Sentir le liquide sur sa chair, entendre les bruits au lointain déformés par la sonorité différente du fond des mers, ici le vent n’est plus, la nuit non plus. La température de l’eau baisse sans la présence du soleil, mais on le ressent moins que les humains à la surface. Je pense à ma vie telle qu’elle a pu être avant que tout bascule, à ma fille que j’aime de tout mon cœur, à ce bébé qui prend forme en mon sein. Revenir dans ce palais, retrouver ma famille m’oblige à me poser les bonnes questions, ai-je fait les bons choix dans cette vie, mon éternité me permettra-t-elle de me faire pardonner mes erreurs de jugement ? Je sais qui je suis, je me connais, je sais aussi ce que je peux devenir et ce que je veux plus être. Un rictus passe sur mon visage, tandis que ma paume échoue sur l’arrondi de ce ventre que je ne pourrais bientôt plus dissimulé. Le père de mon bébé est humain, un homme de passage tout comme l’avait été le père d’Emerya, suis-je en train de reproduire le même schéma ? Je dois apprendre de mes erreurs, avec l’idée que cet enfant ne sera pas éternel, il vivra et mourra tout comme son père. Devrais-je lui donner une chance de profiter de cette vie normalement ? Dois-je le priver de son père et devenir égoïste comme dans la passé ? Je sais où cela m’a mené, mais cet humain voudra-t-il de ce présent que je veux lui offrir ? J’ai senti sa souffrance et sa fragilité ce jour-là, j’ai perçu le conflit et l’affection.
Quelques bulles viennent à s’échapper de ma bouche tandis que je me retourne pour aller nager un peu. Je salue les tritons et sirènes qui se trouvent dans les dédales du palais, tout comme pour mon frère, ils me portent du respect, c’est une chose étrange que de se retrouver entourée de tant de monde, moi qui ai vécue trop longtemps tel un ermite. En sortant de la grande salle, je viens à croiser mon neveu et son père que je salue amicalement. Si Egeon me rend mon sourire, Malech se contente de jouer au souverain froid et distant. Je sais ce qu’il pense de moi, que je ne suis pas digne qu’on me donne une seconde chance, que je suis partie lâchement, au moment où notre famille avait le plus besoin de moi, que c’était à moi de prendre les choses en main étant l’aînée. Je le devine également par son regard qu’il est persuadé que je suis revenue pour prendre une part de cette royauté qu’à tout moment, je pourrais réclamer. Seulement, il se fourvoie lourdement, je n’ai jamais aspiré à devenir Reine, j’ai l’esprit trop libre pour ça, trop sauvage, comme ma fille…ma fille que j’ai enfermée sans me rendre compte de la souffrance que je lui ai infligée. Je m’apprête à sortir, lorsque la voix de ma sœur me saluant me fait changer mes projets. « Bonjour Zéa » Mon visage fermé se moue rapidement en bonté à la vision de ma jeune sœur et je viens vers elle, déposant un baiser sur sa joue. « As-tu un peu de temps pour moi, aujourd’hui ? J’aimerai continuer de rattraper tout ce temps perdu que tu me contes ta vie lorsque je n’étais pas présente pour y participer » Elle accepte bien entendu, nous sommes sœurs et l’amour entre nous a toujours été puissant autant avec mon frère qu’avec Zéa, même si je l’avoue, je n’ai pas été parfaite à son égard.
