« Gouverneur ! »Je roule des yeux, me retournant vers un des soldats qui pénètre dans la pièce avec perte et fracas, autant dire que je n’apprécie nullement cette intrusion.« Il y a une foule d’habitants qui tentent de forcer les portes de votre demeure pour réclamer de l’aide. Après le pillage des pirates pendant le banquet, certaines bâtisses nécessitent de la main-d'œuvre pour réparer les dégâts. »Je soupire, posant un doigt sur mon nez avant de croiser son regard. En quoi cela me regarde ? Certes, je suis le gouverneur, mais les problèmes de reconstruction ne sont pas censés entrer dans mes devoirs. Je cherche mes mots, pour éviter de m’en prendre à ce pauvre garçon qui n’est pas responsable – bien que rentrer ainsi sans demander la permission m’agace – de ce remue-ménage. « Premièrement, dites à ces personnes qu’il y a des séances de doléances et que c’est uniquement à ce moment-là que je serai une oreille attentive. Forcer les portes de chez moi me rendra intolérant, pas compréhensif ni patient. Qu’ils le sachent ! Deuxièmement… rappelez-leur que je suis Gouverneur, que mon rôle consiste au bon fonctionnement de la cité et des créances. Mais qu’à aucun moment, je ne suis pas chaperon de leurs bâtisses et que les problèmes d’ordres matériels ne m’impliquent pas. » « Mais Monsieur ! Cela s’est produit durant le banquet et- » « Es-tu en train d’insinuer que parce que les pirates ont attaqué durant cette soirée, je suis responsable et donc, que c’est à moi de financer et d’aider aux réparations ? Penses-tu que j’ai demandé à Barbe noire et sa clique de nous dépouiller, de nous attaquer et de tuer de nombreuses personnes ? » « Non Monsieur, bien sûr que non, mais… » « SORS D’ICI ! » Le soldat sursaute et disparaît encore plus rapidement que la course effrénée d’une étoile filante dans la voûte céleste. Enris tapote mon épaule amicalement, ce geste m’exaspère bien que je l’accepte uniquement parce qu’il vient de cet ami et conseiller.« Les gens ont peur Luis. C’est la folie… Ils ont simplement besoin d’être rassurés ! Va sur ton balcon pour leur parler, rassure-les comme tu sais le faire. »Les paroles pleines de sagesse de mon ami – qui aurait pu faire un bon philosophe soit dit en passant – m’explose leur véracité au visage et je suis contraint d’abdiquer. Il faut que je rassure les habitants, sans quoi, nous frôlerons une guerre civile. Tout de go, je quitte la salle froide où j’accueille les plaintes du peuple pour monter à l’étage. Là, au nord de ma demeure, se trouve un immense balcon sur lequel j’aime me percher parfois pour observer la vie grouillante de Blindman’s Bluff. Parfois, quelques badauds s’arrêtent pour converser avec moi ou alors, j’observe avec tendresse quelques enfants jouer sur les pavés, quelques gamins voler dans les poches des bourgeois, ou les catins faire leur petit manège de séduction pour gagner trois sous dans une ruelle. J’ouvre la grande fenêtre, mais cette fois, la luminosité de l’astre solaire ne me brûle pas les rétines : au lieu de cela, c’est le crépuscule qui m’accueille et son froid glacial. J’entends déjà les protestations des habitants en dessous et la voix bancale et tremblante du soldat qui se fait porte-parole. Mes paumes se contractent sur la rambarde gelée et j’inspire longuement avant de baisser le visage vers les silhouettes : « Habitants ! » Les têtes se redressent, certains reculent pour mieux me discerner tandis qu’Enris allume deux bougies afin que ma silhouette puisse être reconnue. « Je comprends votre inquiétude et votre douleur. L’attaque de ces forbans – aussi inattendue et cruelle fut-elle – ne restera pas impunie. Nous nous vengerons de l’affront qu’ils ont osé faire à notre cité, les océans et les mers ne seront pas suffisamment vastes pour les cacher de notre colère. Nous nous retrouverons pour marquer leur esprit de notre force, mais surtout, de notre rancune. Certains ont perdu des parents, des enfants… Je partage votre peine, je comprends votre douleur : mais ne vous laissez pas envahir par la folie. L’île et ses ravages s’arrêteront tôt ou tard. En attendant, nous devons tous nous unir pour rebâtir Blindman’s Bluff, pour redorer sa réputation et sa magnificence. Je suis votre Gouverneur, mais je suis également un habitant d’ici, je suis au même titre que vous ébranler par cette attaque. Le seul réconfort que je peux vous apporter, c’est mon soutien. Alors, unissez-vous ensemble pour reconstruire vos bâtisses touchées ou effondrées ou brûlées. Demain ne doit pas être craint. » J’avale ma salive, observant certains visages avant d’étirer un sourire. « Mes portes sont ouvertes pour réconforter votre douleur. Mais je suis un homme comme vous, sans pouvoir ni magie. Je vous aiderai autant que je le pourrai. » Je me redresse sous les applaudissements et remarques favorables à mon encontre tandis que je retourne à l’intérieur. « Penses-tu que cela aura un effet sur la durée, Enris ? » « Je l’espère… »Je remue de la tête, tapotant son épaule avant de m’éloigner en direction des cuisines.
