Une nouvelle journée qui commence, c’est une nouvelle aventure qui cogne à notre porte! Cette simple petite phrase, je l’adorais! Premièrement, parce qu’elle représentait bien ma vision de la vie et deuxièmement, parce que le simple fait d’y penser m’apportait un peu de joie, sans trop que je ne sache pourquoi. En fait, j’avais l’impression qu’elle était associée à un souvenir, mais je n’arrivais pas à m’en rappeler et, croyez-moi, j’avais passé bien du temps à me creuser la tête afin d’en trouver l’origine, mais j’avais fini par abandonner. Je me contentais de la conserver précieusement dans ma mémoire, alors je la prononçais chaque matin au moment même où je me réveillais. C’était devenu un réflex aussi naturel que de respirer pour moi et aujourd’hui, alors que je marchais dans la forêt sans but particulier, je ne cessais de penser à cette phrase qui me fascinait par sa justesse et son origine mystérieuse. En fait, ces temps-ci elle était parfaitement véridique dans mon cas puisque, chaque matin depuis quelques jours, je m’étais levée et j’étais tout de suite partie sans prévenir personne et j’avais vécu des aventures géniales. Je m’étais donc vachement amusée et je ne regrettais absolument rien! Premièrement, il y avait eu cette promenade nocturne avec le Pipeau, ensuite cette marche solitaire jusqu’à un ruisseau dans lequel j’avais pu observer une biche s’abreuver et, la dernière en liste, celle où j’avais rencontré cette gentille couturière à Blindman’s Bluff! Elle avait accepté de réparer ma cape, ce que j’avais grandement apprécié. D’ailleurs, pour la remercier, je m’étais dit que je pourrais lui apporter un petit cadeau un jour. Seulement, je ne savais pas trop quoi lui offrir, alors j’avais décidé d’aller rendre visite aux indiens qui avaient la réputation de fabriquer de magnifiques objets et j’étais certaine qu’un cadeau de ce genre ferait plaisir à la jolie Gaïna!

J’avais donc amené de quoi faire du troc et je me dirigeais vers leur village, lorsque j’entendis un bruit. Sur mes gardes, je figeai sur place. Vu les changements qu’il y avait eu récemment sur l’île, il pouvait s’agir de n’importe quoi. Un pirate idiot perdu dans la forêt, une bête féroce prête à me dévorer, un autre enfant perdu, un indien ou, tout simplement, le bruissement des feuilles provoqué par le vent. Néanmoins, je tenais à rester prudente malgré mon tempérament plutôt impulsif. Après tout, si je voulais vivre encore plus d’aventures, je devais rester en vie, non? Je bougeai donc prudemment et lentement pendant que j’inspectais le paysage qui m’entourait, tout en tendant l’oreille, au cas où un autre bruit se ferait entendre. Finalement, après une longue minute, je finis par jeter un coup d’œil au sol où je découvre une série d’empreintes appartenant sans aucun doute à un adulte vu la taille de celles-ci et très probablement à un indien vu la partie de la forêt dans laquelle je me trouvais. Curieuse, je décidai de les suivre afin de découvrir à qui elles appartenaient. Au départ, j’avançais de manière prudente, tentant de rester le plus silencieuse possible, mais après un moment, je ne tenais plus en place et j’avais besoin de bouger. J’avançai donc de plus en plus rapidement, suivant toujours les empreintes de pas. Finalement, après quelques minutes, je me retrouvai à l’orée d’une clairière et je n’étais pas seule. Une indienne plutôt jolie se trouvait à quelques mètres de moi. Elle regardait dans ma direction, mais je ne savais pas si elle m’avait vu, puisque, techniquement, j’étais encore à moitié camouflée par les feuilles d’arbre. Je continuai donc de l’observer un moment avant de me décider à me révéler. Seulement, en voulant faire un pas, je trébuchai dans une racine et je tombai au sol, sous les yeux de l’indienne.

