Je n’arrivais pas à croire aux paroles de Naïla, cette jeune femme avait tous les atouts pour plaire aux hommes ; je pourrais même parier que certains sont même tombés sous son charme au premier regard. Je trouvais cela dommage qu’elle pense que l’amour n’était qu’une vaste blague. C’était le sentiment le plus merveilleux, le plus fort qu’il puisse exister sur cette terre ! Je ne pourrais vivre sans amour, j’ai passé dix ans de ma vie seul, et c’était les années les plus tristes de mon existence… et puis, il y a eu Rosasharn, et tout à basculer. Je l’écoutais attentivement, les paroles de Naïla étaient bien trop dur pour son âge. Comment peut-on arrêter de croire – de rêver –si jeune ? Je soupirais, et ajoutais : « Naïla, Naïla… » Dis-je d’un ton désespéré. « Comment peux-tu dire de tel chose ? Tout le monde a le droit à une seconde chance, même la plus égoïste des personnes de cette terre a le droit d’être aimer. Ne me dit pas que tu aimes cette solitude ? Si c’est le cas, alors je vais t’avouer quelque chose : tu te mens à toi-même. » Je marquais une pause, montrant du doigt cette maison dans laquelle, je vivais depuis mon retour. « Je vis seul, parce que je n’ai pas le choix. Je déteste cette solitude, personne avec qui partager mes aventures de la journée, retrouver mon lit froid et vide chaque soir… » Rien que de prononcer ces paroles, j’en avais mal au cœur… mais je ne voulais pas perdre espoir ; je savais qu’un jour, je trouverais celle qui me faut… même si je pense que c’est déjà fait. « Un jour quand tu rencontreras l’homme qu’il te faut, tu comprendras que sa présence à tes cotés sera indispensable. Tu sais, c’est souvent quand on ne s’y attend pas que l’amour nous tombe dessus ! » Après cette discussion des plus touchante, nous étions rentré à la maison.
Une fois à l’intérieur, Naïla semblait d’une humeur taquine. Elle m’aspergea de farine, puis me surprit en m’embrassant de nouveau. Je fus étonné par son geste, mais elle semblait fière d’elle. Elle me narguait, assise dans le canapé, la tête posée sur ses mains. « Ce petit jeu serait sûrement trop dangereux pour nous ! Je laisse tomber les armes! » Et c’était sans doute vrai, de ces petits défis anodins pourraient naitre un malaise dont je ne veux pas. J’apprécie Naïla, et elle deviendra certainement une très bonne amie au fil du temps ; je ne veux pas gâcher cela. Je m’installais à ses cotés sur le canapé, et lui demandais ce qu’elle faisait pour occuper ses journées. Sa réponse me surprit, j’écarquillais les yeux face à cette annonce des plus franches. Je ne juge aucune femme, il faut parfois trouver des solutions quand l’argent manque… et nombreuses soient ces femmes qui vendent leurs corps au plus offrant. La plupart des pirates sont connus pour avoir recours à ce genre de service quand personne ne les attends sur le port. Je n’ai jamais été de ceux-là, du moins, il me semble… j’ai toujours été très respectueux des femmes ; ce n’est pas dans mes mœurs. Naïla brisa le silence qu’il s’était installé suite à cette révélation, son rire se dispersa dans la pièce puis elle se moqua de moi. Il fallait l’avouer, elle m’avait bien eu ! « Ô ! Petite vermine ! Tu m’as eu ! Je ne critique pas les courtisanes, hein ! Mais j’avais dû mal à croire qu’avec ton caractère, tu te vendais aux hommes ! » J’émis un rire léger, puis ajouta : « Je n’ai jamais chassé, tu pourrais m’apprendre ? Je t’apprends à faire du cheval et toi, tu m’apprends à attraper des lapins, deal ? » Je lui proposais de m’emprunter quelques livres si elle le désirait, il n’y avait pas grand-chose à faire dans le coin. Je vivais à la lisière d’une forêt, et la ville la plus proche était à une vingtaine de kilomètres.
Je me levais pour raviver le feu dans la cheminée, puis me retourna vers Naïla : « ça va, ton épaule ? Je peux aller te chercher des plantes pour soulager la douleur si tu veux. Ma tante est herboriste, une nouvelle lubie depuis quelques mois. Elle a eu une relation avec un médecin, et elle pense tout savoir à présent. Tu peux m’accompagner si tu veux, sa ferme est juste derrière. » Je ne voulais pas que sa blessure s’infecte, elle était mal placée… qui sait ce qu’il pourrait en découdre, cela pourrait descendre dans son bras.
