Accoudé au bar, son regard se perd dans le néant. Dans sa tête, les images défilent et il n’en peut plus. Il y a maintenant quelques jours qu’il a croisé cette jeune femme ressemblant traits pour traits à Aifric et depuis, il est submergé par les souvenirs. Lui pourtant inébranlable est rongé par la douleur. Lorsque ses yeux se sont posés sur ce visage angélique, il a eu l’impression de recevoir un coup de poignard en plein cœur. Il a secoué la tête, Cahan, il a fermé les yeux, les a rouverts, il les a refermés de nouveau et pourtant, elle était toujours là, belle et fragile. Pendant l’espace d’un instant, il a cru à un mirage, mais très vite, il a compris que cette beauté était réelle. La jolie blonde ressemblait énormément à sa défunte femme, mais bien vite il a su remarquer les différences. Pris d’un vertige, Cahan a rebroussé chemin, mais depuis ce jour, il pense sans cesse à cette jeune étrangère et à sa douce. Il aimerait pouvoir chasser la douleur, mais elle est là, présente et elle le gruge. Il n’y a que l’alcool pour l’apaiser, que la bière pour calmer la souffrance qui l’envahi.
La serveuse dépose une nouvelle chope de bière devant lui et le fait sortir de ses sombres pensées. Il la remercie d’un léger mouvement de tête et prend une longue gorgée, avant de regarder derrière lui et faire courir ses yeux sur les gens présents dans la taverne. Une longue chevelure rousse attire son attention et son regard se pose sur ce visage parfait et parsemé de tâches de rousseurs. Ephyra, quelle jolie créature aux traits toujours juvéniles, malgré son âge adulte. En plus d’être très belle, elle possède un corps qui l’est tout autant et des qualités très intéressantes au lit. Cahan, il l’observe durant quelques instants. La belle créature est accompagnée par un pirate et elle semble trouver le temps extrêmement long et le pire dans cette histoire, c’est que le dit pirate ne semble se rendre compte de rien. Cahan, il commande une nouvelle bière et lorsque la serveuse lui apporte, il se lève et se dirige vers la rouquine.
Cahan, il tire la chaise voisine à celle d’Ephyra et s’y assoit, déposant la bière devant elle. « Peut-être que ça sera moins pénible avec une bière dans le corps. » Son regard rivé sur la jeune femme, il étire une fraction de sourire. Bien sûr, il fait référence à l’ennuie qu’elle semble éprouver face au pirate. Parfois, les choses sont beaucoup moins ennuyantes sous l’effet de l’alcool, il le sait lui-même. Cahan, il ne porte aucunement attention à l’homme qui se trouve à la même table que lui, à vrai dire, il se fiche complètement de sa présence. Ephyra capte toute son attention, peut-être arrivera-t-elle à le faire penser à autre chose qu’à sa femme et qu’à la belle blonde qu’il a croisée, quelques jours auparavant. Il connait la jolie rousse ou plutôt, il connait son corps plus qu’autre chose, mais sa présence n’est pas désagréable, même quand ils ne sont pas sous les couvertures. Elle n’a rien à voir avec celles qui ne font que parler, celles qui ne cherchent qu’à se rapprocher de lui par tous les moyens. Elle n’est pas envahissante et il l’apprécie pour ça. En ce moment, il a besoin de compagnie, être seul lui pèse, même si c’est lui qui a décidé de cette vie. Il est nul pour faire la discussion, Ephyra ne semble guère plus jaseuse que lui, mais qu’importe, il a besoin de sentir une présence près de lui, pas de discuter sans s’arrêter.
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Cahan Vahey & Ephyra Mïotysee
Ephyra s'ennuie. Ses ongles tapotent avec agacement la table tandis que ses yeux scrutent la taverne, impassible. Elle s'agace, laisse son regard se perdre un instant parmi les clients. Autour d'elle, l'alcool délit les langues, allègent les mœurs, le tout au milieu de rires et de haussements de ton, pourtant, jamais elle n'avait trouvé une soirée aussi… morte. La sirène soupir et alors qu'elle rumine sa lassitude, ses prunelles se reposent immanquablement sur Arthur. En voilà un qui n'a pas l'air de trouver le temps long. Assis face à elle, visiblement trop heureux d'avoir un peu de compagnie féminine ce soir, il parle. Ses lèvres s'agitent dans un éternel mouvement sans qu'aucune de ses paroles ne viennent trouver grâce aux oreilles d'Ephyra. Celle-ci a cessé d'y prêter attention depuis un moment déjà. Les bavardages insignifiants de ce marin ne l'intéressent pas. À vrai dire, rien chez cet homme ne suscite le moindre intérêt en elle. Une copie parmi tant d'autres de jeunes pirates, encore grisés par leur première expérience en mer et dont les anecdotes manquent cruellement d'originalité. Et pourtant, Ephyra, désormais accoudé, sa tête reposant mollement sur sa main droite, continue de l'écouter en affichant un sourire insolent. Depuis combien de temps est-elle ici ? Une heure ? Non seulement vingt minutes. Cet Arthur a au moins le mérite de soulever d'intéressantes réflexions sur la relativité du temps. C'est bien la seule chose digne d'intérêt qu'elle lui trouve. Ça, et sa fascinante faculté à s'enfoncer sans même s'en apercevoir. La jeune sirène ne se gène néanmoins pas pour tenter de lui faire savoir.
