J’avais fait la morte depuis bien trop longtemps maintenant, ma famille m’avait toujours manqué, mais j’étais incapable de revenir vers eux après ce qu’il s’était passé dans ma vie. J’avais eu des nouvelles par le biais d’Egéon, lui faisant jurer qu’il ne devait parler de moi sous aucun prétexte. Il avait tenu parole jusque-là et je lui en étais reconnaissante. Seulement, les choses avaient changé, la Reine que je tenais pour responsable de la mort de deux des Êtres qui m’étaient chers avait été destituée et ma sœur et son époux venaient de reprendre le pouvoir pour le bien du peuple des sirènes, cela ne faisait aucun doute. Mais ce qui avait surtout motivé ma décision de retourner au palais était ma douce fille, Emérya, elle qui me reprochait de ne pas la laisser vivre. Durant notre conversation, bien que j’avais été rude envers elle, il m’était apparu qu’elle était en âge d’apprendre certaines choses et notamment qui nous étions, et connaitre notre famille serait un bon début. Cependant, avant de l’emmener avec moi, je comptais m’assurer que mes proches m’accepteraient malgré ma longue disparition. Egéon m’avait révélé qu’ils pensaient que j’étais morte, j’en avais été attristée bien entendu, mais j’en étais la seule responsable.

Ce matin-là, j’avais quitté ma cabane au bord de l’eau pour sauter dans l’océan tout près de notre demeure, parcourant les kilomètres qui me séparaient du palais, j’y étais arrivée sans encombre. Dans les profondeurs des eaux qu’il fasse nuit ou jour cela ne se remarquait nullement. Et bien que le monde extérieur semblait s’inquiéter de cette nuit permanente, là où je me trouvais entre les algues et les récifs, cela ne faisait aucune différence. Plus j’approchais de l’endroit et plus mon cœur palpitait fortement dans ma cage thoracique. Combien de temps avais je laissé passer ? J’en avais perdu le compte, mais bien trop, cela était évident. Je stoppais mon avancée en apercevant les portes du magnifique palais où enfant, j’aimais m’amuser. Des souvenirs heureux, d’autres moins, des visages que je n’avais oubliés. Il me semblait, maintenant que j’étais ici, que je n’étais jamais partie. Qu’allaient penser ma sœur et mon frère ? L’idée qu’ils me repoussent m’avait déjà traversé l’esprit avant de bondir dans la mer, mais…on ne peut ignorer sa famille, elle fait partie de nous à jamais. Un triton passa près de moi et me salua, je lui rendis son salut amical et poursuivis mon chemin.

Le gardien des portes me demanda ce qui m’amenait en ce lieu. Cette simple demande me fit perdre mon aplomb et je prie mon temps pour lui répondre que je désirai voir Sa Majesté Zéa, Reine des mers. « Êtes-vous attendue, Madame ? » Un rictus embarrassé vint se mettre sur mon visage. « Oui, depuis très longtemps » Il me laissa entrer et de quelques coups de nageoire, j’arrivais vers la grande salle de nacre. Celle où il nous était interdit d’enter lorsque nous étions encore de jeunes sirènes. Le trône était vide. Un triton vint vers moi, un coquillage nacré entre les mains. Sa tête s’inclina et il me demanda poliment ce que je faisais ici. « Je viens voir ma sœur, la Reine Zéa, soyez aimable de lui dire que j’aimerai…lui parler » Le triton de mira de bas en haut, comme s’il n’était pas certain que je dise la vérité. Tant de choses s’étaient produites ici, la mort de mes parents, celle de mon oncle et ma tante, souverains d’un temps révolu. « Sa Majesté la reine Zéa ! » La voix du triton résonna dans le palais et je vis entrer ma magnifique sœur vêtue des attributs royaux. Pendant un instant, nous nous arrêtâmes de battre de la nageoire, durant ce laps de temps, nos regards entrèrent en communion, s’interrogeant l’une l’autre sur la véracité de ce moment improbable. Je fus la première à rompre le silence, allant vers elle pour la prendre contre moi. « Ô, ma chère Sœur, comme tu m’as manqué, je ne saurais te dire combien ces années ont été bien trop longues »