Certains disent que le hasard en ce monde n’existe pas, que tout est déjà écrit et prévu pour que les âmes destinées se croisent un jour ou l’autre. Que les coïncidences ne sont en fait que des choses qui devaient arriver et qu’absolument tout est prédit. Peut être ont-ils tort, peut être ont-ils raison, dans tous les cas, cette journée était restée gravée dans la mémoire de la vieille enfant qui n’avait jamais été plus heureuse de son immortalité. Car la rencontre qu’elle avait faite ce jour là l’avait comblée bien plus qu’elle ne souhaitait
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se l’avouer. Son âme d’enfant avait trouvé quelque chose qui lui manquait pour se sentir parfaitement « enfant ». Une maman.
Il y a plusieurs mois..
Le soleil se levait tranquillement sur l’île imaginaire et ses occupants, les inondant de sa douce chaleur et de sa lumière bienveillante. Les oiseaux chantaient gaiement pour célébrer ce nouveau jour que Neverland faisait et offrait rapidement accompagnés par les cigales des forêts d’été. Le camp des enfants-perdus commençait à grouiller de vie avec toutes ces petites mines qui suivait la courbe de l’astre brûlant, prêt à vivre une nouvelle journée remplie d’aventures et de surprises en tout genre. May-Lee qui vivait plus haut fut l’une des premières à voir son visage caressé par les rayons réchauffant et ses yeux se plissèrent pour finalement s’ouvrir et cligner à répétions pour s’habituer à ce matin aveuglant. Elle s’étira comme un chat et quitta son espèce de couche improvisée de paille et de feuilles fraiches apportées il y a quelques jours par sa fée pour atterrir dans le bordel de sa cabane. Elle tassa des pieds le bric à brac pour chercher ses chaussures et aller s’asseoir sur le bord de la grande branche qui soutenait le devant de sa maison. Inspirant l’air frais, elle enfila ses bottines et jeta un coup d’œil sous ses pieds pour entrevoir le camp et les autres qui se déplaçaient sur les ponts entre les habitations pour finalement glisser de branches en branches et atterrir souplement au sol. La Chicaneuse alla rejoindre quelques de ses amis pour déjeuner en leur compagnie de délicieux fruits que les forêts du printemps et l’été offraient constamment et en abondance. Elle les dévora sans aucune grâce, tachant un peu plus ses vêtements, mais elle s’en moquait éperdument. Bien repue, elle décida d’aller se promener un peu, ne sachant pas trop quoi faire de sa journée. Sa fée était occupée aujourd’hui et donc elle devrait se débrouiller seule. Peut être pourrait en profiter pour perfectionner sa nage ? Avec cette chaleur, ça ne pourrait faire que du bien, mais hors de question de faire ça dans le coin pour qu’on la remarque et qu’elle soit le sujet des moqueries pour les prochaines lunes.
Décidée, l'auburne se mit en quête de trouver un petit espace tranquille et pas trop dangereux non plus, disons pas trop populaire auprès des pirates. Elle n'avait envie de faire de drames ou de vivre de quelconques batailles, elle ne s'en sentait pas l'âme. Parfois des journées au calme ça ne pouvait faire que du bien, même pour une enfant-perdue tel que May-Lee dont l'esprit bouillonnait toujours d'idées folles. Se reposer les méninges lui devenait parfois plus que nécessaire quand elle ne faisait que s'énerver contre ses créations qui refusaient de fonctionner comme elle souhaitait. Et dans ces moments, elle finissait surtout par les mettre en morceaux et taper sur tout ce qui passait sous ses petits poings. Enfin bref, elle quitta le camp pour s'enfoncer dans cette horrible forêt de l'hiver qu'elle détestait profondément. Il ne lui fallut pas longtemps pour commencer à pester parce qu'elle avançait difficilement et qu'elle ne sentait plus ses orteils. La neige, c'était pas pour elle, du tout. Finalement sortie, elle marcha vers le territoire des bêtes sauvages, le contournant pour ne pas s'attirer les foudres d'un ours endormi qui n’apprécierait pas son passage dérangeant. Et malgré sa confiance en elle, elle doutait très franchement de ses capacités à fuir ce gros tas de graisse.
Enfin elle arriva sur une grande plaine et elle put souffler et se promener tranquillement, laissant le hasard choisir le chemin que ses pas empruntaient. En chemin elle fut aisément déconcentrer plus d'une fois par des papillons qui virevoltaient un peu partout et elle s'amusa à les poursuive avant de se souvenir de son but premier et de reprendre la route. Finalement elle tomba sur la Crique du Lapin qui semblait plutôt reposante à cette heure de la matinée. Satisfaite, la gamine posa sa besace contre une pierre et enleva ses chaussures, mais n'eut pas la bonne idée de retirer quelques de ses vêtements pour avoir quelque chose de sec à se mettre sur le dos. On ne lui avait jamais dit qu'il fallait le faire, alors elle ne le faisait pas. Sans aucune grâce, elle courut dans l'eau et tomba dans les fines vagues pour ressortir la tête de l'eau et commencer à patauger maladroitement. Bien sûr elle restait là où elle pouvait garder pied, mais aussi elle tentait de ne pas toujours compter sur ce dernier. Fouillant sa mémoire, elle chercha les instructions de son ami triton, Égéon. Comment il fallait qu'elle bouge les bras déjà... comme ça ? Elle les agita dans deux sens différents, ce qui ne la faisait pas franchement avancer, créant plutôt des éclaboussures. Prenant une pause, elle ferma les yeux pour tenter de se souvenir, mais des bruit de pas dans l'herbe la firent tiquer et vivement elle releva la tête pour en trouver la cause, fouillant fébrilement des yeux l'environnement autour.