Ce palais était plein d’écho. Quand elle s’y promenait, Zéa pouvait y entendre les rires de son enfance et, plus récemment, l’agonie de ceux qui y avaient péri. Elle n’avait pas assisté personnellement à toutes les œuvres du sadisme de la Veuve Sanglante, mais elle pouvait les deviner. À quel point les cris avaient pu résonner dans les couloirs comme les gloussements de l’enfant insouciante qu’elle était. Un écho disloqué par l’eau, mais qui n’en demeurait pas moins troublant. C’était une vision plus sombre de l’existence. Une promesse de ne pas répéter le passé. C’était l’ombre derrière le titre, la responsabilité avant l’épanouissement. Les violents cauchemars qui la gardaient parfois éveillée et dont elle n’avait parlé à personne. Depuis qu’elle avait cette couronne sur la tête, elle se sentait responsable non plus juste de la sécurité de sa famille, mais de celle de toutes les autres sirènes et tritons. Un poids énorme sur ses épaules. Il fallait qu’elle s’endurcisse disaient-ils tous. Elle le devait absolument... Cela dit, elle redoutait aussi le changement. Était-ce le pouvoir qui avait transformé Néisse en meurtrière ? Était-elle aussi à risque d’éventuel vague de mégalomanie ? Ou pire encore : elle pouvait échouer et être une reine lamentable. Bref, si elle avait fait tout ce chemin pour atteindre le haut de la hiérarchie avec détermination et dévotion, aujourd’hui, la souveraine doutait d’elle-même. Aussi, la blonde n’était que trop heureuse d’avoir sa sœur à ses côtés pour l’aider à surmonter les épreuves du début de son règne. « Rheïane ? » appela-t-elle lorsqu’elle l’aperçut au loin, un sourire tendre sur les lèvres. « J’ai toujours du temps pour ma famille. J’allais justement faire une promenade et j’adorerais t’avoir pour compagnie. » Zéa passa doucement son bras sur l’avant-bras de la brune et elles se dirigèrent vers l’extérieur bras dessus, bras dessous.
Pour se changer les idées et profitant d’une pause bien méritée entre deux audiences, la souveraine avait pris le chemin des jardins royaux avant de tomber sur son aînée. À la demande de son interlocutrice, Zéa fit mine de réfléchir à ce qu’elle pouvait bien lui raconter. « Par où commencer… Enfin, ce n’est pas comme s’il y avait énormément de choses qui sont dignes de mention. Je n’ai pas vécu autant d’aventures que toi, je suppose. Ma vie n’est devenue qu’intéressante que récemment. Elle était certes belle, mais surtout très banale avant que je trouve finalement mon courage. » Dans les jardins, à l’inverse des étendues verdâtres des mortels, il n’y avait ni arbre ni fleur. Il s’agissait surtout d’un champ de corail qui côtoyait des anémones ainsi que d’autres plantes marines colorées. Au centre du jardin, où se trouverait peut-être une fontaine chez les bipèdes, on pouvait admirer une épave d’un trois mats qui avait coulé il y a plusieurs siècles. La mousse grugeait le bois imbibé d’eau et les coquillages grimpaient le long de la coque. Dans ce décor enchanteur, les deux sirènes nageaient paisiblement. « J’ai toujours admiré l’audace que toi et Délémir vous aviez devant le danger et la nouveauté. J’ai longtemps été la plus sage de nous trois. J’ai même eu peur d’être passé à côté d’opportunités à force d’être sage. Avec du recul, je pense que j’attendais simplement mon heure. Je ne regrette pas mon existence tranquille tout comme je ne regrette pas d’avoir fait tomber Néisse mais… Mais tu m’as manqué. Ton absence m’a peut-être permis de trouver ma place - et ce n’est pas un reproche - sauf que j’aurais aimé t’avoir avec moi malgré tout. » Et bien, décidément, la blonde avait besoin de se confier. Avec Rheïane, c’était si facile. Il n’y avait pas de jugement ou de crainte, juste un amour éternel que même la distance n’avait su défaire. Cet amour qui avait laissé un vide dans son cœur trop doux.« Je suis désolée. Cette conversation n’est peut-être pas aussi gaie que tu l’aurais voulu. »
Spoiler:
Si tu veux que je modifie quelque chose, n'hésite pas !
Ma sœur avait toujours été d’une douceur incomparable, en cela, ma fille, lui ressemblait. Toutes deux avaient des points communs et bien que l’absence de ma douce Emérya me manquait, la présence de ma famille apaisait une partie de mon âme. Posant ma paume sur la main de ma sœur qui s’était glissée à mon bras, je l’accompagnais bien volontiers vers les jardins aquatiques où poissons de toutes les couleurs et crustacés divers faisaient vivre le parterre de corail. Les couleurs de la vie sous-marine m’avaient cruellement manqué pendant mon exil sur la Terre, cependant je ne regrettais pas de l’avoir fait, la vie de ma fille en dépendait.