La cuisinière se retourne vers moi, un sourire chaleureux sur son visage et m’apporte une assiette avec de quoi me sustenter, mais surtout, me détendre l’esprit. Elle me connait maintenant, depuis le temps qu’elle travaille dans la demeure et connaît mes péchés mignons. Je la remercie chaleureusement tandis qu’elle disparaît de l’autre côté pour préparer le repas de ce soir. Avec cette nuit, les journées semblent tellement similaires que j’en oublie qu’on est au milieu de l’après-midi. Je croque dans un morceau de miche lorsque deux petites mains tapotent ma cuisse et je baisse le visage vers deux yeux clairs qui me mirent avec intensité. « Ma p’tite fée ! Je ne t’ai même pas entendu arriver ! » Elle étire un grand sourire, grimpant sur ma cuisse avant de piocher dans l’assiette pour grignoter en ma compagnie. Cette petite est un véritable courant d’air, on l’a sent même pas se pointer, encore moins disparaître. Oh, elle sait s’y prendre pour faire tourner en bourrique sa mère ! « Dis papa ! » Je passe une main sur ses cheveux couleur du soleil, signe que je l’écoute. « On va mourir ? » J’ouvre de grands yeux, surpris par les interrogations de cette petite. Elle est bien trop jeune pour penser à ça et cela m’arrache un grognement. Je maudis ce temps, ce climat et plus encore, les ravages de Neverland. Je ne veux pas que mon enfant craigne de mourir, je veux qu’elle puisse vivre et qu’elle s’épanouisse. Qu’elle ne craigne pas la nuit, qu’elle s’enchante d’un rien et continue de faire trembler les murs de ma demeure par son rire cristallin. Je la soulève pour poser ses fesses sur la table afin qu’elle puisse me faire face et j’observe son petit minois interrogatif dont quelques traces ci et là trahissent son dernier repas. « Tu ne dois surtout pas t’inquiéter de ça ma fleur ! Tu ne vas pas mourir, tu as encore plein de beaux jours à vivre et maman à rendre complètement folle ! » Elle éclate de rire et ce bruit me procure une sensation de chaleur, un réconfort instantané. « Mais et toi papa, tu vas mourir ? » Je l’observe un moment, caressant ses joues roses et rondes. « Tu te poses trop de questions ma fleur. Nous en reparlerons plus tard, tu veux bien ? Pense plutôt à de belles choses ! » Sa joie de vivre revient et elle remue sur la table, si bien que je suis contraint de la déposer au sol pour éviter un désastre sur la table. « Allez zou, va jouer ! » La comète blonde s’éloigne de la cuisine en chantonnant et je soupire, frottant mon visage avec mes mains. Fichtre, je ne suis absolument pas prêt pour les questions existentielles de ma fille. « Luis ? » Je redresse la tête vers la cuisinière, tenant entre ses mains un morceau de tissu qu’elle tortille dans tous les sens : « Quelqu’un vous demande. » Je me redresse, la remerciant avant de quitter la cuisine pour aller dans la pièce dans laquelle je reçois mes visiteurs.
Sa silhouette, je pourrais la reconnaître entre mille autres femmes. Ses longs cheveux ondulés, noirs comme les ailes d’un corbeau, qu’elle enroule dans un chignon pour habiller son visage. Une de ses toilettes, élégantes, mais avec toujours un élément qui nous laisse fantasmer sur ce qu’elle dissimule. Cette magnifique plante, c’est Rosemary Hartbottle, Madame Rosy, Rose et tous les sobriquets possible et inimaginable que l’on peut lui attribuer. C’est… une charmante compagnie que j’aime rejoindre pour le plaisir de la chair uniquement – mais pas seulement – puisque nous sommes devenus amis. J’approche lentement d’elle, fermant les yeux en espérant sentir l’odeur que j’ai l’habitude de sentir lorsqu’elle est dans les parages : ce mélange de fleurs et d’épices. « Rosemary… » Je rencontre ses prunelles havane avec un réel plaisir, m’y perdant quelques instants avant d’envisager un regard sur la globalité de son gable avant de trouver un point d’ancrage au niveau de ses yeux. « Quel bon vent t’amène ? Ne me dis pas que toi aussi, tu viens te plaindre de l’attaque de ces forbans et que tu souhaites réclamer dédommagement ? » Cela me surprendra de sa part, ceci dit, vu les mentalités avec l’ambiance actuelle de l’île, je suis d’une nature plus que méfiante. Je l’invite d’un mouvement du bras à aller dans un endroit plus confortable, mais surtout plus intime. Rosemary n’est pas une inconnue dans ma demeure seulement, je préfère m’entretenir avec elle sans oreille indiscrète. Surtout que généralement, nos entrevues dérivent toujours vers l’ivresse charnelle. Les portes se referment et nous nous installons confortablement derrière une table avec deux verres et une bouteille de rhum. J’en ai grandement besoin à cet instant et il me semble que ma chère amie possède un atome crochu avec cet alcool. « Comment te portes-tu ? Je n’ai pas été vérifié encore, mais rassure-moi… L’excès d’Arum n’a pas subi l’attaque de ces pirates ? » Ce lieu qui fait en grande partie, le succès de cette cité ne peut pas être détruit, qui viendra dépenser son argent dans cette belle demeure pour parfaire à la réputation et la notoriété de la cité de l’aveugle ?
« Je reviens ce soir, ne m'attendez pas pour le dîner. » Ordre déguisé, voix implacable doucereuse : je suis une main de fer gantée de dentelles et ils sont ceux que je tiens sous ma tutelle. Faites tourner la boutique dignement le temps de mon absence, continuez à rire, danser, montrer vos jolies jambes … Ah mes femmes, mes enfants, mes toutes belles. Je souris à mon équipage – car c'est ce que ces personnes sont, à mes yeux : de valeureux membres d'une famille étrange tirée à quatre épingles, des acteurs, un cirque ambulant qui jamais ne quitte la scène –, tandis que je rabats un châle sur mes épaules dénudées avant de sortir, digne, pimpante, aussi fraîche qu'une rose de printemps et froide qu'une stalactite en Décembre. Il est peut-être tôt, il n'empêche qu'il fait désormais frisquet dans cette nuit éternelle. De quoi me faire râler à ce propos. Où aller, que faire ? Est-ce que cela vous regarde ? Non. Nullement. Allez donc vous faire voir, oiseaux cupides, la mère maquerelle va là où elle le souhaite, car sa réputation est aussi solide que les fondements d'une cathédrale : la ville lui ouvre les bras et elle s'engouffre dans ses rues riches et criardes avec une avidité sans fin, sans fond.