« Y'a quelqu'un ? »
Ne recevant aucune réponse, May-Lee haussa les épaules et se concentra de nouveau sur sa pratique, venant tout juste de se rappeler qu'il fallait aussi bouger les pieds. Tellement prise, elle ne remarqua pas qu'elle s'éloignait dangereusement du bord et arriva le moment fatidique ou son pied ne trouva pas plancher elle s’enfonça brutalement dans le flots. Presque instantanément la panique s'empara de sa personne et elle s'agita dans tous les sens, tentant désespérément de se remonter vers la surface. Cependant elle manqua un sursaut quand deux bras la tirèrent de là et la ramenèrent vers l'air libre. Prenant une énorme goulée d'oxygène, l'auburne toussa et tourna ses saphirs pour mirer celle qui smebalit être sa sauveuse du moment. Dans un élan de bonté et de reconnaissance, elle lui demanda avec toute la délicatesse qu'elle possédait pas :
L’expédition avait commencé depuis plusieurs jours, Anne avait quitté le port et son capitaine pour une semaine de voyage dans lequel elle s’était mise en quête de retrouver un coffre qu’ils avaient caché alors qu’à ce moment là ils avaient été dans l’incapacité de le ramener. Le chemin n’était certes pas long, mais Anne avait préféré partir à cheval et surtout afin de pouvoir transporter le coffre plus facilement bien qu’il ne soit pas très gros. Anne n’aimait pas voyager à cheval car elle n’avait pas confiance en ces bêtes là mais elle devait avouer que c’était tout de même très pratique. Alors, Elle longea la côte en ayant souvent le regard posé sur la mer, revenant sur leurs pas bien que cela soit arrivé quelques semaines plus tôt. Sa mémoire en réalité ne lui fait jamais défaut, l’irlandaise sait observer et analyser son environnement et ainsi elle retrouva vite ses marques. Le deuxième jour après une nuit à Bartok, Anne avait reprit le chemin et fit notamment une halte près de la crique du lapin pour que son cheval puisse s’abreuver et parce que l’endroit où se trouvait le coffre n’était pas bien loin. Anne ne s’approcha cependant pas de la rive, lorsqu’elle perçu des bruits d’eau irréguliers, trahissant la présence de quelqu’un. Une sirène ? Méfiante, Anne laissa son cheval et s’approcha en silence du lieu, repoussant les branches et les hautes herbes entre ses mains. Elle vit dans l’eau, une jeune fille en train de…nager ? C’était trop irrégulier pour être naturel, c’était comme si elle était en train de se noyer.
Anne se précipita vers la rive dans un vent de panique lorsqu’elle disparu de la surface, ne prenant pas le temps de retirer ses vêtements, elle s’enfonça peu à peu dans l’eau jusqu’à l’endroit où elle avait vu la petite sombrer sous la surface. Plongeant ses bras dans l’eau, Anne la souleva pour la porter dans ses bras et s’empressa de la ramener sur la terre ferme. La déposant par terre en posant un genou, Anne fit asseoir la jeune fille et retira les petites mèches de ses cheveux collés à son visage pour s’assurer qu’elle allait bien. Puisqu’elle se mit à tousser, elle n’avait pas eu le temps de commencer à se noyer. A vrai dire, Anne n’avait pas réfléchi, c’était tout à fait normal de venir en aide à quelqu’un et surtout un enfant. Les marques de l’inquiétude bien vite laissèrent place à une expression quelque peu surprise et mécontente quand la gamine demanda derechef qui elle était au lieu de la remercier – ah ces gosses ! Elle qui s’était longtemps demandé si elle aurait fait une bonne mère venait juste d’être rappelée à l’ordre : elle n’avait ni pédagogie ni patience pour élever un marmot et celui qu’elle avait failli avoir l’avait si vite compris qu’il n’était même pas né en vie. Anne observa la petite pendant quelques secondes, se disant que peut être l’affolement l’avait poussée à se montrer méfiante envers sa sauveuse.
« Chui Anne… »Répondit elle machinalement sans réelle conviction.
Anne releva pas son indélicatesse, de toute façon elle était mal placée pour l’éduquer et se contenta de retirer sa longue veste pour la mettre sur les épaules de l’enfant afin qu’elle n’attrape pas froid. C’est que ces derniers temps le climat n’était pas très clément et ce serait dommage qu’elle crève d’une fièvre aussitôt rentrée chez elle. En parlant de ça, pourquoi était-elle toute seule dans le coin ? Anne se leva, passant ses mains sur sa blouse mouillée qui lui arrachaient des frissons de froid et observa les alentours comme si par magie ses irresponsables parents allaient arriver. Mais il n’y avait personne d’autres qu’elles. En même temps elle devait avoir quoi ? onze ou douze ans ? A cet âge là ça commence à se rebeller alors elle s’était sans doute échappée. Cette pensée lui donnait de vagues souvenirs sur sa propre enfance sans qu’ils ne puissent véritablement se préciser. Alors pour ces raisons là, elle avait l’impression de se voir au travers d’elle.
« Y sont où tes parents ? » Demanda Anne en reportant son regard sur la gamine sans même chercher à connaitre son prénom.
Plus vite elle l’aurait fourrée dans les bras de sa mère, plus vite elle pourrait retourner à ses affaires. Elle n’avait pas de fée pour lui voler dans la tronche, ce n’était donc pas une enfant perdue mais peut être une gamine provenant de Bartok puisque c’était la ville la plus proche.
La petite fut plus que soulagée de retrouver le plancher des vaches et se laissa faire le temps de retrouver ses esprits. Plus de peur que de mal, mais pour une enfant comme elle, ce genre de frayeur valait bien une amputation à froid. Pas encore assez mature pour différencier ces deux formes de traumatismes, mais l'avantage de l'oubli était qu'elle pourrait replonger dans l'eau sans réels problèmes. Le contact des doigts de la femme sur son front lui arracha un léger sursaut, n'étant pas habituée à ce genre de
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Anne Bonny & May-Lee ◈ But I wonder where I'm going now, What my role is meant to be. I don't know how to travel To a future that I can't see
geste avec des gens, particulièrement des adultes. Elle leva les yeux pour rencontrer deux orbes où une tempête semblait faire rage, encadrer par des fils fait de flammes qui captivèrent la jeune fille quelques secondes. Puis avec sa grâce naturelle elle réclama l'identité de son aînée, armée de son autorité qui animait souvent sa voix en compagnie des autres enfants-perdus. Elle n'avait pas le réflexe de perdre ce ton avec des plus vieux, trop fière et orgueilleuse pour ça, aussi jeune dans sa tête soit-elle. Un vrai ouragan, plus d'un adulte en avait baver à tenter de la dompter et ce fut également parce qu'on ne la contrôla pas dans le passé qu'elle eût fui le domicile familiale pour les laisser froidement mourir. Peu de gens réalisait parfois les monstres que ces petites choses pouvaient être au fin fond de leurs êtres, cette part d'ombre qu'ils cachaient et nourrissaient chaque jour que Neverland faisait. Ils arboraient leurs masques d’innocence que pour mieux dissimuler le fait qu'ils pouvaient vous égorger froidement à tout moment si l'envie leur prenaient. Et May-Lee était l'un de leurs plus beau représentant en ce monde.