Le rythme de ses ongles sur la table s'accélère. Elle hésite. Le laisse t-elle baigner dans l'illusion naïve qu'il lui plaît, ou abrège-t-elle sa soirée en brisant lentement la maigre assurance qu'il s'est construite ? Le voir chercher ses mots et bafouiller sera certainement plus divertissant que de se laisser pourrir sur ce siège. Mais déjà, le forban jette des regards surpris à la sirène. À sa droite, une chaise grince. Contre toute attente, un homme vient de s'y asseoir, un homme dont le visage ne lui est pas étranger. Cahan. « Peut-être que ça sera moins pénible avec une bière dans le corps. » Elle l'observe, à la fois amusée et perplexe. Guidé par un désir charnel, il n'est pas rare que leurs chemins se croisent et les mènent directement sous les couvertures. De Cahan, Ephyra est forcé de constater qu'elle ne connaît que sa réputation et son coup de bassin. Comme elle, lui n'est pas du genre loquace. Peut-être apprécie-t-elle aussi sa compagnie pour ça, en plus de ses talents d'amants. Le voir ici, seul et aussi avenant la surprend. Voilà qui va la sauver du profond ennuie dans lequel elle est plongée depuis une éternité. « Au point où j'en suis, rien ne pourrait être plus assommant. »
« De la bière ? Je… je croyais que tu ne buvais pas. » Un sourire arrogant se dessine sur ses lèvres. Voilà Arthur qui sent que la situation lui échappe. Oui, elle ne boit pas, c'est bien ce qu'elle lui a précisé lorsqu'ils se sont installés à cette table. L'alcool, elle n'y avait encore jamais touché. Observer les humains se détruire à petit feu avec ces breuvages avait suffi à la convaincre de ne pas laisser son corps entrer en contact avec quelques choses d'aussi impur, d'aussi… humain. Mais, poussé par la lassitude, la curiosité et le défi, la sirène empoigne sa chope. « Tu ferais mieux de boire la tienne, si c'est le seul moyen pour te faire taire. » Sur ses mots, elle porte le verre à ses lèvres, laisse le goût de la bière assaillir ses sens dans une grimace. « Alors c'est pour ce genre de boisson que les hommes se mettent dans tous leurs états ?» Elle rit, observe curieusement le contenu de son verre avant de prendre une seconde gorgée. « Ça vaut peut-être le coup. » Sans plus se soucier du pirate, Ephyra se tourne vers Cahan. « Vous aussi vous avez fini par venir vous perdre ici, faute d'avoir mieux à faire ? »
« Au point où j'en suis, rien ne pourrait être plus assommant. » Le celte étire un semblant de sourire devant ses paroles, avant de prendre une longue gorgée de sa propre bière. Cette belle rouquine ne lui déplait pas du tout, elle est un bon coup et elle sait se taire, deux qualités qu'il apprécie particulièrement chez une femme. Cahan, il entrouvre les lèvres pour parler, mais une voix masculine l'interromp et ses iris se posent cette fois sur l'homme en question, le dévisageant. « De la bière ? Je… je croyais que tu ne buvais pas. » Ses yeux glissent sur le visage d'Ephyra qui étire un sourire arrogant, saisissant la chope posée devant elle. « Tu ferais mieux de boire la tienne, si c'est le seul moyen pour te faire taire. » Sur ces mots, elle en boit une gorgée, non sans grimacer par la suite, ce qui éveille à nouveau le semblant de sourire de Cahan. Il n'est pas rare de voir une femme grimacer la première fois, ni la fois suivante d'ailleurs. Heureusement il s'en est tenu à la bière, alors qu'il aurait pu déposer du rhum devant elle ou du whisky. « Alors c'est pour ce genre de boisson que les hommes se mettent dans tous leurs états ?» Il hoche légèrement de la tête, ne la quittant pas des yeux et ne se souciant guère davantage de l'autre homme. « Ça vaut peut-être le coup. » La belle rousse se tourne entièrement vers le bourreau, faisant maintenant dos au pirate qui doit en vouloir à Cahan pour sa présence à la table. Quelle importance ? Cahan, il s'impose quand ça lui chante, il n'attend pas qu'on lui donne la permission.
« Vous aussi vous avez fini par venir vous perdre ici, faute d'avoir mieux à faire ? » Il hoche à nouveau la tête. Parfois, il n'y a rien de mieux à faire à cet heure. Cahan, il n'a pas de femme, pas d'enfant et parfois la solitude lui pèse, surtout quand son esprit est hanté par le fantôme d'Aifric. Il n'est pas du genre à noyer sa peine dans l'alcool, parce qu'il a ce besoin de garder le contrôle, mais il aime prendre quelques verres pour chasser l'ennuie ou les mauvais souvenirs. « J'ai hésité entre ça et me prendre, mais je me suis dit qu'il serait préférable de venir ici. » Il hausse légèrement les épaules, prenant une nouvelle gorgée. De l'humour ? Ça lui arrive quelques fois, toujours dans le sarcasme ou dans l'humour morbide. « Du moins, je devais venir boire une bière ou deux avant. » Il étire à nouveau un esquisse de sourire, plongeant ses yeux clairs dans ceux d'Ephyra. Il lui faut un minimum d'alcool dans le sang pour parler autant, lui qui n'est pas bavard du tout, même s'il l'était il y a plus d'une dizaine d'années.
« Et toi, tu n'avais rien de mieux à faire qu'écouter un pirate trop bavard parler ? Tu n'aime pas profiter de ta jeunesse, c'est ça ? » Quel âge a-t-elle ? Une vingtaine d'années à peine ? N'a-t-elle rien de mieux à faire que passer sa soirée à la taverne en compagnie d'un jeune pirate qui bafouille ? Après tout, elle est une très jolie jeune femme et nombreux doivent être les hommes à ses pieds, alors pourquoi attendre qu'on vienne la sortir de l'ennuie, de la lassitude ? Il ne sait pas Cahan et ça l'intrigue. Son regard se perd sur le visage de la rousse, sur ses traits juvéniles, mais attirants. Elle respire la jeunesse, la beauté, la fragilité, mais il sait qu'elle n'est pas aussi fragile qu'elle le parait.
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Cahan Vahey & Ephyra Mïotysee
L'alcool lui brule la gorge, déforme ses lèvres en un rictus dégouté, pourtant la sirène, dans un élan de témérité et d'insolence, avale sa seconde gorgée sans prêter un seul regard au pirate assis en face d'elle. Celui-ci peut bien continuer à la fixer, incrédule, ou passer son chemin, peu lui importe. Ephyra prend un malin plaisir à l'ignorer et à braver les interdits qu'elle s'est elle-même fixés. Par défi, la jeune femme oublie le mépris que lui inspire habituellement ce genre de comportement et de boisson, elle se laisse guider par la curiosité, sans réfléchir aux conséquences. Après tout, elle n'a rien de mieux à faire. Et de toute évidence, Cahan non plus. Sa remarque lui arracha un rire. Se passer la corde autour du cou, sauter le pas pour s'échapper d'un monde devenu insupportable… Ses paroles ont beau sonner avec un ton d'ironie aux oreilles de la sirène, c'est quelque chose qu'elle peut concevoir, Ephyra. Quelque chose qui lui a même déjà traversé l'esprit. Aussi étrange et malsain que cela puisse paraître, la jeune femme n'a jamais pu imaginer sa mort autrement que provoquée de manière intentionnelle et réfléchie par elle-même. Une lame à la main, baignant dans son propre sang, le corps à jamais préservé de la vieillesse. Voilà la dernière image qu'elle s'imagine laisser avant de quitter ce monde. « Se pendre après une buverie, j'avoue ne pas être contre l'idée. On pourrait partager les frais pour s'acheter une corde. » Elle sourit, porte une nouvelle fois la chope jusqu'à ses lèvres.
