Il neige. Il neige depuis jours et il fait affreusement froid. Le vent glacial fouette mon visage alors que j’essaie de me frayer un chemin à travers cette tempête de givre. Comme je regrette d’être sortie par cette température horrible. Assise sur un fauteuil dans ma chambre je terminais la broderie sur une robe que je confectionne pour ma fille lorsque me vint l’idée d’y ajoutée quelques éléments décoratifs. La robe est magnifique, mais elle le serait davantage avec des rubans de couleurs vives. N’écoutant que mon seul désir, je n’ai pas fait attention au temps menaçant que nous annonce le ciel et je suis sortie dehors. À peine ai-je le temps de faire mes achats que je me fais prendre pas tempête. Fâcheuse situation d’autant plus que je n’ai pas pris la peine de me couvrir convenablement. Couverte d’une simple cape de fourrure, j’essaie de me réchauffer les mains. J’ai l’impression de marché durant plusieurs minutes et pourtant, je ne vois toujours pas les tours du château. Dans ce blizzard, j’ai peine à reconnaître mon chemin. Le temps est si mauvais que je ne croise personne sur la route. Je dois certainement me trouver loin du marché à présent. Devrais-je faire demi-tour? Inquiète, j’essaie de me calmer pour retrouver mon chemin, mais je n’y vois absolument rien. Je marche encore quelques mètres et toujours aucune habitation. Transie par le froid, je grelotte. Je dois absolument trouver un refuge sans quoi je risque de geler comme une statue de glace. Paniquée, je me mets à courir, mais il y a tant de neige que je glisse sans arrêt sur le sol. En peu de temps, ma robe ainsi que ma cape sont complètement trempées.
Désespérer, je lève les yeux au ciel pour implorer le Dieu qui n’a pas de nom et je demande de l’aide, c’est à ce moment que je vois dans le ciel de la fumée. De la fumée provenant probablement d’une cheminée tout près. Je prends une grande respiration et je reprends ma course pour trouver cette maison. C’est mon seul salut sans quoi je risque la mort. Alors que je descends une petite colline, je vois une petite maison se dessiner sur la route. J’accélère le pas et je me jette sur la porte. Je frappe de toutes mes forces en priant pour qu’on me répondre.
- Ouvrez-moi, je suis perdue… je ne vous veux aucun mal… permettez-moi seulement de venir me réchauffer à l’intérieur le temps que la tempête se calme.
Quel froid… Je venais de me réveiller et me tenais devant la fenêtre, regardant la neige qui tombait... Il faisait si sombre à cause des nuages que pendant quelques secondes, je crus que la nuit éternelle était de retour sur l’île. Mais non, de temps à autre, on pouvait apercevoir quelques rayons qui parvenaient à traverser l’épaisse couche de nuages. « Tu es sûre de vouloir te rendre au marché aujourd’hui ? » Ma mère venait de me rejoindre près de la vitre. Elle m’apporta une tasse de thé chaud que je pris entre mes mains pour les réchauffer. « Je ne sais pas… Je devrais, je n’ai déjà pas pu y aller hier… » Je portais la tasse à mes lèvres et pris une gorgée. Je savais que ma mère n’était pas rassurée lorsque je m’aventurais dans le froid. Pour lui faire plaisir, j’écoutais ses conseils et lui embrassai le front. « D’accord, je vais rester à la maison. » Un léger sourire se dessina sur ses lèvres puis je quittai la pièce. Si je ne sortais pas aujourd’hui, il fallait bien que je trouve de quoi m’occuper… Je soufflais à l’idée de ne pas pouvoir voir Magnus un jour de plus, mais je savais qu’un jour, nous partagerions ce même toit. Alors j’attendais notre heure !
