Ça faisait déjà quelques semaines que j’espionnais cet homme. Au départ, son visage m’évoquait simplement de vagues souvenirs, une personne dont je ne pouvais me rappeler le nom. Il fallait dire que je l’observais toujours de loin, de crainte de me faire repérer. Puis, un jour, j’avais osé m’approcher un peu plus. C’était à ce moment-là que j’avais pu mieux distinguer ses traits faciaux. J’avais alors constaté avec surprise qu’il était le portrait tout craché de mon fils aîné, Maëa. Sauf que ce n’était pas possible. Mon fils détestait les humains presque autant que moi. Jamais il ne se serait aventuré sur terre, surtout pas pour y habiter. Néanmoins, je continuai ma petite enquête, par curiosité et par désir de retrouver mon enfant. Car s’il y avait la moindre chance qu’il s’agisse réellement de lui, je devais faire tout pour me rapprocher, pour le retrouver. Je m’étais donc approchée graduellement des rives, jusqu’à ce que je fusse assez près pour le reconnaître pour de bon. Si j’avais pu, je me serais jeté sur lui pour le serrer dans mes bras, pour prendre de ses nouvelles et le ramener avec moi, dans l’océan, mais c’était impossible. Si je me révélais tout de suite, je courrais les chances de me faire rejeter. Après tout, je ne savais plus rien de lui. Je ne l’avais pas revu depuis des centaines d’années. Peut-être qu’il avait changé. Peut-être qu’il ne voulait plus rien savoir de notre peuple.
Je décidai donc d’attendre. J’attendis une semaine, le temps d’imaginer le plan parfait, la meilleure façon de l’aborder. Puis, lorsque je fus prêt, je retournai chez lui. Seulement, il n’y était plus. Mais je ne baissai pas les bras pour autant. En effet, suite à cette découverte quelque peu décevante, j’ai passé quelques jours à le chercher partout, demandant aux gens s’ils l’avaient aperçu quelque part, sans aucun résultat. Puis, finalement, alors que j’étais sur le point d’abandonner, une habitante m’avait affirmé qu’elle l’avait vu quelques minutes plus tôt dans une taverne située juste au bout de la rue sur laquelle je me trouvais. Dès que j’eus remercié cette exécrable humaine, je m’étais dirigé d’un pas très rapide jusqu’au lieu dans lequel mon fils disparu m’attendait probablement. J’y étais arrivé en quelques minutes à peine tellement j’avais marché rapidement. Seulement, une fois face à la porte d’entrée, je me mis à douter, à hésiter. Et si ce jeune homme que j’avais aperçu n’était pas réellement Maëa? Et s’il ne me reconnaissait pas? Et s’il ne voulait pas me parler?
Après ce bref moment d’hésitation, je franchis enfin le seuil de la porte, faisant retentir une clochette qui annonça mon arrivée. Certaines têtes curieuses se tournèrent dans ma direction, mais la plus part m’ignorèrent royalement et c’était tant mieux comme ça. Si jamais quelqu’un ici découvrait ma véritable identité, j’étais cuit. J’avais beau être fort, je ne pouvais pas grand-chose contre une armée de pirates et d’habitants probablement armés jusqu’aux dents! J’adressai donc un hochement de tête à l’un des serveurs qui me fixait d’un drôle d’air avant de tirer légèrement sur mon capuchon, pour qu’il camouffle un peu plus mon visage, ce qui eut pour effet d’apaiser la méfiance de l’employé. Rassuré, je me dirigeai donc vers l’une des tables du fond à laquelle un homme dont la silhouette et la chevelure m’évoquait vaguement celle de mon fils. Une fois à sa hauteur, je l’observai brièvement, afin de m’assurer que je ne me trompais pas d’individu. Heureusement pour moi, c’était bien lui. Je pris donc place au tabouret face à lui sans même me présenter. Mon but était de faire comme si nous étions de vieux amis qui avions décidé de se retrouver pour rattraper le temps perdu. Ce qui était un peu notre cas, dans le fond.