Comment ma sœur pouvait-elle penser que sa vie fut d’un ennui mortel. Elle qui avait eu l’audace d’attendre que l’amour vienne à elle, alors qu’il se refusait. Elle avait eu la chance d’obtenir une famille nombreuse, trois fils et une fille, en plusieurs centaines d’années, certains Tritons et Sirènes n’arrivaient pas à ce nombre. Non, elle ne se rendait pas compte à quel point, la vie l’avait comblé et à présent qu’elle portait la couronne, sa vie serait encore plus merveilleuse. Le rictus qui s’afficha sur mon visage à ses paroles ne me quitta plus jusqu’à ce qu’une moue amusée le retire pour faire place à mes paroles. « Non, cette conversation est parfaite, tout comme tu l’es, toi, ma sœur » Je retrouve le sourire, baissant un moment le regard sur un poisson qui passe pour le reporter sur l’horizon. « il n’y a nul courage à prendre des risques qui ne sont pas utiles. Délémir et moi, nous avons eu beaucoup de chance de revenir indemnes parfois. Je suis très fière de ce que tu as accompli, tu es Reine et tu le mérites plus que n’importe qui d’autre. Seulement, tu es soumise au danger plus que nous à présent. Tu étais encore jeune lorsqu’elle a pris le pouvoir…je ne souhaite pas faire vivre cette tragédie à nos enfants, Zéa » Je m’arrête me tourne vers ma sœur qui es devenue plus belle encore que ne l’était notre mère. « Je sais que tu m’as déjà pardonné d’avoir disparu, mais j’aurais aimé être auprès de toi, seulement, j’en étais incapable. Et je suis certaine en effet que mon absence à contribuer à te donner la force d’en arriver là où tu es aujourd’hui. Tu es peut-être la plus douce de nous trois, mais tu es aussi la plus forte, la meilleure Reine que notre peuple pouvait avoir » Nos cœurs parlent, entre sœurs, il est étrange de constater que nous n’avons pas besoin de remerciement, un seul sourire, un seul regard suffit à dire ce qu’on n’exprime pas par les mots. « Mais parlons de choses plus actuelles…Je n’ai pas encore eu le temps de connaître tes enfants…sauf Egéon bien sûr qui me rendaient visite sur Terre…Parle-moi de ton fils aîné…As-tu eu des nouvelles de l’endroit où il se trouve ? »
Dernière édition par Rheïane Firadrëll le Mar 30 Aoû 2016 - 19:30, édité 1 fois
Le monde sous-marin n’avait vraiment rien à envier au monde terrestre. Les couleurs chatoyantes des plantes aquatiques qui ballottaient avec le courant, l’éclat brillant des poissons qui nageaient avec insouciance et ce ciel mouvant, sans lune ou soleil, étaient d’une tranquillité incomparable. C’était de loin les paysages préférés de la sirène dorée, même si elle ne manquait pas d’apprécier un coucher de soleil à la surface de temps en temps. Zéa n’échangerait sa place à aucun prix. Elle avait mené bataille pour ce trône, elle avait risqué sa vie et fait sa marque. La couronne était devenue son héritage et sa raison de vivre. Bien entendu, sa famille restait une priorité et attisait tantôt sa fierté, tantôt ses inquiétudes. La souveraine posa son regard doux sur son aînée, détaillant chaque trait comme pour les immortaliser dans sa mémoire. Cela aurait été plus facile si elle avait été là. Tout aurait été plus simple. Cela dit, c’était égoïste d’attendre que son bonheur dépende de la présence d’un autre… Et puis, Zéa n’était pas seule. À cette réflexion, elle eut un petit pincement au cœur, espérant que Rheïane ne fut pas trop marquée par la solitude durant son exil. « Le fait que tu sois fière de moi me touche… » Il aurait pu y avoir une suite à cette phrase sauf qu'elle ne vint pas. Le sourire paisible de la reine suffisait à faire comprendre que l’opinion de sa sœur compterait toujours. Après tout, la brune avait longtemps été ce modèle un peu flou. Cette grande sœur qu’on veut imiter et avec qui on voudrait tout faire, mais ça aussi c’était du passé.