Enfin, elle reçut sa réponse, quoi que c'était un peu hésitant. La petite fronça les sourcils en mirant la dame et gravant son prénom dans sa mémoire, le temps que ça durerait. Anne. Ce que c'était nul comme nom ça. Et moche. Pauvre adulte. D'ailleurs elle ne put se retenir de lui lancer cette petite pique, taquine et peu, voir pas reconnaissante de ce qu'elle avait fait quelques minutes plus tôt : « T'es sûre ? T'as pas l'air, quoi qu'avec un nom tout nul comme ça, j'vroudrais pas m'en souvenir non plus ! » Elle en ria toute seule, ne portant nullement attention à légo de la pirate. Cette dernière posa sur ses épaules sa veste, qui pesa sur sa carcasse frêle. Interdite, l'auburne fixa le grand morceau de tissu, cherchant à comprendre pourquoi elle lui avait foutu ça sur le dos. Mais c'était que ça pesait une tonne ce truc ! Comment qu'on pouvait vivre avec ça à traîner à chaque heure de sa vie ? La femme se leva, frottant ses bras pour se donner un peu de chaleur et regarda les alentours. Elle semblait chercher quelque chose et curieuse, elle étira son cou pour elle aussi chercher, elle savait pas quoi, mais elle cherchait aussi. Sauf qu'assise comme ça, elle y voyait rien, alors elle se leva à son tour et tourna sur elle même en lâchant un « Qu'est-ce tu cherches ? » n'ayant finalement plus la patience d'attendre de voir. Mais au final elle fut refroidie par la soudaine question d'Anne. C'était ça qu'elle cherchait ? Ses parents ? May-Lee resta silencieuse quelques secondes, cherchant sa réponse avant de finalement dire avec toute la simplicité et le détachement du monde :
« Morts, j'imagine. »
Elle haussa les épaules, puisqu'au final elle s'en moquait pas mal, mais elle n'aimait pas aborder le sujet pour autant. Elle ne se souvenait pas d'eux, pas l'ombre d'un mirage, rien. Sûrement que Sinduh ou Ilavenil lui avait un jour dit ce qu'il était advenu de sa famille biologique, mais sa mémoire ressemblant plus à une passoire qu'autre chose, cela avait du lui échapper entre temps. Froidement, elle retira la veste et la laissa tomber sur le sable, fixant de ses iris glacials la femme de feu.
« Pourquoi tu veux savoir ça ? J'ai l'air d'avoir besoin de parents ? »
La gamine le va le menton dans un élan de fierté et posa les poings sur ses hanches, se tournant à nouveau vers la mer en avançant vers celle-ci à pas décidé. Elle s'arrêta juste là ou les vagues se laissait mourir juste en face de ses pieds et elle se retourna vers l'inconnue, un air farouche déformant les traits de son visage.
« J'ai besoin de personne ! Je suis capable de me débrouiller, j'ai pas besoin d'adultes, les adultes c'est stupide et inutile. »
Sur ce, elle replongea dans les flots et recommença à faire un semblant de nage tout sauf gracieux. Elle ressemblait à une espèce de chien estropié qui tentait désespérément de se tenir à l'air. Elle était têtue la May-Lee et susceptible en plus. Elle jeta une œillade vers Anne, comme pour voir si elle resterait ou s’attarderait ici pour admirer le spectacle quelque peu désolant de sa tentative de nage. Mais fière comme un paon jusqu'au bout, elle fanfaronna.
« T'vois ! Toute seule ! Tu peux partir maintenant, j'ai pas besoin ta gentillesse. »
La pique de la jeune fille lui fit ni chaud ni froid, à vrai dire elle se foutait pas mal que son prénom soit moche ou joli, parce que de toute façon elle ne l’avait pas choisi. Il était le vestige d’une identité passé, si elle pouvait ne pas porter de prénom elle l’aurait sans doute fait. En attendant elle devait répondre à quelque chose et Anne, c’était mieux que rien, alors lui dire que c’était moche, non vraiment ça ne la touchait pas et c’était pas une petite merdeuse qui allait la vexer aussi facilement. La pirate leva simplement les yeux au ciel, se demandant pourquoi elle n’avait pas plutôt été jusqu’à elle pour lui faciliter la tâche et lui maintenir la tête sous l’eau. Mais elle n’en fit pas la moindre remarque, car visiblement c’était elle qui avait provoqué la colère de l’enfant en parlant de parents. Morts ? Alors elle devait être une orpheline de Bartok, elle n’avait pas de fée alors elle ne pouvait pas être une enfant perdue. Anne fut quelque peu prise au dépourvu qu’elle se mette à s’énerver en déclarant qu’elle n’avait pas besoin de parents et que les adultes étaient stupides et inutiles. Ah ça…elle n’avait pas tort. Mais Anne trouvait tout autant stupide de mettre tout le monde dans le même sac et surtout qu’elle venait juste de la sauver. Quoi qu’il en soit, la jeune fille s’empressa de retourner patauger dans l’eau pour lui prouver qu’elle y arrivait très bien tout seule.
Anne croisa les bras, haussant un sourcil en la voyant s’agiter et se ridiculiser dans l’eau. Ah ces enfants….tout pour se faire remarquer. La pirate soupira, elle attirait l’attention et les grosses bestioles affamées auraient tôt fait de venir par ici pour lui croquer les mollets. Qu’est ce que ça pouvait lui faire à elle qu’elle se fasse bouffer hein ? Anne ne répondit pas à la gamine, se baissant pour reprendre sa veste et la secoua avant de l’enfiler tout en rajustant son chapeau sur la tête. Elle avait assez perdu de temps comme ça pour l’avoir consacré à une ingrate qui retournait en plus se noyer. Puisqu’elle se sentait si responsable que ça, elle le comprendrait bien toute seule qu’elle risquait de se fatiguer et se noyer. Triste fatalité que voilà mais la vie ne laissait pas de place à ceux qui en font qu’à leur tête. Anne tourna le dos, visiblement avec l’intention de s’en aller mais ne fut pas capable de faire un seul pas en avant.
