Les retrouvailles avec ma sœur, avec ma famille entière d’ailleurs m’ont rendu un peu d’espoir et de bonheur dans le cœur. J’ai été invitée pour un bal qui aura lieu ce soir, seulement, je ne peux pas pour le moment, Emérya ne sait rien de ce qu’il se passe, qui elle est vraiment et je ne peux le lui dire ainsi, surtout depuis notre conversation sur son indépendance. C’est d’ailleurs en partie pour cette raison que j’ai ressenti le besoin de revenir vers les miens, car sans ma fille, je risque fort de me retrouver à nouveau isolée et sans personne. Non, il était tant pour moi de revenir auprès des miens de retrouver cette sociabilité qui me faisait défaut depuis toutes ces dizaines d’années. Je nage à travers le palais aquatique, m’arrêtant parfois pour faire ressurgir un souvenir, des objets, des pièces qui me font revenir bien longtemps en arrière. J’ai presque la sensation que tout cela n’a pas été vécu par moi. Où est donc passé cette jeune sirène craintive des humains, celle qui jouait et s’amusait d’un rien, l’innocence est partie avec la dureté des âges, avec la peine et la colère. Mais alors que je traverse ce passé sous la forme de ce palais, je retrouve des sentiments que je pensais perdus à jamais. Cachés aux tréfonds de mon âme, ils ne demandaient qu’une petite étincelle pour ressurgir et me feraient presque monter les larmes aux yeux. L’endroit est immense, mais j’en connais chaque recoin et chaque couloir, en passant près des cuisines, je perçois un chant, puis des voix, je me demande si Olaf et ses parents sont toujours ici. Ont-ils servi la Reine usurpatrice ou sont-ils revenus après ? Peut-être qu’ils sont tout simplement partis comme je l’ai fait, fuir pour survivre, se cacher pour mieux résister.

Machinalement, j’ouvre la porte. Cette entrée où je me glissais étant jeune sirène pour déguster les plats merveilleux des cuisiniers de mon oncle et ma tante. Le visage de l’homme de haute stature qui se trouve au centre de la cuisine se ferme légèrement, plissant les yeux, il semble s’interroger. Ai-je tellement changé depuis mon départ. Il est vrai que la dernière fois que nous nous sommes vus j’avais tout juste dix-sept ans d’apparence. Je lui souris, laissant la porte se fermer lentement au rythme des vagues qui secouent le palais.

Olaf : Bonjour, excuse-moi, mais je te connais ?

Ma nageoire bat lentement pour me permettre de faire du surplace. Oh oui, tu me connais, mon vieil ami. « Je crois en effet que nous nous connaissons depuis très très longtemps et j’avais peur je l’avoue de ne pas te trouver devant tes assiettes, Olaf » Il ne sait plus qui je suis. Cela devrait m’attrister, mais au contraire, je comprends que la mémoire due à notre vie très longue ne nous permet pas toujours de nous souvenir de tous. Pourtant, lui et moi…des nuits entières à goûter ses pâtés, ses inventions culinaires extraordinaires. Il mettait autant d’amour dans ce qu’il préparait que ses parents le faisaient. « Tu ne te rappelles pas ? J’étais ta petite goûteuse attitrée, ton amie j’espère également… » Je ne lui donne pas la réponse dans l’immédiat, j’aimerai tant qu’il trouve qui je suis.

Olaf : Bonté divine... Rheïane !

Il suffit qu’il prononce mon prénom pour voir mon visage s’illuminer rapidement. Le simple fait qu’il se souvienne de moi me fait un point au cœur. En quelques coups de nageoire, il se trouve près de moi, nos regards se croisent et je retrouve ce triton au sourire chaleureux que j’aimais tant à l’époque.

Olaf : T'a pas tellement changé la crevette !

Oh que si, j’ai changé et pas qu’en bien, lui par contre à part ses traits plus âgés que les miens, je le retrouve tel que je l’ai laissé jadis. Dans ses cuisines à vivre de cette passion qui ravissait les palais de toute la cour. « Si un peu, mais toi…tu es resté tel que je l’imaginais » un grand sourire ourle nos lèvres respectives avant qu’il ne m’invite à prendre place pour manger un morceau. Non, il n’a pas changé, c’est toujours le même, prévenant et voulant toujours le bien autour de lui. Il s’active, prend ce qu’il se trouve dans un coin de sa grande cuisine, me soumet le tout devant mon nez et je sais qu’il veut que je fasse honneur à son plat, alors, comme dans le temps, je me montre d’humeur amicale et joyeuse. « Oui, je sais que tout est toujours parfait dans cette cuisine, toujours » Nos iris clairs se croisent et son visage me remémore tellement de choses. Tout ce qu’il s’est passé entre ses murs de nacre étincelante. Rien ne semble avoir changé, et pourtant, nous avons tous changé, nos cœurs ont pris de l’âge, des centaines d’années loin sans que nous sachions ce qui était advenu de nos amis, de notre famille. Je me rends compte que mon absence a fait bien plus de dégât dans mon cœur que je ne voulais d’admettre. Son équipe vient me saluer, je sais que déjà à l’époque les commis étaient sociables et bienveillants. Comme disait souvent son père "Si tu veux vivre en bonne harmonie, commence déjà par un bon petit déjeuner, aime ton travail, aimes ce que tu créer et aimes les autres"

Je prends la nourriture qu’il me tend, fermant les paupières pour en savourer le goût. Depuis que je suis sur Terre, j’ai goûté à bien des mets différents et savoureux, mais sa cuisine à lui est toujours au dessus de beaucoup de choses. « Tu ferais des merveilles si tu découvrais toutes les saveurs que les humains possèdent » Sans le savoir, je venais de lui faire un grand plaisir, comment pouvais-je savoir qu’en secret il était venu découvrir le monde des hommes. Je me rendis vite compte que beaucoup de tritons et sirènes désapprouveraient les escapades sur la terre, pourtant, pour moi, cela faisait partie de ma vie. « Oui…je sais que cela peut paraitre étrange, mais…je vais souvent à la surface, j’ai entendu dire que le Roi, le mari de sœur désapprouvait les relations entre nous et les humains, seulement…Tu me connais, je n’ai jamais respecté les règles et je hais les ordres qu’on me donne…et toi et moi, nous ne sommes plus des enfants…viens avec moi un jour, je te ferais découvrir des merveilles » Je mire avec intensité, le visage bienveillant de cet ami qui je le sens au fond de moi, l’est toujours. Je peux avoir confiance, avant nous partagions des secrets, alors pourquoi les choses auraient elles changées ?