Finalement, le reste de la journée passa plus rapidement que prévu. Je passais tout mon temps dehors, ou plutôt dans la grange à nourrir et m’occuper de tous les petits animaux qui vivaient sous mon toit. Nourrir les lapins, traire les vaches, penser mon cheval. Avec toutes ses occupations, je ne m’étais même pas rendu compte du temps qui avait défilé. Je fus surprise en constatant que le temps s’était dégradé en sortant de la grande. Ce n’était plus des petits flocons qui tombaient, mais une véritable tempête… Ma mère avait eu raison de me dire de ne pas aller au marché. Je lui ferais savoir en rentrant ! Je soulevais alors ma jupe et tentais de suivre l’allée que j’avais déblayée, plus tôt dans la matinée, pour retourner chez moi… Mais avec ce vent, ce froid, c’est avec une grande difficulté que je retrouvais la maison. Lorsque enfin, je la vis, je distinguais également une silhouette devant la porte. En m’avançant, je vis et entendis la femme qui cognait contre la porte. « Ouvrez-moi, je suis perdue… je ne vous veux aucun mal… permettez-moi seulement de venir me réchauffer à l’intérieur le temps que la tempête se calme. » Je lui criais qu’elle pouvait entrer, mais avec le bruit du vent, elle ne m’entendait pas. C’est lorsque je mis la main sur son épaule qu’elle me remarqua enfin. « Vous pouvez entrer ! C’est chez moi ici, venez vous réchauffer. » Il fallait être sans cœur pour laisser quelqu’un dehors d’un froid pareil. Je la laissais donc entrée et la suivis, claquant la porte derrière moi. « Mon Dieu, qu’elle temps… » Je me débarrassais alors de ma cape et tendis la main pour prendre celle de la jeune femme que j’accrochais ensuite sur le portemanteau derrière nous. « Venez près du feu ! Vous avez l’air frigorifiée. » La prenant par les épaules, je l’emmenai dans le salon qui se trouvait dans la pièce à côté, où la cheminée réchauffait la pièce d’un feu ardent. « Voilà vous serez bien plus au chaud ici ! » Pour certains, j’étais complètement inconsciente d’inviter une personne que je ne connaissais pas sous mon toit. Nombreux me prévenaient des risques que j’encourais, les brigands, les bandits, et même les pirates ! Si un jour, je laissais quelqu’un de malhonnête entrer dans ma maison, je m’en mordrais les doigts, certes, mais pour le moment, je tentais seulement d’aider une femme complètement gelée. « Pardonnez mon accoutrement, j’ai travaillé toute la journée… » Dis-je alors que je vis mon reflet dans un vase en cuivre qui surplombait la cheminée. J’avais un peu de boue sur le visage et de la paille dans les cheveux. La jeune femme que j’avais invitée était, elle, parfaitement bien vêtue, elle avait une grande allure et beaucoup de grâce. J’étais persuadée de l’avoir déjà croisée, mais j’étais incapable de mettre un nom sur son si beau visage.
Mes prières avaient été entendues et quelqu’un vint finalement à mon secours. J’étais si gelée que je fus d’abord incapable de parler pour remercier ma bienfaitrice. Prise de pitié par mon allure de statue de glace, elle avait accepté de m’inviter à entrer chez elle bien qu’il fut très dangereux pour quiconque de faire entrer chez lui un étranger ou une étrangère. Après tout, elle ne savait rien sur moi. Ni qui j’étais ni d’où je venais? Une fois dans la maison, elle se débarrassa de son manteau et m’aida à faire pareil avec ma cape. Elle posa ensuite son regard sur moi et me tendis la main en me disant d’une voix toute douce « Venez près du feu! Vous avez l’air frigorifié. »
Je ne me fis pas prier et la suivit vers le foyer. Une fois devant l’âtre je tendis mes mains vers les flammes pour les réchauffer. « Voilà vous serez bien plus au chaud ici! »
Reconnaissante envers sa gentillesse, je me tournai doucement vers elle et lui dit : « Merci Madame. Je ne sais comment vous remercier de votre bonté envers moi. Sans votre secours, je serais probablement morte de froid dans cette tempête. »
Les flammes chaudes eurent tôt fait de me réchauffer et me réconforter. Dehors dans la tempête, j’avais eu très froid et peur d’y vivre ma dernière heure. Bien que n’ayant aucune idée où je me trouvais, je me sentais en sécurité. À peine couverte par ma cape, ma robe de soie ressemblait à présent à un véritable chiffon gorgé d’eau qui coulait abondamment sur le plancher de ma bienfaitrice. Mal à l’aise je lui demandai d’une voix hésitante : « Je ne voudrais surtout pas abuser de votre hospitalité, mais auriez-vous une couverture ou quelque chose que je pourrais enfiler qui soit chaud? Ma robe est totalement fichue et le tissu est si gelé que je crains d’attraper une pneumonie »