Cette gamine, elle lui rappelait beaucoup trop ce qu’elle avait été par le passé : une teigne qui n’avait pas besoin d’adultes pour veiller sur elle et qui tout le temps voulait faire ses preuves afin que jamais on lui dise qu’elle n’est qu’une faible chose. Le visage d’Anne sans la moindre expression se décrispa au moment où elle soupira pour finalement revenir près de la rive et retira sa veste, son chapeau, ses bottes et rejoignit la gamine dans l’eau.
« Si tu veux t’débrouiller seule c’ton problème, mais fais le correctement au moins, crapaud ! » Soupira Anne avant de s’approcher d’elle. « Attends j’vais t’montrer. »
L’irlandaise se plaça à côté de la jeune fille puis glissa ses bras sous cette dernière afin de la maintenir à l’horizontale et qu’elle puisse comprendre ses erreurs, se portant manifestement volontaire pour lui apprendre à nager.
« Arrête de t’agiter là, faut d’abord que tu saches flotter sinon t’iras nulle part et tu vas attirer les crocodiles! » Gronda t-elle pour qu’elle cesse d’éclabousser.
Qu’allait-elle dire à Silver pour son retard ? Qu’elle s’était arrêté pour apprendre à une gamine à nager pour qu’elle ait la conscience tranquille parce que cette écervelée lui rappelait ce qu’elle avait été ? Non, elle ne pourrait certainement pas lui raconter ce qu’elle était en train de faire, et pourtant elle s’y mettait sérieusement pour lui montrer. Anne avait appris à nager grâce à James, après s’être noyée en jouant trop près du bastingage. Il l’avait sauvée et à son réveil il l’avait giflée si fort qu’elle en avait gardé une trace pendant quelques jours. Après cela, il l’avait emmenée dans un point d’eau où il lui avait appris à nager et qui lui permettait alors de donner de bonnes directives à la gamine et lui dire de quels muscles il fallait user pour comprendre le truc.
« Si t’as un souci et que t’arrives plus à nager, au lieu d’insister, retourne toi sur le dos et laisse toi flotter, c’est plus facile comme ça. Tu sais le faire ça ?»
Si d’une part elle savait ces bases là, elle n’aurait jamais de problème et une fois qu’elle l’aurait saisi, Anne pourrait lui montrer des premiers mouvements de nage afin qu’elle puisse ensuite se démerder. Anne irait chercher ensuite son coffre et ferait demi-tour sans donner son reste.
May-Lee arrêta de gigoter quand elle entendit la femme rentrer dans l’eau et elle se tourna vers elle, légèrement surprise de cette réaction. D’ordinaire, les adultes se fatiguaient rapidement d’elle et partaient les jambes à leurs cous pour la fuir aussi loin que possible. On l’avait déjà comparé à un petit démon, peut importe ce que cela pouvait être ça semblait beaucoup leur faire peur. Ilavenil lui avait suggérer que c’était peut être une insulte et à ce moment elle l’avait plutôt mal pris, sans même savoir pourquoi. Mais c’était May-Lee. Agir avant, réfléchir après.
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La grande femme s’approcha et la gamine ne put s’empêcher de rire quand elle l’appela crapaud et ce surnom eut pour seul effet de la faire bouger encore plus. On lui avait jamais donné ce nom ! C'était amusant pourtant, un crapaud, ça faisait des bonds et de drôles de bruits qui avaient de quoi animer une soirée à l'Arbre du Pendu. Toujours amusée par ce simple mot, la pirate put l'approcher sans qu'elle ne tente de partir ou de la mordre pour lui montrer les bonnes bases de la nage. Égéon lui en avait montré quelques une, mais il restait un triton et donc, la subtilité des mécanismes humains lui échappaient encore, surtout pour la danse des eaux. Elle senti que ses pieds quittaient le sable et que soudainement, elle se tenait magiquement à la verticale, soutenue par Anne. Elle leva son minois vers cette dernière, l’interrogeant du regard quant à ses intentions, toujours méfiante.Pire qu'un poulet quand on parlait d'adulte avec l'auburne. Mais elle ne semblait pas lui vouloir de mal pour l'instant, alors elle tenta de battre des pieds et bras pour finalement recommencer à tout éclabousser, chose qui l'amusait beaucoup à l'inverse de sa tutrice qui la gronda. La Chicaneuse apprécia moins cette initiative de sa part, boudant un peu en cessant ses mouvements brusques pour ne plus que l'eau vole partout. Sa curiosité fut néanmoins piquée quand elle mentionna les reptiles géants et ses yeux s’écarquillèrent d'effroi au souvenir de sa douce fée qui lui revenait à al mémoire. Elle fixa l'eau de ses azurs, inquiète et son corps se figeant à la recherche de la menace.
« Y a des crocodiles ici !?, s'exclama-t-elle, je croyais qu'ils étaient juste dans la crique ! Les vilains se sont enfuis, c'est ça ? »
Son conseil quand au savoir faire du flottage lui passa complètement au dessus de là tête alors qu'elle émettait ses hypothèses digne de son innocence. Instinctivement, elle s'accrocha à le femme en scrutant les flots, croyant qu'un de ces monstres allaient surgir et sauter vers elles, gueule grande ouverte. Elle ressemblait à un petit singe à s’agripper désespérément ainsi à Anne. Celle-ci tenta bien de la faire décrocher, mais rien à faire, l'enfant-perdue s'obstinait à rester là, refusant de recommencer à nager tant que le méchant pas beau serait parti. Après quelques minutes ainsi, May finit par relever la tête vers l'adulte.
« Ils sont partis ? Je promet que je bougerais pas ! Mais toi tu promets de faire partir les croco, d'accord ? J'aime pas les crocos, c'est à cause d'eux si j'ai fait une grosse bêtise et Sindhu est plus là. »
Bien sûr elle ne mettait pas la faute sur elle, trop jeune pour comprendre les aléas de la vie. Comme son esprit avait eu besoin de fautifs, ce fut logiquement le pirate et le crocodile qui passèrent l'audition. Maintenant un peu plus docile, la gamine retourna à l'eau et laissa la pirate la soulever à nouveau et lui indiquer ce qu'elle devait faire avec ses bras et ses jambes. Elle hocha la tête pour signifier qu'elle comprenait et on notait une nette amélioration dans ses mouvements. Déjà les éclaboussures étaient minimes. Et elle n'avait plus l'air d'un chien qui se noyait. Anne lui donna d'autre instructions pour qu'elle puisse se sortir du pétrin en cas de problèmes. La Chicaneuse fronça les sourcils, n'étant pas sûre de saisir ce qu'elle tentait de lui apprendre. Sur le dos ? Comment on faisait pour se diriger sur le dos ?