Déjà, Ephyra sens la boisson lui monter à la tête. Elle qui n'est pas d'une nature bavarde, sent sa langue se délier, ses lèvres s'étirer dans un sourire et ce malgré elle. « Et toi, tu n'avais rien de mieux à faire qu'écouter un pirate trop bavard parler ? Tu n'aimes pas profiter de ta jeunesse, c'est ça ? » Le regard de la sirène glisse discrètement vers Arthur, toujours planté là. Peut-être espère-t-il toujours reprendre le dessus sur cette situation qui lui échappe. Elle soupire avant de se retourner vers Cahan. « Il semblerait que non… Ici ou ailleurs, ce n'est pas comme s'il y avait grand-chose à faire, une fois qu'on a fait le tour des tavernes et des boutiques. Alors j'essaye de profiter de ma jeunesse autrement. » La sirène pose son verre désormais vide sur la table, avant d'interpeller une serveuse passant par là pour lui demander une seconde tournée. À cet instant précis, profiter de l'instant en s'oubliant dans l'alcool lui semble être une expérience digne d'être vécu. Mais ses pensées sont d'ores et déjà polluées par la bière. Son corps, peu habitué à ces boissons humaines, ne fait preuve d'aucune résistance : et la sirène se laisse transporter par cette nouvelle euphorie en riant.
« Et puis, à quoi bon, tout ce que je fais m’ennuie. Cette ville n’a aucun intérêt une fois qu’on en a fait le tour. Je pourrai étendre ce jugement à l’île entière, mais j’avoue ne pas encore avoir eu le cran de me rendre à One Eyed-Willy. » Déclare-t-elle d’un ton neutre en haussant les épaules. Cependant, Ephyra ne se leurre pas. La cité des pirates, avec ses relents de carcasse dépravés, doit certainement valoir beaucoup moins que cette misérable ville de Blindman Bluff. Mais la sirène aime se laisser le bénéfice du doute, qui sait, peut-être que One Eyes-Willy pourrait lui réserver quelques surprises, si elle s’y aventure un jour. « Je suis condamnée à pourrir ici. » La jeune femme laisse un rire s’échapper. Face à elle, une serveuse vient de poser un plateau de trois chopes. « À la vôtre ! » Sans plus de cérémonie, elle en saisie une qu’elle lève à l’intention de Cahan et du malheureux Arthur. « Mais dit moi, qu’est-ce qui te rend si bavards ce soir ? Ne me fais pas croire que c’est que l’alcool, tu n'as pas l’air d’être du genre à s’écrouler après deux chopes. » Ephy se laisse aller sans difficulté à des familiarités, elle qui sait se montrer pourtant si distante et désintéresser, se contentant des pures formalités sociales en compagnie de Cahan. Seulement, l’hybride se sent de plus en plus rongé par la curiosité. Il l’intrigue, cet homme si mystérieux.
La rousse laisse échapper un rire sous les paroles du bourreau. « Se pendre après une beuverie, j'avoue ne pas contre l'idée. On pourrait partager les frais pour s'acheter une corde. » Elle lui sourit, avant de boire une nouvelle gorgée de bière. Cahan, il l'observe, la détaille, un semblant de sourire sur les lèvres. Par le passé, il a déjà pensé à s'enlever la vie. À l'époque, il avait perdu sa femme et par la même occasion l'enfant qu'il attendait avec impatience. Il était encore jeune, fraichement marié et la découverte du corps inanimé et sans vie de sa femme l'a bouleversé à tout jamais. Il n'a jamais su tolérer sa disparition, croyant que sans elle, la vie ne valait pas la peine d'être vécue. Mais quelque chose à su le faire tenir bon, une pensée, un désir l'a empêcher de sombrer : la vengeance. C'est ce qui l'a tenu animé, Cahan. Le désir de voir ce meurtrier souffrir, le désir de le voir enfin sans vie, après de longs et terribles jours de souffrances. C'est la seule et unique chose qui a empêchée Cahan de commettre l'irréparable. Il aurait pu en finir avec ses jours par la suite, mais il a fini par puiser la force de vivre sans elle, malgré la douleur qui continue de lui serrer le coeur à chaque instant de sa vie. Il a su trouver le courage de vivre sans elle, tout en ne l'oubliant jamais. Aujourd'hui, c'est la mort de sa femme qui a forgée l'homme qu'il est.
Ephyra, elle semble passer une soirée toute aussi banale que la sienne. « Il semblerait que non… Ici ou ailleurs, ce n'est pas comme s'il y avait grand-chose à faire, une fois qu'on a fait le tour des tavernes et des boutiques. Alors j'essaye de profiter de ma jeunesse autrement. » Il l'observe toujours, alors qu'elle interpelle une serveuse et lui demande de leur servir à boire. La belle rousse n'a bu qu'une seule bière et déjà l'alcool semble lui monter à la tête, ce qui arrache un sourire à l'homme. Décidément, la bière la fait parler, depuis qu'il l'a rencontrée, c'est la première fois qu'elle parle autant. Il sent que le reste de la soirée pourrait être intéressante, en compagnie de cette jeune femme qui n'a pas l'habitude de boire.
« Et puis, à quoi bon, tout ce que je fais m’ennuie. Cette ville n’a aucun intérêt une fois qu’on en a fait le tour. Je pourrai étendre ce jugement à l’île entière, mais j’avoue ne pas encore avoir eu le cran de me rendre à One Eyed-Willy. » Elle hausse les épaules et il ne cesse de l'observer. « Je suis condamnée à pourrir ici. » Tant de lassitude pour une femme de cet âge. D'un côté, elle lui rappelle lui-même, alors qu'il avait une vingtaine d'années. Il était déjà las de la vie et pour cause, Aifric, sa bien-aimée. Cahan, il se demande alors si la jolie rousse a une raison semblable pour montrer tant de lassitude. Il se demande si elle aussi est passée par de douloureuses épreuves ou si elle n'a tout simplement pas vraiment de joie de vivre en elle. Il ne parle pas, ne bronche pas, se contente de la regarder en silence. C'est alors que la serveuse dépose trois chopes de bière sur la table.