Mon sourire, vrai pour elles, disparaît bien vite dans la nuit fourbe. A l'extérieur, les chandelles qui réchauffaient nos peaux disparaissent, les rires et gémissements torves qui fusent en éclat se taisent ... pour laisser place à une toute autre agitation : la folie, la peur, les ténèbres qui m'embrassent de plein fouet, tendant leurs mains comme de divines amantes. Si vous succombez, mes très chers, c'est la mort vous attend, ou pire encore. Ne pas s'arrêter. Mes formes, dont je suis fière, sont elles-mêmes cachées sous le tissus ouvragé, et je m'avance ainsi couverte en évitant les regards. Bien entendu, les gens me reconnaissent. Qui n'a jamais vu cette femme prostituée outrancière, aux manières de noble exécrable ? Qui n'a jamais désiré cette peau d'albâtre, ces lèvres de vin finement retroussées en un fier sourire, ses seins formés mises en valeur par les rubans de corset serrés ? Et sous ses jupons, nombreux, légers, traîtres, elle vous promet tant de merveilles, à vous qui pourrez payer assez. Qui ne me connaît point ici ? Les nouveaux arrivants peut-être, et encore. Je les marquerais, tous, je les poursuivrais en rêves, jusqu'à tout leur voler : or, coeur, temps, pureté. Pas aujourd'hui, murmure ma conscience. Aujourd'hui, j'ai un autre poisson à ferrer dans mes filets. Un grand homme au coeur noble, un fier chevalier, un ami cher dont chaque venue me réjouit sans que je n'ai besoin de jouer. C'est pour lui, savez-vous, que ce soir je brave le danger. Un pas léger, décidé, ni trop lent ni trop rapide, parfaitement maîtrisé bien que claudiquant – car, c'est vrai, je suis blessée – mais j'ignore la douleur, comprenez que je suis pressée. Ma main gauche serre le châle, la main droite un petit panier garni (dont les promesses divines restent sous bonne garde, cachées elles aussi), il n'empêche que si un rustre m'aborde j'aurais le temps de lui montrer mon pistolet, solidement accroché à ma cuisse d'un mouvement habile de hanche. A moins, bien sûr qu'il ne soit plus avide d'acier, auquel cas je viendrais contre lui en lui susurrant des mots tendres, avant de sortir ma jolie dague pour la lui montrer de près. Inspirer, expirer. Que pourrait-il m'arriver outre me faire bousculer ?
La grand place de Blindman’s Bluff. C'est là où je vais. Me mêler à tous ces badauds, ces serviteurs aux pieds usés ; ces êtres apeurés qui s'en iront bientôt sans qu'on ne les ait remarqués. J'étais comme eux, autrefois : gueuse dangereuse, affamée. C'était il n'y a point si longtemps – dix, vingt ans ? - avant que je ne décide de changer mon maigre destin. Oh, la mort viendra me prendre ! Mais mon nom ne sera point oublié, comme le tien. Ô, Luis. Le destin est cruel, n'est-il pas ? Je te regarde, toi qui apparaît tel un roi à son balcon tandis que la foule te réclame férocement. Je t'écoute rassurer ces gens idiots comme tu panserais un animal blessé, je te contemple avec admiration et fierté, mais aussi et surtout inquiétude forcée – ô mon ami, que t'est-il arrivé ? Je resserre mon châle, me frayant mon chemin, continuant ma route tandis que l'agitation se calme. Poussez-vous, j'ai à faire, et si vous ne vous bougez pas le fessier plus vite je vous rentre mon talon dans les mollets. Heureusement, la foule se disperse, et c'est sans mal que j'atteins la résidence, fermée. Il suffit d'attendre encore une minute ou deux, frapper discrètement, sourire au portier. L'énergumène me replace, bien que surpris de ma visite inattendue, et je garde dignité et mordant pour une prochaine fois. Il n'y a pas de mal à se faire plaisir, n'est-ce pas ? Bon, tu l'ouvres ta porte ? Je sais bien que le crépuscule ne bouge pas au point de ne plus savoir si il fait véritablement nuit ou non, mais figure-toi que je n'ai pas toute la journée devant moi, mon mignon. Même si j'aimerais … Ah, tout de même, il me laisser finalement passer. Je retiens un soupire, m'engouffrant dans l'embrasure qui se referme en un claquement dans mon dos. Pas un mot échangé, je suis directement conduite dans l'antichambre. Comme à mon habitude, cette écrasante demeure me fait tout un effet, et je dois me faire violence pour ne pas me mettre à rêver, serrant un peu plus mon panier et pressant le pas, malgré la douleur. Ne pas admirer les boiseries, continuer de prier pour ne pas rencontrer Madame en chemin, avancer tout droit, prendre à gauche, rester silencieuse. Pourquoi ? Mais regardez-moi ces curieux ! Plus tard, les aveux ; contre de l'or, des rubis, des diamants, votre vie.
