Les indiens sont le dernier recours, plus particulièrement un guérisseur. Il n’aime pas ça, n’apprécie pas les adultes et ce même s’ils s’entendent avec les enfants perdus. Alors c’est à contre cœur qu’il avance et qu’il se dirige vers le camp des Piccaninny. Ces derniers sont bien plus sympathiques que les Unami, mais ça ne change en rien le fait que ce sont des adultes. Et ça, n’arrive pas à oublier. Oh, ce ne sont pas des pirates, alors vraiment, c’est déjà ça. Mais non. Depuis qu’il est ici, il n’aime pas se retrouver autre part qu’entre d’autres enfants. Bien que sa mémoire lui fasse régulièrement défaut, il sait qu’aujourd’hui il a moins de mal avec les autres qu’avant. Aujourd’hui, les pirates sont les ennemis, ceux qu’on déteste, ceux qu’on méprise et dont on se moque. Les autres ne méritent pas forcément le même traitement, car certains peuvent se montrer gentils. Tous non pas non plus eu la chance de rejoindre les enfants perdus, du moins, il tente de s’en convaincre en voyant toutes ces personnes qui acceptent de grandir.

C’est avec beaucoup d’appréhension qu’il arrive près du camp des Piccaninny. Des hommes, des femmes et quelques enfants qu’il voit jouer entre les cabanes de bois et les tipis. Plus il s’avance, plus il hésite. C’est vrai, voir le guérisseur est une chose mais comment lui expliquer ? Qu’il ne sait pas dormir ? C’est en partie un mensonge, le sommeil lui vient, c’est juste ce qui vient après qui ne lui convient pas. Et peut-être qu’il aura dû y réfléchir avant, il n’est pas certain de vouloir aller jusque-là. Et si on lui demandait de se justifier, il dirait ne pas avoir peur. Car ça n’est pas de la peur, de la méfiance, au plus. Sa gardienne lui aurait inspiré un peu plus de confiance et l’aurait convaincu de faire les derniers cent mètres sans se poser trop de questions. Évidemment, elle n’est pas là alors Ace improvise et se dirige vers les enfants, croisant quelques visages familiers au passage. Les adultes qui l’ont déjà vu doivent savoir qu’il n’est pas très bavard car sauf les enfants ou quelques sourires, personne ne lui adresse la parole. Et ça lui convient alors il s’amuse à raconter une histoire aux gamins qui viennent à sa rencontre. Tout en évitant de les inciter à rejoindre les enfants perdus dans leurs aventures contre les pirates, il n’est pas certain que les… les parents apprécient. Ni le reste des indiens, sans doute est-il atteint d’une légère paranoïa qui n’est pourtant pas dû à son manque de sommeil, mais soit. Lui-même prit dans l’histoire qu’il raconte, il en arrive à oublier qu’il n’est pas au beau milieu du camp Piccaninny. Ou du moins jusqu’à ce qu’il semble il y avoir moins d’adultes dans les parages, sans doute que certains sont partis à la pêche. Alors il demande à une fillette où il peut trouver le guérisseur et finit bien évidemment l’épopée qu’il s’était mis à conter pour passer le temps.

Sauf qu’en se rendant vers le dit guérisseur, il passe entre quelques cabanes et cherchant plus à trouver la bonne cabane qu’à regarder devant lui, il se heurte à quelqu’un en tournant sur sa gauche. Voulant s’excuser, il remarque cependant que ce n’est pas un indien et ravale ses mots avant qu’il n’ait le temps de les prononcer. Le type n’a pas non plus l’air d’un pirate, non pas qu’il serait ici si c’était le cas, mais Ace fait deux pas en arrière, juste au cas où. Il faut vraiment qu’il arrête d’être autant sur ses gardes. « Pardon, j’vous avais pas vu. » Pas au détour d’un coin de cabane en tout cas. Mais au lieu de retourner à ses propres occupations, Ace l’observe et décide de satisfaire sa curiosité, à défaut de se rendre chez le guérisseur comme prévu. Mais les potions ne risquent pas de s’encourir donc ce n’est pas grave. « Qu’est-ce que vous faites là ? » lui demande-t-il en lui lançant un regard accusateur. S’il n’apprécie pas plus les indiens que ça, ils restent néanmoins les plus accueillants envers les enfants perdus et le garçon estime alors qu’il a le droit de s’assurer qu’il n’est pas en face d’un voleur.

