Le spleen qui vient me saisir aux tripes pendant mon beau discours, j'en ai pourtant l'habitude. C'est vrai quoi, c'est pas comme si j'avais passé ces vingts dernières années, au bas mot, à déprimer Sur mon sort en ressassant le passé. Alors peut être qu'en effet, en plus d'être dépressif, je suis devenu philosophe. Ou défaitiste on les trois à la fois. Je sais pas trop comment on peut interpréter ma tirade au final. Je suis même plus certain de le savoir moi même ce que j'ai voulu dire à part qu'il n'y a pas grand chose à faire si ce n'est laisser courir et attendre de voir ce que cette île nous réserve.
Il se revendique pessimiste, le pirate, et il semble l'être en effet. Quoi que je crois distinguer quelque chose de bien pire que cela dans les paroles qui suivent. Être pessimiste a ses avantages quoi qu'on en dise, on est jamais déçu si on n'attend jamais rien. à chaque bonne surprise au détour du chemin... et bien c'est le principe même de la surprise non ? Et en prime le pessimiste n'est jamais pris de cours en cas de revers du destin. En revanche ... son dernier laïus me fait dresser un sourcil interrogateur. Nos rôles respectifs ? Allons bon. Mon pessimiste est en fait un fataliste. La fatalité, le destin, tout ça c'est bien beau, mais c'eut un peu la solution de facilité. Et s'il n 'arrive moi même de noirs certaines fois que ce qui est arrivé à ma sœur était écrit, je me refuse à croire que ce puisse être la volonté de l'île et certainement pas dans le but de nous donner une leçon, à elle ou à moi d'ailleurs. Bien sûr, j'en ai voulu à tout le monde, moi surtout, l'île un peu. Mais là il mélange tout. Nos rôles respectifs n'ont rien à voir dans tout cela. Lizzy justement, n'en est elle pas l' exemple parfait ? «Il n'y a rien de ce genre.» Et pour la première fois mon ton se fait plus sec. Nous discutions jusqu’ici, voila que je le reprends Comme on corrigerait un gosse qui vient d'être grossier. «Le rôle des enfants n'est pas de mourir d'une quelconque fièvre. Ni... » Je m'interromps avant d'en dire trop. Mais qu'est ce qu'il me prend de me lancer sur ce sujet maintenant ? De remettre ça sur le tapis , d'en faire à présent une obsession maladive. Je devrais pouvoir tourner la page après ce qu'il s'est passé dans cette nuit là, son fantôme, les ronces, les mots qu 'elle a prononcé et ceux de ma réponse. Et pourtant voila que je m’agace tout seul, à mélanger les torchons et les serviettes en essayant d'appeler un chat un chien.
C'est finalement sur un ton blasé que je reprends, m’efforçant de faire abstraction de tout ce qui n’a rien a faire dans la conversation. « Non, je ne pense pas que nos rôles puissent avoir un impact dans tout ce bazar. Pour la simple et bonne raison qu’aucun de nous n’a un rôle prédéfini. C’est pas ça votre truc a vous, les pirates ? Votre belle excuse pour prendre le large, outre les pillages et massacres ? La liberté. L’appel de la mer, l’envie de briser les conventions et les règles ? C’est pas un peu contradictoire avec ce discours ? » J’aurais pu trouver mieux comme réponse mais philosopher des heures sur le problème ne ferait que me forcer à ressasser les miens… de problèmes. Déjà que j’arrive pas a me sortir de la tête cette hypothèse que je voudrais pourtant refuser… elle est morte parce qu’il était écrit que je devais souffrir sa perte… c’est stupide, parfaitement ridicule, c’est donner raison a ce cauchemars qui en faisait un démon désireux d’avoir ma peau. Un démon c’est ça… « L’île ne nous impose rien. Pas un destin tout tracé en tout cas. Elle nous guide, plaçant des obstacles sur nos routes ou changeant les règles du jeu, certes, mais c’est a nous qu’il incombe de tourner a gauche ou a droite, bâbord ou tribord. Neverland ne tient pas la main de votre capitaine quand il vire de bord si ? Personne ne vous a forcé a passer la porte de la taverne tout a l’heure ou a me rejoindre après m’avoir reconnu. Pas plus qu’on ne me force à diaboliser son souvenir pour ne pas affronter mes propres prob… » les mots se sont stoppés net avant de franchir mes lèvres comme je réalise que je n’ai pu retenir cette pensée. Et sans faire attention à ce qu’il pourrait bien penser de mon changement d'attitude, je porte ma main à mon médaillon, une fois de plus, serrant mes doigts sur le métal à m'en faire mal. Mon air hagard se meut peu à peu en un sourire satisfait, puis en un ricanement léger. Comme il m'en aura fallut du temps pour me rendre compte de ce que j'étais en train de faire, de la façon dont je me suis renfermé sur moi même, me cachant derrière mon passé pour justifier une peur d'avancer ridicule.