Un simple coup d’œil au décor de la petite maison où je me trouvai suffit à me faire comprendre que cette jeune femme ne vivait pas du tout dans le même luxe que le gouverneur. Je devais certainement me trouver en campagne et c’est pour cette raison que je n’avais pas trouvé facilement de maison sur mon chemin. Je jetai un autre regard autour de moi. L’aménagement et la décoration étaient modestes, mais le tout avait été fait avec goût. C’était même beaucoup mieux que la maison que j’avais habitée jadis avec mon père aussi je me sentie automatiquement très bien. Je jetai un coup d’œil vers la jeune femme à mes côtés. Elle semblait un peu plus jeune que moi. De grandes tailles, elle avait fière allure et devait certainement faire tourner bien des têtes sur son chemin. Ses cheveux couleur de blé lui retombaient en bas des épaules et elle portait une jolie robe de couleur bleue qui lui allait parfaitement bien. J’avais déjà remarqué combien elle était jolie lorsqu’elle m’avait souri en m’invitant près du feu, mais à présent que je la voyais de plus près, il était indéniable qu’elle était ravissante. Nul doute que cette jeune femme devait être très fière de sa personne et de son logis aussi je me sentis mal lorsqu’à son tour elle me dit après m’avoir regardé « Pardonnez mon accoutrement, j’ai travaillé toute la journée… »
- Ne vous excusez pas voyons. Vous êtes magnifiques et il n’y a aucune honte à y avoir de travailler… c’est moi qui devrais avoir honte d’arrivé ainsi chez vous. Je ne voudrais surtout pas vous causer d’ennui.
J’hésite un instant et puis j’ajoute :
- Je m’appelle Eyah… je vis dans la citée et je me suis perdue dans la tempête en vouloir retourner chez moi après avoir faits quelques courses au marché. J’ai été vraiment stupide de sortir par un temps pareil.
Je jette un regard par la fenêtre près du foyer et j’ajoute encore :
- J’imagine que nous nous trouvons à plusieurs lieux du port non?
Je ne m’attendais pas à recevoir de la visite aujourd’hui. Avec ce froid, les gens sortent très rarement de chez eux… Je fus encore plus étonnée lorsque je me rendis compte que la personne qui attendait devant chez moi était une inconnue. Enfin pas vraiment… Je la connaissais de visage et j’avais déjà entendu des dires à propos de cette personne, mais c’était bien la première fois que je lui adressais la parole. Elle était frigorifiée et morte de froid. Je n’allais évidemment pas la laisser sur le palier et l’invitai à se réchauffer dans la maison. « Merci Madame. Je ne sais comment vous remercier de votre bonté envers moi. Sans votre secours, je serais probablement morte de froid dans cette tempête. » En guise de réponse, un grand sourire se dessina sur mes lèvres. « C’est tout à fait normal ! Je n’allais pas vous laisser dehors dans un froid pareil. » Quiconque venait frapper à ma porte savait qu’il allait être plutôt bien accueilli.
Je m’installais à mon tour près du feu. J’avais les mains presque bleues tellement elles étaient gelées. Je ne pouvais pas vraiment mettre des gants pour me réchauffer quand je travaillais avec les animaux alors j’avais l’habitude… Au bout de quelques secondes près des flammes, elles recommencèrent à prendre leur couleur habituelle. « Je ne voudrais surtout pas abuser de votre hospitalité, mais auriez-vous une couverture ou quelque chose que je pourrais enfiler qui soit chaud? Ma robe est totalement fichue et le tissu est si gelé que je crains d’attraper une pneumonie » Je me relevais aussitôt pour attraper une grosse couverture dans une veille malle qui se trouvait derrière nous. « J’espère que ça ira ! Si vraiment vous souhaitez vous changer, je peux vous prêter une autre tenue . J’ai d’autres robes à l’étage, certes pas aussi belles que la vôtre, mais elles vous tiendront peut-être plus chaud ? » Cela ne me dérangeait jamais d’aider quelqu’un, bien au contraire ! Je préférais mettre toute mon énergie pour autrui plutôt que pour moi. Prêter de mes vêtements faisait partie des choses qui me paraissaient tout à fait normales, pour une personne qui en avait bien. Sissy, une enfant perdue qui s’était égarée était bien repartie avec un pull à moi un jour. Je n’allais sans doute jamais revoir mon gros pull en laine, mais l’idée qui lui soit utilisée à elle m’enchantait !
