Time to face the past.

La sensation de la peur a toujours été de ces faits abstraits qui arrachaient des sourires amusés sur les lèvres des plus coriaces. Mais qu’est ce que devient le monde quand même le plus insensible des hommes devient une lavette ? Lamar avait observé le changement, l’ayant d’avantage contemplé qu’il ne l’avait expérimenté jusque là. Pourtant il allait toujours se souvenir des frissons qui avaient remonté son échine comme une main invisible glissant sur l’épiderme. Elle était bel et bien là - cette peur se drapait dans chaque aspect de la vie quelle qu’elle soit. La crainte, le doute, rien n’était plus certain comme à chacun de ses pas il avait l’impression d’avoir les pieds dans un brasier. A quel genre de jeu s’aventurent les entités pour les tourmenter de telles préoccupations ? Comme si Neverland n’était pas assez secouée de cette manière jusque là, voilà que chaque être vivant sentait se distiller ce dérangement comme un puissant poison déferlant dans les veines. Alors il y avait des réactions exagérées, La vie ici n’était plus qu’une pitoyable comédie, une pièce grotesque dont chacun était mauvais acteur. Ainsi il se demandait ce qu’il en était ailleurs, par delà les terres sauvages et au plus profond des mers ? Semblerait il que cet événement se soit répandu comme une maladie sans que l’on n’ait pu s’y attendre et la nature s’en voyait d’autant plus chamboulée que les fées également en étaient victimes.

Les rues s’agitaient d’une manière tout à fait inhabituelle, de manière exécrable et qui arrachaient des grimaces au pirate. Pas de travail ce jour là, car la peur irrationnelle du capitaine s’était traduite dans un soudain manque de confiance en son équipage. Rester éloigné du galion, tels avaient été les ordres. C’était la curiosité qui avait poussé l’indien hors de chez lui, voir s’il pouvait éventuellement se montrer utile et sur son chemin il sépara un couple au bord d’une soudaine crise, peur de l’infidélité ? Pourquoi n’était il pas rentré ce soir là ? Les scènes communes devenaient véritables scènes de guerre quand l’instinct et le besoin de se protéger envers et contre tout se faisait d’autant plus décupler. Les réactions allaient jusque dans les spasmes violents provoqués par le plus petit bruit d’insecte perturbant l’oreille.  Pouvait on parler de chaos pour autant ? Non, du moins du point de vue de Lamar, il voyait surtout les questionnements affichés sur les visages, les regards emprunts d’incertitude qui poussaient tous à se méfier plutôt que se faire la guerre. C’était trop tôt, trop frais, on ne comprenait pas ce qu’il se passait, pourquoi cette peur.
Marchant d’un pas prudent au travers des ruelles infestées d’un mal invisible de Blindman’s Bluff, Lamar quand à lui avait toujours ce réflexe de passer son regard par-dessus son épaule de crainte qu’on ne l’attaque, de crainte qu’on le retrouve, qu’on lui fasse payer pour ce qu’il faisait. Et bien évidemment les indiens étaient beaucoup trop loin pour que cela puisse s’avérer être justifiable mais il ignorait pourquoi, il avait peur. Il tentait de lutter, mener une vie normale quand il décida de faire une halte dans une taverne qu’il fréquentait plus ou moins régulièrement.

« Tu me payes avant. »
« Quoi ? »
« Oui peut être que tu ne me payeras pas et après je vais devoir mettre la clef sous la porte ! »
« Mais je paye toujours Billy qu’est ce qui te prend ? »
« Tu vas profiter de moi un jour si ça s’trouve ! A force d’être trop bon je finirai par être trop con alors ce sont les règles d’la maison maint’nant, si tu veux boire je veux d’abord voir tes pièces.»


Qui aurait pu croire que cela irait jusqu’à diviser même de grands amis ? Le tavernier avait l’habitude de recevoir Lamar et quand ce dernier eut passé sa commande, il ne fut reçu que par ce regard inquisiteur. Perplexe, passant ses mains dans ses poches dans un soupir quelque peu exaspéré, Lamar prit la décision de jouer le jeu, venant aligner les piécettes brillantes que le tavernier prit le temps de détailler avec minutie sous le regard ahuri de l’indien. C’était totalement démesuré, et si la vie serait ainsi faite désormais, il allait envisager de s’isoler si la peur de la solitude ne le prenait pas de court.

Lamar pu enfin passer ses doigts autour de sa choppe pour s’en saisir et s’éloigna d’un pas lent pour rejoindre un coin en retrait de la taverne et dépourvu de monde. Ces lieux qui pourtant étaient habituellement imprégnés de chaleur et d’ambiance joviale ne ressemblaient plus à rien constata t-il en balayant la pièce d’un regard et pour peu il aurait pu croire que tout cela n’était que perfide cauchemar mais il ne se réveillait toujours pas, tout était bien trop réel.

Il aurait pu rester ainsi à fixer les uns et les autres mais c’était sans compter l’arrivée d’une demoiselle dont il pouvait clairement percevoir les traits du visage même aux faibles lueurs incandescentes. Il ne se souvenait pas de son nom, mais elle avait été cette main salutaire et cette âme bienveillante à des moments où il en avait eu besoin. S’en suivit une angoisse démesurée qui le força à baisse la tête afin de ne pas croiser son regard. Mais de quoi se souciait-il ? En temps normal il n’aurait jamais réagit de la sorte et là c’était comme s’il fuyait parce qu’il avait honte du vaurien qu’il était devenu quand elle avait été un modèle même d’honnêteté. Il n’assumait soudainement plus son nouveau statut de pirate, parce qu’il avait peur, il craignait de la décevoir.