Je ne laissai pas le temps à mon fils de réagir que je m’exclamai d’un ton faussement enthousiaste : « Alors, mon gars! Ça faisait un moment, non? » En prononçant ces paroles, je me forçai à rire et je donnai une tape sur l’épaule de mon fils avant de reprendre la parole, cette fois d’une voix un peu plus basse, presque en chuchotant. « Maëa? Tu me reconnais? Personnes ne doit savoir que je suis ici. Sinon, on est tous les deux dans la merde. Tu comprends? »
roller coaster
Spoiler:
Voilà! :cute: S'il y a quoi que ce soit qui ne va pas, juste à m'envoyer un mp et je modifierai
Un rire gras qui retentit à quelques mètres de lui. Il ne tourna pas le regard pour voir d'où il venait, il s'en doutait parfaitement. Encore un pirate ou un rustre vulgaire qui tentait de saisir une des serveuses, faisant courir ses mains sales sur ses formes voluptueuses. Il pouvait entendre la jeune femme essayer de le repousser avec grâce, il n'était pas question qu'elle perde un client parce qu'elle lui avait hurlé dessus. Ces manières le dégoutaient. Il serrait sa chope de bière, à s'en faire blanchir les phalanges, se retenait de sauter sur cet être répugnant. En voilà un qui ne manquerait à personne. Ca lui permettrait de soulager ses nerfs. Il serait si facile de l'entrainer à l'écart. Vu son état d'ébriété n'importe quel prétexte bidon marcherait certainement. Puis une fois dehors, hors de la vue des passants, il lui suffirait de l'entrainer dans l'eau pour le noyer. Ce serait simple, rapide et ça lui ferait tellement de bien. Mais il perdrait de vu sa cible.
Car ce n'était pas pour le plaisir de la compagnie ces hommes ou pour la qualité déplorable de la bière qu'il était là. Il était venu pour une raison précise. Pour le suivre lui... Il n'avait pas retenu son nom. Cela n'avait aucune importance. Il n'était qu'un pion dans son plan, une quantité négligeable qu'il se chargerait très bientôt d'éliminer. Cela faisait un petit moment désormais qu'il le filait, observant ses habitudes afin de trouver le meilleur moment pour le piéger.
C'était un marin insignifiant, pas assez doué dans quelques domaines que ce soit pour prendre de l'avancement. Il était le larbin. Celui qui se contentait de faire les tâches dont personne ne voulait. Trop vieux maintenant pour réussir à se démarquer mais pas assez pour qu'il puisse prendre sa retraite. Il n'était pas certain que ses camarades de bord remarquent sa disparition avant plusieurs jours. Quand ils se rendront compte que tel ou tel tache de moindre importance n'avait pas été accompli, quand ils s'apercevront qu'il manque quelqu'un sur son quart. C'était la première victime parfaite.
Il la préparait depuis un moment. Il avait mûri son projet alors qu'il était encore sur son île. Puis il était parti, pénétrant pour la première fois depuis deux cent ans dans cette mer qu'il avait quitté par amour. Il y était revenu... pour venger cet amour.
C'était le jour parfait pour passer à l'attaque. Il était entrain de s'enivrer seul. Ses pseudos camarades de bord étaient partis depuis longtemps. Il était déjà saoul mais il continuait de boire. Quand il se déciderait finalement à partir il ne sera plus vraiment en état de lui résister. Il pourra alors passer à l'attaque et débuter sa vengeance.
Il repoussa sa bière et se prépara à se lever. C'était le moment. Il avait terminé sa bière et commençait à sortir de la taverne en titubant. Il allait...
« Alors, mon gars! Ça faisait un moment, non? »
Il se figea, se retournant vers la personne qui lui avait parlé. Il ne s'était même pas aperçu que quelqu'un était venu le rejoindre à sa table. Il avait été trop absorbé par la filature de sa proie pour remarquer quoi que ce soit d'autre. Et cette personne... qui lui parlait comme s'ils étaient de vieux camarades alors qu'il ne connaissait personne en ville.
« Maëa? Tu me reconnais? Personnes ne doit savoir que je suis ici. Sinon, on est tous les deux dans la merde. Tu comprends? »
Il était sous le choc. L'accolade bourrue qu'il reçut sur l'épaule ne le fit pas sortir de l'état dans lequel il était à voir qui était venu s'installer face à lui. Ce n'était pas possible... après toutes ces années, comment avait-il fait pour le retrouver? Et surtout pourquoi était-il venu ici? Il savait pertinemment ce qu'il risquait en venant à découvert et surtout à quel point il détestait les humains. Alors pourquoi? Pourquoi après toutes ces années venir le voir maintenant? Et même tout simplement pourquoi venir le voir. Il devait le détester ou au minimum lui en vouloir d'être parti comme il l'avait fait.
Sur le même ton que le sien il se décida à lui répondre, sortant un instant de son silence choqué.
- Je comprends.
Il prit une gorgée de sa bière, dissimulant difficilement sa grimace de dégoût en avalant le liquide. Il l'avait prise davantage pour s'aider à reprendre ses esprits que par envie. Son père... de sa vie il n'avait jamais cru qu'il pourrait le revoir un jour et encore moins dans un endroit comme celui ci.
- Ce que je ne comprends pas par contre c'est ce que tu fais ici... Papa...