâchera pas l’affaire comme ça. C’est autre chose. Il m’explique qu’il ne veut pas me devoir quoi que ce soit de plus après l’autre fois et moi je coupe court à son délire. « Me devoir ? Tu ne me dois rien du tout ! Je dépense mon or comme bon me semble et ça me fait plaisir de t’en faire profiter. C’est aussi simple que ça. Alors ce soir, je te promets de couvrir toutes tes autres dépenses, jeu, alcool, nourriture si t’as encore faim, filles si ça te dit même… » Ouai filles… je suis prêt à partager ça, tant qu’il me laisse profiter de sa compagnie. Oh je sais.. je suis pathétique… disons que ce soir, je suis plus à ça près.
J e l’incite à se lever et je le guide vers la table où les autres sont toujours à leur partie. « Aller, fait pas l’enfant, prend ce qu’on te donne et amuse toi. » Je sais pas comment je me retiens de lui coller ma main là où son dos ressemble à la lune en guise de ponctuation. « C’est mon fric, j’ai envie de le dépenser mais pas envie de jouer moi-même. Vois ça comme si je t’embauchais pour le faire à ma place si vraiment ça te gène à ce point. » Une fois cette dernière phrase glissée à son oreille, je lui avance une chaise pour qu’il se joigne à la partie et j’en tire une autre pour moi. « Messieurs, vous avez bien de la place pour un autre participants ? » L’un des types nous regarde tour à tour avant d’annoncer la mise de départ. « Les premiers paris sont à quinze pièces d’or, c’est une table pour l’élite vous voyez. » J’arque un sourcil en sortant une petite bourse de cuir de ma poche. Je jette les pièces en question au milieu de la table avant que Nolan ait pu essayer de sauter sur l’occasion pour changer d’avis. « Soit. On commence ? »
O h je me doute de ce qu’il pense. Ces histoires de dettes qu’il pense avoir envers moi sont ridicules. Je ne suis pas du genre radin, mais je ne suis pas non plus du genre à balancer mon pognon à tort et à travers, ou à faire dans le social en aidant les démunis. Alors si j’ai fait une exception pour lui c’est que j’avais mes raisons. Il ne me doit rien, je l’ai fait pour moi autant que pour lui. Pourquoi ? Parce que j’avais pas envie que mon amant occasionnel se fasse casser la tronche par ses créanciers, c’est tout. Et ce soir, si j’ai envie de gaspiller un peu d’or en le faisant jouer… bah riez si vous voulez, mais j’avais envie de compagnie. Même si je sais pertinemment qu’il passera pas la nuit avec moi, j’ai envie de faire durer cette soirée le plus longtemps possible avant qu’il ne m’échappe de nouveau. D’autant que j’ai la tête qui tourne sérieusement, entre l’alcool et son coup de tout à l’heure… alors j’ai comme l’impression que la soirée sera courte quoi qu’il arrive. Et bon sang, qu’est-ce c’est que cette envie niaise de vouloir poser ma tête sur son épaule pour le regarder jouer ?
On arrive à hauteur de la table et le voilà qu'il me force presque à m'asseoir. J'aimerais avoir le temps de profiter que l'un des hommes annonces la mise de départ pour quitter la table, mais il me devance. Il jette les pièces d'or sur la table et moi je fulmine en le voyant gaspiller son argent comme ça. Mais après tout je ne sais pas si j'aurais vraiment pu économiser une telle somme. Ou bien est-ce que je ne l'aurais pas dépensé aussi en jeux plutôt que pour dormir avec un toit sur la tête ou manger ? De toute façon cela ne changera rien. Il semble bien déterminé à me faire jouer ce soir. Peut-être qu'il espère que j'en oublie ma chevalière. Mais ça il peut toujours courir. J'ai pas envie de suivre son plan idiot. Seulement là je n'ai pas le choix. Il a payer pour cette partie. Alors il faut bien que je joue. Le problème avec ce jeu, c'est que tout est basé sur la chance et le hasard. C'est débile au possible. Il ne faut donc pas qu'il s'étonne que je lui fasse perdre son argent.
Bien sûr ça ne loupe pas, je perd des le premier tour. Alors, dès la fin de la partie je me lève en saluant les autres joueurs. Bien sûr j'entraîne le triton de force pour qu'il n'est pas le temps de payer pour une seconde. De toute façon il ne tient presque pas debout. Non en fait, si je ne le soutien pas il s'écroule. Alors je le conduit dans la chambre que j'ai payer pour la nuit et je couche sur le lit. Ma journée sur dock m'a épuisée de toute façon. Il râle, il dit qu'il ne voulait pas quitter la table, qu'il voulait s'amuser encore. Mais il est trop ivre pour quitter le lit et fini par laisser tomber. Il ne tarde pas trop à s'endormir et je sais que je devrais en profiter pour prendre la chevalière et partir, mais j'ai payé cette chambre. D'autant que si je pouvais ne pas dormir dehors une fois de plus ça m'arrangerais. Et puis il est pas si mal ce fauteuil… peut-être un peu trop confortable… ou alors je suis trop fatigué. Toujours est-il que je m'endors à mon tour sans même pouvoir lutter...