Connaissez-vous l'expression « se lever du pied gauche » ? En principe, c'est plutôt quelque chose d'occasionnel mais Neela, elle, avait apparemment décidé de se lever tous les jours de ce pied. A peine réveillée, que la voilà déjà ronchon. Elle était sorti de son habitation telle une furie pour hurler sur un couple d'adolescents en train de roucouler non loin de là. Comme s'ils ne pouvaient pas aller plus loin pour ça, sérieusement... Non pas que l'indienne n'était pas du genre matinale, au contraire même, mais la chasse de la veille s'était avérée plus compliquée que d'habitude et l'avait un peu épuisée et vidée de son énergie. Alors évidemment, elle aurait préféré ne pas être réveillée par des bruits de bisous dégoulinants qui lui donnaient envie de vomir et des rires niais tout aussi incessants qu'insupportables. Rien de mieux pour commencer la journée, n'est-ce pas ! En tout cas, son intervention eut l'air efficace puisque les deux tourtereaux avaient vite déguerpi, pour le plus grand plaisir de la jeune femme. Soulagée, et espérant un peu pouvoir se recoucher pour un court instant, elle retourna à l'intérieur, et y découvrit sa mère encore plus pâle qu'à l'ordinaire. Ce qui n'est pas franchement bon signe quand on est une « peau rouge ». Elle savait bien que sa mère était malade depuis un moment et qu'elle recevait des soins, mais elle ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter. D'autant plus qu'elle avait l'air encore moins dans son assiette qu'à l'ordinaire. Pour le coup, Neela n'avait plus du tout envie de se reposer, seulement d'aider sa mère. Cette dernière se plaignait de nausées et par chance, sa fille connaissait la plante qui, théoriquement, saurait l'apaiser. Elle n'était pas sûre de savoir la reconnaître dans la forêt et d'autres étaient sans doute plus qualifiée qu'elle pour cette tâche, mais elle commençait à être sérieusement agacée de rester là les bras ballants. Tant pis, la chasse attendrait pour aujourd'hui. Par habitude, et aussi au cas ou, elle attrapa son arc -son plus fidèle compagnon-, et partit pour rejoindre la forêt sans plus attendre, pressée de pouvoir aider sa mère mais aussi de se retrouver au milieu des arbres, là où elle se sentait vraiment libre et à sa place.

Comme elle connaissait la forêt aussi bien que sa poche et était toujours particulièrement attentive au moindre petit détail, la recherche de la plante en question s'avéra un peu moins compliquée qu'elle n'aurait pu l'être. Elle dû tout de même s'éloigner quelque peu du campement des Unami avant de pouvoir mettre la main dessus. Une fois chose faite, elle s'empressa d'y retourner. Elle n'avait aucune raison de traîner à présent, surtout que sa mère avait besoin d'elle. Les guérisseurs de la tribu s'en étaient sans doute déjà occupé mais elle espérait toujours que, cette fois-ci, elle se débrouillerait seule. Même si la seule chose qui importait vraiment était que sa mère aille bien, de toute façon. Ça occupait tellement son esprit qu'elle n'avait entendu aucun des mouvements de la jeune fille qui la suivait, alors qu'habituellement elle aurait presque été capable de deviner une feuille tomber d'un arbre. Enfin, elle l'entendait sans doute, mais son esprit avait l'air d'avoir totalement décidé de l'ignorer. Ce n'est qu'une fois hors de la forêt qu'elle l'entendit vraiment et qu'elle ne put plus vraiment se résoudre à faire semblant. Elle se retourna vers le bruit qu'elle avait détecté et scruta le buisson qui semblait en être l'auteur. Mais pas très longtemps, en fait, puisque le véritable auteur, ou plutôt la, venait de tomber devant elle. Elle hésita un instant quand à l'attitude à adopter, mais elle semblait assez… Inoffensive. Elle était minuscule même, et ne lui voulait sans doute aucun mal. Du coup, l'indienne adopta une attitude un peu moins sur la défensive qu'à l'ordinaire, même s'il fallait avouer qu'elle n'avait pas forcément l'air des plus sympathiques pour autant. Après tout, ça faisait déjà deux fois aujourd'hui qu'elle était dérangée par des plus jeunes qu'elle, et elle avait mieux à faire. Pourtant une partie d'elle était assez contente de tomber sur une personne qui ne faisait pas partie de sa tribu pour une fois, même si ça ne se voyait pas forcément.C'est la raison pour laquelle elle lui tendit la main pour l'aider à se relever, non sans soupirer toutefois. Elle avait prit du temps à ériger ces remparts autour d'elle, elle ne pouvait pas prendre la risque d'avoir l'air gentille. « Qu'est-ce que tu me veux ? Et qu'est-ce que tu fais ici ? » Elle avait posé ces deux questions en même temps qu'elle lui avait tendu la main, histoire de lui faire comprendre peut être qu'elle n'avait pas envie de faire amie-amie avec elle. Avec le temps, elle avait compris que c'était quelque chose qu'il fallait mieux vite faire comprendre à ceux de cet âge-là.