« À la vôtre ! » Elle lève son verre et Cahan fait de même, étirant une esquisse de sourire. « Mais dit moi, qu’est-ce qui te rend si bavards ce soir ? Ne me fais pas croire que c’est que l’alcool, tu n'as pas l’air d’être du genre à s’écrouler après deux chopes. » Cahan, il ravale un rire, l'observant avec un sourire. Ce soir, c'est elle la bavarde et non lui, quoi que déjà, il a prononcé plus de mots en une seule soirée que depuis leur rencontre. Il prend une longue gorgée de bière, avant de redéposer sa chope devant lui. « Alors, c'est moi le bavard ? » Il fronce légèrement les sourcils, sans détourner les yeux. « Sincèrement, je n'en sais rien. Le besoin d'entendre autre chose que mon monologue interne. Ou un truc de ce genre. » Il hausse les épaules, reprenant une nouvelle gorgée. La conversation et lui sont deux choses extrêmement différentes. Il parle peu et d'ailleurs, il n'aime pas vraiment parler. Cependant, il ressent parfois le besoin de briser la solitude et de se sentir normal, humain. Ce soir, il a vu une occasion de chasser le visage de sa défunte femme de sa tête et parler semble l'aider. La belle rousse le distrait, sans user de son charme, de son corps. L'alcool aide, elle lui délie la langue, mais il est bien loin d'être saoul. Cahan, il lui faut beaucoup plus de bière et il déteste se retrouver dans un état d'ivresse. « On fini par en avoir assez de s'entendre penser. » Cahan, il est un homme orgueilleux, mais également très franc. S'il lui parle, c'est qu'il en a envie, c'est qu'il en ressent le besoin.
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Cahan Vahey & Ephyra Mïotysee
« Alors, c'est moi le bavard ? »
Ces mots arrachent un rire incontrôlé à Ephyra. Cahan marque un point. C'est bien la première fois que la jeune femme se laisse aller à parler autant. Elle n'a pourtant jamais été de nature très loquace. Parce qu'il est inutile de mettre des mots sur certaines pensées, mais aussi parce qu'au fond, Ephyra n'a pas grand-chose à raconter. Sois belle et tais-toi. Sois belle et tais-toi. Tels ont été les maîtres-mots de son éducation. Alors, les rares paroles qui franchissent la barrière de ses lèvres, elle les a toujours voulues pertinente, cassante, à l'opposé de ces bavardages inutiles dont certaines femmes pensent gratifier leur entourage. Ephyra ne parle que lorsqu'elle l'estime nécessaire. En temps normal. Mais cette soirée, par tous les aspects, brise sa petite routine et par la même occasion, les règles que la jeune femme s'est fixé. L'alcool fait déjà des ravages chez la sirène, elle qui, un quart d'heure plus tôt, observait avec un rictus dégouté les différents marins autour d'elle finir leurs verres. Il est désormais trop tard pour regretter, les effets de la boisson se font sentir et l'hybride ne dispose d'aucune défense pour lutter contre cette ivresse qui l'envahie doucement.
« Sincèrement, je n'en sais rien. Le besoin d'entendre autre chose que mon monologue interne. Ou un truc de ce genre. »
Ephyra ne répond rien. Son visage affiche une moue boudeuse qu'elle exagère avant de repartir dans un ricanement. La bêtise lui monte à la tête aussi vite que la bière. Cahan en revanche, s'avère beaucoup plus résistant et ne semble pas prêt à délier sa langue, à la plus grande déception de la sirène. Très bien. Elle est prête à attendre. La nuit est encore jeune et la sirène n'a aucun autre plan pour la soirée que de rester attablé à la taverne jusqu'à ressentir le besoin de partir. Peut-être que l'homme sera plus enclin à sortir de son silence avec quelques verres supplémentaires dans le sang. Malheureusement pour elle, Ephyra est bien incapable d'user de ses talents de manipulatrice sur le tortionnaire, pas quand la réalité lui semble si déformée. C'est peut-être mieux pour elle. La sirène a beau ne pas tant connaitre Cahan, elle se doute que celui-ci ne soit pas du genre à se laisser facilement monter la tête par une femme, aussi jolie soit-elle.
« On fini par en avoir assez de s'entendre penser. » Pensive, la jeune femme hoche la tête. « Ça, je peux le comprendre. » Combien de fois la sirène s’était-elle réfugiée à la surface parce qu’elle ne supportait plus le calme et la platitude de la lagune ? « Mais d’un autre côté, je préférerais rester seul avec mes pensées plutôt que de supporter des bavardages futiles et inintéressants. » Ephyra accompagne ces mots d’un léger coup de tête en direction du matelot. Elle le toise, une lueur moqueuse dans le regard, puis ajoute : « Trésor, tu veux pas te rendre utile et aller nous chercher d’autres chopes ? » La sirène observe avec un plaisir mesquin l’air déconfit du jeune marin, se délectant de le voir aussi impuissant. La mine qu’affiche le mousse offre un spectacle qui vaut peut-être le coup de subir une conversation assommante après tout. Déstabilisé, surement espère-t-il encore obtenir les faveurs de la jeune femme, puisqu’il finit par se lever pour se diriger vers le bar. Satisfaite, Ephyra sourit. « Aucun caractère. » Commente-t-elle en vidant sa chope. « Ça aurait mis un peu d’action s’il avait eu le cran d’essayer de vous faire partir. » Oh, le pauvre Arthur n’aurait surement pas fait long feu et se serait retrouvé avec bien plus qu’un simple nez cassé, mais cela aurait été un bon divertissement. Elle n’aurait pas été obligée de s’en réduire à la consommation d’alcool pour mettre fin à son ennui.