Il y a des moments dans la vie où il faut faire appel à sa mémoire. À de lointains souvenirs qui permettent de revivre, l’espace de quelques secondes, une situation un jour rencontrée. Cela permet de placer un paysage à l’évocation d’un lieu et des noms sur des visages. Hors le souci des enfants perdus, c’est que leur mémoire leur fait bien souvent défaut. Il faut bien, difficile de garder l’âme d’un enfant en se souvenant en détail des dernières centaines d’années. Certains y arrivent, Ace ne comprendra jamais comment ils font. Parfois il oublie même ce qu’il a fait la veille. C’est surtout par inattention, il se rend parfois compte qu’il oublie trop et surtout trop vite, alors il ne fait pas l’effort de prêter attention à ce qu’il fait ou non. À quoi bon. Pourtant, ça ne change en rien l’expérience vécue. Et l’idée qu’il se fait immédiatement quand l’homme contre qui il vient de se cogner le dévisage. Non mais on ne lui a jamais appris les bonnes manières ? C’est vrai, c’est un adulte, il est censé les connaître et les suivre. Il sait que certains sont très mal élevé, et venant d’un enfant perdu c’est-à-dire le niveau. Mais comme il n’a pas l’air d’un pirate, il ne devrait pas l’être autant. Préjugés, c’est que le gamin n’aime vraiment pas ceux qui depuis toujours sont les ennemis des enfants perdus.

Au lieu de justifier sa présence, l’adulte prononce son nom. Et ça, ce n’est pas du tout normal. L’étonnement doit se lire dans son regard, car l’homme lui dit qu’il… Attendez, quoi ? « Boule. » Il évite de demander c’est qu’est un ‘Boule’, ayant compris qu’il s’agit d’un nom, ou plutôt d’un surnom. Mais ce surnom ne lui évoque rien, absolument rien. Un ancien enfant perdu ? Forcément, s’il est devenu un adulte c’est qu’il s’agit d’un de ces traîtres qui préfèrent partir que rester à l’arbre. Ace ne les tiens pas particulièrement dans son cœur. En ayant lui-même prononcé son nom, il a la nette impression de l’avoir déjà prononcé dans le passé. Mais c’est un vague sentiment qui pourrait ressembler à celui du déjà-vu, mais en déjà-entendu. Et comme aujourd’hui n’est pas un jour où il a pleine conscience d’oublier qu’il oublie, l’incompréhension se mélange à la méfiance.  « Je ne connais pas de Boule et si tu as grandis, c’est que t’es un traître. » Il y a tant de façon de partir de l’arbre, de son plein gré ou en suivant le conseil de Rufio… Mais il y a aussi le bannissement. Plus rare, plus extrême. Sauf que si on venait à bannir le veilleur de nuit de l’arbre il en voudrait aux enfants perdus, peut-être que cet adulte en veut donc à ses anciens camarades. Et bien sûr, il a fallu que le gamin lui tombe dessus le seul jour où il n’embarque pas une seule arme avec lui. Non pas que le prénommé Boule semble lui vouloir du mal, mais on ne peut jamais être assez prudent. C’est tout aussi bizarre que c’est le bannissement qui lui vient surtout à l’esprit devant cet inconnu. Intuition, souvenirs lointain qu’il n’arrive ni à placer ni à comprendre. Le garçon plisse des yeux, scrute l’adulte mais ni voit plus que ce qu’il a toujours détesté. « Hey, ça n’explique toujours pas ce que tu fais ici! » lui dit-il en se souvenant qu’il vient de lui poser la question mais que Boule/l’adulte/le traître a tenté de changer de sujet, peut-être pour le déstabiliser, qui sait.