« Non je crois pas... comment je me met sur le dos ? »
Dans un mouvement brusque elle tenta de tourner sur elle même et de se mettre sur le dos, mais elle le fit tant sans prévenir que la pirate ne put garder sa prise et elle coula. D'un coup elle remonta et frotta ses yeux avec une moue, déçue de ne pas avoir réussi du premier coup comme elle aimait le faire. Se retournant vers la femme elle tendit ses bras vers elle en lui ordonnant littéralement un « Encore ! » pour retenter la leçon. Mais son attention fut à nouveau capturée par la chevelure flamboyante qui la narguait de sa hauteur. Tentant d'attraper une mèche, elle se mit à bondir autour de la propriétaire de cette crinière, mais à nouveau elle perdit pied et retourna à l'eau. Au moins, la Seconde du Walrus avait de quoi se divertir avec cette petite qui ne cessait de bouger et se mettre les pieds dans les plats. Remontant encore à la surface, elle toussa un peu avant de pointer énergiquement l'objet de son attention.
« Pourquoi t'es cheveux sont rouge ? Tu t'es fait mal à la tête, c'est ça ? »
Des questions dignes d'un enfant. Le problème avec May-Lee par contre, c'était que bien souvent, quand elle posait une question, des dizaines d'autres suivaient dans un flot incessant et parfois inintelligible.
« Et comment tu m'as trouvé au fait ? C'est Ilavenil qui t'a demandé de me chercher ? Elle s'est perdue ? Tu l'as avec toi ? Où tu la caches !? ILAAAAAAAAAA !? »
Anne nota vite que les menaces de crocodiles n’étaient pas une bonne idée puisque la jeune fille visiblement terrifiée s’était jetée dans les bras de la pirate de peur de se faire croquer. Cela lui rappelait aussi de mauvais souvenirs, puisqu’elle évoqua le nom de quelqu’un…Anne eu de la peine soudainement : elle n’avait pas voulu lui remonter de mauvais souvenirs. L’Irlandaise fut ainsi quelque peu gênée puisqu’elle n’avait pas l’habitude de s’occuper d’un enfant et encore moins de cet âge là…Elle ne savait pas quoi faire ni quoi dire à part la rassurer en lui disant simplement que les crocodiles ne viendraient pas – chose dont elle n’était pas certaine, mais si elle avait l’occasion un peu plus tard, elle se devrait de lui dire que le danger était partout et que si elle ne se méfiait pas, elle aurait potentiellement de gros problèmes.
Puis alors qu’Anne lui apprenait d’abord à flotter, la jeune fille encore une fois elle eu du mal à se concentrer sur sa tâche et porta toute son attention sur les cheveux roux de sa tutrice. Sa question pour le coup de savoir pourquoi ses cheveux étaient de cette couleur la plongea dans un moment de silence. Autrefois on avait trouvé l’idée loufoque de dire que c’était parce qu’elle s’enduisait les cheveux du sang de ses victimes, d’où son surnom « Bonny Blood » maintenant que ce souvenir n’était plus dans son esprit, elle n’avait pas d’autres explication que « c’est comme ça » Elle savait que la population rousse n’était pas majoritaire à Neverland mais de là à trouver cela étrange… Anne n’eut pas le temps de trouver réponse à sa question que la jeune fille avait déjà changé de sujet en demandant comment elle l’avait trouvée et si c’était pas plutôt Ilaquelquechose qui lui avait dit où elle se trouvait. Et là encore, elle se mit à hurler. Anne fronça les sourcils, dans un réflexe lui mit la main devant la bouche pour qu’elle cesse simplement.
« Je sais pas qui est Ilavenil, j’étais juste dans le coin, j’t’ai entendue faire du bruit, j’t’ai vue faire le crapaud mais j’ai cru que tu te noyais. »
Alors la suite, elle la connaissait, Anne s’était élancée pour aller la sortir de l’eau et la trainer jusque sur la rive pour s’assurer qu’elle allait bien. Si elle-même disait que les adultes ne servaient à rien, elle espérait que son cas l’aiderait à changer d’avis sur la question et qu’elle pouvait croiser des personnes plus âgées qu’elle tout à fait sympathiques et responsables. Anne n’était pas ce qu’il y avait de plus marrant, disons que la vie avait été drôlement dure avec elle et qu’aussi loin dans ses souvenirs, elle n’était pas une personne qui riait beaucoup en étant sobre. Cette petite pourtant, elle avait beau être casse-pieds, elle lui donnait envie de sourire parce qu’elle se voyait au travers de ses yeux sans avoir le moindre souvenir de son enfance. Il fallait encore quelques efforts pour que vienne à s’étirer sur ses lèvres un infime sourire. Mais ce n’était pas très loin.
« Allez remets toi sur le dos t’y étais presque. » Fit elle pour l'encourager un peu
Anne l’aida à se placer, lui donnant de nouvelles directives et fit preuve de patience jusqu’à ce que la jeune fille soit en mesure de flotter et comprenne un peu comment ce milieu fonctionnait.
« Tu vois si tu te détends, tu relâches tout et ben tu flottes ! Quand tu nages, il faut que tu retrouves cette sensation ! »
Et, petit à petit, la pirate retira ses mains sous le dos de la jeune fille pour la laisser flotter sagement sur le dos, qu’elle puisse profiter de cette sensation magique. Certains disaient que c’était parce que cela rappelle inconsciemment quand l’on est dans le ventre de sa mère, Anne trouvait plutôt ça relaxant parce qu’on entendait alors que l’ondée et que l‘on pouvait se laisser porter. La pirate laissa la jeune fille prendre connaissance de cela, repérer les signes, qu’elle puisse apprendre pour que quand viendrait le moment de nager pour de vrai, elle soit en mesure de mieux appréhender sa nage.
