Le temps se gâte depuis un moment déjà en dehors de ma prison dorée, tempêtes, monstres, nuit, attaque de pirates. Dans un sens, cela m’importe peu, voire pas du tout. Je reste jour et nuit dans cette immense demeure embaumée par les essences des femmes qui donnent du bonheur pour quelques pièces. Nous sommes comme dans une bulle protectrice à l’Excès d’Arum, nous avons notre jardin derrière les hauts murs de la maison close, petit moment de bonheur qu’ont nous accord lors des pauses salvatrices. J’aime à y rester des heures, observant les étoiles et me demandant parfois ce qu’il advient de ma sœur. Ce n’est pas qu’elle me manque plus que cela, c’est juste qu’il m’arrive je crois d’imaginer ma vie, si elle avait été autrement. Appuyée sur le chambranle de la porte, je porte mon porte-cigarette à ma bouche, un cadeau d’un nouvel arrivant de Neverland lorsqu’il est venu me rendre visite il y a quelques jours. Je ne suis pas vénale dans un sens strict, mais j’aime qu’on me gâte, c’est l’un des rares plaisirs que je m’accorde, cela et bien sûr…la chaleur de certains de mes clients, qui me font plus d’effet que d’autres. Le regard vague, je ne fixe rien de particulier, je ne m’attarde pas plus que la catin chevauchant Lord Bennet que sur Terry qui balaye la salle en trainant sa patte folle sur le parquet. Non, rien ne peut me soustraire à mes pensées, sauf peut-être la voix de Miss Hartbottle, mais pour le moment, elle ne s’occupe pas de moi. Ma robe de chambre en soie tombe légèrement de mon épaule, laissant entrevoir ma chair jusqu’au pli de mon coude. Les jambes croisées, dont les bas volontairement visibles dessinent le galbe de mes jambes, ne sont là que pour me maintenir dans une position plus confortable. Il a beaucoup de monde ce soir, La nuit permanente nous donne bien plus de profit qu’en temps normal. J’entends une voix et je remarque que Lily me passe devant avec un client attendant que je me pousse pour les laisser entrer dans la chambre. Soupirant, je me déplace à contre cœur, la porte claque derrière moi et je m’approche par obligation de la rambarde du balcon, mirant le salon d’accueil de droit à gauche. Une odeur de fleur me prend au nez, d’alcool et de tabac, sans parler de cette odeur caractéristique de la luxure. Mes grands yeux clairs se fixent soudainement sur une silhouette masculine, mes sourcils se froncent, l’ais-je déjà vu aussi ? Si c’est le cas, je n’en suis plus certaine. Portant à ma bouche mon porte cigarette, d’une manière des plus élégantes, je tire sur l’objet qui consume doucement le bâton de nicotine, m’apportant une dose salvatrice de réconfort. « Hey toi ! » Son visage se redresse dans ma direction et je lui souris. Je me fais charmeuse et féline, il me plait bien, déjà rencontré ou non, celui-ci, il sera pour moi, enfin…si lui le veut aussi. Sans plus attendre et au risque de le voir filer avec une autre et de ma taper un vieux bedonnant, je descends vers le salon, jouant avec mon jeu de jambe pour attirer ton attention. D’un geste volontairement charnel, je joue avec ma chevelure blonde avant de m’arrêter non loin de lui. « On s’occupe de toi ? Ou tu cherche encore avec qui tu passeras un moment, mon beau ? »
La nuit, l’obscurité, le silence et l’attente. L’absence d’aventures, d’efforts, de découvertes ou d’altercations. Le néant, la solitude. Un grand navire désert pour seul ami. Jud ne cuisinait plus beaucoup car les pirates ne restaient que très peu de temps sur la Bacchante. Ils préféraient aller s’amuser à Blindman’s Bluff ou à One-Eyed-Willy. Ils écumaient les bars et les maisons closes, riaient, beuglaient à la face de cette lune vengeresse. Cette traîtresse tueuse de pirates car plus la nuit s’installait et moins ils pouvaient voyager. La pénombre leur bouchait la vue, incapables de trop s’éloigner des côtes. Ils étaient des oiseaux à qui on avait attaché les ailes, attendant patiemment dans leur cage qu’on finisse par les libérer de leurs liens.
Tout cela l’emplissait d’un ennui profond. Personne ne savait rien, personne ne pouvait rien y faire. On acceptait, on continuait à vivre tels des pantins à la merci d’une lune tyrannique. Jud finit par quitter la Bacchante lui aussi. De toute façon, il n’y avait plus là-bas que quelques individus endormis. Le bateau s’étant pratiquement transformé en dortoir. Le pirate déambulait dans les rues de Blindman’s Bluff, ignorant sur qui il allait tomber ou ce qui allait attirer son attention.
Ce fut une puissante odeur de plantes qui le frappa. Jud s’arrêta, tourna le regard vers cette haute bâtisse pleine de vie, de couleurs et de cris de joie. Il n’avait plus profité de la chaleur des bras d’une femme depuis plusieurs jours. D’un pas décidé, le pirate passa la porte. Á l’intérieur, les bruits se démultipliaient. On entendait rire, crier et rire encore. Jud observa les quelques demoiselles présentes, l’une d’entre elle aux traits doux et à la peau pâle l’intrigua. Elle lui adressait un sourire presque gentil, presque mignon. Mais avant que Jud n’ait pu faire un pas vers elle, un autre homme se dirigeait dans sa direction et lui tendait la main. Le pirate poussa un soupir de mécontentement, il s’apprêtait à se détourner lorsqu’une voix l’interpella.
Son regard se leva vers le palier où une demoiselle attirait son attention. Peu vêtue, démarche féline, chevelure emmêlée. Elle était ravissante mais Jud avait cette impression de ne pas être totalement étranger à son visage. Avait-il déjà goûté à ses plaisirs sans s’en rappeler ? Á vrai dire, ce n’était franchement pas impossible ! Étant donné que parfois, Jud débarquait en ce lieu et repartait sans même avoir pris le temps d’analyser dans les détails les visages de son amante. Le pirate s’avança vers elle et répondit simplement à sa question :
- Je crois que j’ai trouvé.