Observant ensuite mon reflet dans une marmite en cuivre qui se trouvait au-dessus de la cheminée, je m’excusais auprès de la jeune femme pour mon accoutrement… J’étais sale… J’avais de la boue sur les joues et de la paille dans les cheveux… Ce n’était pas une tenue pour recevoir du monde… « - Ne vous excusez pas voyons. Vous êtes magnifiques et il n’y a aucune honte à y avoir de travailler… c’est moi qui devrais avoir honte d’arrivée ainsi chez vous. Je ne voudrais surtout pas vous causer d’ennui. » Je souris suite à son compliment qui me vint droit au cœur. Venant d’une femme aussi radieuse qu’elle, c’était très touchant de recevoir un tel compliment. Puis je la rassurais rapidement. « Oh mais n’ayez aucune honte ou quoi que ce soit de ce genre ! Vous savez, ma porte est toujours ouverte pour ceux qui en ont besoin. » Expliquais-je tandis que je trempais mes mains dans une bassine d’eau pour les laver. « Vous ne m’importunez en aucun cas ! Au contraire, c’est un plaisir Madame. » Je rebaissais la tête vers l’eau qui commençait à prendre une couleur grisâtre à cause de la boue.
« Je m’appelle Eyah… je vis dans la cité et je me suis perdue dans la tempête en vouloir retourner chez moi après avoir fait quelques courses au marché. J’ai été vraiment stupide de sortir par un temps pareil. » Eyah… Cette personne était donc bien celle que j’imaginais. J’avais souvent entendu son prénom et je connaissais également sa condition… Si certain n’aurait pas supporté d'avoir cette femme sous leur toit, je dois bien avouer que cela m’était complètement égal. Pour moi, elle n’était pas une ancienne catin, ni même la favorite du gouverneur, juste une jeune femme qui avait besoin d’aider. « Rosasharn. » Dis-je alors avec un sourire pour me présenter. « Vous savez, j’ai bien failli sortir aussi ce matin… Mais je m’y suis abstenue et je crois que j’ai bien fait. » À voir la tempête qui faisait rage à l’extérieur, je pouvais clairement dire que j’étais mieux dans ma maison que sur le chemin de Blindman’s Bluff ! « J’imagine que nous nous trouvons à plusieurs lieux du port non? » Me tournant vers Eyah qui regardait par la fenêtre, je me mordis la lèvre en lui répondant « Oui en effet… Ce n’est pas vraiment la porte à côté… » Ma ferme ne se trouvait pas très loin de Blindman’s Bluff, mais à pied, il fallait tout de même compter une grosse demi-heure de marche… Et j’habitais même à l’opposé du port, donc il fallait compter encore autant de temps pour l’atteindre… « Vous savez, si le temps ne s’améliore pas, il y a des chambres à l’étage, je vous en prêterais une avec plaisir. » Ma maison n’était pas énorme, mais il y avait beaucoup de place. Ces chambres étaient autrefois habitées par les employés de la ferme mais ils étaient tous partie aujourd’hui… « Dès que le temps sera plus clément, je vous raccompagnerais en ville. » C’était un moyen pour moi d’être sûre qu’Eyah puisse retrouver son chemin, mais j’avais aussi quelques courses à faire en ville alors c’était une raison pour ne pas faire le voyage seul.
Debout près du feu, je pouvais enfin retrouver tous mes sens et me réchauffer. J’étais transie de la tête au pied et j’espérais que je n’allais pas tomber malade. C’était seulement maintenant que j’étais aux chauds et protégés de la tempête que je réalisais toute l’ampleur de ma bêtise. Quelle écervelée dirait sans doute Luis à mon retour au manoir. Et pour cette fois, j’allais devoir lui donner raison. C’était vraiment déraisonnable de ma part d’être sortir dehors par ce temps pour n’acheter que de simples rubans qui aurait très bien pu attendre. Une fois de plus, je m’étais laissée emportée par mes caprices et mes envies. J’avais eu beaucoup de chance de trouver cette maison sans quoi Dieu sait ce qui me serait arrivé. Ma véritable chance, ma sauveuse, c’était cette jeune femme. Si bonne et si généreuse envers moi. Elle n’a pourtant aucune obligation de l’être puisque je suis une étrangère. Elle ne sait rien de moi et pourtant elle m’a ouvert sa porte pour me permettre de me réchauffer. Dans d’autres circonstances, je penserais qu’elle est imprudente d’accueillir ainsi une inconnue sous son toit, mais comme je lui dois la vie, je n’ose pas la juger et je me contente de lui montrer toute ma reconnaissance.