Ses sourcils se froncèrent quand la main de sa sauveuse vint stopper l'arrivée du son qu'elle émettait bruyamment pour attirer sa fée par ici. De justesse elle se retint de laisser aller ses réflexes et de mordre violemment cet intrus dans son espace personnel. Bien trop de pirates avaient tenté ce coup avec elle pour qu'elle ne se méfie pas. Ironique quand on sait qui est la demoiselle à ses côtés.. Enfin, elle finit par la libérer de cette emprise pour répondre à ses multitudes de questions comme elle le pouvait. Sur
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Anne Bonny & May-Lee ◈ But I wonder where I'm going now, What my role is meant to be. I don't know how to travel To a future that I can't see
le coup, elle fut tentée de lui dire qui était Ilavenil, mais elle préféra encore attendre, n'étant toujours pas certaine des intentions de la rousse.
Elle ne savait pas trop pourquoi elle lui faisait ce genre de confidences, elle qui était d'ordinaire extrêmement renfermée avec les enfants-perdus, autant dire qu'avec les grands c'était l'hiver en été. Mais voilà, avec celle là c'était... différent ? Elle était pas comme les autres dames qu'elle avait pu rencontrer. En fait, elle avait l'air d'une sorte d'enfant-perdue en plus grand avec son sale caractère et son allure de fille des rues. Peut être était-ce cela qui la mettait en confiance ? C'était encore dur à dire, de toute façon elle était certaine de l'oublier dans quelques jours. Donc il était inutile de s'éterniser sur ça. Elle hocha la tête quand Anne l'invita à se remettre sur le dos pour tenter de flotter, ce coup-ci sans les réactions vives de la Chicaneuse. Avec l'aide d'une paire de main supplémentaire, elle apprit tranquillement à trouver un équilibre précaire pour maintenir son visage à la surface et continuer à respirer. Elle écouta attentivement les directives de la pirate et essaya de les suivre comme elle le pouvait. On pouvait saluer la patiente de sa mentor de ce côté, avec May-Lee il fallait redire les choses plus d'une fois. Mais si on mettait le temps, on s’apercevait que la petite brillait d'intelligence et d'astuce. Quand finalement elle réussit à atteindre un résultat décent, un énorme sourire tout fier vint se coller sur son visage.
« Oui je vois ! C'est très amusant ! »
Un rire léger et cristallin s'échappa d'entre ses lèvres. Tellement relaxée et en confiance, elle ne remarqua pas que tout support l'avait abandonnée et que son corps reconnaissait tout seul ce qu'il devait faire pour flotter. C'était très particulier comme sensation, elle avait l'impression de voler avec cette vue du ciel qu'elle possédait. Les petites vaguelettes la berçaient doucement et pendant un cours instant elle se crut seule au monde, dans un espace qui n'appartenait qu'à elle et elle seule. Un sourire béat étira ses lèvres malgré elle et son regard croisa les orbes grises de l'irlandaise et à nouveau un petit rire sortit de sa gorge. May-Lee mit fin à cet instant idyllique pour retrouver le plancher des vaches. Juste à temps pour entendre la question de l'adulte.
« Ok, je veux bien. Tu restes à côté hein ? Promis ? »
Elle attendit la réponse affirmative et se plaça, prête pour sa nouvelle leçon de natation. Une certaine crainte l'habitait avec ses échecs commis plus tôt, mais avec la présence de l'étrangère, elle s'en sentait capable. Étrange comme sentiment. Et surtout très nouveau pour elle. Et elle était pas trop sûre de savoir s'il était bon ou pas. Elle verrait ça plus tard. Pour briser son unique malaise, elle interrogea à nouveau la flamme ambulante, mais beaucoup plus calmement ce coup-ci.
« Dis, pourquoi tu m'appelles crapaud ? C'est parce que tu connais pas mon nom ? Je peux te le dire si tu veux, je connais le tiens. C'est pas très gentil si je te le dis pas. Mais j'aime quand même quand tu m'appelles crapaud, c'est marrant, entre temps elle n'avait pas donné l'information énoncée, chose qui revint à sa mémoire, oh zut, mon nom. Désolé j'ai de la difficulté à me souvenir des trucs, c'est à cause de mon âge qu'on m'a dit.... je crois.... qu'est-ce que j'devais dire déjà...ah ! Mon nom à moi c'est May-Lee ! »
Tout sourire, elle pataugeait tranquillement dans l'eau, papillonnant des paupières pour se souvenir de quelque chose. Son nez se retroussa dans cette mimique que son visage prenait souvent. Elle releva la tête vers la grande personne, l'air gênée.
« Euh... d'ailleurs, c'est quoi ton nom déjà ? J'ai trop de trucs à me souvenir avec tes leçons. C'est difficile, mais t'inquiète, j’oublie pas tout le temps hein ! Parfois y a des trucs qui restent, elle eut un moment de silence, toi t'en oublies des trucs parfois ? Ou c'est moi qui suis nulle ? Ou vielle. Ila elle m'embête parfois avec ça, elle me traite de vieille. »
Anne se senti soudainement mal pour cette petite, qu’elle avait pensé traiter comme si c’était rien alors qu’elle avait l’air complètement paumée et qui ne demandait qu’à être rassurée en lui faisant promettre de rester à côté d’elle. La jeune femme fronça les sourcils, observant la jeune fille qui continuait de lui parler tout en s’essayant à sa nage et qui finalement semblait avoir beaucoup de soucis. Ca lui faisait de la peine et en même temps ça l’énervait parce qu’elle avait l’impression de voir son reflet de ce qu’elle avait été et qui au final n’avait pas eu énormément de soutient. Dans tous les cas, les mots de la petite eurent vite fait de se ressentir comme une grande claque dans son visage, et la pirate entreprit donc de se calmer, soupirant lentement.
« Anne, c’est Anne mon prénom mais t’en soucie pas, c’est pas grave si tu oublies. »
Si elle ne s’en souvenait pas, Anne en revanche avait imprimé le prénom de la petite dans son esprit de manière indélébile. Elle ressentait déjà de l’affection pour cette gosse, comme si un lien déjà se créait entre elles alors qu’elles venaient tout juste de se croiser. Anne ne comprenait pas tout ce qu’elle lui disait, notamment cette Ila, son amie qui avait l’air d’être une personne étrange. Peut être une amie imaginaire ? Pourquoi l’avait elle laissée seule ? Anne lâcha peu à peu la jeune fille pour la laisser appréhender sa nage et se faire à cet environnement qui n’était pas naturel pour elle. Il était difficile de savoir nager en une seule fois, mais May-Lee se débrouillait vraiment très bien et semblait peu à peu comprendre comment gérer toutes ces nouvelles informations pour ne pas couler comme elle l’avait fait avant qu’elle ne vienne la secourir. Cela donnait quelque peu le sourire à Anne qui la laissait prendre confiance en elle dans le silence, jusqu’à ne plus la tenir et la regarder se débrouiller en nageant.