Elle jouait avec ses cheveux, souriait en parlant et Jud montait les escaliers. Quand il arriva à sa hauteur, l’homme la fixa de son regard perçant. Cette femme était vraiment très belle, il trouvait cela fort dommage qu’une telle beauté finisse dans un pareil endroit. Et en parallèle, cela devait être une véritable aubaine pour bien des hommes. Jud s’avança et lui prit la main.
- Tu m’emmènes ? [/color ]S’il avait l’habitude de se laisser guider par les jeunes femmes jusqu’à l’endroit propice, Jud était plutôt du genre fougueux et n’appréciait pas la passivité. Il adressa un regard à la jeune femme avec qui il s’éloignait, une impression de déjà-vu persistait à chaque fois que son regard se posait sur elle. Jud et la belle finirent par arriver dans la chambre spartiate pourvue d’un lit et d’une porte qu’il referma d’un coup de pied. L’homme se débarrassa vite fait de sa chemise presque d’un seul coup et poussa sans y mettre de force la belle sur les draps.
- Viens là !
Jud se pencha vers elle, glissa un bras sous ses côtes et l’attira vers lui. Son visage se pencha et s’approcha dangereusement des lèvres de la blonde ...
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Miläne
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Il a trouvé, il s’approche et je continue à le charmer, et cela, même si je sais que le filet que j’ai lancé remonte avec ma proie. « Tu m’en vois plus que ravie, mon beau » Je mire sa démarche, un colosse qui grimpe vers les sommets pour chercher sa récompense. Rien qu’à voir les muscles saillants sous ses vêtements et j’en ai le cœur au bord des lèvres. De près, je ne voyais que ses yeux, deux billes d’un bleu électrique, on dit que les yeux sont le reflet de l’âme. Chez lui, elle était tourmentée, mais loin d’être cruelle, non, son regard n’était pas celui d’un homme sans sentiment, et s’il voulait me le faire croire, je penserais à un mensonge.
Jud : Tu m’emmènes ?
Le rictus qui se forma au coin de ma bouche mutine était sa réponse, nous étions là pour ça en même temps. Lui donner du bon temps contre son argent. J’avais été formée à cela, trop tôt sans doute. Une gamine de quinze années, tout juste sortit d’un amour qui ne valait rien, si ce n’est le prix de sa trahison. Contrainte de payer une dette pour quelques nourritures et une nuit passée ici dans l’insouciance. Je n’en voulais pas à Rosie, elle ne savait pas et mes paroles à ce moment-là n’auraient fait qu’attiser le feu dans ses oreilles. Sa paume dans la mienne, je grimpe les marches jusqu’aux chambres, il bifurque dans l’une d’elles, inoccupée, qu’il referme d’un coup de pied bien dosé. Je tire sur le cordon de ma robe de chambre qui chute en glissant sur mes reins et termine sa traversée par le sol dur et froid du bordel. Sa chemise a déjà rejoint le tissu soyeux que je viens de quitter. Il ne faut que peu de pression pour que je me laisse aller sur la couche, offerte et sans résistance. L’homme au regard bleu vient prendre son dû se trouvant sur ma bouche, sa large main dans le creux de mes reins. Il s’approche, venant frôler ses lèvres aux miennes avant de les écraser avec force. Je réponds, comme j’en ai l’habitude, on n’attire pas un poisson sans appâter avant. Il quitte ma bouche à regret, bien que j’ai…une sensation étrange qui me prend dans le ventre. Voyant qu’il reste un peu trop longtemps loin de moi, je prends la chose en main. Ma main droite sur sa nuque je l’attire à ma bouche, frottant mes cuisses dénudées à ses hanches pour qu’il fasse ce pourquoi, il me donnera mon dû. J’inverse les positions le faisant rouler sur le dos, assise à califourchon sur lui, je le mire, jouant encore avec mes cheveux pour lui donner l’envie de jouer avec moi. Je fonds sur son cou, embrassant la chair tendre et tiède à cet endroit, ondulant sur lui comme une sirène jouant avec les vagues.
Elle l’emmena, la nymphe. Ondulant des hanches, laissant sa longue chevelure blonde glisser dans son dos. C’est une femme magnifique et elle le sait, elle en joue. C’est d’ailleurs sa beauté qui lui a probablement valu d’atterrir là où elle se retrouve aujourd’hui. Jud se laissa emmener mais dès qu’ils entrèrent dans la chambre, il referma la porte d’un coup de pied rapide et ôta sa chemise. Leurs corps se trouvèrent, leurs lèvres se rencontrèrent. Les baisers furent rapides, fougueux, débordant d’envie.
Tout à coup, Jud sentit la main de la demoiselle dans sa nuque. Elle l’attirait à elle tout en faisant glisser son bassin tout contre les hanches du pirate. L’homme se sentit grossir, il n’allait pas résister longtemps à l’envie de sauter sur la belle. D’un mouvement de rein, la blonde le fit basculer sur la couche et s’assit à califourchon sur lui. Tandis qu’elle jouait avec ses mèches et ondulait des hanches, Jud posa les mains sur ses cuisses, les pressa légèrement et l’attira tout contre lui. La bouche de la belle se perdit dans son cou.
Jud glissa ses mains sous les fesses de la belle blonde et la souleva littéralement. Il se redressa, debout sur ses deux pieds, il la balança sur la couche en ricanant. D’un mouvement rapide de la main, il se débarrassa de son pantalon et sauta nu comme un ver sur le lit. Il attrapa les jambes de la demoiselle, les lui écarta avec fougue et les plaça de chaque côté de ses hanches. Se penchant par-dessus elle, Jud la fixa droit dans les yeux en souriant d’excitation et d’envie. Dans quelques secondes, la belle emplirait l’espace de ses cris de plaisir. Sauf que ...
