La plupart des gens meurt de vieillesse, de maladie ou à la suite d’un malheureux conflit avec un pirate. Pour Kala, sa meurtrière était la routine. Elle s’insinuait dans sa vie depuis plusieurs années et menaçait de l’étouffer. Dès l’aube, elle s’habilla pour quitter la maison de Seth. C’était son habitude d’aller au marché à chaque matin, de manière à toujours obtenir les aliments les plus frais pour son maître. Elle ferma doucement la porte derrière elle pour éviter de réveiller la maisonnée et s’aventura sur le chemin qui menait au marché. Kala vagabondait parmi les étalages, ne trouvant rien qui lui donnait suffisamment d’inspiration pour le repas. Elle déposa dans son panier en osier quelques légumes, fruits et œufs en se demandant toujours si elle préférait cuisiner de la viande rouge ou du poisson en soirée. Le marchand de friandises l’interpella joyeusement. Kala n’était pas une bonne acheteuse de ces sucreries car elle gardait habituellement l’argent que Seth lui accordait pour s’acheter des choses plus utiles comme une nouvelle paire de souliers ou encore une nouvelle robe. Non pas par coquetterie, mais plutôt parce que l’ancienne serait usée.
« Je cède rarement à la tentation, Monsieur, mais pour votre bon sourire aujourd’hui, je veux bien vous acheter ce petit sac de friandises à la fraise. Elles ont l’air succulentes ! »
Elle esquissa un sourire en échangeant quelques sous contre le sac de friandises qu’elle cacherait à Seth. S’il apprenait qu’elle utilisait l’argent qu’il lui offrait d’une aussi mauvaise manière, il en deviendra fou. Kala s’éloigna tranquillement du marchand et jeta un coup d’œil à son panier. N’arrivant pas à se décider entre le poisson et la viande, elle décida que ce serait plutôt un menu végétarien pour le soir. Normalement, elle aurait simplement fait ses courses et elle serait rentrée, mais elle décida plutôt changer ses habitudes et de se diriger vers le port où un navire accostait tout juste. Elle arrêta gentiment un homme sur le pont.
« C’est la terreur du sud ? Le bateau. »
L’homme hocha rapidement la tête et continua son chemin. Kala décida de s’avancer sur le pont tout en restant un peu en retrait pour ne pas gêner ceux qui s’y affairaient. Elle n’eut aucun doute lorsqu’elle y vit une flamboyante chevelure rousse encore sur le pont. Presque tous les hommes du navire avaient déjà posé le pied sur la terre ferme pour aller directement à la taverne malgré le soleil qui se levait à peine. Kala fit un signe de la main à celle qu’elle considérait déjà comme son amie.
« Gràinne ! »
Kala ne l’avait jamais dit à personne, mais elle avait peur de l’eau. Rien qui lui donnait des cauchemars, mais une peur suffisante pour la clouer sur le pont et l’empêcher de faire le pas de plus pour rejoindre la pirate. Elle lui offrit un sourire radieux et leva le bras bien haut pour lui montrer le petit sac de bonbons qu’elle avait pu acheté avec le peu d’argent qu’elle possédait. Ou plutôt que Seth lui accordait.
« Si tu descends de ce bateau, je veux bien t’en donner quelques uns »
Elle espérait que son amie accepte son offre. Elle avait bien besoin de se détendre un peu et la visite de Gràinne à Blindman’s Bluff était idéale pour cela. Kala observa encore son amie qui rayonnait pas sa force, son indépendance et son caractère et elle se mit à s’imaginer qu’elle pourrait peut-être un jour abandonner Seth et cette vie d’esclave pour devenir pirate comme Gràinne et vivre de nombreuses aventures folles. Enfin, si être pirate ne nécéssitait pas d’être sur un navire, sur l’eau.
Le vent dans mes boucles rousses, j’avais le sourire aux lèvres. Perché à plus de trente mètres de hauteur, je commençais a replier la voile, à l’approche du port. J’aimais ma place sur « La terreur du Sud » au moins je n’étais pas à éplucher des patates comme le Queen’s Revenge sous les ordres de Barbe Noire. Je ne saurais jamais assez reconnaissante envers la Capitaine du Navire de m’avoir laissé ma chance. Je me suis faite toute seule, j’ai grimpé chaque marche et aujourd’hui, je ne voudrais pas d’une autre vie. J’étais une pirate, et sur la mer, je me sentais libre. Ma famille n’aura pas réussi à m’emprisonner dans le rôle d’une gentille femme au foyer… ce n’était pas moi, et ce ne le sera jamais. « Port en vue ! Préparez l’amarrage ! » Je descendais de mon mât pour aider mes collègues à diriger le bâtiment. Un navire aussi grand et beau que « la terreur de Sud », il ne faut surtout pas l’abîmer ! La Capitaine pourrait nous décapiter si l’on sabordait son bateau. « Gràinne, la voilà du grand mât est coincé ! » Je me dépêche de rejoindre le grand mât en ajoutant « j’y monte Lieutenant ! » Je remonte mes manches, et grimpe à nouveau à plus de trente mètre de hauteur. Le port est tout prêt, je peux déjà voir le marché d’ici. La vue est magnifique d’où je suis, on peut voir tout Blindman’s Bluff d’ici. Finalement je redescends de mon perchoir et retrouve le plancher du navire.