Je n'ai pas longtemps à attendre – juste le temps d'enlever mon châle et le poser sur le fauteuil, me déchargeant de mon panier sur la table basse. Juste le temps d'entendre des éclats de rires enfantins et des bruits de course effrontée qui m'arrachent un sourire tendre – ça y'est, je me reprends à espérer. Ah, tu ne changeras jamais. Et puis pour une fois que c'est moi qui vient, cela va faire jaser – j'espère qu'il ne m'en voudra pas, bien que les domestiques ont pour ordre de rester discrets. « Luis … » je réponds d'une voix suave, me détendant en le sentant si proche. Attendre encore avant de me retourner, quelque secondes, juste pour savourer l'effet … Ah, ses yeux, que je les aime. Tout comme la façon qu'il a de me détailler, il est vrai, et j'étouffe un rire, le laissant admirer la vue, l'admirant à mon tour – de ces cheveux défaits à sa mine fatiguée, j'inscris ces traits dans mon coeur, retenant la forte envie de le prendre dans mes bras pour l'y serrer. Pas maintenant, Rosie. Je lui offre un sourire cruel à ses mots, amusée, ironique, blessée – voyons gouverneur. M'as-tu déjà entendue me plaindre à ce sujet lorsque nous étions ensemble, seulement tous les deux ? Bien que je me comprenne, je ne suis pas de ces êtres là. Non. Ce que je veux, je viens le prendre à la source, en torturant si il le faut – et sans remords aucun.
« Bien sûr. Je viens me plaindre. » Je pose mes mains sur mes hanches, l'air sérieuse, avant de prendre un air dramatique – quelle comédienne je suis. « Tu me manques, voilà ce qui arrive ! Vous êtes cruel messire, me séduire pour ne plus venir ensuite, vous méritez le fouet. » Je pose une main sur mon coeur, pose théâtrale stupide, avant de me redresser et rouler les yeux. « Me plaindre. Bien sûr, je n'ai que ça à faire de mes journées. » Je marmonne, mais tu sais que tu es déjà pardonné. J'attrape d'ailleurs mes effets pour le suivre aussi correctement que possible dans une pièce bien connue, avant de me mettre à l'aise pour de bon. Je souris, reconnaissante à la vue des verre et de mon cher amant ambré – le whisky, bien sûr – m'asseyant avec grâce avant de le fixer, mes yeux s'assombrissant à sa question. « L'Excès se porte aussi bien que je peux l'être. » J'inspire doucement, avant d'attraper mon verre et le lever, trinquant avec lui « C'est un lieu solide, Luis, n’aie pas d'inquiétude à ce sujet. Il y a eu plusieurs tentatives de pillage mais nous les avons reçus. Il y a, évidemment, quelques travaux de réparation à faire, mais je suis déjà en train de m'en occuper. » Je me souviens encore de la tête que ces ignares de pirates ont tiré lorsque j'ai sorti l'artillerie lourde. Comme quoi avoir fricoté avec certains d'entre eux a du bon … J'ai appris à tirer, par exemple. Et à me battre. Concrètement, les destructions sont restées minimes - tout simplement car ni les filles ni les clients ne se sont laissés faire lors de l'attaque. Je leur avais donné l'autorisation d'aller au banquet, bien entendu, mais au final, peu d'entre elles y ont participé. Moi-même je n'étais pas présente, simplement car je n'aime guère me mêler à la foule habituellement. Je dois rester l'objet du mystère tant convoité, se faire désirer et oublier un brin à parfois du bon.
Je prends une gorgée de liquide salutaire entre mes lèvres, laissant une marque sur le cristal du verre, avant de le reposer doucement. « Non, je ne viens pas pour me plaindre. » Je souris, amusée. « Quoi que. Tu as vu ta tête ? » Je me permets d'être aussi franche qu'honnête avec lui, avant de mrumurer, soudainement lasse, comme si c'était là un honteux secret « Je suis venue pour toi, Luis. Pour savoir si tu allais bien. » Je hoche la tête doucement, sans cesser de le fixer. Habituellement je ne dirais pas ces mots, mais les faits sont là, je me suis inquiétée pour lui. Cet abruti. « Et j'ai eu raison, manifestement, malgré le merveilleux discours que tu as sans doute improvisé tout à l'heure. » Oses me dire le contraire, jeune homme. Je reprends une gorgée de l'alcool, comme si de rien n'était. « Sans compter sur le fait que cela fait un moment que nous n'avons pas pu … discuter, tous les deux. Donc, me voilà. Avec un cadeau, histoire qu'on ne me jette pas à la porte comme une malpropre puisque je m'invite. » Je hausse les épaules. L'huile que j'ai apporté serait, idéalement, pour un massage – il est tellement tendu -, tandis que la crème serait pour réhydrater sa peau et apaiser ses traits tirés. Bien sûr, j'ai également une bouteille de vin – un excellent cru, pour le requinquer - et des biscuits maison ... Mais cela pour plus tard. En attendant, je plonge mes prunelles dans les siennes, réconfortantes, inquiètes, sincères. Maintenant, dis moi, Luis. « Et toi ... Comment vas-tu ? »
HRP:
Excuse-moi, pour le temps de réponse comme pour la longueur du rp TwT *big hug*
Luis de la Nostra
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ζ Localisation : Blindman's Bluff dans son immense demeure
ζ Occupations : Gouverneur de la cité de l'Aveugle