En tombant dans la clairière, je ne pus m’empêcher de me blâmer pour ma maladresse, car j’avais ainsi gâché tous mes efforts pour me faire discrète et, si jamais la personne que je suivais avait représenté une menace pour moi, j’aurais été dans de beaux draps! Mais, heureusement pour moi, la dame que j’aperçu en relevant la tête, celle que j’avais suivie pendant un moment dans la forêt, ne semblait pas dangereuse. Elle n’avait pas l’air inoffensive pour autant et j’étais pratiquement certaine qu’elle n’hésiterait pas à se défendre si elle se sentait menacée, mais j’avais l’impression qu’elle ne me ferait rien tant que je ne lui ferais rien. Je me sentais donc rassurée, puisque je ne semblais pas être en danger face à cette jolie brune, qui devait être une indienne, vu la couleur de sa peau et de ses cheveux. Seulement, une chose m’inquiétait encore. Son visage était marqué par l’hésitation, signe qu’elle ne savait pas trop quoi faire ou comment agir. Peut-être hésitait-elle à se débarrasser de moi? Ou peut-être hésitait-elle à prendre ses jambes à son coup? Je devais avouer que la deuxième option était plutôt tentante, mais j’étais beaucoup trop curieuse pour rebrousser chemin, alors je restai au sol, à attendre la suite des événements.


Finalement, après quelques secondes à peine, la jeune indienne, sembla se détendre un peu, ce qui m’aida à faire de même. Par contre, elle conserva son expression bête, son visage dénué de tout sourire qui me laissait croire qu’elle venait du village Unami et non pas de celui des Picaninny. Mais, heureusement pour moi, elle n’était pas aussi méfiante que le reste de son peuple face aux inconnus, puisqu’elle s’approcha de moi quelques secondes plus tard, allant même jusqu’à me tendre la main pour m’aider à me relever. Ce simple geste aurait tendance à indiquer que la dame était sympathique, mais le soupire qui l’accompagne me poussa à penser qu’elle ne me proposait son aide que par politesse ou encore, pour ne pas avoir de cas de conscience par après. Néanmoins, j’allais m’emparer de la main qu’elle me tendait par politesse, car je pouvais très bien me relever par moi-même. Je n’avais besoin de l’aide de personne, mais j’étais prête à faire changement pour une fois, jusqu’à ce que l’indienne prenne la parole pour me poser deux questions sur un ton que je n’aimai pas du tout. « Qu'est-ce que tu me veux ? Et qu'est-ce que tu fais ici ? » Demanda-t-elle en même temps de me tendre la main.


Je refusai la main qu’elle me tendit, puis je me relevai d’un bon avant de me planter solidement sur mes deux pieds pour avoir l’air plus courageuse. « Moi? Mais je veux rien moi! Enfin, je te demande rien, à part si tu sais jouer au ballon-ciel. Si tu me dis que tu sais jouer, ça se peut très bien que je te demande de jouer avec moi! Mais sinon, je veux rien du tout. Je me promenais, quand je suis tombée sur toi et comme je suis très curieuse, je t’ai suivi, c’est tout. »Réalisant à quel point je parlais trop, je me tus de peur d’ennuyer la jeune indienne. Je savais bien qu’elle ne voulait rien savoir de moi, ça se voyait par son attitude, mais je refusais d’abandonner pour autant, car je m’étais donnée comme défi de faire sourire cette dame. Et je n’abandonnerais pas, peu importe son attitude. « Je m’appelle Sawyer! Sawyer tout court, je n’ai pas de nom de famille comme vous, les adultes. De toute façon, c’est ennuyant et beaucoup trop long à dire. Mais si tu veux, tu peux juste m’appeler Gamine. Je le prendrai pas personnel. Toi, tu t’appelle comment? » Demandai-je à mon tour en souriant.