Magnus enchaîna une longue tirade. Une longue tirade qui la frappe. Comment ne pas changer d'avis avec une telle opinion des choses ? Peut-être avait-il raison. Peut-être que tout n'était pas encore perdu pour elle. La façon dont il avait de vouloir l'aider à s'accepter, à s'en sortir la touchait tout particulièrement. Elle qui était assez farouche, elle ne regrettait pas cette rencontre hors du commun. Il allait changer sa vie. Et cela allait dans le sens positif du terme. Peut-être pouvait-elle voir en lui un futur et fidèle ami ? Quoi qu'il en soit, il l'avait fait réfléchir. Bien-sûr qu'elle n'appréciait pas sa solitude. Mais avait-elle le choix ? Son destin elle se l'était écrit elle-même en prenant de mauvaises décisions. Des décisions qu'elle regrettait aujourd'hui avec amertume. Peut-être que si elle avait eu le choix ou même la possibilité de tout changer aujourd'hui, elle l'aurait fait. La vie était plus belle quand on ne fuyait pas sans arrêt. Mais quelque chose la titillait et elle ne tarda pas à prendre étonnement la parole pour faire part de ses inquiétudes. Elle qui était pourtant si distance, si renfermée.
« Et si je ne rencontre jamais cette personne qui sera si indispensable à ma vie que je ne me verrai pas vivre sans? Et si je la rencontre et qu'elle me bousille le coeur. Je n'ai pas envie que l'on me fasse croire à un monde tout beau, tout rose et qu'au moment où je m'autorise enfin à aimer on me plante un poignard dans le dos. J'ai eu une meilleure amie un jour et la perdre a sans doute été la pire chose que j'ai eu à vivre. Et si en m'autorisant à aimer quelqu'un je connais de nouveau cette douleur, je ne m'en remettre sans doute jamais.»
Elle le regarda un moment avant de laisser ses pupilles vagabondaient ailleurs. Elle venait de se livrer à un parfait inconnu. Chose qu'elle n'aurait jamais fait en temps normal. Mais elle devait avouer qu'elle se sentait mieux. Comme si une partie du poids s'était envolée. Cependant, une autre part d'elle-même ne put s'empêcher de se dire qu'elle avait fait une belle connerie en lui fournissant sa pire faiblesse entre ses mains.
Naïla pénétra dans sa demeure et à ce moment-là s'enchaîna un doux instant de rire et de légèreté. La jeune demoiselle avait bien besoin de se changer les idées après cette conversation lourde de signification. De la farine dans les airs, une barbe aspergée, des rires, des taquineries... C'est tout ce qu'il fallut à la jeune femme pour oublier son mal-être précédent. Bien entendu, elle ne serait pas allée plus loin avec lui. Elle ne le connaissait pas et se livrer à ce genre de fantaisie n'était pas son "truc". Elle qui chassait comme un homme, vivait dans la solitude, tuait sans scrupules. Non, c'était une jeune femme forte et indépendante qui n'avait pas encore eu l'occasion de se laisser tomber dans les bras d'un plaisir charnel. Elle était bien trop bornée pour ça. Cependant, les choses changeaient pour elle en ce moment. Une autre facette d'elle commençait à réclamer de l'attention. Elle s'ouvrait plus aux autres. La jolie sirène ignorait cependant si il s'agissait d'une bonne chose ou non. Le destin le lui montrerait bien. Du moins, c'est ce qu'elle pensait.
« Deal. Tu verras, la chasse n'est pas si compliquée quand on connait les bonnes astuces. Par contre, ton cheval est vraiment une grosse bête, je ne suis pas sûre d'être rassurée sur son dos. Je ne te promet rien. dit-elle en lâchant un petit rire amusé. Sinon, comment se fait-il que quelqu'un que je connais que depuis quelques heures m'ait déjà cerné au point de savoir que ce genre de profession n'est pas mon fort ? Et pour répondre à ta question de tout à l'heure je serai ravie d'aller chez ta t...»
TOC TOC TOC. La jeune femme n'eut le temps de finir sa phrase que l'on frappa à la porte. Ou plutôt que l'on tambourina. Ses sourcils se froncèrent tout naturellement. Attendit-il de la visite ? Etait-ce dangereux pour elle de rester ici ? Finalement les mots des arrivants de l'autre côté de la porte en bois répondirent pour elle.