Une fois le bâtiment amarré, toute l’équipe se fait une joie de retrouver la terre ferme. Je m’apprête à descendre moi-aussi, mais j’ai oublié mon arc dans ma cabine. Je retourne à l’intérieur, puis en ressors avec mon arc… cette arme ne me quitte jamais, la plupart des pirates utilisent leur épée, mais pour la chasse c’est beaucoup moins pratique ! Alors que je passe mon carquois sur l’épaule, j’entends une voix féminine provenant du quai. Mon regard se pose sur cette personne, un large sourire se dessina sur mes lèvres lorsque je reconnu Kala. Elle faisait gigoter un petit sachet au bout de sa main. Je lui fis signe de la main, et m’empressa de descendre du navire. Je m’avançais vers elle, avec enthousiasme : « Kala !!! Comme je suis heureuse de te voir ! Tu sais que ce n’est pas bien de m’amadouer avec des friandises ? J’en raffole ! » Je connaissais la situation de mon amie, bien qu’elle ne me semble pas traumatiser par sa condition d’esclave… j’aimerais la voir libre – comme je le suis - ne rien devoir à personne, pour moi, c’est la base du bonheur. J’enroulais mon bras autour du sien, et l’on s’éloigna du port. « Excuse-moi, pour l’odeur du poisson ! Je dois empester, contrairement à toi qui semble fraiche comme la rosée du matin ! » Nous avancions toute les deux, je piochais dans le petit paquet brun qu’elle me tendait. Cela faisait des mois que je n’avais pas mangé de friandises, et j’aimais beaucoup les sucreries… cela me rappelait le temps, où Gabriel volait des caramels au marchand pour me faire plaisir. « Tu as du temps devant toi ? Ou ton maître t’oblige à rentrer après le marché ? » J’avais du mal avec cette notion d’esclavage, parce que du fait qu’ils avaient de l’argent, ces gens se permettaient d’avoir des gens sous leur ordre. Jamais je ne pourrais vivre comme Kala, j’aime trop mon indépendance pour cela. Et puis… si quelqu’un devait m’empêcher de dire ce que je pense… je finirais par exploser.
Kala fût heureuse de voir que son amie semblait contente de la voir. Elle avait toujours détesté sentir qu’elle dérangeait ou qu’elle était de trop. Dans ce cas-ci, elle imaginait que les bonbons aidaient beaucoup la cause. Elle s’empressa d’ouvrir le petit sac pour en proposer à Gràinne qui lui attrapa le bras pour l’emmener plus loin. La pirate s’excusa pour son odeur de poisson, mais pour tout dire, Kala n’avait rien remarqué. Peut-être parce qu’elle passait toute sa vie chez le poissonnier.
« Si tu ne me l’avais pas dit, je ne l’aurais pas senti ! »
Un grand sourire s’étira sur son visage. Elle ne vivait que pour ces petits moments qui sortaient de la routine, ceux où elle pouvait faire autre chose que ses tâches habituelles. Ceux où elle ne se sentait pas comme une esclave enchainée à Blindman’s Bluff. Avec Gràinne, elle pouvait voyager, elle n’avait qu’à l’écouter lui raconter toutes ces histoires et s’imaginer à sa place. Elle vit sur le visage de son amie qu’elle était heureuse de pouvoir manger quelques friandises, en mer, ce n’était sans doute pas l’aliment qu’on retrouvait le plus facilement. La pirate lui demanda si elle avait du temps devant elle ou si elle devait rentrer tout de suite pour retrouver son maître. Normalement, c’était ce qu’elle ferait. Elle n’avait pas trop de raisons de traîner dans les rues de la ville en temps normal. Kala n’avait pas beaucoup d’amis, on pouvait les compter sur une seule main. Mais Gràinne en faisait partie et lorsqu’elle était en ville, elle passait du temps avec elle. Peu importe ce que Seth en dirait. Quelqu’un d’autre pourrait préparer le dîner, pour une fois.
« C’est bon, je peux rester avec toi un moment. Ce n’est pas comme si tu étais ici tous les jours ! Et puis, Seth peut se passer de moi une matinée. »
Gràinne ne pourrait jamais être une esclave comme Kala l’était. Elle était bien trop attachée à son indépendance. Elle trancherait sans doute la gorge de son nouveau maître après seulement quelques heures si elle en avait un. Kala n’avait connu que ça depuis sa naissance et ne connaitrait sans doute que ça jusqu’à sa mort. On ne se libérait pas si facilement de l’esclavage et même si elle n’était plus au service de Seth, elle ne saurait pas où aller et ne saurait pas comment trouver de l’argent pour manger. C’était un cercle vicieux.
« Il est encore tôt, mais tu veux aller à la taverne pour discuter un peu ? Ça fait trop longtemps qu’on ne s’est pas vues »
Ça devait faire quelques mois qu’elles ne s’étaient pas croisées. Seth n’avait pas été d’excellente humeur ces derniers temps et lorsqu’il était dans cet état d’esprit, il ne laissait pas Kala sortir trop souvent et était très exigeant envers elle.
