Lorsqu’il vient dans ma direction, je ne recule pas. Il pense que je ne peux pas assumer ce bébé, mais ce n’est pas cela dont je parle. Je le peux au contraire, c’est juste que…mon cœur se serre au fond de moi, sans que rien ne paraisse sur les traits de ce visage que je veux impassible. J’évite soigneusement son regard qui donne bien trop d’élan à mes sentiments naissant. « Ses chances ? Parce que tu crois pense que c’est une bonne chose que ton enfant un jour soit plus âgé que toi ? Penses-tu que j’arriverai à le voir mourir un jour ? » Je viens délicatement prendre le poignet de cet homme pour qui je pourrais avoir des sentiments plus forts, mais que je refuse en masse pour des raisons louables me concernant, je finis par mettre sa paume sur ce ventre qui s’était bien arrondi depuis la dernière fois que nos corps s’étaient amadoués. « C’est un cadeau, un magnifique cadeau qui te rendra cette âme que tu as perdue, il y a si longtemps et dont tu souffres… » Nul besoin de mots pour savoir qu’il a perdu au moins un être cher dans sa vie, ce regard lointain et qui nous a rapproché ce jour là. « Cahan…tu seras un merveilleux père, mais crois-moi sur parole si je te dis que je suis incapable de m’occuper de lui. Je suis bien plus fragile que je ne le montre, je suis comme une épée émoussée qui a trop servie à la guerre, encore un coup sur ma fragile lame et je me brise en un millier de morceaux. Lui, comme toi…vous n’êtes pas mon salut…même avec tout le bonheur que cela peut apporter, c’est ma mort qui se trouve à l’extrémité de vos vies… » La chaleur de sa main ne quitte pas mon ventre, son seul regard me donne mal, si je pouvais je me laisserais aller à ce doux songe, oui, il pourrait me plaire de vivre cette vie que je n’ai jamais eue, mais à quel prix ? Suis-je trop égoïste ? Sa bouche s’entrouvre pour parler et sans plus attendre, je viens écraser mes lèvres contre les siennes, ma paume maintenant sa nuque pour qu’il ne recule pas à cette étreinte qu’il ne veuille ou non, cet enfant devra faire partie de sa vie sans ma présence.
Tout en lui donnant le temps de penser à la signification de ce baiser, je sors de ma poche la fiole que j’ai achetée aux fées, j’en glisse une poignée dans le creux de ma paume avant de reculer pour souffler sur le visage du bourreau. La poussière arc-en-ciel se repend sur son visage étonné avant que ses paupières ne se closent. Cette poudre du sommeil est efficace, mais son temps parait-il est court, je n’ai que peu de temps. Je retiens sa chute, observant ses traits et caressant son visage comme si c’était la dernière fois que je voyais. « Pardonne-moi…Je suis désolée, cela n’aurait pas dû se passer ainsi… » Après m’être assurée qu’il ne risquait rien pour le laps de temps où il dormirait, je quitte les lieux et la ville pour retourner dans les profondeurs de mon océan, attendant le moment où mon enfant viendra au monde pour savoir ce qu’il adviendra de l’enfant de Cahan.