Délicieusement fourbe, la nymphe s'esclaffe. Elle s'en amuse, de leur désarroi. Aodren aurait pu s'en sentir contrarié mais la créature protectrice de la nature appelle à une sorte d'apaisement. Il ne peut s'empêcher de l'observer sans éprouver aucune rancoeur envers celle qui se joue de lui en cet instant. La demoiselle lui dicte alors une énigme puis lui offre quelques informations précieuses. Une entrée de pierre, voilà son nouvel objectif. Le mercenaire acquiesça et eut un mouvement de tête poli pour la nymphe avant de s'éclipser.

Ses pas lui firent prendre quelques chemins contournant le marais. Il ne savait pas exactement où aller mais au moins, l'homme savait ce qu'il devait chercher. Sa main se posa sur l'arche de pierre et le mercenaire leva les yeux vers celle-ci pour l'observer. De sa bouche sortirent les trois prénoms, ces petits êtres égarés qu'il espérait encore en vie. Peut-être l'entendraient-ils d'ici ?

Soudain, la magie de Neverland opéra. Aodren s'aperçut avec stupeur qu'autour de lui, la vie avait repris. Le soleil brillait dans le ciel, inondant de ces rayons irradiants, une plaine verdoyante et accueillante. La féérie des lieux le cloua sur place. Lui qui n'avait pas revu le soleil depuis des semaines, l'homme eut pour réflexe de porter une main au-dessus de ses yeux pour les protéger. C'était si bon, si doux de retrouver l'astre solaire et le dynamisme de cette clairière. Au loin, Aodren aperçut le paternel éploré et quelques personnes du groupe qu'il avait égaré plus tôt. Un simple regard en arrière lui confirma qu'un seul des autres individus se trouvaient encore à ses côtés. Le mercenaire lui adressa un petit signe de tête. Malgré son jeune âge, ce garçon était parvenu à déjouer les pièges et à tirer son épingle du jeu.

- Viens, on devrait les rejoindre je pense ...

Aodren se mit en marche pour rejoindre le groupe et découvrir la suite de cette bien étrange aventure.

Se retrouver dans une impasse n’est pas agréable. Faire tout ce chemin pour finir par être bloquée, ça commence à m’agacer. Est-ce qu’il y a vraiment des enfants perdus dans le coin ? Je deviens sceptique. Est-ce que ce n’est pas juste un plan du père pour attirer plein de monde dans le coin et faire une offrande ? C’est stupide, certes, mais on finit par imaginer tout un tas de chose, au final. Je soupire pour la énième fois, tâtant le roc comme tout le monde. Comme si on pouvait trouver quelque chose ici. Soudainement, on entend un clic comme une porte qui s’ouvre et je recule face à une lumière aveuglante qui surgit dans la roche. Une ouverture dans un jardin baigné par la lumière. Pourquoi le soleil éclaire ici ? Je fronce des sourcils, faisant quelques pas en avant pour observer les environs. Mais où sommes-nous ? Cet endroit, si lumineux et empli de clarté, m’attire. J’ai envie de rester ici, loin des ténèbres. Quiétude et paix règnent en maître ici, c’est si apaisant. Je ferme les yeux, me laissant bercer par les frissons de la chaleur.

« Y’en a d’autres qui arrivent… » Je me retourne pour voir deux hommes arrivés, dont Raygon. Il est toujours vivant, c’est déjà ça. Son cher papa d’adoption va être content. Je me penche vers l’autre garçon qui était avec moi dans l’impasse : « On tourne en rond dans cette quête… » Je veux juste sauver ces saletés de gosses et rentrer chez moi. Enfin, peut-être qu’un passage chez le médecin à Bartok ne sera pas du luxe. Ces douleurs dans le bas du ventre commencent à m’inquiéter. Je m’approche du père, croisant les bras : « Bon, où est-ce qu’on est ? » Je sens que tout le monde se pose cette même question. Je veux retrouver ces gamins – s’ils sont encore vivants – et rentrer chez moi.