Brutalement, le pirate s’extirpa du lit. Bondissant tel un fauve ayant été touché par de l’eau fraîche. Jud s’éloigna du lit comme si la demoiselle était une pestiférée, il s’empressa de ramasser son pantalon qu’il renoua sur ses hanches en toute hâte.
- Par Poséidon ...
Il secoua la tête et s’éloigna encore un petit peu. Lorsqu’il l’avait regardée droit dans les yeux, observant le bleu étincelant de son regard, Jud y avait décelé une étincelle de malice. Une sorte de gerbe de feu qu’il avait connu il y a des années de cela. Ce n’était qu’une impression, un sentiment ravageur. Cette prostituée lui rappelait sa sœur. Sa petite sœur, Miläne. Ils ne s’étaient plus vus depuis des années, Jud l’avait toujours considérée comme morte. Elle était absente lorsque les pirates avaient débarqué chez eux pour régler leur compte aux parents mais le pirate était toujours parti du principe qu’à son âge, sans personne sur qui compter, elle n’aurait eu aucune chance. La blonde en face de lui ne devait pas comprendre ce qu’il se passait mais Jud ne pouvait plus la toucher.
- Sois pas furieuse hein. T’es vraiment bonne, c’est pas ça. Mais tu me rappelles ma petite sœur ... je peux pas.
Le pirate secoua la tête. Miläne, il n’y avait plus pensé depuis longtemps ! À quoi bon ressasser des vieux souvenirs douloureux ? Des souvenirs qui ne feraient que le blesser davantage et lui rappeler qu’il avait tout foiré dans sa vie. Jud se tourna alors vers la prostituée et lui adressa un haussement d’épaule ainsi qu’un sourire gêné.
- C’est ton regard. T’as cette étincelle qu’elle avait. Tu t’en fous et je le sais mais elle s’appelait Miläne et tu me fais beaucoup penser à elle ...
Il esquissa un sourire. Jeta un regard vers le ciel comme s’il avait une pensée pour une défunte, ce qui dans son esprit, était complètement le cas.
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Miläne
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Le pirate était plus que réceptif, un corps sculpté que je ne pouvais ignorer et lorsqu’il me chevaucherait j’en aurais une satisfaction plus que jouissive. Il y a les hommes que l’on ne désire pas obtenir et il y a les autres, ceux qui auraient pu être si notre vie n’était celle-là, des amants véritables. Lui, me plaisant beaucoup. Ce regard orageux et à la fois avec cette sensibilité. Il respirait la férocité et je ne me cachais nullement du plaisir que j’aurais en le chevauchant comme une valkyrie. Sa nudité me fait remonter les jambes légèrement, avant qu’il ne vienne recouvrir mon corps du sien. Je me mords la lippe, mirant ce visage au dessus du mien et espérant de plus autant de promesses qu’il peut m’en donner rien qu’en me regardant. Seulement…Il se redresse, tel un diable qu’on aurait pris en faute, me laissant égoïstement sur la couche, presque impatient de l’avoir au fond de moi. Il jure, me mirant comme si j’étais une pestiférée. Il m’intrigue, qu’a-t-il ? Son pantalon remis sur le bas de son corps, je l’interroge du regard, me redressant pour m’approcher du bord du lit où il m’a abandonné.
Jud : Sois pas furieuse hein. T’es vraiment bonne, c’est pas ça. Mais tu me rappelles ma petite sœur ... je peux pas.
Je, quoi ? Mon visage doit probablement afficher pire que de la surprise. Je suis consternée, c’est la première fois qu’on me sort une excuse aussi…bidon. Si tu ne peux pas bander, je vais t’aider, tu ne seras pas le premier à avoir une panne, mon tout beau. Inutile de me raconter des bobards. Certes, je ne vais pas lui balancer cela comme ça, l’ego des hommes demande un peu plus de doigté et de finesse. Faute de paroles, je me lève, m’approchant de lui, qui semble vraiment…perturbé. C’est bien la première fois que je fais cela à un homme. Lorsque je vais dire cela à Rosie, je suis certaine de la faire bien rire. Le pirate au regard envoutant fini par m’avouer que…
Jud : C’est ton regard. T’as cette étincelle qu’elle avait. Tu t’en fous et je le sais, mais elle s’appelait Miläne et tu me fais beaucoup penser à elle ...