« Bien sûr. Je viens me plaindre. »Un simulacre de sourire ourle mes lèvres tandis que je lève les yeux vers la sylphide qui place ses paumes sur ses hanches. Cette moue qu’elle arbore me fait discrètement rire, tandis que je l’écoute se plaindre de mon absence d’une manière théâtrale.« Me plaindre. Bien sûr, je n'ai que ça à faire de mes journées. »Je soupire, comprenant que j’ai certainement posé la mauvaise question. Je devrai pourtant la connaître, cette amie plus qu’une amie et parfois traiter comme elle ne le mérite pas. Rosemary n’est qu’une amante, une amante discrète et intime que j’aime dissimuler aux yeux des autres. Ne serait-ce que parce que je suis marié et que je possède déjà une maîtresse. J’aimerai parfois, lui offrir un titre bien plus reluisant qu’amante, seulement continuera-t-on à me prendre en sérieux si j’accepte une troisième femme dans ma demeure ?« L'Excès se porte aussi bien que je peux l'être. »Je la mire un instant, tendant un verre qu’elle prend pour le soulever. On trinque avec nos pupilles, avec nos regards de façon silencieuse.« C'est un lieu solide, Luis, n’aie pas d'inquiétude à ce sujet. Il y a eu plusieurs tentatives de pillage, mais nous les avons reçus. Il y a, évidemment, quelques travaux de réparation à faire, mais je suis déjà en train de m'en occuper. »Ma tête remue de haut en bas pour approuver ses paroles. Je m’installe moi aussi sur un fauteuil, non loin de la sylphide. « Je suis heureux de l’apprendre. N’hésite pas, si tu as besoin de quelques ouvriers supplémentaires, je peux toujours en quémander pour toi. L’excès d’Arum est une bâtisse essentielle pour la cité. » Il y a des commerces dont on ne peut se passer dans une grande ville. La taverne, les auberges, les bordels ou la maison close sont des lieux souvent envahies que ce soit par les habitants ou les voyageurs. Ils sont quasiment toujours en service, rarement déserté. Ma colère envers les pirates n’en serait qu’enhardie si j’apprenais qu’un de nos illustres commerces est en ruine.« Non, je ne viens pas pour me plaindre. … Quoi que. Tu as vu ta tête ? »J’étire un sourire. Il est clair que je ne dois pas offrir l’image habituelle du bon bougre qui se laisse facilement envahir par le rire et la plaisanterie. Je croise ses yeux sombres lorsqu’elle murmure un secret, cela m’arrache un sourire que je dissimule en baissant le visage sur mon verre. Le liquide ambre tourne dans son réceptacle à la suite des mouvements que je lui inflige, songeur.« Et j'ai eu raison, manifestement, malgré le merveilleux discours que tu as sans doute improvisé tout à l'heure. »Raison de s’inquiéter ? Je dois simplement avoir une mine sombre, une mine affligée par tout ce que l’on vient de vivre, une mine inquiète pour les habitants de la cité, une mine colérique pour ces maudits pirates, une mine ténébreuse pour toutes les idées de vengeance qui s’agglutine dans mon esprit, une mine fatiguée pour toutes ces émotions qui m’envahissent en même temps.« Sans compter sur le fait que cela fait un moment que nous n'avons pas pu … discuter, tous les deux. Donc, me voilà. Avec un cadeau, histoire qu'on ne me jette pas à la porte comme une malpropre puisque je m'invite. »J’étire un sourire, levant les yeux vers son faciès. « Tu es toujours la bienvenue ici, Rosemary. Tu le sais… »
Je suis curieux de savoir qu’elle est ce cadeau qu’elle dissimule dans ce sac en toile près d’elle. Quand nous sommes-nous retrouvés tous les deux dans une pièce ? Il y a longtemps maintenant, j’ai eu beaucoup à penser sans compter que Leya m’a pris beaucoup de temps. Cette petite – si adorable – avait besoin de son papa et je suis trop faible pour résister à ses immenses yeux suppliants.« Et toi ... Comment vas-tu ? »Je soupire, las. « Je suis fatigué, Rosy. Je pensais bien faire, ce soir-là. Il y a cette nuit, ce maléfice qui ne disparaît pas et qui inquiète toute la population, moi y compris. Je voulais… rassurer tout le monde. C’est Constance… qui m’a soufflé l’idée sans en rendre compte et j’ai pensé que c’était la bonne solution. Un banquet, rassembler tous ceux qui le désirent pour se détendre l’esprit et oublier durant un instant que le soleil ne revient pas. » Je serre le poing sur l’accoudoir de mon fauteuil tandis que je porte mon verre à mes lèvres, buvant une gorgée du liquide. « Je n’ai pas eu seule fois pensée que ces maudits pirates allaient profiter de ce rassemblement pour nous attaquer. Nous étions… en paix ou quelque chose qui y ressemble et pourtant. Quand je pense à tous les corps qui ont jonché la poussière de Blindman’s Bluff. A ces enfants, à ces femmes et hommes, innocents. Ils étaient là pour rire et oublier – à la place, ils se sont fait tuer. D’autres ont vu leurs efforts se détruire par le feu. » Je peste dans ma barbe, me levant de mon fauteuil. Je traverse la pièce pour me présenter devant mon immense fenêtre. « Du sang et encore du sang ! Il n’y a eu que ça à cette foutue soirée et j’en suis le responsable ! » Je jette mon verre qui s’explose contre le mur sur ma gauche : « Alors ! Comment crois-tu que je me sens, Rosemary ?! » Je frappe contre la fenêtre, celle-ci se fissure, mais ne se brise pas. Je peste – encore – avant de me retourner vers elle en soupirant : « Excuse-moi… tu n’as rien à voir avec ça. Je ne pense pas que ça soit une bonne idée pour toi, de me voir et de me côtoyer en ce moment. »
Je sais ce que ses yeux me cachent. Je connais son coeur aussi bien que le mien, je sais quels désirs l'animent secrètement. Pas tous, bien sûr. Serais-je folle, si j'osais revendiquer ces paroles. Non. Il aimerait m'offrir plus, je le sens – son comportement face à mes mots le prouve. Ah doux amant, fidèle ami ! Pour toi que ne ferais-je … Mais tu sais aussi que je refuserais; n'est-ce pas ? Je ne suis pas de celles qui aiment la concurrence, je ne suis pas de celles que l'on met en cage par désir. Même si je le rêve encore, parfois, lorsque la solitude m'étreint : oui, je l'avoue pour vous, Seigneur, un mari tendre me manque. Mais l'homme fidèle existe t-il ? Non, bien sûr. Ce n'est là qu'un mythe, comme les fables racontées aux enfants : enjoliveur, charmant, menteur, faux. Je me contente de regards gourmands, je me contente de caresses lascives : poésie sur mes lèvres, vanité de mon âme ; seule la mer possède véritablement les hommes, les femmes sont peu de choses face à son jugement implacable. Non. Non, Luis. C'est pour cela que tu ne me poseras pas la question – car l'officiel ne me sied guère au teint –, ça et le fait qu'il y aurait meurtre sous ton toit – car ta blonde, mon trésor, ne vaut rien de plus pour moi qu'une pomme oubliée, pourrissant seule, rongée par un ver. Rongée par la haine.