Sans ajouter un mot, je finis par me lever. Oh je me doute qu'il sera surpris, que mes mots et mes actes ne doivent pas avoir beaucoup de sens pour lui en cet instant mais.. comment pourrais je lui expliquer l'importance de ce qu'il vient de faire sans même sans rendre compte. Alors je pose ma main sur son épaule comme je passais à coté de lui pour me diriger vers la sortie. « Merci. » Ça non plus il ne comprendra pas. « Ca en a peut-être pas l'air mais tout ça... votre pessimisme, votre fatalisme mon ami, m'a permis de me rendre compte à quel point les miens étaient pitoyables. » Je tire un peu sur la chaînette à mon cou pour poser le regard sur la médaille de ma sœur et ricaner de nouveau. « Aller de l'avant. J'ai pas gardé ça pour me morfondre, pour croire au destin ou ce genre de connerie. Je l'ai gardé pour ne pas oublier que je dois vivre pour deux. Il était temps que je m'en souvienne. J'aurais... » Ma main se fait plus pressante sur son épaule et je sourie de plus belle en prononçant la phrase suivante. « .. j'aurais juste jamais cru qu'il m'aurais fallut fraterniser avec un pirate pour m'en rendre compte. Vous avez peut-être raison, c'était peut-être votre rôle sur mon chemin, ou bien pas du tout et ce sont simplement nos choix qui m'ont fait cogiter. J'en sais rien. Mais merci l'ami, du fond du cœur. » Je tapote une ou deux fois l'épaule que je finis par lâcher avant de quitter la taverne. Un large sourire cette fois bien ancré sur mes lèvres comme un pied de nez à toutes ces conneries de destin et de rôle prédéfini. Un jeune vieillard aigri, moi ? Plus jamais. Il est temps de vivre... enfin.
hors RP:
Et voila.. virage sec pris pour Stue... à toi de voir si on clos là dessus ou si tu veux répondre derrière mais c'est tout pour moi sur ce rp... Stue en doit une à Jerem même si je doute qu'il comprenne pourquoi
«C'est comme les gens qui s'imaginent qu'ils seront plus heureux en allant vivre ailleurs, mais qui apprennent que ça ne marche pas comme ça. Où qu'on aille, on s’emmène avec soi.» N. Gaiman
« C'est une jolie théorie » Répondit-il en riant
Ils n'étaient pas vraiment du même avis tous les deux mais ça n'était pas une nouveauté. Et c'était même plutôt le signe qu'ils étaient capables d'établir un lien sans pour autant être d'accord sur le sujet. Jeremiah ne pensait pas vraiment que tout était tracé. Mais il sentait plus ou moins que la situation ne s'accordait pas à une réponse de sa part. L'enjeu n'était pas là. Et la réaction de son compagnon d'un soir lui prouva qu'il n'avait pas forcément tort.
La suite aurait pu le laisser stupéfait mais le pirate se repris bien vite et un sourire amusé se dessina sur ses lèvres, suivi par un petit rire d'incompréhension. Quoi qu'il ait pu se passer et même s'il n'en avait pas compris grand chose, il semblerait que le rouquin ait vécu une subite prise de conscience. Le pourquoi du comment relevait du grand mystère mais ça avait l'air d'être sacrément positif pour le faire changer ainsi du tout au tout. On aurait presque pu croire qu'un nouvel homme se tenait devant lui. « Le destin, le hasard ou la providence, qu'importe ! C'était un plaisir d'être utile » Approuva-t-il amusé
C'était un peu comme si ce drôle d'épisode venait de prendre fin. En le voyant quitter la taverne, Jeremiah se demanda si leurs routes se recroiseraient. C'était la seconde fois qu'ils se rencontraient, peut-être que l'histoire se terminerait comme ça ? Cette rencontre apparemment anodine aurait peut-être un impact sur leurs vies respectives, qui sait ? Il était trop tôt pour le dire mais le pirate sentait que ça ne resterait pas sans effet. Les choses changeaient à tout point de vue et il savait qu'il serait bientôt tenu de faire un choix.
Le forban se leva à son tour, finalement plus enjoué que lorsqu'il était arrivé ce soir là. Il avait bien fait de venir. Il ne s'attendait pas à ce que les choses prennent cette tournure mais c'était au final une sacrément bonne surprise. Quoique le hasard lui réserve, Cookson était définitivement prêt à ce qui se préparait. Il glissa quelques pièces sur la table en guise de paiement et sorti, mains dans les poches et la démarche bien plus légère. La nuit couvrait toujours Neverland et un fin manteau de neige nimbait la ville de blanc. Silence sur la ville alors que sa silhouette s'éloignait dans les ombres, déjà oubliée.