Leurs coups de nageoires faisant écho dans les sentiers déserts. De sa main libre, Zéa caressa le bout des algues au passage. Ses pensées étaient toujours un peu tourmentées quand on parlait de son premier-né. Son petit garçon qui avait pris son envol sans se retourner. De cela, il tenait un peu de sa tante en un sens. « Non hélas… » Sa voix s’était faite moins audible, comme un murmure ou un gémissement qu’on cherche à étouffer. « Cela me ronge de ne pas pouvoir le voir ou le serrer dans mes bras. Le pire, c’est de ne pas savoir. Je ne sais rien du tout sur cet être que je connaissais par cœur autrefois. » Un voile de tristesse passa dans ses yeux suite à ces paroles. Sans doute y avait-il un peu de rancœurs à propos de Maea. Toutefois, rien qui ne saurait éclipser l’amour immense que sa mère lui portait. Simplement, la reine s’évertuait à garder la famille unie et, pourtant, elle l’avait vu se briser en plusieurs morceaux malgré toute sa bonne volonté. Cela l’avait blessé profondément, bien plus qu’elle ne saurait l’avouer. Elle n’avait que la logique rationnelle pour se consoler. « Néanmoins, si je ne sais pas où il se trouve, nos ennemis non plus. » Maea avait changé sa vie en venant au monde et Zéa aurait voulu avoir autant d’importance dans l'existence de sa progéniture. C'était peut-être trop demander. « Ce que je peux te dire à son sujet c’est qu’il était la perfection à mes yeux. Il est la fierté de son père et l’un des grands amours de ma vie. Il ne m’a jamais déçu. Enfin, même aujourd’hui, je crois que j’accepterais toutes les raisons de son départ s’il daignait juste me revenir... » La sirène parvint à rester digne malgré ses paroles pleines de douleur, ne laissant pas ses yeux s’embrouiller de larmes, refusant d'ajouter du sel à l’océan. « C’est dur de les laisser partir, n’est-ce pas ? Je ne m’inquiète pas pour ma fille, Valone, elle semble aimer la vie sous l’eau. Égéon sait bien se débrouiller et Cyd… Et bien disons que je me donne le droit d'être encore un peu craintive à son sujet. Tu as des nouvelles de ta fille ? » rajouta-t-elle en regardant son aînée droit dans les yeux. L’abandon et la solitude étaient des obstacles de taille pour elles, peut-être pas pour les mêmes raisons, mais c’était un mal similaire qui savait prendre racine dans le cœur des deux sœurs.
Maëa était parti depuis bien longtemps, plus qu’une vie d’homme, beaucoup plus que cela. Lorsqu’on m’avait parlé de sa fuite, j’avais immédiatement fait le rapprochement avec moi. Parfois, il faut s’éloigner pour pouvoir vivre, Emerya venait de le comprendre également. Je ressentais parfaitement la douleur de ma jeune sœur, mon cœur n’avait nul besoin d’imaginer cette souffrance que j’avais moi-même ressenti plus d’une fois. Il y a toujours une forte tête dans une famille, dans la nôtre visiblement, elles étaient en nombre. Les amours d’Egéon faisaient souvent des vagues, Valone et son désir de princesse de mettre à bas tous les Humains, aussi bornée que pouvait l’être son père, Cyd…non, cet enfant n’avait pas de défaut, il était bon, gentil et merveilleux et ceux qui prétendaient le contraire n’étaient que des sots incapables de voir la véritable beauté d’un Être. Il y avait bien entendu Maëa, l’aîné, le fils parfait d’après l’histoire qu’on me conta. Mais voilà…délaissant sa famille pour des raisons qu’ils semblaient vouloir taire, l’enfant prodigue avait quitté le nid, laissant derrière lui, un goût d’amertume. Ma sœur préférait que les ennemis à son trône ne connaissent pas le lieu où le triton se trouvait, bonne ou mauvaise chose, comment pouvait-elle en avoir la certitude. J’en savais quelque chose concernant nos ennemis, l’ancienne souveraine, cette folle au regard de glace m’avait ravi les deux choses les plus précieuses de ma vie à cette époque. Alors, caché, il avait intérêt à l’être. Tout comme moi, ma