« Je te promets que si j'ai besoin de quoi que ce soit, je viendrais te quérir » telle est ma réponse, douce promesse, au sujet de l'Excès. Je lui suis tant reconnaissante pour cela, d'ailleurs. Combien d'hommes me l'aurait proposé ? Mais Luis n'est pas de ces badauds invisibles, et j'ai bien peur que ce soit justement cela qui finisse par le perdre un jour. Je garde ainsi mon regard sur lui – sa façon d'agir, songeur, renfermé, sur mes élucubrations. Je lui tire des sourires, oui, certes, et sa réponse me fait plaisir, même si il ment. Moi, la bienvenue ici ? Oh mon cher, ce n'est que pour toi que je me tiens droite en ces lieux, au lieu de fuir à toutes jambes en claudiquant. Si l'affreuse blonde me voyait elle en deviendrait aussi blafarde qu'une morte – j'en rirais à gorge déployée sans remords – et ta femme … Ta femme … Je la respecte trop et ne désire pas lui causer plus de tords que ce qu'elle n'en subit déjà. Nous sommes, après tout, deux créatures semblables … à la différence que là où j'ai pris les armes, elle s'est muée en statue de glace que je m'extorque à faire fondre pour tes beaux yeux sombres. « Je suis fatigué, Rosy. » Je reviens sur terre, portant le verre à mes lèvres pour écouter mon ami plus en détail. Rosy … Nous y sommes, n'est-ce pas ? Je te sens glisser là où je ne pourrais bientôt plus l'atteindre – et cela m'effraie. Mais il faut être fort et supporter en silence. Je serais là pour toi, Luis. C'est une promesse que je t'ai faite et que je tiendrais.
« Je suis … exactement là où je dois me trouver. » Je murmure doucement tout le regardant, lui, cet homme que j'aime profondément, alors qu'il se débat contre ses démons. Je l'admire, je le dévore des yeux – car il est si beau en cet instant, alors que l'orage menace ses fenêtres. Mais si son geste violent m'a fait sursauter, si le voir se fustiger de la sorte me torture également bien plus profondément que ce que je ne m'autorise à montrer, ... je reste là, assise, à attendre. Là où d'autres s'en iraient effrayées, je demeure. Cette colère, cette rage, cette passion, cette fougue … Comment voudrais-tu me voir réagir, Luis ? Voudrais-tu que je t'abandonne comme les marin abandonnent leur navire vulgairement ? Je suis désolée, c'est au dessus de mes forces. Oui. Oui, je mens. Oui, je charme, oui je vends du rêve et oui j'écarte volontiers les cuisses contre de la monnaie sonnante et trébuchante. Mais ne suis-je pas une prostituée ? N'est-ce point là mon métier ? Je suis une artiste, Luis … Mais ce soir ce n'est pas la bête de foire qui te visite. Ce soir, c'est celle qui se cache derrière son pinceau : la femme terrible, la têtue, la folle, l'amie … la fidèle jeune fille, telle que j'étais à mes vingts ans. Tu devrais le savoir, pourtant. Plutôt mourir. Plutôt mourir que de nous trahir : telle est ma réponse silencieuse à cette phrase abjecte que tu me sors et qui tord mes lèvres d'une colère pure. « Tu ne pouvais pas savoir ce qui allait se produire ce soir là. » Je me lève en disant ses mots d'une voix rauque et contenue, délaissant ma coupe encore pleine pour venir à sa rencontre. Mon visage, sérieux, caresse ses traits comme la lune embrasse ses amants : avec une douceur infinie malgré la sensation de traîtrise qui m'anime … et que je balaye. « Constance a eu une idée merveilleuse et tu l'as appliqué avec brio. Bien sûr, je n'étais pas à la fête, mais … Je le sais. De ce fait ... Ne te fustige pas pour quelque chose dont tu n'es pas responsable. » Je prends garde à ne pas marcher sur le verre, me baissant même pour ramasser les quelques morceaux visibles pour ensuite les poser sur la table, avant de ... Simplement venir attraper sa main – celle ayant cognée contre le carreau. Je l'examine, soucieuse, continuant de lui répondre, mot pour mot, coup pour coup. « Je vais te dire ce que tu as fais. Je reprends, d'une voix douce, avant de l'élever crescendo, martelant chaque syllabe comme le tonnerre qui gronde en nous, passion enivrant mes sens. « Tu es coupable, Luis. Coupable d'avoir voulu donner de l'espoir à ces gens qui ne t'offrent rien de plus que des ennuis et des insomnies chroniques. Coupable de vouloir sauver cette ville de la perdition, coupable de désirer protéger ses habitants de tous les maux du monde. » Je lâche sa main, lentement, presque à regret, pour venir contre lui sans pour autant le toucher … Juste assez proche pour murmurer à son oreille le verdict d'un bourreau, juste assez pour qu'il sente la douceur de mon souffle lui offrir la cruelle vérité. « Coupable de nous aimer, certainement plus que nous ne t'aimons. »