« Je ne voudrais surtout pas abuser de votre hospitalité, mais auriez-vous une couverture ou quelque chose que je pourrais enfiler qui soit chaud? Ma robe est totalement fichue et le tissu est si gelé que je crains d’attraper une pneumonie » à peine ai-je terminée de parler que la jeune femme se met à chercher quelque chose dans un coffre et reviens vers moi avec une couverture de laine qui me semble très chaude.
« J’espère que ça ira! Si vraiment vous souhaitez vous changer, je peux vous prêter une autre tenue. J’ai d’autres robes à l’étage, certes pas aussi belles que la vôtre, mais elles vous tiendront peut-être plus chaud? »
Je regarde la couverture qu’elle me tend avec envie et lui réponds en souriant:
- Non. Ce sera parfait. Nul besoin de vous déranger davantage. Si vous le permettez, je vais retirer ma robe ainsi elle séchera plus rapidement.
Je prends la couverture dans mes mains et je me retire dans un coin de la pièce pour retirer ma robe toute mouillée et je m’enroule dans la grosse couverture. Je reviens vers ma bienfaitrice et ensemble nous étendons ma robe pour qu’elle puisse sécher devant la cheminée. Je n’ai pas osé relever les commentaires concernant sa garde-robe. Cette jeune femme a bien tort de critiquer de la sorte ses avoirs. Si seulement elle savait d’où je viens peut-être se montrerait-elle moins généreuse vis-à-vis de moi qui ne sois qu’une fille de rien.
Enroulée dans la couverture de laine je reprends, ma place devant l’âtre. Du coin de l’œil, je ne peux m’empêcher de la regarder et de l’envier. Cette jeune femme était libre. Elle était indépendante et tout ce qui nous entourait lui appartenait. Si ma mère n’était pas partie et ne nous avait pas abandonnées papa et moi, j’étais peut-être à sa place. J’aurais peut-être moi aussi une petite ferme que j’entretiendrais avec mes parents ou même mieux encore avec un époux qu’il m’aurait choisi. J’aurais peut-être moi aussi de la saleté sur le visage et du foin dans les cheveux. Pour l’heure, je ne portais que ma honte et mon malheur. Aussi lorsqu’elle me fit par du fait qu’elle se sentait honteuse de me recevoir dans son accoutrement, je pris aussitôt la parole pour l’en dissuader et la rassurée. Dans d’autres circonstances, nous aurions certainement pu devenir des amies elle et moi, mais tant de choses nous séparaient. Elle devait sans doute être une jeune fille vertueuse alors que je n’étais qu’une catin entretenue. Bien que vivant loin de la ville, elle devait certainement avoir entendu parler de mon histoire aussi je ne lui fis pas l’affront de lui mentir sur mon identité et je me présentai à elle avec mon véritable prénom.
Le sourire aux lèvres, elle me révèle son prénom à son tour. Comme c’est joli et doux. Je trouve que ce prénom lui va à merveille. Et puis alors que je vais la complimenter à ce sujet voilà qu’elle me surprend en me disant qu’elle aussi a bien failli faire la folie de sortir dehors par ce temps mauvais. Nos regards se croisent alors et nous éclatons toutes deux de rire comme si c’était un moyen de dédramatiser la situation qui aurait certes pu être nettement plus dramatique. Après avoir repris mon calme, je me rapproche de la petite fenêtre près de la cheminée et j’ose la questionner sur la position de sa maison par rapport au port.
- Oui en effet… Ce n’est pas vraiment la porte à côté… Vous savez, si le temps ne s’améliore pas, il y a des chambres à l’étage, je vous en prêterais une avec plaisir.