« Le silence, c’est vraiment insupportable. » Reprend-elle. « Le pire, ça doit être chez moi. On dirait pas comme ça, mais le royaume est un lieu aussi barbant de Blindman Bluff, en beaucoup plus… figé. L’eau, ça étouffe les sons, t’vois. Parfois, ça me rend tellement folle que j’en reviens à finir dans des endroits comme celui-là, avec n’importe qui.» Elle parle Ephyra, beaucoup trop. La sirène a à peine conscience des mots qu’elle prononce. Ses pensées de plus en plus décousues sont, en revanche, de moins en moins filtrées. Pourtant, elle ne pense pas à se reprendre, à sauver par une pirouette ses secrets. Les informations lui échappent, hors de contrôle. « Bon, j’imagine que tu n’es pas décidé à me confier ton monologue intérieur, même si je, ou plutôt si Arthur t’offre une autre bière ? »
Il l'écoute parler, elle la jolie créature à la chevelure de feu. Il constate l'ivresse qui l'envahit de plus en plus et Cahan, il ne peut s'empêcher de sourire. L'alcool fait aussi son effet sur lui, mais rien de déplaisant. Il ne perd pas le contrôle, comme toujours. Il laisse tout simplement le liquide lui réchauffer le coeur. Son visage de marbre se réchauffe lui aussi, il perd un peu de sa froideur, de son air dur. L'effet de l'alcool ou la présence de la rouquine, il ne sait pas trop, sans doute un mélange des deux. Le bourreau, il l'écoute parler, mais elle parle plus que nécessaire et rapidement, elle la perd. Il n'est pas très doué dans les discussions, ni dans l'écoute, c'est pourquoi ses oreilles filtrent quelques-unes de ses paroles. Elle parle beaucoup et lui garde le silence, mais ça, ça ne semble pas la déranger. Même qu'elle ne semble pas s'en rendre compte. Il l'entend demander au pirate d'aller chercher d'autres chopes, il voit l'autre qui se lève et il en vient à se demander comment un homme peut se montrer aussi faible ? Pourquoi reste-t-il là ? Sans doute espère-t-il s'attirer les faveurs de la belle, ce qui montre qu'il est encore plus bête qu'il n'y parait.
La rousse laisse entendre qu'il n'a aucun caractère et le bourreau, il ne peut qu'approuver ses dires. Cahan, il ne tolérerait pas qu'une femme le traite ainsi, bien au contraire. « Ça aurait mis un peu d’action s’il avait eu le cran d’essayer de vous faire partir. » Il étire un nouveau sourire à ses paroles. Il connait ses propres capacités, il connait son impulsivité et la colère qui l'habite. Le pauvre pirate n'aurait pas tenu longtemps face à lui. Cahan, ce n'est pas sans raison qu'on lui a attribué le surnom de l'homme de fer, ce surnom, il l'a mérité. Il n'était pas encore adulte à l'époque et ce surnom lui colle encore à la peau aujourd'hui. Adolescent, il était déjà un guerrier hors pair, aujourd'hui, il est encore plus solide.
La belle rousse continue sur sa lancée. Elle parle, sa langue se délie de plus en plus. « Le pire, ça doit être chez moi. On dirait pas comme ça, mais le royaume est un lieu aussi barbant de Blindman Bluff, en beaucoup plus… figé. L’eau, ça étouffe les sons, t’vois. Parfois, ça me rend tellement folle que j’en reviens à finir dans des endroits comme celui-là, avec n’importe qui.» À nouveau, il capte la moitié de ses paroles, mais celles qui captent lui font froncer les sourcils. Cahan, il n'avait pas encore comprit que la rouquine n'était pas humaine, elle ne lui avait jamais dit et il se doute que c'est l'alcool qui la pousse à révéler qui elle est réellement. Elle-même ne doit pas s'en rendre compte. « Bon, j’imagine que tu n’es pas décidé à me confier ton monologue intérieur, même si je, ou plutôt si Arthur t’offre une autre bière ? » Ses traits s'adoucissent, il étire un nouveau semblant de sourire. La rousse veut en savoir davantage à son sujet, l'alcool la rend curieuse. Lorsqu'elle est sobre, elle ne s'intéresse qu'à son corps, son anatomie et rien d'autre.
« Mon monologue intérieur ressasse sans cesse la mort de ma femme. Je t'assure que dans mon crâne, il n'y a que la noirceur. Tu n'as pas envie d'entendre ça. » Ses traits redeviennent à nouveau durs, plus aucun sourire n'est visible sur son visage. Il n'y a que ténèbres dans sa tête, depuis plus de quinze ans, ses pensées sont un champ de bataille. Il n'arrive jamais à l'oublier, il n'arrive jamais à guérir. La lumière, il ne l'a pas encore retrouvée et il ne croit pas la retrouver un jour. « Tu es encore jeune et déjà, tu semble las de la vie. Je ne connais pas les raisons qui te pousse à voir le monde ainsi, mais à ton âge, tu devrais sincèrement essayer d'en profiter. Quand on commence à voir la vie sous cet angle, ça ne va pas en s'améliorant. Quand on commence aussi jeune, c'est encore pire. La vie peut être totalement merdique, mais elle a également de bons côtés... à ce qu'il parait. » Son regard est plongé dans le sien, il ne bronche pas, l'observe avec attention. Il était jeune quand il a perdu sa femme et depuis sa vie ne tourne plus rond. Au fond, il n'a jamais essayé de guérir, il a tout simplement continuer à vivre, sans réellement vivre. Aujourd'hui, il ne peut plus faire marche arrière. Il ne sait pas ce que vit Ephyra, peut-être a-t-elle connu la perte d'un être cher, elle aussi, mais peu importe. Elle peut se relever, sombrer comme lui n'est pas la solution, il le sait.
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Cahan Vahey & Ephyra Mïotysee
La sirène oublie où elle se trouve, ne réalise pas. Elle qui s’était toujours tenue aux strictes formalités avec le bourreau, voilà qu’elle ose valser entre le vouvoiement et tutoiement, la familiarité. Ses actions, ses paroles, tout lui échappent. Ephyra est parti en roue libre à la seconde où sa deuxième chope est entrée en contact avec ses lèvres et ça, elle en a à peine conscience. L’alcool ingurgité commence à lui faire tourner la tête. Autour d’elle, le monde danse sous des couleurs criardes, ce qui n’est pas pour lui déplaire. Ephyra se sent bien. Peut-être même trop bien. Sa propre situation l’amuse, si bien que le sourire figé sur son visage se mue doucement en un ricanement incontrôlé avant de disparaitre complètement. Prise de court par la réponse de Cahan, elle ne réplique pas de suite. La noirceur des révélations du bourreau tranche avec le brouhaha confus, mais joyeux, de la taverne. Elle arque un sourcil, observe le visage fermé de Cahan. « … J’imagine qu’il est trop tard pour présenter mes condoléances ? » À quoi s’attendait-elle ? Seul un événement funeste pouvait être à l’origine d’un comportement si froid et dur, elle s’en était toujours doutée. Neverland a son lot d’infortuné, de pauvres personnes sur lesquelles le sort semble prendre un malin plaisir à s’acharner. Maladies, décès, famines, pauvreté, deuils… Des malheurs ordinaires. Des mots. De simples mots qui n’évoquent rien à la sirène. Depuis son piédestal de privilégié, elle observe ces désastres sans chercher à les comprendre.