sœur pardonnerait tout à ses enfants, nous ne serions pas de véritables mères si nous leur refusions ce geste d’amour inconditionnel. « Oui, il est parfois compliqué de les laisser partir loin de nous, prendre leur propre destin en main, sans que nous ne pussions les avertir des dangers qui jalonnent leur parcours. Tu es plus douée que moi de ce côté-ci. Je n’ai pas su faire confiance à Emérya et maintenant, elle me reproche encore le manque de liberté et ma possessivité. Enfin, elle me les reprochait…elle est venue ici, il y a peu en tout discrétion. Nous avons parlé, je me suis libérée, lui expliquant les raisons qui m’avaient poussé à l’enfermer comme je l’ai fait. Je crois qu’elle a compris, après tout…elle n’est qu’au début de sa longue vie d’immortelle, qu'est-ce que 19 années ? Une poussière, elles passent en un claquement de nageoire, je t’avoue que n’ai pas vu mon enfant grandir. Ce n’est qu’un bébé par rapport aux tiens, elle est innocente, naïve et bien trop confiante dans les gens pour se rendre compte que ce monde n’est pas fait pour les rêveurs. Tout ce que je souhaite, c’est qu’elle décide de venir ici, parmi nous. Sous l’eau, je veux qu’elle puisse sentir cette liberté » Je m’arrêtais prenant les mains de ma sœur dans les miennes. « Je connais bien le monde de dessus, j’y ai passé une petite partie de ma vie. Peut-être ais je déjà rencontré ton fils…je sais qu’il y a un jeune homme, grand, cheveux bruns qui me faisait penser à toi, il avait tes yeux, mais Maëa est blond… » Zéa me coupe, me contredisant en m’avouant que Maëa a les cheveux aussi bruns que les miens. Mon regard se trouble, c’est peut être une maigre piste, mais si je me suis trompée, après tout…Elle me demande plus détails, je peux comprendre, oh oui, je comprends. « Euh…c’était sur One-Eyed-Willy, enfin de l’autre côté de l’île, près des bois du larcin. Il était en chemin vers le bac, je crois. Je serais incapable de te dire exactement, mais…cheveux attachés mi-longs, foncés. Des yeux comme les tiens, cela j’en suis certaine…euhmmm…une barbe…grand, oui…un peu près comme ton époux, peut être plus petit, mais plus que moi, cela est sûr… » C’est de la folie, elle ne peut pas s’aventurer dans cette cité, pas elle, les pirates sont mauvais et elle pourrait se faire tuer, elle ignore la cruauté des hommes de la mer. « Tu ne comptes pas t’y rendre, Zéa ? C’est de la folie pure ! Les pirates n’ont pas d’honneur ! » J’avais peur pour elle, comme je craignais pour ma fille pour tous ceux que j’aimais.
Spoiler:
Surtout dit moi, si cela te convient. je me suis permise sans faire intervenir Zéa d'avancer un peu. Et je crois que nos deux sœurs vont finir sur terre XD
C’était sa malédiction : ce cœur trop grand, aussi vaste que l’océan, qui ne cessait de s’inquiéter pour les siens. Maintenant orné d’une couronne, son esprit charitable était mis à rude épreuve. Il y avait désormais beaucoup plus que ses enfants qui comptaient sur elle. Cette faiblesse lui faisait tant admirer sa grande sœur ! Si Zéa perdait l’un de ses enfants, s’il n’avait été de la présence des autres, elle ne sait pas si elle y aurait survécu. Au final, la souveraine était très peu désireuse de le savoir... Son regard troublé effleura le bijou à son poignet. Il s’agissait d’un bracelet d’une grande simplicité. Une chaînette en or ornée de coquillages, un pour chacun de ses enfants, qu'elle avait ramassé dans les jours suivant leurs naissances. Elle les chérissait depuis. Le premier coquillage était celui d’un mollusque quelconque, dur et d’une douce tinte de marron comme la chevelure de Maëa. Il détonnait des autres plus petits ou plus pâles. Celui-ci semblait plus brut, moins poli par les eaux salines, à l’image du fils vagabond qui avait trouvé refuge dans une autre contrée. Qui aurait cru que l’enfant prodige aurait l'audace de simplement disparaître ?