À l’extérieur la tempête ne semble pas vouloir se calmer et si nous nous trouvons si loin de la ville, jamais je ne pourrai rentrer au manoir avant la nuit. Comprenant mon embarras Rosasharn m’offre gentiment de rester chez elle pour la nuit. Son hospitalité me touche en plein cœur et je me demande ce que je pourrai faire pour elle en retour. Gênée par tant de gentillesse je me sens rougir de la tête aux pieds. Me garder chez elle ne semble pas du tout l’embarrasser et voilà qu’elle rajoute même vouloir me raccompagner en ville lorsque le temps sera plus clément. Je suis sans mot et je me retourne vers elle le regard rempli de gratitude et je lui dis en me rapprochant d’elle
« Milles merci Rosasharn. J’ai eu beaucoup de chance d’avoir cogné à votre porte. Vous êtes si bonne et si généreuse… j’espère qu’un jour je pourrai faire pareil pour vous. Croyez bien que je vous suis très redevable. Je pense que dans les circonstances, je n’ai pas d’autres choix que d’accepter votre offre. Je resterais bien pour la nuit… »
Nos regards se croisent. J’espère qu’elle croit en ma sincérité. J’ai vraiment l’intention de faire quelque chose pour elle en retour. Les minutes s’écoulent doucement et je sens mon estomac qui gargouille. Cela me rappelle que je n’ai rien mangé depuis le matin. J’ai un peu honte de devoir lui demander quelque chose à manger, mais comme je semble être prisonnière de la tempête, je lui demande bien humblement : « Auriez-vous un petit bout de pain à grignoter… je n’ai rien pris depuis ce matin et je pense que ma marche dans la neige m’a creusée l’appétit… »
Elle semblait frigorifiée… D’un froid pareil, et si j’avais passé la journée dehors, j’aurais sans aucun doute était dans le même état qu’elle. Je lui donne alors une couverture bien chaude pour qu’elle puisse se réchauffer au coin du feu. J’allais même jusqu’à lui proposer de lui prêter une autre robe. J’en avais des sèches, elle s’y sentirait sans doute mieux, mais voilà qu’elle déclina l’offre. « - Non. Ce sera parfait. Nul besoin de vous déranger davantage. Si vous le permettez, je vais retirer ma robe ainsi, elle séchera plus rapidement. » Cela ne me dérangeait aucunement, mais je n’insistais pas. Je la regardais se reculer dans un coin pour retirer sa robe. Une fois fait, je pris le col de la robe afin de pouvoir l’étendre devant la cheminée. Avec un peu de chance, elle serait sèche dès le lendemain matin. Eyah reprit sa place devant le feu, quant à moi, je rangeais les couvertures que j’avais pu sortir, mais qui n’étaient pas assez chaude. Vint ensuite le temps des présentations. Je connaissais déjà cette jeune femme, de nom tout du moins. Au marcher, j’avais plusieurs fois entendu des paysans, et même des gens parler d’elle. Souvent en mal… Mais maintenant qu’elle se trouvait devant moi, je ne voyais pas vraiment ce qui pouvait les gêner. Elle semblait polie et très bien élevée. Pas la catin dont j’avais, temps de fois, entendu la description…
Eyah me demanda ensuite si le village était loin… Blindman’s Bluff n’était vraiment pas la porte à côté… À cheval, je mettais moins d’une heure pour m’y rendre, mais à pied c’était encore bien plus long... C’est pour cela que je proposais à mon invité, une chambre, pour se reposer et attendre que la tempête passe. J’ai moi-même des choses à faire à Blindman’s Bluff, c’est pour cela que je lui propose de la raccompagner le lendemain. Cela ne me dérange en aucun cas, au contraire, cela me fait plaisir. « Mille mercis Rosasharn. J’ai eu beaucoup de chance d’avoir cogné à votre porte. Vous êtes si bonne et si généreuse… j’espère qu’un jour je pourrai faire pareil pour vous. Croyez bien que je vous suis très redevable. Je pense que dans ces circonstances, je n’ai pas d’autres choix que d’accepter votre offre. Je resterais bien