L’orage était passé, laissant une ambiance désagréable d’humidité mélangée à la chaleur de la journée. C’était le genre de phénomène qui laissait remonter les putrides odeurs des caniveaux et cela se sentait bien plus près des tavernes sans grande surprise. Cette soirée là était bien calme, la plupart n’avaient pas eu le courage d’aller jusqu’à la taverne sous la pluie diluvienne – En tout cas pas après une journée en mer sous la colère des dieux, où la houle et les vagues avaient été particulièrement violents. « J’en ai ma claque d’être trempé jusqu’aux os ! » avait on entendu, alors rien de mieux que de rester au sec ou alors aller squatter le bordel et se dire que demain sera un meilleur jour. Lamar lui, était accoudé sur le bois d’un comptoir d’une taverne dépourvue d’ambiance. L’on entendait simplement les plaintes de l’aubergiste qui pestait par le manque de clients et que c’était pas ça qui allait nourrir ses six porcelets que sa femme avait pondu. Des scènes quotidiennes qu’il observait et pourtant il se sentait toujours à des lieues de ce genre de manière de vivre. Il ne s’était jamais réellement habitué à la piraterie, mais il faisait avec ce qu’il avait, s’estimant heureux quelque part d’être sorti du fond du gouffre. Passant ses doigts sur les reliefs de la pièce en or qu’il avait entre les mains, Lamar se demandait quelle pourrait bien être la suite. Allait-il se contenter de ça ? Allait-il saisir sa chance un jour de revenir parmi les siens ? La conversation d’un groupe de trois pirates derrière lui attira son attention, l’arrachant de ses pensées. Alors qu’ils se plaignaient de la mauvaise activité ces temps-ci. On se plaignait de bien des choses dans ce genre de société, mais il n’était pas coutume d’agir réellement. La plupart d’entre eux observaient le temps passer sans jamais rien faire pour changer leur condition. C’était exactement ce que lui faisait présentement.
« Y’a plus rien pour s’enrichir par là, on f’rait mieux d’bouger ailleurs si on veut pas finir à bouffer des rats à c’train là ! D’puis que Barbe Noire est mort t’as des pirates qu’osent pas prendre le large de peur que tout se passe dans leur dos, et c’est pas en restant sur l’port qu’on s’payera les mamelles de la Charlotte j’te l’dis moi ! » « Dans trois jours, vous verrez on pourra profiter des terres de l’ouest, parait qu’y a plein d’trésors là-bas. » « Mais c’est les indiens à l’ouest ! » « Après la rafle y’en aura plus t’es con ou quoi ? » Ricana le forban « Mais c’est du foin ça, personne pourra virer les indiens d’un coup d’baguette magique ! » « Parce que personne d’autre a l’cran d’le faire pardi ! Mais suffit de les bombarder à coups de canons comme ça et paf ! paf ! paf ! y’a plus d’camp !» Fit-il en mimant des explosions en tapant sur la table
Lamar tourna la tête, essayant de voir la tête du type qui colportait ces rumeurs là afin de se souvenir de chaque trait disgracieux de son visage. Si bien d’entre eux ne le prenaient pas au sérieux à cause de l’alcool se distillant dans ses veines, Lamar savait qu’il y avait un réel risque pour que cela soit vrai. L’indien déglutit, il n’aimait réellement pas ce qu’il entendait là et devait à tout prix les avertir, faire quelque chose pour que cela jamais ne se produise.
« C’qui qui va l’faire ? » « Chépa, ils font des recrutements en c’moment, si ça t’dit ! »
Il ne voulait plus en entendre davantage, Lamar s’était donc levé de son tabouret, laissant sa chope encore pleine à sa place et quitta l’établissement d’un pas pressé. Il n’y avait pas de temps à perdre, trois jours leur laissaient une mince marge pour agir et empêcher ces attaques là. Mais il ne pouvait décemment pas le faire seul. Montant sur le dos de son cheval, il s’enfonça en vitesse dans les fourrées en direction des terres indiennes avec pour objectif de les avertir au plus vite. A grand galops alors, il parcouru les terres sauvages jusqu’en territoire indien où il savait qu’il n’était plus la bienvenue. Il ne pouvait pas simplement venir comme ça et leur dire qu’il y allait y avoir une attaque de pirates, ces derniers ne le croiraient sans doute pas et il se ferait tout aussi vite jeter hors de leurs territoires. Alors il avait décidé de la jouer fine et d’entrer en contact avec l’un de ses plus vieux amis qui lui, prêterait une oreille à ses avertissements.
L’indien descendit de son cheval, le cœur battant et entreprit de s’immiscer entre les hautes herbes tout en se baissant pour approcher le camp Piccaninny. Ce n’était pas une mince affaire, puisqu’il y avait des patrouilleurs mais il ne voulait pas leur faire de mal. Alors il prit son temps pour avancer, analysant leurs mouvements, l’attention qu’ils portaient à l’environnement et progressa lentement. C’était angoissant de faire ça, car s’il se faisait prendre il serait automatiquement pris pour cible en tant qu’intrus et essuierait alors les flèches défensives. Lamar se retenait presque de respirer, se mettant même à plat ventre contre le sol lorsqu’il faisait trop de mouvements en frôlant les feuillages. Et puis, finalement, il parvint à se glisser non loin du tipi de Cheyenne mais restait en retrait.
« Cheyenne ! » Chuchota t-il tout en restant dissimulé dans son buisson.
Ce n’était sans doute pas ce qui allait le réveiller, alors Lamar entreprit de ramasser des cailloux pour les lancer contre le tissu de son tipi, espérant ne pas trop l’alerter.