Spoiler:

L'obscure lieu laisse place à une nymphe riant aux éclats. La douceur de son visage enveloppe le garçon qui sent le rouge lui monter aux joues. Il n'a pas dû rosir ainsi depuis ses quinze ans mais cette créature, hommage à la beauté du monde lui remue les sentiments version ouragan. Il a l'impression d'être envouté et pour un moment en oublie sa quête. Comment se fait-il qu'un endroit comme celui là lui soit inconnu. Il en a pourtant parcouru du chemin étant enfant perdu ! Comme quoi, l'île de Jamais saura toujours l'émerveiller et le surprendre.
Avec ses camarades il s'approche donc de la nymphe et écoute son énigme avec plus d'attention, car à travers sa voix claire, c'est des enfants dont elle semble détenir la clé. Raygon a toujours aimé les énigmes, et son cerveau d'inventeur tourne à plein régime alors qu'il décline les solutions dans sa tête. Un sourire s'étire sur ses lèvres lorsqu'il répond, il est absolument certain d'avoir juste, autant qu'il sait qu'il faut trois quart de bouleau blanc pour faire une table basse !

La magicienne de la nature lui rend son sourire en hochant la tête, lui dévoilant la localisation d'une arche en pierre en poursuivant son chemin sur l'extérieur des marais. Leur groupe de départ s'est amenuisé et pour cause, devant lui, le jeune homme ne distingue plus que l'ombre du 2e homme. Il n'a pas tenté de coup fourbe bien au contraire, il l'invite à le rejoindre. Ray se sent stupide à présent et chercherait bien à savoir qui est son mystérieux acolyte en qui il fait déjà plus confiance qu'au début de leur aventure.
Alors qu'il passe la porte, le jeune homme prononce haut et fort le nom des enfants, entrant dans une clairière si lumineuse qu'elle aurait dû irradier tout le marais de ses rayons. Alors que les deux jeunes hommes avancent au centre de cette luxuriante verdure, des silhouettes se profilent à l'horizon. Raygon plisse les yeux mais les tailles sont bien trop grandes pour être celles d'enfants. Non, ce sont les membres du premier groupe avec en tête le père ainsi que Keyne, Sirhaan et d'autres membres de l'escouade.
Comme quoi, mieux vaut rester grouper, car Raygon a bien l'impression qu'ils sont sur la bonne voie et que si les enfants se sont perdus, c'est bien ici qu'ils ont atteri !

La joie dans leur regard. Les petites étoiles dans ces yeux plein d'espoir. Aodren avait renoncé depuis longtemps à la notion de famille. La sienne n'était plus et sans doute n'en formerait-il jamais une, de peur de leur causer plus de tord que de bien. Mais qu'importe, sur le moment, voir ce père désemparé retrouver ses enfants, cela réchauffa une partie presque morte au fond d'Aodren. Le mercenaire était content d'avoir participé à cette aventure bien qu'il n'ait, au final, rempli qu'une infime partie du contrat puisqu'ils avaient été nombreux à parvenir jusqu'à cet ultime point de rendez-vous.

Malgré tout, Aodren s'approcha du paternel euphorique. Celui-ci lui tendit alors une bourse contenant 100 pièces d'or. L'assassin se sentit presque honteux, durant une seconde, d'accepter d'être rémunéré pour réunir une famille. Mais l'instant d'après, cette part de lui qui avait ressenti de la sympathie pour cette famille, s'éteignit à nouveau. Eux, avaient une vie. Désormais, ils retourneraient à leurs occupations et peut-être que ces enfants retiendraient la leçon et ne s'approcheraient plus jamais des marais. Quant à lui, il avait aussi sa propre existence. Faite de pièces, de contrats et de sang. En lui, il n'y avait de place pour le sentimentalisme. Alors Aodren empocha la bourse, tourna les talons et s'éloigna. Ce petit bonheur distillé en un même endroit ne le concernait définitivement pas.

