Je pousse la porte de l’auberge où j’ai dormi cette nuit, il fait de plus en plus froid, cela ne m’étonnerait qu’à moitié que la neige vienne à tomber prochainement. Je n’ai réussi jusqu’à présent qu’à trouver que des petits boulots de livraison journalière, vendre sur le marché, mais ce n’est pas assez pour me permettre de manger, me loger et acheter ce qu’il me faut pour rebâtir une maison. De plus avec la nuit qui reste, les gens paniquent, ils pensent que nous devenons tous des voleurs potentiels, alors dans de telles conditions, on m’envoie plus sur les roses qu’autre chose. Mais je ne suis pas de ceux qui renoncent, couvrant mes épaules avec ma cape, je m’enfonce dans les ruelles des artisans que pour quémander un travail. Plusieurs heures, j’ai aidé à décharger un navire de pêche pour seulement quelques piécettes de cuivre, je n’irai pas loin avec ça. J’ai même voulu rendre service à un forgeron, mais je me suis fait presque empaler par une épée chauffée au fer blanc. Je ne sais plus s’il est tard ou tôt, tout ce que je sais, c’est que la neige tombe maintenant, adossé à un mur, je souffle sur mes mains pour les réchauffer. La fumée s’échappe d’entre mes lèvres un peu bleutées. Je ne repartirai pas chez Apolline tant que je n’aurai pas de travail, c’est hors de question. Qu’elle me prenne en pitié, que je ne puisse pas subvenir à la nourriture ou à autre chose d’ailleurs, jamais ! Mon visage se redresse pour mirer la danse des flocons dans les ciels, les suivants dans leur lente descente vers le sol où ils restent un moment avant de disparaitre. Il me reste peu dans les poches, ce soir, je vais devoir demander à des amis de m’héberger encore une fois, je déteste être dans cette situation. Non, il faut que je bouge. Je reprends mon chemin pour aller vers les artisans, je demande à l’ébéniste, mais il n’a besoin de personne, je poursuis par le menuisier, mais là aussi…le néant.
Je passe devant le marchand d’armes, le plus réputé de la cité, ici, inutile de demander, je sais que je ne serais pas pris. On dit des tas de choses que le propriétaire et pas que de bonnes choses. Après, je ne pense pas avoir un jour vu son visage ou lui avoir une fois adressé la parole, mais c’est ce qu’on dit. Je bifurque dans la ruelle qui longe la fabrique et je vois un pirate s’acharner sur un homme âgé qui ne peut pas se défendre. « Hey !!!! » Le forban se retourne et je lui fonce dessus, il prend la fuite et j’arrive à le rattraper en lui prenant ce qu’il a volé à l’homme. Il fuit le lâche et je le laisse volontiers prendre ses jambes à son cou. Je retourne auprès du petit vieux que j’aide à se relever, lui tendant ce qu’il lui avait été dérobé. « Vous êtes blessé ? » Il sourit et frappe sa jambe gauche. « Un peu gamin, j’te remercie de m’avoir aidé…il m’aurait sans doute tué ! » Il a du mal à tenir debout et je lui propose de le raccompagner chez lui. Il accepte, mais avant, nous devons allez chez Uriel, le marchand d’armes. Il prend appui sur moi et je le conduis, il est plutôt lourd pour une personne âgée.
Je pousse la porte et un homme de grande stature, roux, l’air menaçant se retourne dans notre direction. Visiblement, les deux hommes se connaissent et le plus jeune vient à sa rencontre pour le faire assoir. L’ancêtre lui raconte ce qu’il vient de se passer et je me désigne comme le bon gars qui l’a aidé. Que cela est rare de nos jours. « Ce n’est rien…beaucoup auraient fait, de même vous savez… » Il bouge sa main dans tous les sens, prétextant que je me trompe, le monde est devenu fou avec tout ce qui arrive en ce moment. Le propriétaire se tourne vers moi, je l’avoue, il est intimidant et pourtant, j’ai affronté des hommes plus rudes et plus coriaces, mais lui, il a une prestance impressionnante. Le petit vieux me demande mon nom. « Erim, Monsieur. Erim Moorehead… » Il me demande où j’allais comme ça. Je suis un peu gêné de le dire, je ne suis pas de ceux qui ne font rien de leurs journées en temps normal. « Je cherchais du travail, un vrai travail, celui qui me permettra de reconstruire ma maison, monsieur » Le silence envahie l’espace avant que l’ancêtre ne lance à son ami le marchand qu’il pourrait me trouver un boulot. Les yeux pleins d’espoir je redresse mon visage vers le sien.