« Bonjour. Excusez-nous. Plusieurs des nôtres sont tombés sur une fille hier soir pas loin de chez vous et nous aurions aimé savoir si vous l'aviez vu dans le coin. Si c'est le cas, il serait bon de nous en faire part. C'est une vraie cinglée qui s'amuse à tuer les pirates. Une belle rançon est donnée à toute personne pouvant nous fournir des informations.»
Le silence total. Deux regards s'échangèrent. Un lourd instant Naïla n'aurait même pas été surprise que les battements de son coeur contre sa poitrine soient audibles de là où Magnus se trouvait. Il s'agissait de pirates sans aucun doute. Et elle n'était pas folle. Tous les hommes étaient avides d'argent. Peut-être avait-elle bien fait de prendre un couteau au cas où ? Qu'allait-il choisir maintenant: le sens du devoir ou l'avidité pour l'argent ?
Nous étions sous la grange, quand je tentais d’expliquer à Naïla qu’elle ne devait pas être si réfractaire à l’idée de s’attacher à quelqu’un. Elle était jeune, elle ne devrait pas se priver de rêver juste parce que la vie n’a pas été clémente avec elle – jusque là. Malgré tout ce qu’il m’était arrivé depuis ma naissance, je n’avais cessé de croire que j’aurais ma fin heureuse – comme dans les contes de fée. Mes lèvres s’étirèrent doucement en un sourire, lorsque la brunette commença à me poser des questions. J’avais su trouver les mots pour réveiller en elle, l’envie de voir la vie d’une autre façon. « Naïla, je suis certain que tu rencontreras cette personne. Il se pourrait même que tu ais déjà croiser sa route, qui sait ! » Je tentais de lui redonner espoir, qu’elle voit les choses sous un autre angle. « L’amour ça peut faire mal, mais en aucun cas, il faut arrêter d’y croire juste parce qu’on a peur de souffrir. J’ai perdu beaucoup de personne cher à mon cœur aussi, ma mère – il y a tout juste six mois. C’est dans ces moments-là que tu as besoin d’avoir quelqu’un auprès de toi. La solitude ne fait qu’empirer la souffrance, je sais de quoi, je parle.» Le temps pour les confessions était terminé, il était temps de rentrer à l’intérieur, avant de finir complètement geler !
Une fois à l’intérieur, la nostalgie fit place à la bonne humeur. Naïla semblait taquine, comme si elle s’était libérer d’un poids en me parlant. Si j’avais pu l’aider avec mes mots, j’en étais heureux. Je lui proposais un échange de bon procédé, si elle m’apprenait à chasser, alors je lui enseignerais l’art de monter à cheval. Sa remarque me fit rire, il est vrai que mon canasson avait de quoi effrayer… et qu’il était têtu. « J’emprunterais le cheval de ma cousine, il est plus docile que le mien. Je suis certain qu’elle me le laissera pour quelques heures. » Elle m’avoua qu’elle n’avait jamais rencontré quelqu’un comme moi. En seulement quelques heures j’avais su cerner le caractère de la brune – du moins, une partie. J’étais certain de ne pas connaitre tout de Naïla, comme elle le disait si bien. Je lui proposais d’aller rendre visite à ma tante pour son épaule, je voulais être certain que sa blessure ne s’infecte pas et aggrave sa santé. Elle allait me répondre quand on toqua à la porte. Je fus surpris, il était rare que j’ai de la visite ! Peu de personne savait que j’avais emménagé ici depuis mon retour de pixie hollow. Je me levais du canapé, pensant ouvrir à ma tante ou encore ma cousine, mais lorsque j’ouvris la porte, je tombais nez à nez avec deux pirates. J’écoutais leur discours, restant impassible – je ne voulais pas qu’ils pénètrent chez moi, et encore moins, qu’il pose des questions sur mon invitée. Pourtant des tonnes de questions me venaient à l’esprit. « Il n’y a que moi, et ma compagne. Nous n’avons rien vu, ni entendu. Cette jeune femme a dû prendre la fuite, elle doit être loin d’ici à présent. » Je n’allais pas vendre Naïla, peu importe si leurs dires étaient vrais, j’avais besoin de l’entendre de sa bouche, et non de celle de pirate. J’esquissais un sourire et m’apprêtait à refermer la porte, quand un troisième homme arriva. « Magnus ? Ô mais c’est bien toi ! Alors comme ça l’élu des pirates à abandonner son poste de lieutenant sur le Dunbroch pour devenir fermier ? » J’étais plutôt mal à l’aise quand des pirates me reconnaissaient, surtout que je n’avais aucun souvenir d’eux. Je frottais ma nuque, un sourire tendu sur les lèvres. « Je n’ai pas vraiment eu le choix, il fallait sauver l’île, j’ai dû sacrifier ma vie de pirate. Mais je ne regrette rien, j’ai une ferme, une femme et je ne sens plus le poisson comme vous ! » Je tentais de détendre l’atmosphère, et surtout d’écourter leur visite. Il ne manquerait plus qu’il la reconnaisse. « Veuillez nous excusez, mais ma compagne et moi-même allions nous rendre au marché. Je tenterais de garder l’œil ouvert et si jamais je croise cette fameuse femme, je vous ferais signe ! » Je refermais la porte au nez de ces pirates, puis attendais qu’ils quittent ma ferme avant de poser les yeux sur Naïla : « Je crois qu’ils sont partis. » Je regardais la jeune femme assise sur le canapé, étrangement son regard était dur envers moi… alors que je venais de lui sauver la vie, une seconde fois en l’espace d’une journée. Qu’avais-je fais ? Ou dis de mal?