Entendre parler d’Emérya lui changea les idées pendant un bref moment, mais son inquiétude revint vite. Il y aurait toujours cette trace d’amertume qui souillait ses souvenirs quand on mentionnait son premier-né. Il était toujours là, quelque part dans sa tête, à virevolter gaiement parmi ses regrets et ses espoirs. Depuis sa disparition, la reine tournait le regard vers le ciel. Elle s’était rapprochée de la terre ferme pour y chercher des indices sans réussir à vaincre ses peurs suffisamment longtemps pour trouver une réelle piste. Toutefois, la souveraine ne fut pas sourde aux signes du destin qu’on lui envoyait par l’intermédiaire de Rheïane. Elle la coupa, insista sur le fait que Maëa n’était pas blond, puis s’anima d’une énergie nouvelle. Son regard nostalgique s’éclaira soudain d’un espoir tout nouveau, la flamme d’un amour qui ne voudra jamais mourir et qui ferait tomber des royaumes. Zéa se saisit des avant-bras de son aînée, la pressant de parler. Elle avait envie de la secouer pour en faire sortir toutes les parcelles d’informations possibles. Pendue à ses lèvres, la blonde passa par toute la gamme des émotions avant qu’une sensation prenne le dessus sur toutes les autres : Une farouche détermination. One-Eyed-Willy, bois des larcins, etc. Elle enregistra tous les renseignements qu'elle pouvait sauvegarder malgré ses pensées tumultueuses. « Tu ne comptes pas t’y rendre, Zéa ? C’est de la folie pure ! Les pirates n’ont pas d’honneur ! » Piquée à vif, la reine se redressa d’un bond. Son visage irradiant la ténacité et une pointe d’indignation. Sa décision était prise et son entêtement était t'elle que la sirène dorée prenait mal les avis contraires, furent-ils bien intentionnés. En fait, elle était presque déçue d’être la seule à être aussi euphorique devant les probabilités de retrouver le prince, préférant laisser dans le déni tous les périls que signifiait ce voyage sur l’île. « La véritable folie serait d’ignorer cette chance ! » déclara-t-elle avec éloquence avant de faire demi-tour, se pressant de retourner au palais sans attendre sa sœur.
Elle déambula à grande vitesse dans les couloirs du palais, faisant la sourde oreille aux gens qui la saluaient au passage. La sirène débarqua dans ses appartements sans prendre la peine de refermer la porte derrière elle. Soulagée ne pas tomber sur son époux, la souveraine déposa sa couronne dans son écrin puis s’activa à remplir un sac de voyage avec frénésie. Elle n’avait pas de plan, mais une chose était sûre : Elle ne pourrait pas continuer à faire semblant que tout allait bien si elle n’allait pas au fin fond de cette histoire. La souveraine entendit des coups de nageoires s’approcher d’elle et, devinant qu’il s’agissait de la brune, elle se dépêcha d’ajouter quelques mots avant qu'elle ne la contredise à nouveau. « Détrompe-toi ! Je ne suis pas totalement ignorante de la cruauté des pirates ! J’ai vu ce qu’ils ont fait à ma fille et ce qu’ils font endurer à notre peuple depuis des décennies ! Ils ne sont rien tu m’entends ! Rien face à ce sentiment d’impuissance que j’ai depuis sa disparition ! Si j’attends, il pourrait encore disparaître et cette fois je… Je ne veux plus le perdre. Je n’en peux plus ! » Doucement, Zéa arrêta de jeter ses biens dans son sac de toile. Elle soupira longuement tout en fermant les paupières quelques secondes pour se calmer. Ensuite, elle se retourna vers sa chère sœur, délaissant son approche jusque-là plutôt défensive pour un ton suppliant. « Aide-moi Rheïane. Moi qui ne t’ai jamais rien demandé auparavant, je t’en prie, aide-moi à retrouver mon fils. »
Spoiler:
Mille pardons pour ce long retard et les quelques fautes ! Je me relis demain.