Ephyra n’est pas compatissante. Se fichant purement et simplement des histoires individuelles, elle n’est sensible qu’à ce que les autres ont à lui offrir. La sirène avait toujours évolué dans cette même bulle de superficialité protectrice : consommer sans risquer de s’attacher, blesser au lieu d’être blessé, être vu mais pas entendu, autant de leçon qu’elle tient de sa mère. D’ordinaire, il ne lui serait jamais venu à l’esprit de pousser aussi loin ce petit interrogatoire improvisé. Un interrogatoire qui semble soudainement prendre des allures de leçon. Du moins, c’est ainsi qu’Ephyra interprète les mots de Cahan. La jeune femme louche sur son verre, l’air détaché. Les mots du bourreau font écho à sa mémoire.
Ce n’est pas la première fois qu’elle a droit à ce genre de paroles. Silaën avait un jour tenu un discours similaire, alors qu’elle n’était qu’une jeune sirène. L’ancien compagnon de sa mère avait surement été pour elle ce qui ressemblait le plus à une figure parentale. Mais les paroles rassurantes du triton, elle les avait écoutés sans vraiment les entendre. La sirène n’avait ouvert qu’un regard pessimiste et désabusé sur la vie depuis qu’elle avait fait le deuil de son immortalité, sourde aux conseils se voulant bienveillant. « Profiter… » Son verre est vide. La soirée se consume presque aussi vite que les chopes se vident et ça ne lui réussit pas. « C’est ce que j’essaye de faire, non . » Dit-elle, un sourire espiègle sur les lèvres. « Mais on s’ennuie tellement sur cette île. Que ce soit sur terre ou sous l’océan, il me manque... J'sais pas, c'est comme un vide que j'arrive pas à satisfaire. Qu’est-ce que je ne donnerai pas pour aller jeter un coup d’œil de l’autre côté, à ce qu’il paraît, c’est tellement grand que peu d’hommes peuvent prétendre avoir tout vu. » Le Nouveau Monde, L’Angleterre, la France… Autant de destinations qu’elle ne connaît qu’à travers les récits que quelques marins plus intéressants que les autres lui ont fait. Des récits qu’eux-mêmes tiennent de malheureux hommes tombés entre les mains des pirates après être fraichement débarqué à Neverland.
« J’avais… Jamais touché à ce genre de boisson avant, jamais, jamais. » Elle rit. Nul besoin d’utiliser des mots, son état trahit déjà bien assez sa maigre résistance à l’alcool. « Si j’avais su, je ne me serais pas contenté de regarder les autres boires à chaque fois que je venais ici avec je ne sais quel crétin inintéressant. » Arthur n’est pas revenu. Peut-être a-t-il profité de l’occasion pour s’éclipser et ainsi éviter une certaine humiliation. Peu lui importe. Son attention devenu volatile se concentre désormais sur la table d’à côté où un groupe d’ivrogne commence à entamer un chant qui ne lui est pas inconnu. Leurs paroles obscènes emplissent la taverne, arrachent un rire à Ephyra. Sans crier gare, celle-ci se lève. La voilà grimpée sur la table voisine, interrompant sans états d’âme le jeu de cartes dans lequel s’était lancé le groupe de chanteurs. La sirène les ignore, trop occupé à unir sa voix à leur chant peu harmonieux. D’un léger coup de tête, elle va jusqu’à inviter Cahan à se joindre à eux, une lueur espiègle dans le regard. En temps normal, il ne lui viendrait pas non plus à l’esprit de vouloir mêler le bourreau à un tel groupe d’individus. Elle-même ne se réduirait pas à ce genre d’action de dépravé. Ces actions irraisonnées, surement les regrettera-t-elle à son réveil, lorsque son corps aura épuré toute la boisson. Mais cette pensée ne traverse même pas l’esprit de la sirène. Pas même lorsque des mains baladeuses viennent se frayer un chemin sur le corps de la jeune femme.
Le bourreau, il fini par lui dire ce qu'il ne révèle habituellement pas aux autres. On lui a enlevé la femme qu'il aimait et même si aujourd'hui ça fait plus d'une quinzaine d'années, il ne cesse d'y penser. Il n'y a pas un seul jour qui passe, sans qu'il n'y pense. Elle était la femme de sa vie, Aifric, la seule femme qu'il a réellement aimée et aujourd'hui, il a la certitude que plus jamais il ne ressentira ce sentiment de nouveau. Aucune femme n'est à la hauteur d'Aifric, aucune. Plutôt que d'accepter sa mort et de tenter de passer à autre chose, il s'est tourné vers la noirceur et c'est sans doute une des raisons pour lesquelles il ne guérit pas entièrement de sa perte. Aujourd'hui, il est devenu ce qu'il est et il ne peut plus faire machine arrière. Les femmes passent par son lit, elles sont nombreuses et le bourreau, il ne s'attache à aucune d'entre elles, il ne le veut pas et il n'y arrive tout simplement pas, d'ailleurs. Son coeur appartient à sa femme et cette dernière l'a emmené dans sa tombe. Il n'a plus la capacité de tomber amoureux, il en est convaincu, le tortionnaire.
Durant un instant, elle reste muette, la rousse puis elle l'observe, un sourcil arqué. « … J’imagine qu’il est trop tard pour présenter mes condoléances ? » Ses iris restent figés sur elle, sur son visage dénué de compassion. Elle est comme lui, la jeune femme, peu réceptive au malheur des autres et n'écoutant que sa propre douleur. Il s'en était déjà rendu compte, le bourreau, mais ses paroles, elles ne font que le prouver. « Je présume que oui. » Qu'a-t-il bien pu se passer dans sa vie, pour qu'elle raisonne ainsi ? Il ne le sait toujours pas, le celte et il ne lui pose pas la question.
