Jud : Et Iniel ? Tu sais où elle se trouve en ce moment ?
Je me contente d’un mouvement de tête, non, j’ignore où elle est, en réalité, j’ai bien trop honte de ce que je suis pour lui infliger en plus la culpabilité de n’avoir pas pu remplir son rôle. Je ne suis pas si insensible, je ne suis pas celle qu’il croit, mais celle que je veux qu’il croie que je suis. Il insiste sur la vraie famille et je détourne le visage vers la fenêtre aux rideaux de velours. Comment peut-il penser que je veuille une famille, qu’il me regarde, je suis payée ici, j’ai un toit, je mange à ma faim, je suis bien traitée et j’ai de belles toilettes. Que ferais-je d’une famille ? Elle ne sera là que pour me juger, me dire que ce que je fais n’est pas convenable, que je ne serais jamais mère. Mais ce qu’il ignore également, c’est que jamais je ne pourrais porter d’enfant. Depuis cette fausse couche alors que j’avais tout juste 17 ans, je ne suis jamais retombée enceinte, nul besoin d’herbes indiennes pour moi, je ne porterai plus jamais de bébé, je suis maudite. Ce bébé, j’ai tout fait pour qu’il quitte mon ventre, jusqu’à me rendre si malade que j’ai failli y passer moi aussi. Alors qu’il aille au diable avec sa famille !
Jud : Je vais te laisser maintenant. Je ne peux pas supporter ça plus longtemps !
Enfin, il comprend, les bras croisés devant moi, comme pour me protéger de ses paroles, je le laisse quitter ma chambre. Il ne ferme pas la porte et je m’en charge avec rage, brisant même quelques objets à ma portée. Je vais parler à Rosy, je ne veux plus qu’il remette les pieds ici, elle me comprendra, j’en suis certaine. Cet homme plus que les autres, je ne veux plus jamais le recroiser.