Je connaissais ma sœur, bien plus que beaucoup d’autres personnes de son entourage. Bien que les années avaient coulé sur nous, ma gentille petite sœur avait gardé la même âme. Oui, je ne désirai pas qu’elle se rende sur la terre et c’était bien normal. Elle était Reine à présent et si par malheur il lui arrivait quelque chose, je savais que Malech ne me le pardonnerait jamais. Déjà que nos relations étaient difficiles, je n’allais pas en plus me faire un plus grand ennemi de lui.
Zéa : La véritable folie serait d’ignorer cette chance !
Quelle chance, une vague impression, un renseignement qui ne valait rien. J’aurais bien mieux fait de garder ma langue pour une fois au lieu de lui donner un faux espoir comme celui-ci. Déjà, ma sœur me tournait le dos, bien décidée à n’en faire qu’à sa tête. « Zéa ! Je t’en prie…Être impulsive ne te ressemble pas ! » Elle faisait la sourde oreille, ne m’entendant pas. « Tu ignores comment sont les humains, je les connais surtout ces pirates ! Ma sœur… » Peine perdue, je perdais mon temps à vouloir la convaincre d’une chose que moi-même j’aurais fait pour Emerya. J’activais la nage pour arriver enfin à sa hauteur dans ses appartements. La voir ainsi…je me rendis compte qu’au final, ma douce sœur avait légèrement changé. J’étais l’impulsive et l’aventurière, et elle la douce prudence, seulement…nous étions mère l’une et l’autre et cela effaçait nos différences pour ne faire qu’un seul cœur, celui de l’amour que porte une mère envers sa progéniture.
Zéa : Détrompe-toi ! Je ne suis pas totalement ignorante de la cruauté des pirates ! J’ai vu ce qu’ils ont fait à ma fille et ce qu’ils font endurer à notre peuple depuis des décennies ! Ils ne sont rien, tu m’entends ! Rien face à ce sentiment d’impuissance que j’ai depuis sa disparition ! Si j’attends, il pourrait encore disparaître et cette fois je… Je ne veux plus le perdre. Je n’en peux plus !
Mais cela restait de la folie, ma supposition lancée sur le ton de la réflexion n’était en rien une piste valable. Nous n’étions même pas certaines que ce jeune homme soit encore là où je l’avais aperçu. Mais, Zéa était ma petite sœur et il était bien entendu impossible que je lui refuse la moindre faveur. Nos cœurs de femme, mais surtout nos cœurs de mères se comprenaient bien trop pour nous délester d’un sentiment d’affection profonde, d’un courage inégalé et d’une folie douce.
Zéa : Aide-moi Rheïane. Moi qui ne t’ai jamais rien demandé auparavant, je t’en prie, aide-moi à retrouver mon fils.
Ses dernières paroles furent le coup de grâce pour moi. Elle jouait sur les mots et mon absence, ma petite sœur. Elle savait où frapper pour me faire lâcher les armes et rien n’y personne ne pouvait maintenant me faire faire demi-tour. J’approchais de ma sœur, comme une mère l’aurait fait, je lui pris la main, caressant sa joue. « Même si tu ne m’avais pas supplié, je t’aurais accompagné. Il est hors de questions que je te laisse y aller seule… » Nos regards se croisent, se comprennent sans avoir besoin de mots et sans plus de paroles, nous montons vers la surface, je connais par cœur les océans et les lieux pour se hisser hors de l’eau sans être vue. C’est à moi, maintenant d’apprendre à ma sœur, comment on se comporte sur Terre.
Après quelques minutes de nage active, j’approche de ma sœur pour lui montrer la surface. « Es-tu sûr de toi ? Ne veux-tu toujours pas que j’aille en reconnaissance avant ? » Elle est déterminée, je le sais, mais je demande tout de même. « Très bien…suis-moi ! » Je suis la première à sortir ma tête de l’eau, une crique minuscule à quelques kilomètres du bac que les pirates utilisent pour aller sur leur île. J’approche de la plage, rampant sur les derniers mètres pour faire disparaitre ma queue de naïade. J’aide ma sœur, c’est la première fois que je vois sa nageoire disparaitre. C’est de la folie. « Sais-tu au moins te tenir sur des jambes ? As-tu appris à marcher ? Mon Dieu...ton époux va me tuer pour ce que je fais.»