J’ai la bouche pâteuse et la gorge sèche quand j’émerge de ce sommeil étrangement lourd où j’avais plongé. Étrange ? Non, pas tant que ça. Je vais pas vous mentir, c’est loin d’être ma première cuite et soyons honnêtes, ça sera certainement pas la dernière. Je m’en souviens pourtant assez bien, de la première je veux dire. Et je me souviens que trop bien de l’homme avec qui je l’avais prise. J'en avais été malade deux jours durant et aussi curieux que ça puisse paraître, il était resté avec moi tout ce temps. Quand on sait comment ça a finit... Rha c'est pas le moment de penser à ce tordu. C'était y a des lustres, il n'est plus mais moi si. Et hier soir, ça n'avait rien en commun. Enfin je crois. La main sur la tempe, j'essaye de remettre les faits dans l'ordre en m'asseyant sur le lit. Un lit, déjà, c'est une bonne chose. Ensuite ma salive a un goût de rhum, ça aussi c'est bon signe, que du bon alcool, rien de louche qui pourrait me rendre malade. Le rhum j'en ai l'habitude depuis le temps. La chambre, je la connais pas, quoi que les murs ressemblent à ceux de l'Aigrefin et y a... Nolan ! Sur un fauteuil à coté du lit. Ça y est j'y suis. C'est lui qui m'a traîné au lit après que je lui ai collé la honte en le forçant à jouer aux dés. Avec mon argent qui plus est si l'alcool m'a pas grillé la mémoire.
Je suis surpris de voir que sa précieuse chevalière est toujours accrochée à sa place, sur l'une des lanières de cuir de mon poignet, et qu'il me reste encore de l'or dans les poches. Quoi qu'il a toujours été honnête ce petit bout d'humain. Je sens un sourire en coin tordre mes lèvres à cette pensée et j'en entends déjà qui se marrent. Ouai, il est trop brave pour moi ce petit gars. Mais j'y peux rien moi s'il me fait perdre mes moyens. Le nombres de fois où je me suis dit que c’était la dernière... et paff.. il lui suffit de recroiser mon chemin pour que je me retrouve à nouveau happé par son aura. Je suis même allé jusqu'à le laisser découvrir ce que je suis. Quel crétin je fais. Mais c’est ma chance. Il veut sa bague ? Il y tient tant que ça ? Soit, j'ai qu'à la lui laisser et foutre le camp. Fermer la porte une bonne fois pour toute et plus m'approcher. La porte.. je me lève, fais quelques pas vers elle, tends la main vers la poignée... merde la chevalière. Si je la lui rends pas il reviendra. Si je m'en débarrasse.. je tire un trait sur ce souvenir là. Cruel dilemme. Vous feriez quoi vous ? Tsss comme si vous alliez répondre. Bah qu'importe...
Assis en tailleur sur le coin du lit, l'estomac encore patraque d'avoir ingurgité tant de rhum la veille, j'entreprends de défaire ce fichu cordon. Faut prendre des décisions dans la vie. Celle là est pas simple mais c'est pour mon propre bien. C'est la seule chose qui a toujours compté, c'est la seule chose qui compte non ? Mon propre bien. Alors pourquoi diable après avoir posé la bague sur la table de chevet, je me surprends à prendre la couverture sur le lit pour la lui poser sur les épaules... y a un truc qui tourne pas rond chez moi. « Tu me rendras fou un jour tu le sais ça, foutu valet de cœur ? » murmure rageur qui m’échappe quand je le recouvre en prenant soin de ne pas le réveiller. Echec total. Je ne sais si ce sont mes mots ou mes gestes qui l'ont tiré du sommeil, mais le voilà qui ouvre les yeux et moi je reste comme paralysé, le regard planté dans ces deux prunelles bleues, happé comme d'habitude... un poisson dans un filet. Et merde...
Je me suis endormi comme une souche et pourtant je n'ai pas bu. Je ne me souviens pas d'avoir rêvé. En même temps qui se souvient de ses rêves ? C'est assez rare. En tout cas j'ouvre les yeux sans problème, c'est que j'ai pas trop mal dormis. Je mets quelques secondes avant d'émerger vraiment. Je suis toujours assis dans ce fauteuil, j'ai pas bougé d'un pouce il me semble. Un vrai sommeil de plomb, en effet. Il y a juste quelque chose qui me surprend. La couverture, je ne l'avais pas sur moi hier soir. Ce n'est qu'à ce moment que je fais attention à ce qu'il se passe dans la chambre. Aëlis se tient devant moi. Sans bouger. Je reste figé moi aussi. C'est vraiment lui qui vient de mettre la couverture sur moi ? Je ne vois que cette explication, mais je suis tout de même surpris. Il aurait pu partir tout simplement, comme la dernière fois. Alors pourquoi il est resté ? Sauf que… Je me redresse un peu sur le fauteuil. « Tu allais partir n'est-ce pas ? » Bien sûr.. pourquoi il serait resté avec moi.
Je me lève alors, prêt à le laisser partir sans un regard pour lui, sans attendre de réponse. Seulement je me bloque. Là, sur la table de chevet se trouve ma chevalière. Il allait partir sans ? Je me retourne vers lui, cherchant à comprendre. Il joue à quoi là ? « Pourquoi ? Pourquoi maintenant tu me la rends ? Je t'ai fais perdre de l'argent… encore. Pourquoi tu allais partir sans ? » Tout en le questionnant je me suis approcher de lui. Suffisamment prêt pour sentir de relent de rhum. Peut-être que l'alcool fait toujours effet, mais j'en doute. Sans un mot de plus je vais prendre la chevalière et l'enfile à mon doigt. « Je… merci, Ael… J'y tiens plus qu'à ma propre vie… alors… merci » Merci ? Sérieusement c'est tout ce que je trouve à dire. Un pauvre merci ? Je me fais pitié. Franchement. Je ne lui laisse pas le temps de réagir et me redresse pour venir me coller dans ses bras, mes lèvres sur les siennes. Nous avons encore la chambre pour quelques heures. Et je suis sûr qu'il ne sera pas contre l'idée que je me fais de la façon dont je pourrais le remercier. Je fais tout de même attention à ne pas trop le brusquer, je ne sais pas vraiment dans quel état il se trouve. On ne sait jamais...
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