Kala ne pouvait pas attendre d’être arrivée à la taverne pour harceler son amie de questions. Elle leva les yeux vers son amie et lui posa la question qui lui brûlait la langue depuis qu’elle était descendue du navire.
« Vous êtes allés où cette fois ? Raconte-moi tout, je veux tout savoir ! »
Kala souriait grandement en présence de son amie et c’était l’un des rares moments où elle avait vraiment envie de se taire pour l’écouter parler. En plus, elle trouvait que Gràinne avec un petit don pour raconter des histoires. Un jour, peut-être Kala serait capable de faire le petit pas qu’il manque pour quitter sa vie à Blindman’s Bluff, quitter Seth et aller vivre de folles aventures comme celles de son amie. Elle ne serait peut-être pas pirate, mais pourrait s’établir à quelque part et s’ouvrir une boutique. Une pâtisserie… N’importe quoi.
black pumpkin
Petit mot:
DÉSOLÉÉÉÉÉÉÉÉÉEEEE pour le délai ! J'ai été super occupée ! J'espère que ma réponse te convient
J’ai toujours était de nature sociale, il était difficile de me détester – malgré mon mauvais caractère – j’incarnais la joie de vivre. J’aimais ma vie, et personne ne pourrait me la prendre ! J’avais fais mes propres choix, même si ce sacrifice voulait que je n’ai plus de contact avec ma famille au jour d’aujourd’hui. De toute manière, ils ne m’ont jamais comprise, ils voulaient que je rentre dans le moule, et que je devienne une femme parfaite… c’était loin d’être mon rêve. Si je voulais me marier à un homme, je le ferais par amour, et non pour faire plaisir à mon père ou pour les intérêts de la famille. Je ne voulais pas être enfermé entre quatre murs, ma vie était au grand air – mieux encore - en pleine mer. Alors que je voyais la vie que menait mon amie Kala, j’étais triste pour elle. Elle n’avait jamais connue la liberté, depuis son plus jeune âge, elle est esclave. Mais je sais qu’à sa place, je me serais enfuit à la moindre occasion… je préfère encore mourir de faim, que devoir obéir à un homme riche qui se croit tout permis. Voilà pourquoi, je lui demandais si elle devait retourner sous les ordres de son maître, ou si elle pouvait passer un peu de temps en ma compagnie. Je ne la voyais pas souvent, alors j’espérais qu’elle puisse rester avec moi. Kala semblait déterminé à ne pas rentrer tout de suite, elle ajouta même que son maître pouvait bien se passer d’elle… j'espérais qu’elle ne subisse pas sa colère en rentrant. Elle me proposa d’aller à la taverne pour discuter un peu, autour d’un verre. J’acceptais avec enthousiasme, l’idée de discuter avec mon amie, me réjouissait d’avance. Il faut dire que je suis quelqu’un de très bavarde, qui s’arrête rarement de parler. « Je te suis ! J’ai l’impression que l’on ne s’st pas vu depuis des mois… ce qui est sûrement le cas, je perds toute notion de temps quand on est en mer ! » Nous marchons ensemble – bras dessus, bras dessous – en direction de la taverne la plus proche. Même si j’aimais être en mer, et découvrir des contrées lointaines, retrouver mes amis sur la terre ferme, faisait du bien ! Nous arrivions à peine à l’entrer dans la bâtisse, que Kala me posait déjà des questions. J’esquissais un sourire, et pénétra dans la Taverne où quelques uns de mes collègues étaient déjà attablés – chope à la main. Nous repérions une table libre, et nous installons. « Nous étions partie pour Lawless Island, quatre semaines pour y aller, un peu moins pour le retour ! » Une serveuse arriva pour prendre nos commandes, il était certes encore tôt, mais je commandais un verre de rhum, de quoi me réchauffer un peu. « La mer était agitée, et une voile s’est déchirée, bien entendue, je suis montée en haut du mât pour la détacher avant qu’elle ne fasse chavirer le bateau ! T’aurais dû voir ça ! J’étais trempée de la tête au pied ! » Souvent, on disait que ce que je faisais était un métier dangereux… ce à quoi je répondais, que sans adrénaline, je mourrais à petit feu ! J’avais besoin de sentir la peur, le danger nous guetter. D’ailleurs, sur tous les autres navires, le rôle de Gabier était souvent attitré aux hommes – car ils avaient moins peur pour leur vie – je n’avais pas peur de mourir, encore moins si c’était en mer. « J’aimerais t’emmener en mer avec moi, un jour… que tu comprennes ce que ça fait d’être libre ! De découvrir le monde, il n’y a rien de mieux pour être heureux. » J’y pensais souvent quand j’étais sur la terreur du sud, à toutes ces personnes qui se sentait prisonnier de leur vie monotone. Ma vie était trépidante, et chaque jour était différent de l’autre, c’était ça la vie de pirate… entre autre, avec l’addiction pour l’alcool et le pillage de navire.