pour la nuit… » Un très large sourire se dessine alors sur mes joues. « Tant mieux si je peux vous rendre service. » Je la regarde quelques instants avant de me retirer dans la cuisine. Je mets alors de l’eau à chauffer. Un thé lui ferait sans doute le plus grand bien. Après quelques minutes, je suis de retour dans le salon. « J’ai fait un peu de thé, vous serez encore plus vite réchauffée avec ça. » Je dépose ensuite le plateau avec les tasses devant elle et m’agenouille à ses côtés. Il est vrai qu’on est bien devant l’âtre. Sentir la chaleur du feu sur mon visage me fait le plus grand bien. « Auriez-vous un petit bout de pain à grignoter… je n’ai rien pris depuis ce matin et je pense que ma marche dans la neige m’a creusée l’appétit… » Je me relève alors aussitôt « Mais oui bien sûr ! Je dois avoir du pain et peut-être des restes de soupe ! Je vais vous chercher ça ! » De nouveau dans la cuisine, je soulève le couvercle d'une grosse marmite. Il y reste quelques louches de soupe. Assez pour remplir un bol à Eyah mais pas pour moi... Tant pis, je mangerais du pain et cela me conviendra parfaitement ! Je retourne dans le salon avec la marmite que délicatement je dépose dans le feu. « C’est un peu froid, je vais le faire réchauffer quelques minutes. » Je quitte de nouveau mon inviter pour revenir avec un bol et un morceau de pain. « J’espère que ca ira ! »
Une fois la soupe chaude, délicatement, je la verse dans le bol que je viens de donner a Eyah. « Bonne Appétit ! » Lui dis-je avec un sourire. Je m’installe de nouveau à ses côtés et prends un bout de pain. Je mangeais doucement, le regard absorbé par les flammes qui dansaient devant moi. « J’espère que vous vous sentez mieux maintenant ? » Demandais-je doucement. « Je peux vous montrez votre chambre maintenant ? Ou si vous avez besoin d’autres choses, je vous en pris, demandez ! » Je n’avais pas vraiment d’idée sur ce qu’elle aurait pu vouloir de plus. C’est tout ce dont je me contentais chez moi, mais la jolie blonde, habituée à un autre mode de vie, avait peut-être envie ou besoin d’autre chose. C’est alors qu’une question me vint à l’esprit. « Je peux vous demander pourquoi vous êtes seule ? Lorsque j’ai l’occasion de vous croiser au marcher, vous êtes souvent accompagné. Il ne vous est rien arrivé de grave ? »
Debout près du feu, je la regarde. Elle est magnifique. Si douce et si attentionnée vis-à-vis de moi qui ne suis qu’une étrangère. Nos regards se croisent et un léger frisson me parcours. Moi qui habituellement ne suis pas honte de ma condition, cette fois je ne peux qu’être effrayé a l’idée qu’elle sache qu’elle genre de femme je suis. Que sait-elle sur moi? Qu’a-t-elle entendu à mon sujet? Je ne suis pas stupide, je sais que les gens parlent. Notre petite bourgade n’est pas suffisamment grande pour qu’on ignore mon rôle dans la maison du gouverneur. Seulement, peu de gens savent les véritables raisons qui m’ont poussée à quitter le bordel. Si j’étais restée enfermée dans ma tour d’ivoire, personne ne parlerait à mon sujet. Seuls mes clients sauraient qui je suis véritablement, mais depuis que je vis dans le monde, je dois affronter les rires et les moqueries des gens à mon sujet. Je ne sais comment l’expliquer, mais j’aimerais qu’elle comprenne, qu’elle ne me juge pas. J’oserais même espérer que nous puissions devenir amies, mais je rêve sans doute. Aussi, je reprends mes esprits et je la questionne au sujet de la position de sa ferme. Apparemment, nous sommes beaucoup plus loin que je le pensais. Je me suis donc vraiment perdue dans la tempête. C’est alors qu’elle m’offre de me garder pour la nuit pour s’assurer que je sois en sécurité et bien au chaud. Son geste me touche droit au cœur. Quelle bonté! Jamais je n’ai rencontré de personne aussi généreuse que Rosasharn.