Il lui parle alors de profiter de la vie, de ne pas faire comme lui et sombrer dans la noirceur. « Profiter… » Oui, profiter. Ce que lui n'a pas su faire. En lui arrachant sa femme et son enfant à naître, on lui a arracher toute occasion de profiter de la vie. Il ne l'aime pas, la vie. À ses yeux, ce n'est qu'une garce, qu'une salope, voilà tout. Cependant, il sait que les gens aiment en profiter. Il sait que les gens normaux trouvent des bons côtés à la vie. Lui, il en trouve très bien, depuis ce jour funeste.] « C’est ce que j’essaye de faire, non . » Elle affiche un sourire espiègle, la naïade, mais il n'y répond pas, le visage toujours aussi fermé. « Mais on s’ennuie tellement sur cette île. Que ce soit sur terre ou sous l’océan, il me manque... J'sais pas, c'est comme un vide que j'arrive pas à satisfaire. Qu’est-ce que je ne donnerai pas pour aller jeter un coup d’œil de l’autre côté, à ce qu’il paraît, c’est tellement grand que peu d’hommes peuvent prétendre avoir tout vu. » À nouveau, elle enchaîne les mots. Elle parle et parle encore et il ne ressent pas le besoin de lui répondre. D'ailleurs, elle ne semble pas attendre de réponse de sa part. « J’avais… Jamais touché à ce genre de boisson avant, jamais, jamais. » Elle rit, la rousse, alors que lui, il l'observe toujours, aucune émotion ne transparaissant sur son visage. Il sait qu'elle n'a pas l'habitude de boire, Ephyra, elle n'a même pas besoin de lui dire. Elle parait si peu résistante à la boisson, mais ça, il ne s'en étonne pas, le bourreau. « Si j’avais su, je ne me serais pas contenté de regarder les autres boires à chaque fois que je venais ici avec je ne sais quel crétin inintéressant. » Il lui avait dit que la bière chasserait l'ennuie, Cahan, parce que principalement, c'est l'effet que l'alcool fait aux gens.
Il ne répond pas, Cahan, il observe plutôt la jeune femme, dont l'attention est soudainement portée vers une bande d'hommes qui se mettent soudainement à chanter. Après avoir échappé un rire, elle se lève, Ephyra et grimpe sur la table voisine, mêlant sa voix à celles des ivgrones. Elle en vient même à inviter Cahan à se joindre à elle, lui lançant un regard espiègle. Évidemment, il ne bronche pas, le bourreau, l'observant avec un demi-sourire qui apparait soudainement au coin des lèvres. Voilà l'alcool qui guide maintenant son corps, ses gestes. Elle n'est plus celle qu'il connait, Cahan, elle ne semble même plus avoir conscience de ce qui l'entoure. Très rapidement, des mains se font baladeuses sur son corps svelte. Pourtant, elle continue de chanter et même de danser, sur la table, au beau milieu de la taverne, Ephyra. Il observe la scène, le celte, attentif à ce qui se déroule sous ses yeux. C'est le côté protecteur qui veut ressentir, ce côté qui habituellement ne ressort pas, face à la jeune rousse. Il sait très bien ce qui va se passer, Cahan, il n'a aucun doute à ce sujet. Ces hommes vont ambitionner, l'alcool leur monte à la tête et ils se croient tout permis. Ephyra, elle deviendra bientôt une poupée de chiffon, entre leurs mains, il le sait trop bien, le bourreau, c'est pourquoi il décide d'agir, avant que ça ne devienne hors de contrôle.
Il se lève, le tortionnaire et en deux pas, il se retrouve à la table. Et sans plus de cérémonie, son corps s'interpose entre les mains baladeuses des ivgrones et le corps de la jeune femme. Ses mains la saisissent et il la ramène contre lui, afin de la reposer sur le sol. Autour d'eux, les hommes protestent, ils auraient souhaités que le spectable dure plus longtemps, malheureusement pour eux, le bourreau est intervenu. Sans même leur porter attention, il éloigne la jolie rousse d'eux et l'observe de son regard sérieux. « C'est le temps de rentrer. » Autour d'elle, le monde doit tanguer, ça ne fait aucun doute. Elle est encore consciente, la belle hybride, mais rapidement, elle sombrera, il le voit à son regard. Normalement, elle aurait protestée, elle ne l'aurait pas laissé choisir pour elle, mais en ce moment, elle laisse le bourreau la guider vers l'extérieur de la taverne. Elle marche, elle tangue et il la soutient, mais bientôt, il doit faire bien plus que la soutenir, le bourreau. C'est dans ses bras qu'il la transporte, alors qu'elle s'est soudainement endormie, la rouquine. Elle dort, lorsqu'il fini par la déposer dans son propre lit. Elle est paisible, tel un ange, alors qu'il se pose à ses côtés. Il n'a pas l'habitude de ramener des femmes chez lui, Cahan, encore moins de dormir avec elles, mais cette nuit, la raison est bien différente. Il ne pouvait pas la laisser seule, Ephyra et d'ailleurs, il ne connait aucunement le chemin menant à sa maison. C'est donc chez lui qu'il l'a emmenée, le bourreau. Ainsi, il peut veiller sur elle et s'assurer qu'il ne lui arrive rien. C'est le côté protecteur qui ressort, son besoin de garder un oeil sur elle. Après tout, elle n'est pas n'importe quelle femme, Ephyra, ils se côtoient depuis un petit bout de temps, même si leur relation n'est que charnelle. Il ne veut pas qu'il lui arrive malheur, le celte, voilà tout.
D'ici quelques heures, elle se réveillera, le sirène et elle fera face à la réalité. L'alcool rend joyeux et insouciant, mais le lendemain matin, on a la gueule de bois et ça, ça n'a rien de joyeux. Elle le constatera rapidement, la belle rousse.