Naïla écouta les paroles de Magnus. Il se voulait rassurant. Elle aurait presque pu boire ses paroles. Pourtant elle était très pessimiste sur ce sujet. Pour elle, elle vivait dans un fossé tellement profond qu'il était impossible de la rejoindre sans y laisser sa vie. Pour elle, elle ne méritait pas l'amour. Pour elle... Il fallait l'avouer elle était totalement tétanisée à l'idée de se faire blesser qu'elle se braquait et ne montrait aucun sentiment. Elle se refusait d'aimer car elle refusait de souffrir. Elle refusait de s'ouvrir car la douleur est sa peur la plus tenace. Cela pouvait paraître stupide aux yeux de parfaits étrangers, mais pas pour elle. Parfois, elle se demandait même ce qui clochait chez elle. Les filles de son âge avaient pratiquement toutes connues l'amour, faites leur première fois, avoir un homme à leurs côtés... Toutes sauf elle. Parfois même, elle se demandait comment c'était de le faire. La pauvre avait la chance de pouvoir connaître cette expérience sous deux formes -humaine et aquatique-, mais n'avait pu expérimenter aucun des deux. Sans doute passait-elle à côté de quelque chose? Elle n'en savait que trop rien. Bien trop que questions en si peu de réponse. Magnus avait semé le trouble dans son esprit si ordonné d'ordinaire. On le disait parfois: certaines personnes bousculent notre vie. Magnus en faisait parti. Il n'avait pas une place privilégiée dans son coeur, elle ne le connaissait qu'à peine. Mais en même pas vingt-quatre heures, la voilà doutant d'elle et de sa froideur. Peut-être pourrait-elle avoir une chance d'être heureuse si elle l'écoutait ?
[...]
« J'en serai ravie. Mais je dois t'avouer que je ne suis pas sûre d'avoir une très bonne... Comment vous dites déjà ?... Monture, n'est-ce pas ?»
A présent assise sur le canapé, Naïla vaguait dans ses pensées. Certains termes étaient encore peu communs pour elle. Elle ne connaissait pas les chevaux dans l'océan, ni la plupart des animaux. Elle les avait découvert au fur et à mesure depuis son arrivée sur l'île. Elle était bien curieuse de voir la sensation de monter à cheval. Peut-être même pouvait-on avoir une monture sur des loups ? Non, ça lui paraissait peu probable. Elle n'était pas stupide au point de penser cela. Mais ce monde la surprenait de jours en jours, positivement. La mal n'était donc pas partout. Il fallait accepter et contempler la beauté des choses.
Sa réflexion profonde ne dura pas bien longtemps car un tambourinement la tira de ses pensées. Les paroles eurent comme effet de compresser son coeur dans sa poitrine. Son premier réflexe fut de se cacher derrière le mur du salon pour être à l'abri de leur regard. Son pouls s'accéléra dangereusement alors qu'elle écouta les paroles qui lui parvinrent. Quelques brides, mais assez pour qu'elle comprenne la chose la plus terrible qu'il soit: Magnus appartenait à l'ennemi.
Ses poings se contractèrent alors qu'il revint vers elle. Son visage était impassible, comme toujours, mais ses yeux révélaient une douce tristesse, alors qu'elle le contemplait. Naïla avait du mal à le voir pareil à présent. Elle parla d'une voix désemparée et agacée.