« Un crapaud ça nage bien, c’est pour ça que je t’appelle crapaud. » Déclara finalement Anne en lui ébouriffant les cheveux dans une marque d’affection qu’elle n’avait pu retenir.
Non au départ c’était seulement parce que c’était le genre de bestiole qu’elle détestait, hors Anne a toujours eu un contact difficile avec les enfants puisqu’elle n’avait jamais eu la patience de les écouter. Elle aurait fait une piètre mère, et pourtant avec cette petite, cela semblait bien moins désagréable tout d’un coup, même si leur rencontre restait sur la bizarrerie pure et dure. Maintenant, si elle aimait se faire appeler crapaud et puis qu’elle l’appréciait bien, Anne avait revu son jugement, cessant de se montrer aigrie et montrer qu’elle était capable d’ouverture d’esprit. C’était étrange de la voir trouver cause à ses trous de mémoire avec son âge alors que clairement elle devait avoir douze ou treize ans à tout casser, Anne était manifestement beaucoup plus vieille qu’elle et n’avait pas de soucis là.
Quelle étrange petite fille…
Anne commençait à se demander si elle était réellement une petite fille comme les autres et pas plutôt une enfant perdue comme elle l’avait pensé au départ. Anne n’en avait jamais réellement croisé mais Silver lui avait expliqué que ces gamins ne grandissaient jamais et pouvaient dépasser des âges à en donner le vertige. Pour autant elle trouvait étrange que cette petite soit touchée par de telles choses comme la perte de mémoire. C’était inquiétant.
Anne entreprit de se mettre à nager à côté d’elle afin de continuer de lui donner confiance et que cette dernière puisse calquer son rythme sur le sien et ne pas se sentir seule dans cette épreuve d’apprentissage. Elle lui adressa un fin sourire, fière de la voir plus à l’aise et rassurée aussi de voir qu’elle assimilait vite ; cela lui éviterait de se noyer si elle décidait de faire trempette une prochaine fois où personne ne serait là pour la surveiller.
« Tu vois, tu y arrives finalement, un vrai crapaud ! »
Anne continuait de lui montrer les gestes, l’encourageant et l’aidant à ne pas perdre espoir dans le cas où ses gestes soient trop maladroits pour qu’elle puisse rester la tête au dessus de la surface.
« Pourquoi Ila est pas avec toi ? C’est ton amie ? » Demanda Anne.
Le reste de ses affaires ne semblaient lus avoir d’importance, Anne restait avec cette enfant, bien décidée à ensuite la ramener saine et sauve là où elle vivait.
« Je vais quand même essayer de me souvenir ! J’arrive à endurer Ace tous les jours, je peux bien me souvenir de Anne ! »
C’était une pique toute amicale pour celui qui était son meilleur ami depuis toujours. Ace elle l’adorait, avec lui tout était toujours simple et sans histoires. Grâce à ses fées elle savait qu’ils se connaissaient depuis une éternité et qu’ils partageaient ce douloureux point commun qu’étais d’avoir perdu une compagne ailée. Et bien d’autre encore, ils étaient littéralement la copie inverse de l’autre. Lui garçon, elle fille. Le couple parfait d’amis.
i need someone like you
Anne Bonny & May-Lee ◈ But I wonder where I'm going now, What my role is meant to be. I don't know how to travel To a future that I can't see
Pensant au jeune gamin, l’auburne continuait de patauger en suivant les directives de son mentor improvisé. Pendant une bonne dizaine de minutes elle apprivoisa les mouvements de base tout en restant soutenue par la rousse avant que celle-ci ne la lâche progressivement pour qu’elle fasse ses brasses toute seule comme une grande. Ironique avec une enfant-perdue, mais la vie n’avait-elle pas ce sens de l’humour douteux ? Bien sûr à plusieurs reprises elle perdait sa synchronisation et recoulait légèrement, mais grâce à sa nouvelle amie, elle savait désormais comment se maintenir à la surface au lieu de s’agiter et paniquer. Avec de la pratique assidue, cela deviendrait des réflexes et elle serait de mieux en mieux armée contre de possibles et très certaines futures noyades.
Revenant docilement vers la femme et lui démontra fièrement ses nouvelles prouesses et s’arrêta devant elle pour se remettre sur ses deux pattes en entendre le compliment qu’elle lui faisait. Elle rigola quand sa main vint la décoiffer gentiment et sourit toute heureuse. Il était plutôt rare que May-Lee cherche une telle marque d’approbation chez un adulte, même elle en vérité cela l’étonnait. Pourquoi celle là aussi d’ailleurs ? Cette femme en particulier ? Quelque chose l’attirait. Elle aimait à croire qu’elle trouvait une certaine ressemblance en Anne avec l’image de ce qu’elle se faisait d’une mère. Enfin, de sa mère. Elle ne se souvenait pas de cette dernière, mais le sentiment quand elle en gardait n’était pas celui de nostalgie, mais plutôt de soulagement. Avec Anna c’était différent. Comment elle ne le savait pas. Juste, différent. Se remettant à nager, la rousse vint la rejoindre et pataugea à ses côtés. May-Lee lui offrit un de ses plus beaux sourires en réponse au sien et tenta de suivre le rythme. Un peu difficile au début, mais avec quelques minutes elle finit par se débrouiller pas trop mal. Elle redressa le menton avec fierté quand elle nota ses progrès.
« Oui ! Ribbit Ribbit ! »
La Chicaneuse avait lancé cette plaisanterie sur le coup et elle en était très très fière. Ceci fait, elle précisa certains gestes et mouvement pour apprendre à flotter encore mieux et ne plus jamais couler comme une pierre. Cependant elle se prit une gifle à la question soudaine de la pirate, qui raviva sa méfiance à l’encontre des grandes personnes. Faisant mine de se concentrer sur sa nage, elle réfléchit à la réponse qu’elle pouvait bien lui donner. Cette idée qu’elle avait eut de lâcher tant de détails sur sa vie et surtout sur sa précieuse fée. Finalement elle se risqua à jouer la carte de la vérité, se rapprochant tout de même bu bord de la plage au cas où..