Je reste ainsi quelque secondes. Je pourrais faire tant choses. L'embrasser. Me presser contre lui. Mais … Non. Non. Je me recule, sage, un sourire triste sur les lèvres, le regard brillant. Je me recule, pour prendre son visage dans mes mains, mes doigts effleurant sa peau. « Ce monde ne te mérite pas … Car malgré cela, tu continues de te battre pour nous. » Je secoue la tête, sans plus chercher à comprendre ses réelles motivations. Je passe mes doigts sur ses joues, son front, son nez, ses lèvres, mon sourire se fait quelque peu plus grand, retrouvant mon entrain, alors que mes yeux s'emplissent à leur tour de colère. « Ils paieront. Chaque vie prise. Chaque cri d'enfant. Ces maudits pirates paieront le prix pour leurs vols, je te le garantis. Personne ne s'attaque à cette ville sans en subir les conséquences. Mais il est encore trop tôt pour la guerre et le sang a déjà trop coulé ici … Et il y a plus important à faire que de se venger présentement. » J'inspire, doucement, avant de m'écarter pour de bon, ravalant ma propre hargne – bien que difficilement. « L'espoir que tu nous as insufflé est encore là, enfouit, comme le désir de revoir le soleil. Il faut que tu t'en serves. Transformer la colère et la peur qui t'animent en autre chose. Autre chose … de bien plus fort. » Je me retourne pour le contempler encore, avant de lui sourire franchement et même farouchement cette fois, revenant d'ailleurs vers lui pour pouvoir l'embrasser sur la joue. « Et je ne partirais pas d'ici tant que je ne verrais pas l'homme fort que tu es se relever, scintillant comme l'astre qui nous manque. » Et tu sais que si cela signifie camper dans cette pièce, je le ferais. Car tout ce que je désire véritablement, Luis, c'est te voir sourire à nouveau ... sincèrement.
Luis de la Nostra
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« Tu ne pouvais pas savoir ce qui allait se produire ce soir là. »Non ! Encore heureux que je ne pouvais pas le prévoir, car si tel avait été le cas, on m’aurait accusé de traître. D’assassin auprès des habitants de la cité, auprès de ces innombrables innocents qui malheureusement ne verront plus un lever de soleil – si celui-ci revient – ou un coucher. Rosemary se redresse, toujours présente même pendant les pires démons qui m’assaillent parfois et s’approche, impassible à ma colère sous-jacente.« Constance a eu une idée merveilleuse et tu l'as appliqué avec brio. Bien sûr, je n'étais pas à la fête, mais … Je le sais. De ce fait ... Ne te fustige pas pour quelque chose dont tu n'es pas responsable. »Mes mirettes tournent sur elle-même, je n’ai pas encore d’entendre ça. Je suis responsable, parce que je suis le Gouverneur. Mes faits et gestes seront toujours critiqués, encore plus lorsque la vie des autres est en péril. La donzelle soulève ma main pour vérifier qu’elle ne porte aucun stigmate de l’exclamation gestuelle de ma rage. « Je vais te dire ce que tu as fais. … Tu es coupable, Luis. Coupable d'avoir voulu donner de l'espoir à ces gens qui ne t'offrent rien de plus que des ennuis et des insomnies chroniques. Coupable de vouloir sauver cette ville de la perdition, coupable de désirer protéger ses habitants de tous les maux du monde. »Un simulacre de sourire déchire mon faciès assombri par les récents évènements. Quelle cruelle vérité ! Mes yeux ne quittent pas son visage, cette bouche que j’ai par tant de fois, recouvertes d’une kyrielle de baisers.« Coupable de nous aimer, certainement plus que nous ne t'aimons. »Je ferme les yeux, respirant son odeur et m’imprégnant de sa chaleur corporelle. Belle Rosemary, comme à chaque fois, tu trouves les morts justes et tu touches mon cœur par ta franchise. Il n’y a que toi pour parvenir à toucher là où la culpabilité ronge, souille et détruit tout – recouvrant la zone affectée par ton baume unique et réparateur. Je soupire doucement, ouvrant les yeux lorsque je te sens t’éloigner, te retirer. Reste, mon amie. Reste encore près de mon cœur, réchauffe-le par ta présence et ta chaleur.« Ce monde ne te mérite pas … Car malgré cela, tu continues de te battre pour nous. »Mon regard havane croise le sien et j’étire un sourire. « Si je ne le fais pas, qui le fera ? » Mes paumes viennent compresser délicatement la chair généreuse de ses hanches, gardant pourtant une distance entre nos corps comme si nous n’avions pas la permission de plus. « Ils paieront. Chaque vie prise. Chaque cri d'enfant. Ces maudits pirates paieront le prix pour leurs vols, je te le garantis. Personne ne s'attaque à cette ville sans en subir les conséquences. Mais il est encore trop tôt pour la guerre et le sang a déjà trop coulé ici … Et il y a plus important à faire que de se venger présentement. »