« Pourquoi tu ne m'as pas dis ? Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu étais un pirate comme mes agresseurs ? Pourquoi m'avoir menti? Tu te fichais de moi c'est bien ça ? » Voyant son visage interrogateur et qui ne semblait pas comprendre la situation, elle roula des yeux et lâcha d'un ton un peu plus sec. « Tu appartiens à l'ennemi, Magnus. A ceux qui ont tenté de me tuer et qui en lâchement ôté la vie de ma meilleure amie dont je t'ai précédemment parlé. »
Elle lui mit un coup dans l'épaule, entre l'énervement et la tentative de raisonnement. Mais ce n'était pas un coup qui voulait dire "je veux te blesser", seulement qu'elle était totalement désemparée. Naïla voulut cracher sa haine sur lui, toute sa rage intérieure, mais quelque chose lui en empêcha. Elle repensa à Raygon, une de ses rencontres. A son visage de dégoût en apprenant qu'elle était une sirène parce qu'il les haïssait à cause de son passé. Elle se souvenait d'avoir été blessé par son geste. Pourquoi faire subir la même chose qu'elle avait subi à Magnus? Desserrant ses poings et en détendant son visage, elle recula d'un pas face à lui pour faire quelques pas dans la pièce pour se calmer. Elle n'avait rien à craindre. Du moins, c'est ce qu'elle espérait.
Spoiler:
Sorry du temps mis, tu peux me taper sur les doigts.
Nous étions rentrés à l’intérieur de la maison, il y faisait bien meilleur. Le feu crépitait dans la cheminée, et la pièce s’était réchauffé rapidement. Assis sur le canapé, nous discutions de cheval, je lui proposais de lui apprendre à monter dans le courant de la journée. Bien évidement, j’irais chercher la jument de ma cousine, elle était bien plus docile que la mienne, c’était une vraie tête de mule quand elle ne voulait pas avancer. Puis, je lui propose d’aller voir ma tante pour sa blessure à l’épaule, mais quelqu’un vient tambouriner à ma porte. Depuis que j’ai emménagé ici, j’ai rarement de la visite… cela me surprend. Je jette un coup d’œil à Naïla avant de me lever, et d’aller ouvrir. Lorsque j’ouvre la porte, je me retrouve face à face avec des pirates, je ne les connais pas – du moins, je ne m’en rappelle pas. Peut-être faisaient-ils partie de mon équipage et voulait me rendre quelques affaires ? Mais non, il était à la recherche d’une femme dangereuse qui s’en prendrait aux pirates. Je ne suis pas idiot, je fais rapidement le lien avec ce qu’il sait passer dans la forêt hier soir. Naïla est sûrement la jeune femme qu’il cherche, mais je lui laisse le bénéfice du doute et je la protège. Je mens à ces hommes, et leur répond qu’il n’y a que ma femme et moi, ici. Ils me croient et s’apprêtent à partir quand un troisième pirate arrive. Ce dernier semble me connaitre, il m’appelle par mon prénom. Je comprends qu’il va falloir que j’use de patience pour les voir partir, pourtant je n’ai qu’une envie – retourner à l’intérieur et connaitre la vérité. Je parle avec lui de mon sacrifice et de ma nouvelle vie, puis je les congédie le plus rapidement possible. En refermant la porte dernièrement, je pose mon regarde sur la brunette qui se tenait derrière le mur. Elle semble en colère, contre qui, eux, moi ? Elle s’approchait de moi, et se mit à m’accuser de faire partie des ennemis. J’haussais un sourcil, je ne comprenais pas tout ce qu’elle disait. Allait-elle me tuer, moi-aussi ? Tout simplement parce que j’ai été un pirate ? Elle me donna un coup dans l’épaule, mais je ne bougeais pas d’un centimètre. Je restais droit, figé par sa réaction. « Attends Naïla, tu es en train de me juger ? » demandais-je comme pour la résonner. « Est-ce que ce n’est pas moi qui devrais m’inquiéter ? Je t’accueille sous mon toit, je prends ta défense devant ces pirates, et tu m’accuses d’avoir été un pirate ? » Je fais les cents pas, je ne m’énerve pas car ce n’est pas mon genre. Je m’installe sur le canapé, et prend ma tête entre mes mains. « Est-ce que ce que ces hommes ont dit était vrai ? Tu tue des pirates ? » Je n’attendais même pas sa réponse, avant de continuer. « Je sais que tu veux le faire par vengeance, mais as-tu seulement pensé que tous les pirates n’étaient pas des tortionnaires ? » Je relève la tête et tente de capter le regard de Naïla. « Oui, j’ai été un pirate, l’élu même, qui s’est sacrifié pour sauver l’île. Mais tu sais quoi, je n’ai jamais torturé ou tuer quelqu’un durant toutes ces années. Je n’ai pas changé, j’ai toujours aidé les personnes en détresses – même si je ne me souviens plus de toutes ces années sur la mer – je sais que je n’ai jamais été un tortionnaire. » Je baisse la tête à nouveau, fixant le bout de mes pieds un moment, puis après un soupire, je pose une question à la jeune femme. « Tu m’aurais tué de sang froid si tu avais connu la vérité, hier soir ? Tout simplement parce que j’ai été l’un d’eux ? » j’attend avec impatience la réponse de Naïla, peut être prendra-t-elle conscience que sa vendetta à ses limites.