Par toutes les putains de Neverland ! Il connait mon nom…c’est une plaisanterie, une mauvaise blague qu’on m’a faite ? Je m’arrête net dans ma progression vers lui, touchant mon bras avant de reculer pour enfiler ma robe de chambre. Il est vers la fenêtre à seulement trois mètres de moi et je reste interdite ne sachant pas quoi lui dire ou lui répondre. Est-ce que j’avais un frère ? Iniel m’en a souvent parlé, mais…il est mort…et moi, j’étais bien trop jeune pour me souvenir de lui. Tout ce que je sais de mon soi-disant frère, c’est qu’il a été tué en protégeant ma grande sœur et les dieux ont bien agis, qu’aurais, je fais, seule, une gosse de trois ans, abandonnée. Je ne serais sans doute pas ici pour y penser. Nerveusement, je ne sais pas trop pourquoi, je me mets à rire, doucement puis de plus en plus. « Ne le prends pas pour toi, Pirate…Je ne sais pas qui t’envoie, si tout cela était voulu…après tout tu as accepté bien rapidement de monter…mais, c’est joliment jouer. Qui t’a dit mon nom et pourquoi, veux tu me faire croire que tu subitement plus envie de moi ? De plus, je n’ai pas eu de frère, il n’est plus vivant le seul que j’ai jamais eu…et je ne me souviens même plus de son visage…Par contre, ne compte pas sur moi pour te rendre ton argent…qu’on ait baisé ou non ! »
Je souris tout en allant vers lui, je n’y crois pas, non. C’est…tellement…impossible. Seulement, lui ne semble pas rire du tout, il est là, devant moi, comme tout à l’heure, avec un regard encore plus…perturbé. « Quoi ? Qu’as-tu ? Tu peux arrêter ton petit jeu, c’est bon, je me suis laissée avoir… » Je le bouscule un peu à l’épaule pour le faire réagir et il me saisit la mienne, plongeant ses billes azur dans mon iris. J’ai cette sensation étrange tout un coup, comme si ce qu’il venait de me révéler, n’était pas si improbable que je l’aurais pensé de prime abord. « Quel est ton nom, pirate ? »
Passer de la chaleur extrême à la fraîcheur cadavérique. Fuir les rayons irradiants du soleil pour plonger tête la première dans l’eau glacée. Jud avait cette impression précise. Il prit la fuite, se rhabillant en toute hâte. C’était la première fois qu’il lui arrivait de repenser à elle, de repenser aussi fort à elle. Et ça faisait un mal de chien. Le temps guérit les blessures sauf quand on replonge deux phalanges dans la plaie, rouvrant la déchirure et réanimant les douleurs d’antan. Cette lueur, une vraie connerie, avait suffis à ce que Jud pense à sa cadette. Et brusquement, Miläne lui apparaissait plus nette que jamais dans sa mémoire. Il n’avait que onze ans la dernière fois qu’il l’avait vue mais qu’à cela ne tienne, son souvenir était désormais net dans son esprit. Plus vivant et plus frappant que jamais auparavant. L’homme en était retourné.
La putain s’approchait. Ce n’était peut-être que son métier mais elle avait dû apprendre à y prendre un certain plaisir. Jud savait qu’elle tenterait de le convaincre mais le pirate refuserait, jamais plus il ne poserait la main sur elle. Cette femme était une vision du passé, un fantôme ambulant qui le menaçait de lui cracher ses erreurs au visage. Elle était pire que fantomatique, elle était dangereuse. C’était ce genre d’individu qui pouvait ruiner Jud, le replonger dans ses vieux démons. Ces ombres qui semblaient attendre la première occasion pour planter leurs ongles acérés dans sa chair et le rendre fou. Lui donner envie de frapper, de détruire et de tuer.
Prononcer son prénom la rendit réelle. Comme si Miläne prenait vie dans cette chambre glauque, ce baisodrome dans lequel Jud ne voudrait la voir. La femme couvre son corps à son tour, son expression faciale a changé mais le pirate n’est pas très doué pour les interpréter. Il ne comprend pas les gens car il s’en fout et qu’il n’essaie même pas. Son rire lui fit toutefois tourner la tête, Jud la dévisagea tandis que la blonde semblait s’amuser de ce qu’il venait de lui dire. Évoquer une sœur décédée l’amusait tant que ça ? Le pirate retint son envie de ficher le camp directement.
Jud fronça les sourcils. Son nom ? Il ne le connaissait pas son nom ! Le pirate secoua la tête. Cet argent, il n’en voulait plus. Son statut de loup de mer lui faisait côtoyer l’avarice à longueur de journée mais s’il y avait bien une chose qui pouvait la faire taire, c’était le deuil. La demoiselle s’approcha et le poussa légèrement, répliquant qu’elle s’était laissé avoir. Jud réalisa qu’elle le croyait en pleine plaisanterie mais ...
Soudain ses yeux s’écarquillèrent et ses mains agirent de leur propre chef en s’emparant des épaules de la jeune femme. Durant quelques secondes, ils se fixèrent droit dans les yeux. Jud avait cette maudite impression de reconnaître ces iris, de les avoir connu de par le passé. Miläne. Ça ne pouvait pas être elle ... pas ici, pas comme ça. Elle lui demanda alors son nom, brisant un silence long et lourd de sens.
- Jud.
D’ordinaire, il aurait ressenti de la colère. C’était généralement le premier sentiment qui lui venait à l’esprit, par pur réflexe. Cette fois, c’était différent. Une sorte de vide immense venait de le happer, le laissant déambuler dans une stratosphère interne. Jud était paumé, incapable de comprendre ce qu’il ressentait face à Miläne, face à sa petite sœur. Frangine devenue ... une putain.
- Miläne ... comment t’as ... et merde quoi !
Jud lui lâcha les épaules et se retourna. Il se prit la tête entre les mains et tenta de faire le vide dans son esprit. Trop tard. Il imaginait déjà Miläne au lit avec des hommes comme ceux de son équipage. Des porcs, des vicieux qui se repasseraient leurs films mentaux pour peupler leurs nuits solitaires. L’homme serra les poings et les dents. Ça y est, la voilà sa douce compagne la colère. Elle l’enlaça tendrement, réchauffant ses entrailles et faisant bouillir son sang. Jud poussa un grognement de rage et shoota dans l’armoire. Une fois, deux fois, trois fois, dix fois.
Rouge de colère, il se retourna vers Miläne. Jud se sentait horriblement coupable. Si elle en était là, c’était de sa faute. S’il était parvenu à s’enfuir ou à combattre les pirates qui l’avaient emmené, ses sœurs auraient eu une chance de survie. Une chance de devenir autre chose que les poupées interchangeables de la société. Il s’approcha à nouveau de Miläne et la saisit par la main, cette fois. Devenant si tendre qu’aucune de ses connaissances n’aurait pu le reconnaître. Son regard était larmoyant, son timbre presque rompu.
- Pitié dis-moi qu’Iniel n’est pas dans la chambre d’à-côté. Je m’en fous, mens-moi, invente-moi n’importe quoi. N’importe quoi mais pas ça. Je veux pas.