There’s nothing like summer in the city Someone under stress meets someone looking pretty
Cahan Vahey & Ephyra Mïotysee
Elle tourne, entraînée par la boisson, entraînée par le rythme d'une mélodie festive. La sirène s'oublie. Depuis son piédestal, elle balaye du regard les hommes agglutinés autour de la table, un petit sourire au coin des lèvres. Être au centre de l'attention, Ephyra a toujours aimé ça. La sirène se plaisait à sentir les yeux envieux des hommes se poser sur sa personne. Rien ne provoquait autant de satisfaction chez elle. Ephyra ne se sentait vraiment exister qu'à travers les regards des autres. Alors, la sirène s'en donne à cœur joie. Elle danse, dans une caresse lascive, elle va même jusqu'à soulever doucement le jupon de sa robe pour dévoiler ses chevilles. À ses pieds, on la siffle, on chante, on la touche. Pour toute réponse, Ephyra se contente d'un rire avant de redonner de la voix. Elle est loin de réaliser ce qu'elle fait, ne s'imagine pas où cette situation pourrait bien la mener. Inconsciente, Ephyra s'amuse beaucoup trop pour y penser. Mais cet amusement prend bientôt fin. Cahan entre soudainement dans son champ de vision et sans lui laisser le temps de réagir, l'arrache aux mains des marins attroupés autour d'elle. Ephyra se laisse faire, à ce moment précis, sa tête tourne beaucoup trop pour qu'elle puisse protester ou formuler une pensée concrète. Elle voit des visages, entend des protestations, mais ne dit rien. Ce n'est que lorsque la voix de Cahan résonne dans ses oreilles que la jeune femme réalise que la fête est bel et bien terminée.
« Déjà ? » Ephyra se plaint, telle une petite fille capricieuse à qui on aurait refusé une poupée. À contre cœur, elle laisse Cahan l'entraînait en dehors de la taverne. La sirène n'a plus les idées claires depuis un moment déjà. Ses pas se succèdent, hésitant. Elle titube, le sol semble se dérober sous ses pieds et un rien menace son fragile équilibre. La sirène ricane doucement de sa propre maladresse, pose une main sur Cahan pour tenter de guider correctement ses pas, en vain. Déjà, l'hybride sent l'euphorie provoquée par l'alcool se dissiper. Ephyra n'a plus envie de rire ou de danser, ce qu'elle voudrait, c'est s'asseoir, voire s'allonger, arrêter de faire marcher ses jambes qui, de toute manière, ne lui obéissent plus. Dormir. La fatigue submerge la sirène, curieux effets de l'alcool. Elle qui était pleine de vie quelques minutes plus tôt, ne parvient plus à aligner un pied devant l'autre désormais. Arraché aux odeurs et aux bruits de la taverne, elle tombe lentement dans une douce léthargie. Les yeux fermés, elle s'endort, bercée par le rythme des pas de Cahan. Ephyra sombre dans un sommeil profond, sans rêve, que rien, pas même le trajet jusqu'à la maison du bourreau, ne vient perturber.
***
C'est un horrible mal de tête qui l'extirpe du sommeil le lendemain matin. Ephyra ouvre les paupières avec difficultés pour les refermer aussitôt, grimaçant face à la lumière qui filtre dans la pièce. Elle gémit, la bouche pâteuse. Bon sang, cette migraine… Ça tambourine dans sa tête, chaque coup semble porter la douleur à son paroxysme. Lorsqu'elle se décide à ouvrir de nouveau les yeux, elle peine à deviner l'endroit où elle se trouve. Un lit, qui n'est pas le sien. Nouvelle grimace. Sa vision est encore flou, embrumé par les restes de sommeils. Qu'est-ce qu'elle fait ici ? Ses souvenirs sont aussi flous que sa vision. Ephyra se redresse difficilement, confuse et nerveuse. C'est avec soulagement que ses prunelles se posent sur Cahan. Il n'y aurait rien eu de plus mortifiant que de se retrouver dans le lit d'un complet étranger. Silencieuse, le regard désormais perdu dans le vide, elle reste assise, tandis que la soirée de la veille lui revient lentement. Bon sang. Ephyra soupire, se masse les tempes : il y avait des choses qu'elle aurait préféré avoir oubliées. Une chose est sûre, elle a bu. Plus que de raison. Jusqu'à combien de verre est elle allé ? Elle ne sait plus. Le nombre doit sûrement être dérisoire comparé à ce que s'enfilent les pirates ou les habitués de la taverne, mais c'était déjà trop pour elle.« Dites-moi que je n'ai pas été aussi ridicule… » Murmure-t-elle en fermant les yeux. La lumière, même faible, l'éblouit.
Elle se revoit, danser sur cette table, enchaîner les verres, rire, parler à n'en plus finir… Il ne reste plus rien de son insouciance et de sa joie de la veille : Ephyra découvre avec amertume les retombés de l'alcool. Elle s'en serait bien passé. « Ma tête va exploser. » Elle cherche, se remémore les paroles qui lui ont échappé. Qu'est-ce qu'elle a pu être bavarde… Beaucoup trop bavarde, une chance que Cahan ait décidé d'abréger la soirée, qui sait ce qu'elle aurait pu sortir comme autre stupidité. Ephyra tenait à ses petits secrets, à ses mensonges qu'elle inventait parfois pour séduire de jeunes marins en quête de douceur féminine. « On dirait bien que quelques verres suffisent à me faire dire n'importe quoi… » Constate-t-elle, dépité. Elle aurait préféré taire sa véritable nature de sirène, que son anonymat sur terre reste intact. La sirène observe le bourreau du coin de l'œil. Non, peu loquace comme il est, elle n'imagine pas Cahan crier ce genre de choses sur tous les toits. Quel intérêt y trouverait-il ? Elle garde le silence sur ce détail, ses yeux sont assez éloquents. « … Merci. » Finit-elle par dire. « … De ne pas m'avoir abandonné à ces pirates et de m'avoir, si je puis dire, supporter… » Ces politesses lui arrachent presque la bouche. Là où certains n'y voient que de la reconnaissance, elle, y voit une dette qu'elle aurait pu facilement éviter. Elle s'en veut de s'être autant laissé aller, elle, qui cherche pourtant à toujours rester maître de la situation.
Ephyra se lève trop vite, la sirène est presque aussitôt prise d’un vertige. Ça ne l’empêche pourtant pas de chercher la porte. « Je ne m’éternise pas. » dit-elle soudainement. Non, elle va plutôt retrouver l’océan, tenter d’oublier les incidents de la veille, d’oublier cette honte qui lui fait presque monter le rouge aux joues. Sans plus de cérémonie, la sirène s’éclipse après un dernier regard.