La vie se montrait parfois surprenante, mais pas toujours dans le bon sens du terme. Présentement, on pouvait très bien le percevoir. Le destin avait fait que sa route avait empiété sur celle d'un pirate, un pirate dont elle ignorait l'identité jusque là. C'était comme ci tout se chamboulait autour d'elle. Comme-ci une haine soudaine faisait émergence en elle. Mais cette haine ne venait pas de nul part. Elle était ancrée au fin fond d'elle-même. Comme-ci ce terrible sentiment faisait partie à part entière d'elle même. Comment vivre en ayant cette envie de tuer qui pouvait survenir à tout moment ? Comment connaître le bonheur quand ton être n'était que noirceur? Comment vivre...
Sa colère eut raison de Magnus qui s'y mit lui aussi. Les battements de son coeur s'accélérèrent un peu plus à chacun de ses mots. Chacune de ses phrases avait l'effet d'un poignard que l'on enfonçait et retirait, encore et encore. Il lui faisait prendre conscience de certaines choses. Et actuellement, elle se sentait terriblement mal. Comme-ci... elle était un monstre. Elle dut s'amuser à faire tapoter ses doigts sur l'accoudoir du canapé pour ne pas laisser entrevoir de légers tremblements. Et quand Magnus eut fini de parler, les mots quittèrent ses lèvres par eux-mêmes, sans réfléchir, sans pouvoir se stopper.
« Tu ne sais pas ce que c'est de vivre une vie seule, sans personne. Dans ma vie avant de venir ici, je n'avais qu'une seule personne qui me comprenait, qui me complétait entièrement. Et des pirates me l'ont enlevée. Ils l'ont humiliée et l'ont massacrée alors qu'elle tentait seulement de me sauver la vie, Magnus. Tu as la moindre idée de ce que c'est de perdre la personne à qui tu tiens le plus au monde ? On se sent comme une coquille vide, vide de sens, vide d'intérêt. On ne trouve plus la force de sourire, de respirer, de parler. Et j'ai rejoins l'île en pensant que la seule solution pour combler ce vide était de tuer, de massacrer chacun d'entre eux, ne me livrant à personne d'autre qu'à moi-même. Je voulais les voir souffrir, comme elle, elle avait souffert. On a chacun un monstre qui vit à l'intérieur de nous. Et moi, il a prit le dessus. Il a pouffé tout ce qu'il y avait de bon à l'intérieur de moi. Il a fait de moi une tueuse, vivant pour la chair et le sang. Tu as la moindre idée de ce que c'est d'être seule, toute la journée, avec personne à tes côtés pour te dire que ce que tu fais est mal ? Alors oui, je suis un monstre, je tue sans connaître leurs histoires, leurs proches. Mais si je fais tout cela, c'est parce que c'est la seule chose qui me fait sentir encore en vie. Qui me fait ressentir autre chose que ce vide. Je suis consciente que je baigne dans la noirceur, mais comment veux-tu que je m'en sorte si je n'ai personne pour m'aider à remonter le fin fond du gouffre dans lequel je me trouve, Magnus ? »
Elle soutint son regard quelques instants, les yeux légèrement humides. Voilà une sensation qu'elle n'avait pas ressentie depuis bien trop longtemps. Et cette sensation était étrangement douloureuse. Quittant son regard un instant, elle se releva avant de se remettre à parler d'un ton plus calme, moins angoissé.