Jud nageait en plein cauchemar. Son passé empiétait sur son présent, des flash-backs l’assaillaient, des visions de ses sœurs innocentes et enfantines. Le pirate avait presque envie de gerber. Il ne supportait pas de savoir Miläne dans cet endroit mais si sa deuxième sœur, celle qu’il avait protégée au prix de sa propre liberté, avait fini dans ce trou à rats elle aussi ... alors il aurait définitivement tout raté.
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Je sens une coulée froide et désagréable s’écouler le long de ma colonne, personne ne connait le prénom de mon frère, si ce n’est Iniel et moi. Je n’en ai jamais parlé à personne, s’il est bien mon frère, alors je viens d’échapper à un pêché qui m’aurait fait perdre le sommeil. Il était perdu, ses grands yeux aussi clairs que les miens devenaient ombrageux et pourtant, la douceur y était toujours logée. Resserrant encore plus mon peignoir sur mon corps, je tentais de reculer, cependant, il avait piqué ma curiosité, il était en vie, pourquoi n’était il jamais revenu à la ferme ? Tout aurait été différent, j’en suis certaine.
Jud: Miläne ... comment t’as ... et merde quoi !
Comment j’ai quoi ? Finis ta phrase au moins ! Il se détourne de moi et je reste interdite, me demandant comment une chose pareille a-t-elle bien pu arriver, j’aimerais ne jamais avoir posé les yeux sur lui ce soir, ne jamais l’avoir fait monter dans cette chambre, qu’il n’est pas eu…ce sursaut de lucidité, d’ailleurs comment a-t-il pu me reconnaitre, moi, une enfant de 3 ans…lui devant en avoir 11, pas plus, je ne me souviens même plus. Son visage est bien trop lointain et je n’ai que des morceaux de souvenirs, mais son visage est toujours flou. Il me fait sursauter, frappant encore et encore l’armoire, s’il continue, Rosie risque intervenir pensant qu’il me frappe, il fait que je l’arrête et vite.
Je m’approche pour le calmer, c’est le moment qu’il choisit justement pour se tourner dans ma direction arrivant en quelques pas et me saisissant la main avec fort. Son regard me retourne le ventre et le cœur. Je sens sa faiblesse et son trouble, si bien que j’en aurais presque envie de laisser mes sentiments m’envahir et mes yeux se remplir. Seulement, cela fait bien longtemps que je ne suis plus la gamine faible. Depuis que je suis ici, depuis que j’ai perdu mon bébé, la douleur a été telle que jamais plus je ne me montrerai faible ou sentimentale. Avoir des sentiments, c’est le début de la fin pour une catin.
Jud: Pitié dis-moi qu’Iniel n’est pas dans la chambre d’à-côté. Je m’en fous, mens-moi, invente-moi n’importe quoi. N'importe quoi, mais pas ça. Je veux pas.
Mon regard se fait plus froid que le sien, qu’importe qu’il soit mon frère, je n’ai plus de famille depuis longtemps. Alors, je ne vais certes pas m’attendrir aujourd’hui. « Il n’y a pas d’Iniel, ici….Jud…je ne suis plus ta sœur et je ne l’ai jamais été…que les choses soient bien claires…ma famille, ce sont les filles qui travaillent ici, ce qu’il y a dehors, c’est une autre vie…Alors, ne t’avise pas de reparler d’un quelconque lien entre toi et moi…Pirate ! » Cela me fait mal de lui dire ça, son regard me trouble, j’en ai mal au creux de moi. Est-ce que les choses auraient été différentes s’il était resté avec nous ? Oui, il m’aurait protégé de cet homme qui m’a conduite ici, il lui aurait refait le portrait et m’aurait sans doute sorti de cette maison avant même mon premier client. Mais…cette histoire ne m’appartient pas, aujourd’hui, je suis la catin de l’excès d’Arum, je vends mon corps à ceux qui le désirent, je prends ce qu’on me donne, je joue et je triche, je mens pour quelques pièces en plus, parfois des bijoux et des cadeaux…Je vois bien que mes mots le touchent, alors je retire ma main de la sienne doucement, la posant sur sa joue dans un geste trop intime, mais ne le fais je pas non plus aux autres clients ? Si…alors, je considère qu’il est comme les autres. « Crois-moi…il n’est pas nécessaire de remuer le passé…Regarde-moi ! » Je m’éloigne de lui, pour qu’il me regarde. « Je suis ici depuis que j’ai 15 ans ! Par volonté ?! Non, S’il y a un dieu sur Neverland, qu’il m’en préserve, mais les choses sont ce qu’elles sont ! Je ne suis plus ta petite sœur, je suis une putain qui écarte les cuisses à ceux qui la payent ! » Mon ton monte, la colère est là en moi, pourquoi ? Suis-je en train de regretter ma vie, par sa seule présence ? « Dans cette chambre ! Ta sœur est morte Jud ! Elle n’existe plus ! Le peu qu’il y avait d’elle s’est évanoui dans le foutre et la luxure ! Alors… » Je me tourne vers la fenêtre sentant mes yeux s’humidifier. « Pourquoi…tu n’es pas revenu… ? » Mes épaules se relâchent, la pression descend…je veux des réponses et à la fois, je cherche à me faire du mal, cette histoire ne se terminera pas bien, c’est une certitude.
Les sentiments se mélangeaient, devenaient compliqués à comprendre et à assumer. Jud réalisait désormais que sa petite sœur, cette enfant pleine d’insouciance qui partait souvent cueillir des fleurs pour en faire des bouquets offerts à leur mère, était devenue ça. Une putain. La colère faisait trembler ses doigts, il culpabilisait de ne pas avoir pu être là mais comment aurait-il pu ? Véritable chien sur leur paquebot, les pirates qui l’avaient capturés avaient fait de lui pire qu’un mousse. À onze ans à peine, Jud ne pouvait pas espérer à ce grade. Après avoir exorcisé sa colère en frappant une pauvre armoire innocente, le pirate se rappela de son autre sœur. Iniel était plus âgée que Miläne et avait cette capacité innée à se faire apprécier. Même le cœur putréfié de leur père avait trouvé une once d’humanité pour aimer l’aînée de ses deux filles et ne jamais lever la main sur elle.