Heureuse de savoir que j’accepte son invitation, elle s’absente un instant et me laisse près du feu. Le feu me réchauffe et je commence à sentir de nouveau le bout de mes pieds. Je me frictionne les jambes pour activer la circulation lorsqu’elle revient vers moi pour m’offrir du thé. Touchée par cette délicate attention, j’accepte volontiers une tasse. C’est alors que mon ventre me rappelle que je suis partie si rapidement du manoir que je n’ai pas pris le temps de manger. Si je dois rester ici pour la nuit, je dois absolument manger un morceau aussi je lui demande humblement : « Auriez-vous un petit bout de pain à grignoter… je n’ai rien pris depuis ce matin et je pense que ma marche dans la neige m’a creusée l’appétit… »
Elle me sourit et se relève rapidement en se dirigeant vers ce qui semble être la cuisine et me dit : « Mais oui bien sûr! Je dois avoir du pain et peut-être des restes de soupe! Je vais vous chercher ça! »
En signe de gratitude, je lui souris et je lui réponds : « Ce sera parfait… merci beaucoup Rosasharn »
Au même moment, elle revient avec une marmite dans les mains et viens vers le foyer pour l’accrocher en me disant qu’elle doit réchauffer la soupe quelques minutes. Elle semble être une parfaite femme d’intérieure et je me surprends à l’envier. Tout ceci me rappelle ma maison d’enfance lorsque ma mère et mon père étaient toujours vivant et ensemble. Je me rappelle ces petits gestes tout simples du quotidien. Je me rappelle toutes les fois où j’ai aidé ma mère à préparer le repas. La bonne odeur du pain qui cuit et nos rires. Je ferme les yeux un instant pour profiter de ses images merveilleuses qui malheureusement appartiennent à un passé révolu. Je suis perdue de nouveau dans mes pensées lorsque ma jeune hôtesse m’invite à m’asseoir à sa table pour manger de la soupe et du pain. Voyant qu’elle ne s’est pas servie de soupe, je me sens mal de lui voler sa nourriture. Je goûte à sa soupe. Elle est délicieuse et je me sens aussitôt beaucoup mieux.
« J’espère que vous vous sentez mieux maintenant? Je peux vous montrer votre chambre maintenant ? Ou si vous avez besoin d’autres choses, je vous en prie, demandez! »
- Oui beaucoup mieux. Je vous suis très reconnaissante de tout ce que vous faites pour moi. J’espère que je pourrai un jour vous rendre service en retour.
Je fais une légère pause le temps de grignoter un bout de pain et j’ajoute :
- Votre soupe est excellente, mais je me sentirais mieux si vous acceptiez de partager avec moi. Je me sens mal de vous voler votre nourriture. Je sais ce que c’est que se coucher le ventre vide…
Je pousse doucement mon bol vers elle pour qu’elle puisse manger de la soupe à son tour. La jeune femme accepte volontiers de partager avec moi et nous échangeons un sourire. Elle termine le bol de soupe et prend un dernier morceau de pain lorsqu’elle me demande :
« Je peux vous demander pourquoi vous êtes seule. Lorsque j’ai l’occasion de vous croiser au marché, vous êtes souvent accompagné. Il ne vous est rien arrivé de grave? »
Elle m’a donc déjà croisée au marché. Pour ma part, je ne l’ai jamais remarquée. Je me sens alors totalement idiote et tout en prenant à nouveau du pain, je lui réponds :
- La raison est toute simple. Habituellement, je suis escortée par des gardes du Gouverneur qui doivent s’assurer de ma sécurité, mais ce matin je suis sortie en cachette du manoir… ce n’est pas prudent de ma part, mais il m’arrive de me sentir prisonnière dans cette immense demeure aussi, je m’accorde des sorties en solitaire. Soyez sans crainte, il ne m’est rien arrivé. Je voulais simplement me procurer du ruban pour terminer la robe de ma petite fille.
Notre repas terminé, je me sens lasse. Cette marche dans la tempête m’a épuisée alors j’accepte volontiers qu’elle vienne me montrer ma chambre pour ma nuit. La chambre est petite, mais agréable et surtout confortable. Je la remercie à nouveau pour son hospitalité lorsqu’elle me tend une robe de nuit qui doit lui appartenir. Je lui souris et je lui souhaite bonne nuit.
- Bonne nuit Rosasharn… je vais prier pour vous avant de m’endormir afin que notre Seigneur bénisse votre demeure et vous protège des mauvais esprits.