Et bien, en voilà une sacrée affaire. Mais, voir le bonheur dans le regard de ces enfants n’a pas de prix. Je pourrais presque refuser la somme au père, juste parce que mon but était surtout de rassembler la famille. Seulement, ça serait stupide de renoncer à quelques pièces d’or. Aucun des enfants ne semble blessé, ils ont eu une belle frayeur et je pense qu’ils ne vont plus s’aventurer dans les environs. J’espère pour eux en tout cas ! Après avoir récupéré mon bien – soit 100 pièces d’or quand même – je lance un regard vers les deux autres. Je suis contente que Raygon soit arrivé jusque-là, même si je ne montre rien. Pas un sourire, pas un geste dans sa direction. Il est courageux et je comprends pourquoi il plait à mon mari, mais il ignore bien des choses sur nous. Je n’ai pas envie de l’avoir dans les pattes dans mon foyer. Qu’il fasse ce qu’il veut sur One-Eyed Willy mais je n’ai pas à les supporter chez moi. Bon, je ne vais pas m’éterniser ici non plus. Je remercie le père avec un mouvement de tête, je m’accroupis devant les deux enfants avec un sourire que j’espère aimable : « J’espère que cette petite frayeur vous servira de leçon. Il n’y aura pas toujours un adulte pour vous sortir de là ! » Bon, en phrase rassurante, y’a mieux certes. Mais ces gamins stupides apprendront avec ça, sinon, ils mourront. Sans plus de cérémonie, je fais demi-tour pour traverser les marais. Je ne tiens pas à me perdre maintenant que je suis seul, aussi, je pars sur la gauche pour en ressortir quelques minutes après et je les contourne pour rentrer chez moi. Mais avant, comme je l’avais déjà envisagé avant cette quête, je vais aller consulter notre médecin.

Le garçon fait quelques pas dans cette herbe grasse, d'un vert irréel tant il n'en existe aucun de cette touche fluo sur tout Neverland. Cet endroit n'a pu qu'être créé par la magie, cela ne fait aucun doute. Que les fées soient derrière tout cela n'étonnerait même pas Raygon, quoi qu'elles soient pourtant plus discrète que cela en matière de vraisemblance. L'autre solution ne peut venir que des enfants...
Alors que l'escouade se reforme et jette des regards curieux aux alentours, la voix de plusieurs gamins raisonnent dans les airs comme autant de clochettes. Hemma, Belegan et Myrielle accourent vers leur père, se fichant pas mal du reste de la troupe tant leur regard s'est accroché à ce visage paternel qui s'illumine à leur vue. Ils n'ont pas l'air d'avoir subi de mauvais traitements, tout au plus d'avoir pataugé dans la boue pendant des heures. La plus jeune se blottit contre son père et tout autour d'eux, le petit coin de paradis éclate en boutons de fleurs. C'était donc elle, la source de tout ceci. Raygon ne cessera jamais de s'émerveiller du lien que tisse l'île avec ses enfants. Ce lien qu'il a perdu délibérément en quittant les perdus, en choisissant de grandir. Neverland lui en tient-elle rigueur? Ou au contraire, aurait fait de lui l'un de ses protecteurs, de l'île et du trésor que représente ses enfants?

Un à un, ils s'avancent vers le père. Le garçon ébouriffe la tête des trois gamins avant de saisir la poigne de l'homme redevenu à la fois fort et père. Il lui glisse la bourse dans la main que Raygon empoche maladroitement, ne sachant trop comment remercier sans paraitre grossier. Alors que chacun s'éloigne, le jeune homme se place juste devant l'autre homme de leur compagnie, lui barrant momentanément le passage. Il a vu le regard qu'il jetait à la famille, comme un bonheur inconnu, comme quelque chose d'interdit, alors il glisse juste :
«J'espère qu'on se recroisera. Je m'appelle Raygon Finnighan. » Même si l'homme aura oublié jusqu'à la première lettre de son prénom quand il s'en retournera, il lui aura donné autre chose qu'une bourse remplie de pièces, quelque chose qui ne se compte pas.
Il observe Keyne qui s'en va à son tour, sûrement dans la même direction que lui d'ailleurs, ves Bartok où ils sont voisins. Alors il lui laisse prendre de l'avance, respectant son désir de le voir loin de son foyer, et rêve déjà à cette nouvelle cire qu'il va pouvoir acheter et utiliser pour enduire son dernier meuble pour la demeure du gouverneur de Blindman's Bluff.