Il s’approcha de Miläne et la saisit par le bras, lui demandant des informations sur Iniel. La réponse de la jeune femme fut tranchante. Dans un premier temps, son cœur se réchauffa à l’idée de savoir son autre sœur ailleurs, dans un endroit bien meilleur que cette saleté de maison close. Malgré tout, entendre Miläne répudier leur lien de famille, le rejeter volontairement et le résumer à ce qu’il était devenu, un vulgaire pirate, fit l’effet d’un uppercut à Jud. Incapable de répondre sur le coup, il resta muet, muré dans un silence qui en disait long.
Aurait-il pu espérer mieux ? Probablement pas. Sa sœur, il la croyait morte. La savoir en vie était déjà un miracle, miracle sali par sa profession. Qu’elle ne veuille pas de lui comme frère coulait de source. Elle avait construit une vie bancale dont il ne faisait pas partie. Jud aurait pu s’énerver, c’est ce qu’il aurait fait avec n’importe qui d’autre. Mais avec ses sœurs, il n’avait jamais été le loup de mer au tempérament explosif. Elles faisaient ressortir le meilleur en lui.
Miläne lui caressa la joue. Jud la laissa faire, ce contact tendre lui rappela leur famille d’autrefois. Famille dont elle ne devait avoir que des bribes de souvenirs. Ce n’était peut-être pas plus mal. Derrière l’amour qui les liait, se cachait la colère d’un père violent et la détresse d’une mère soumise et piégée. Jud baissa la tête, il lui était insupportable d’entendre le récit de la vie de Miläne. Quinze ans. Trop jeune pour atterrir dans ce genre d’endroit. Mais sans leurs parents, sans revenus, sans toit au-dessus de la tête, Jud imaginait bien mal une autre issue à cette sombre histoire. Il détourna la tête quand elle lui cracha au visage ce qu’elle faisait pour gagner sa vie. Le pirate détestait ça. Il le savait pourtant parfaitement bien pour avoir été clients de tas d’autres donzelles du genre.
- Foutaise ...
S’évanouir dans la luxure ? Croyait-elle qu’il était devenu prêtre durant son absence ? Sa vie avait été au moins aussi misérable que celle de Miläne, tout du moins, au départ. Son enfance avait été vite écartée et plongé dans l’adolescence trop tôt, on avait fait de lui le sous-fifre des sous-fifres. La piraterie l’avait brisé, mis en pièces et puis reconstruit, plus fort, plus digne. Cependant, jamais elle n’avait été capable d’atteindre ses souvenirs, sa famille. Ses sœurs qui avaient toujours continué à vivre dans un coin reculé de son esprit. Sans espoir, personne n’aurait supporté ce qu’ils avaient dû supporter tous les deux. Alors non, Jud ne croyait pas à ses mensonges. Elle ne pouvait pas ne plus être la même Miläne. Elle ne pouvait pas ne plus être elle-même.
- Je ne sais pas ce qu’Iniel t’a raconté et ce qu’elle a jugé bon de te cacher sur les évènements de ce jour-là. Je n’aurais pas pu revenir ...
Jud sentait les souvenirs s’entrechoquer. Iniel l’avait vu massacrer un pirate, baigner dans son sang encore chaud. Ensuite, elle avait assisté à un magnifique lynchage de la part d’une bande de loups de mer sur un Jud de onze ans, sans défenses et désarmé. Elle l’avait probablement vu pour la dernière fois, évanoui, à moitié mort, emmené tel un bœuf qu’on traîne à l’abattoir par les pirates. Ce qu’elle avait dit à Miläne restait donc flou. Mais Jud ne pouvait lui cacher la vérité désormais qu’elle était largement en âge de connaître les détails.
- Si tu crois que je n’aurais pas voulu renter à la maison ... alors t’as raison, on n’a vraiment plus rien en commun.
Il secoua la tête et soupira. Bizarrement, la colère était devenue de la tristesse.
- J’ai été retenu captif sur le bateau pendant un bon moment. À mi-chemin entre esclave et mousse, mais plus proche de l’esclave quand même. Quand j’ai gagné le droit d’aller et venir comme bon me semblait ... il était déjà largement trop tard.
Jud avait dû faire ses preuves sur le navire pirate et forcément, il y avait mis un bon bout de temps. À l’époque, il croyait déjà Miläne morte et espérait seulement qu’Iniel pourrait refaire sa vie. D’une façon ou d’une autre, elle était intelligente et inventive, elle avait toutes les clés entre les mains.
- Je me suis dit que soit vous étiez mortes et dans ce cas, je ne pouvais plus rien. Soit vous aviez trouvé un moyen de survivre et là aussi, vous survivriez mieux sans moi. Je pouvais rien, ni pour vous, ni pour moi.
C’était dur, pour lui, de replonger dans cette période de profonde impuissance. Aujourd’hui, la donne avait tellement changé qu’il lui était difficile de revenir mentalement en arrière !
- Ça m’explique pas comment t’as fini dans ce foutu trou à rats !