« Euhm, Ilavenil c’est euhm, oui mon amie. Mais c’est ma gardienne avant tout, elle me protège et me guide jusqu’à sa mort ou la mienne. »
Elle fit une pause et la fixa, peu certaine de ce qu’elle devait faire. Dans ses azurs on pouvait lire l’hésitation et cette peur chronique qu’elle nourrissait pour les adultes. Toute sa vie ils lui avaient fait du tort et même si certains ressortaient du lot, elle les mettait souvent dans le même bateau. Mais avec Anne… il avait ce petit rien de différent. Elle ne semblait pas méchante du tout, juste brusque, mais ça tous les enfants à l’arbre l’étaient. Donc ça ne la changeait pas vraiment de son quotidien en fait. Jouant nerveusement avec ses doigts, elle poursuivit.
« C’est ma fée. Je suis une enfant-perdue, c’est pour ça que j’oublie tout tout le temps. Plus je suis vielle et moins je me souviens. Ça fonctionne comme ça avec nous. On meurt pas, mais on oublie. Et les gens nous aiment pas beaucoup. »
May-Lee leva des yeux penauds sur la rousse, fronçant ses sourcils elle eut de la difficulté à poursuivre sa phrase, un peu effrayée de la réponse.
« Tu vas plus m’aimer maintenant que tu sais ? Moi j’taime bien. T’es drôle et pas comme les autres adultes. Et tu veux pas me forcer à devenir une grande fille, le ton de sa voix devint tout de suite plus froid et menaçant, preuve de sa cruauté malgré ses airs d’ange, n’est-ce pas, Anne ? Tu vas pas essayer hein ? »
hrp:
Pardon de ce retard monstre >< hésite pas à me mp si la réponse va pas <3
La scène que l’on observait là était assez rare et improbable, même Anne n’en mesurait pas l’ampleur. A vrai dire, elle n’avait jamais été du genre à se poser des questions sur telle ou telle situation. Elle avait eu envie d’aider cette petite, comme elle aurait eu envie qu’on l’aide quand elle avait été dans le besoin. Le reste venait naturellement et finalement, elles semblaient plutôt bien s’entendre après avoir réalisé qu’elles n’étaient pas un danger ni pour l’une ni pour l’autre. Bon ce n’était pas une gamine dans son genre qui allait effrayer Anne, mais elle avait tendance à se méfier des marmots, ils sont parfois plus sournois, ils n’ont pas froid aux yeux et leur jeune âge, leur manque d’expérience de la vie faisait souvent qu’ils ont moins tendance à savoir distinguer un acte bon ou mauvais. Et pour cause, ce qu’elle avait été dans sa jeunesse venait en témoigner, alors de manière instinctive, elle évitait juste de trop avoir à faire aux gamins.
Nageant aux côtés de May-Lee alors que celle-ci s’en sortait plutôt bien pour une première fois, Anne continua de la corriger sur sa posture, veillant à ce qu’elle ne vienne pas s’étouffer avec l’eau qu’elle avalait. Elle lui fit faire quelques longueurs, restant à ses côtés pour l’encourager, tout en ayant souhaité en apprendre plus sur elle. Alors ses nombreux questionnements trouvèrent vite des réponses, à commencer par le fait qu’elle était une enfant perdue, que cette Ila était sa fée – et visiblement pas dans le coin, et que c’était parce qu’elle était une enfant perdue qu’elle perdait la mémoire. Anne avait souvenir de ce qu’on lui avait vaguement exposé comme particularité sur les enfants perdus : les années passent, ils ne vieillissent pas, alors cette petite devait être techniquement bien plus âgée qu’âge. Pourtant son esprit demeurait innocent. Anne l’avait attentivement écoutée et avait même vu au fond de son regard une soudaine crainte. Devenir adulte était sans doute quelque chose de grave et de tabou chez eux, elle en ignorait les raisons, à vrai dire c’était peut être la première fois qu’elle parlait avec l’un d’entre eux de manière assez sérieuse.
Dans un réflexe dont elle ignorait les raisons, Anne eut bien vite envie de la rassurer sur ses intensions. Elle ne la forcerait pas à devenir quoi que ce soit, tout comme Anne n’avait jamais voulu qu’on la force à devenir quoi que ce soit.
« Mais non, tu fais ce que tu veux May-Lee je n’ai pas à décider pour toi. Et puis tu sais même en étant adulte on a toujours une part d’enfance en soi, c’est quelque chose qui ne s’oublie pas ! Mais la majorité des adultes décident de le nier.» Déclara la pirate avec un sourire amer.
Puis, un frisson la traversant, Anne invita sa nouvelle petite protégée à la suivre jusqu’à la rive avant qu’elles soient susceptibles de tomber malade. La pirate entreprit rapidement de faire un feu de camp afin d’avoir une source de chaleur et pendant ce laps de temps, elle demeura silencieuse, venant se rappeler de chaque chose qu’elle lui avait dite. Elle ignorait que les enfants perdus avaient ce genre de souci, à vrai dire elle ne savait pas grand-chose d’eux à cause de ces relations conflictuelles entre eux et les pirates qui les empêchaient de bien comprendre leur univers. Même en se montrant non hostile, ces derniers avaient toujours du mal à faire confiance aux adultes et préféraient rester dans leur monde, loin de leurs décisions. Si Anne avait eu le choix, si toute son existence s’était résumée à cette île, elle aurait probablement choisi d’être l’une des leurs pour l’harmonie qu’ils dégageaient. Elle n’aurait sans doute pas eu à se battre pour être ce qu’elle avait toujours voulu être et ce sans avoir besoin de s’imposer face aux hommes et dans les stéréotypes du genre humain. May-Lee avait aussi déclaré qu’elle aimait bien Anne, qu’elle était différente et cela ne l’avait guère étonnée à vrai dire mais plus elle y pensait plus elle se trouvait des points communs avec les enfants perdus en fin de compte.
Les braises prenant le bois sec, les flammes vinrent doucement grandir au sein du feu de camp et Anne fit signe à May-Lee de venir s’asseoir à côté d’elle pour qu’elles puissent continuer à discuter. Fouillant dans sa besace, elle en sorti une pomme bien belle et rouge qu’elle proposa à sa camarade avant d’en prendre une pour elle et croquer dedans.
« Pourquoi t’es pas avec les enfants perdus ? Ils auraient pu t’apprendre à nager ! »