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Miläne
Beware, I'm starving
ζ Inscris le : 07/03/2016
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ζ Localisation : Maison close - Excès d'Arum
ζ Occupations : Vendeuse de Charme
ζ Âge : Vingt-sept années
ζ Statut : Malheureusement éprise d'un Viking
ζ Signes distinctifs : Un tatouage scandinave sur la cuisse gauche représentant la force, les découvertes et la protection d'Odin
Celui qui prétendait être de mon sang et l’était sans doute, était là devant moi, ses yeux me troublant encore, mais j’en connaissais à présent la raison. J’étais moi-même troublée, prise entre plusieurs sentiments que je pouvais scinder en deux catégories, celle que je voulais effacer et ne pas ressentir et celle qui me maintenant loin de lui. Ma barrière de protection, mon antidouleur, en seulement quelques mots, il brisait la carapace qui se fissurait de plus en plus. J’aurais pu et je devrais sans doute le faire, avoir ce geste simple de lui demander de quitter la chambre, seulement…Je ne suis pas aussi forte que je veux bien l’admettre. « Elle n’a jamais rien dit sur toi, hormis le fait que tu étais mort en la sauvant » Je n’ajoute rien, il n’y a rien de plus à en dire. Je connaissais son prénom, je savais qu’il avait un jour existé. Dans le peu de souvenirs que j’avais de cette époque, je pouvais au moins en certifier un. Ce jour où papa m’a crié dessus si fort que j’ai bouché mes oreilles. Je jouais à la poupée devant la cheminée, il a trébuché sur moi alors que je n’étais pas dans le passage. Maman m’a demandé d’aller dans ma chambre, mais il s’est mis à hurler, ensuite…je ne sais plus si les faits sont vrais ou erronés par le temps, mais…j’ai eu mal…j’entendais les cris de ma mère, puis, j’ai eu les mains rouges, j’étais sur le sol de notre salle commune, mon visage me faisait souffrir, pire encore que lorsque je tombais en trébuchant sur un caillou. Vrai ou pas, c’est un rêve qu’il m’arrive souvent de faire, de revivre plus exactement.
Le pirate parle de sa voix forte et pourtant, je sens la fébrilité des sentiments dans le timbre qu’il emploie, surtout en avouant qu’il aurait voulu retourner chez nous. Mon cœur se contracte, fugace vibration dans mon sein qui me fait pourtant frissonner entièrement, laissant s’écouler le liquide froid dans mon dos. Son récit s’écoule de sa bouche que je mire avec fébrilité, il me touche ce semblant de frère que j’aurais pu avoir. Il semble penser que nous aurions été mieux sans lui, sans son aide et son appui, mais il a tort, Iniel et moi, on aurait donné beaucoup pour avoir auprès de nous, cet homme qui nous a manqué cruellement dans notre survie. Bien entendu, je dois tout à ma grande sœur, elle m’a élevé, elle s’est privée pour me nourrir, m’a enseigné tout ce qu’elle a pu, elle s’est bien débrouillée, Iniel n’est pas responsable de ma condition actuelle, je l’ai voulu et accepté. Ma tête bouge de droit à gauche, il a une telle opinion de lui-même que j’ai presque envie de le secouer. C’est moi la catin, la fille qui se vend à longueur de jour pour quelques pièces. C’est moi qui devrais me sentir sale, le mauvais canard de la famille. Lui…il est pirate, ce n’est pas déshonorant.
Jud : Ça m’explique pas comment t’as fini dans ce foutu trou à rats !
Je souris à sa dernière phrase, je pourrais ne pas lui répondre, lui mentir aussi. J’analyse mes options tout en marchant dans ma chambre, gagnant un temps précieux pour éviter toutes erreurs. « Je regrette d’entendre que ta vie a été un cauchemar, Jud. Sincèrement, je suis touchée par histoire et ne crois pas que je sois insensible à nos retrouvailles…mais je pense aussi…que tout comme toi, je ne peux pas revenir en arrière, effacer ce que je suis au jour d’aujourd’hui…je confirme, une nouvelle fois que nous ne sommes rien l’un pour l’autre. Je n’ai aucun compte à te rendre et tu n’en as pas non plus envers moi, aucun engagement d’aucune sorte….je veux dire, la seule bribe de souvenirs que je possède de notre famille, c’est un homme qui m’a fait du mal au point de saigner ! Qui criait plus qu’il en parlait tendrement ! Je ne me souviens pas de toi ou…vaguement d’un grand frère qui se couchait près de moi la nuit lorsqu’il y avait de l’orage…mais j’ai toujours cru que c’était pour me rassurer que mes songes m’envoyaient cette image ! » Je marque une pause, baissant la tête en attrapant le dossier d’une chaise pour me donner une consistance que je ne possède pas. « Je suppose que tu ne partiras pas avant d’avoir eu tes réponses. Mais…promets-moi, qu’une fois que tu les auras eu, tu me laisseras, que tu ne diras pas à Iniel où je me trouve, elle n’en sait rien et je veux que cela continue. Je suis morte, Jud ! Ta sœur est vraiment morte, moi je ne suis qu’un pâle reflet d’un passé révolu, promets-le-moi ? » J’attends qu’il me le promette, franc ou pas et je m’assois sur cette chaise qui m’a servi d’appui. Je l’invite à faire de même s’il le souhaite. « Quand tu…enfin lorsque tu as été fait prisonnier, Iniel et moi, nous sommes restées longtemps dans la maison, il s’est passé plusieurs jours avant que quelqu’un vienne récupérer les corps. Je ne m’en souviens pas, c’est notre sœur qui me l’a raconté. On a vécu à la ferme, comme on pouvait jusqu’au jour où on a été obligé de partir. Je ne rentrerai pas dans les détails, mais j’avais besoin de liberté et j’étais bien trop inconsciente pour écouter Iniel, alors, je suis partie, sans lui dire où j’allais. J’ai perdu la tête pour un type pas fréquentable qui m’a un soir emmené ici, mentant sur le véritable but de cette venue. Je me suis faite avoir, j’avais 15 ans, j’étais naïve et… » Je marque un temps pour reprendre ma respiration, mon cœur bat si fortement qu’il me donne la sensation de vouloir s’extraire de ma cage thoracique. Je n’ai jamais raconté cela à quiconque…je ne me le raconte même pas à moi-même. « J’avais une dette envers la patronne, j’avais mangé, dormis et utiliser quelques petites choses dans la maison, sans argent, j’ai cru qu’elle me proposait un job honnête et il l’était pour elle. J’éviterai de te raconter la suite, j’imagine que tu sais aussi bien que moi, ce qu’on fait aux femmes ici…Mais je te rassure, la victime est devenue celle que je suis aujourd’hui et plus jamais, je ne veux ressentir ce que j’ai ressenti à cette époque… » Je me redresse, une main sur ma bouche avant de m’approcher de lui. Ma main s’approche de lui pour lui caresser la joue, mais je m’arrête dans mon élan, serrant le poing et sentant ma mâchoire se contracter. Je recule, soupirant et le mirant une dernière fois pour ce que j’en sais. « Tu as eu tes réponses…mais pour que tu sois certain de bien comprendre. L’enfant que tu as connu n’existe plus depuis que j’ai décidé que cette maison et les filles qui y habitent sont mon foyer et ma famille. Tu as voulu savoir…maintenant, je ne veux plus jamais en reparler ! » Mon ton est froid et tranchant, ma carapace a eu le temps de se remettre des émotions qui l’avaient assailli en traitre et je pouvais redevenir maîtresse de ma personne.
Sans le toucher, elle parvenait à le frapper aussi fort que si elle avait été armée d'une massue. Jud baissa la tête. Il n'avait aucun droit d'en vouloir à Iniel pour avoir préservé leur petite soeur. L'aînée, elle avait vu son frère se faire tabasser par des hommes adultes alors que lui n'était qu'un gamin. Ils l'avaient emmené, elle en avait tiré ses propres conclusions. Et sans doute qu'un autre gosse y serait passé mais Jud, il connaissait la sensation d'un poing dans l'estomac ou des phalanges contre sa mâchoire. Déjà à l'époque, c'était son quotidien. Il avait survécu, sacrifiant son enfance sur l'autel de la déchéance. La piraterie l'avait recueilli, une mère indigne à tous les coups mais une mère tout de même. Sous cet emblème, Jud était devenu un homme. Aujourd'hui, plus rien ni personne n'avait d'emprise sur lui. Enfin, presque personne. Car cette jeune femme devant lui, elle le détruisait à chaque fois qu'elle ouvrait la bouche.
Jud se livra à Miläne, lui expliqua pourquoi il n'était pas revenu. Le pirate se sentait l'obligation de se repentir, de lui faire comprendre pourquoi elles avaient dû grandir sans lui. Quand l'homme la voyait désormais, une infime partie de lui ne pouvait s'empêcher de se dire qu'il aurait peut-être dû rentrer plus tôt. Mais qu'aurait-il pu faire de plus ? Jud n'était devenu quelqu'un de fort qu'en passant par toutes ces misères qu'on avait planté sur sa route.
Miläne semblait compatir à son passé douloureux mais elle le prenait avec de la distance. Elle n'hésita pas à lui rappeler qu'ils n'étaient rien l'un pour l'autre. Sa vie, la jeune femme l'avait construite et Jud n'en faisait pas partie. Lui, ne répondit rien. Son regard était posé sur elle, tâchant de ne pas laisser transparaître la souffrance qu'il éprouvait en cet instant. Miläne ne se souvenait pas de lui, quelques bribes de souvenirs tout au plus. Qu'importe, Jud lui, il se souvenait de chacun de leurs éclats de rire. Le pirate haussa légèrement les épaules, tentant de se blinder face à ce qui allait suivre. Elle exigea de lui qu'il lui fasse une promesse. Parole qu'il ne pourrait tenir, tous les deux devaient en être conscients.
- Je te le promets, si tu y tiens tellement ...
Jud l'écouta recoudre la tapisserie de leur vie, un pan de leur existence que le pirate n'avait jamais pu observer. Voilà donc comment elles en étaient arrivées là. L'homme baissa la tête, se mordit la lèvre inférieure pour retenir ses larmes. Où était Iniel ? Comment allait-il faire pour raisonner Miläne ? Tant de questions qu'il se devait de taire dans l'immédiat pour écouter. La blonde lui expliqua alors comment elle avait atterri ici-bàs et il serra les poings, ressentant une colère profonde et dévastatrice aussi vite que la tristesse avec disparu. Sa peine était devenue rage.
Pourtant, il suffit d'un contact rapide, éphémère. Le bout des doigts de Mïlane sur la peau chaude de sa joue, qu'elle ôta aussitôt. Et le voilà déjà calmé. Jud poussa un soupir, exprimant la complexité de leur situation. La belle avait donc été piégée, naïve petite chose jetée dans les griffes du loup. Le pirate comprenait mieux. Il hocha lentement de la tête puis redressa les yeux pour la fixer, elle ne voulait pas de lui dans ses affaires, dans sa vie. Elle avait été plutôt claire à ce sujet. Cet enfer était son exutoire et Mïlane en semblait contente. Jud en était écoeuré mais il retint bien ses opinions pour éviter de repartir dans des explosions de voix. S'il voulait garder une chance de la tirer loin de là un jour, l'homme devait la jouer plus fine. Cependant, une question lui consumait encore l'estomac.
- Et Iniel ? Tu sais où elle se trouve en ce moment ?
Jud hésita un instant puis ajouta, d'une voix presque trop basse.
- Peut-être voudra-t-elle d'une vraie famille ... elle.
Il souhaitait atteindre des sentiments que Mïlane dissimulait. Elle avait beau prétendre être chez elle dans cet endroit sordide, avoir trouvé une famille, ils savaient que c'était faux. Une famille, on en a qu'une. Miläne s'en apercevrait tôt ou tard.
- Je vais te laisser maintenant. Je ne peux pas supporter ça plus longtemps !
Jud haussa les épaules et se détourna. Il lui fallait s'en aller, loin. Prendre le temps de repenser à tout ça au calme, de comprendre les nuances de ces retrouvailles et ensuite, ensuite il se mettrait à la recherche d'Iniel. La famille n'était pas perdue, il en était intimement persuadé.