Elle a raison. Encore. Soulever les habitants pour une vendetta n’entraînera que la peine à nouveau, la mort encore et la culpabilité finira par me tuer. Elle s’éloigne, mes bras retombant le long de mon corps et je remue de la tête à ses paroles. Être plus fort encore. Je peux le faire. Je ne suis pas Gouverneur de la cité pour rien, ma place est ici et j’ai prouvé bien des fois que ce poste était fait pour moi et personne d’autre. Mais que faire ? Il est encore tôt pour y songer Luis, laisse-toi du temps et contente-toi de reprendre contenance pour affronter tes citoyens. « Et je ne partirais pas d'ici tant que je ne verrais pas l'homme fort que tu es se relever, scintillant comme l'astre qui nous manque. »J’attrape son poignée avant qu’elle ne s’éloigne à nouveau, un sourire sur mon faciès : « Merci Rosemary. Comme à chaque fois que tu as dû affronter les ténèbres qui m’assaillent, tu te munis d’une torche pour me montrer le chemin vers la lumière. » Je l’attire contre mon corps, emprisonnant ses hanches entre mes bras pour sentir son corps contre le mien. Cette simple pression suffit à contenter mon âme. J’ai besoin de Rosemary dans ma vie, c’est un fait. Constance est l’amour de ma vie, Eyah est la mère de ma petite fée et Rosemary… c’est mon âme sœur. Certaines personnes prétendent qu’on ne peut pas aimer plusieurs personnes à la fois et pourtant, j’en suis une preuve indéniable. Mon cœur s’ouvre si vite, si facilement… « Je ne serai pas l’homme que je suis sans toi, ma chère Rosy. » Je glisse une main sur sa joue avec un sourire, mes mirettes brillant d’une émotion et d’un sentiment silencieux, jamais avoué. « Ne m’abandonne jamais, belle sirène ! » Je soupire, ma paume glissant dans sa nuque pour l’inciter à rencontrer mes lèvres avides des siennes. Un simple baiser. Aucune fioriture. Je m’écarte, flattant une seconde fois sa joue avec douceur avant de retourner près des fauteuils pour me servir un nouveau verre – l’autre étant sur le sol et la table – et j’invite mon amie à me rejoindre. « As-tu conscience, ma chère Rosy, que si tu souhaites me revoir scintiller, tu vas devoir rester des jours dans cette demeure ? » J’étire un sourire, imaginant fort bien la belle matrone vivre dans mes quartiers. Je pourrais ainsi, à loisir, venir combler mes désirs masculins. Seulement, je sais qu’Eyah ne le supportera pas et Constance… comme j’aimerai savoir ce qu’elle en pense. Comme j’aimerai parfois qu’elle s’emporte ou me quitte, ça résoudrait bien des choses – même si ça me briserait. Lorsqu’on frappe à ma porte, je me retourne avec un léger sourire sur les lèvres, « entrez », sourire qui me quitte aussitôt lorsque l’hôte se présente dans la pièce.
Je ne veux plus le voir dans cet état. Se torturer ainsi, s’en prendre à lui-même alors que … Si son âme pleure, la mienne crie. Je crie en mon fort intérieur, pour lui, pour nous. Pour ces pertes désastreuses, pour toutes ces vies prises. Mais plus que tout, je hurle de le voir ainsi, détruit. Il est l’un des rares que je ne supporte pas de voir souffrir, comme Miläne, Raygon ou encore ce cher William Abbot. Mes mots, je les pense. Il n’y a pas de mensonges avec toi, tu le sais bien … Ah mon ami. J’ai tant peur pour toi. Pour ce coeur tendre qui bat dans ta poitrine, jumeau du mien. Cependant je respire à nouveau lorsque ta voix douce m’enveloppe à nouveau, et mon sourire se fait plus vrai qu’il ne l’était alors. Si tu ne le fais pas, Luis, je le ferais pour toi. Vanité excessive, il est vrai, mais encore une fois, je donnerais tout pour toi, dans la mesure du possible. Si je n’avais pas l’Excès … Non. Ne pas penser à tout cela. Je ne referais pas le monde ainsi.
« Si je ne le fais pas, qui le fera ? » Ma voix, douce, amusée, joueuse, reprend ses propres mots en réponse à sa phrase alors qu’il m’attrape le poignet en me prenant par surprise. Ces mots, susurrés, ne sont qu’effronterie et pure malice – je le défie, ouvertement, comme une enfant. Souris, ris mon Luis. Demain est un autre jour. Aujourd’hui, il te faut vivre. Je lâche néanmoins un couinement lorsqu’il me ramène à lui – surprise à nouveau, envieuse aussi. Mon ami, je vous en prie, restons sages – telle est ma silencieuse prière, car je sais que je ne pourrais pas résister. Je ferme d’ailleurs les yeux une seconde à son étreinte, respirant son odeur comme une droguée en manque, me pressant contre lui en réponse sans pouvoir m’en empêcher. J’aime tant cet homme, j’ai tant besoin de lui. Il est l’air qui emplit mes poumons, même si je ne peux m’empêcher de me sentir coupable – l’impression de le voler à Constance se renforce toujours un peu plus, et c’est la dernière chose que je souhaite. C’est bien pour cela que j’aimerais le fuir, mais par égoïsme je demeure. Le voir, le toucher … Quel bonheur ! Quelle horreur. « Ne dis pas cela. » je murmure, tandis que je le regarde, le dévorant presque des yeux. Je suis si faible, en réalité. Je souris tandis qu’il caresse ma joue, tournant d’ailleurs ma tête pour que je puisse embrasser cette paume tant aimée. J’aimerais parfois m’enfuir, fuir cette vie, avec lui. Mais cela ne restera qu’un beau rêve. « Jamais je ne le ferais, jamais je ne pourrais. Tu seras indéniablement celui qui me laissera tomber le premier. » Ces mots, les miens, sont aussi durs à prononcer qu’à entendre … Mais c’est là la pure vérité. Car lorsque Constance reviendra pleinement dans sa vie, il me faudra m’en aller, à moins que je ne puisse supporter de les voir heureux. Mais je suis égoïste, derrière mes élans généreux et c’est mon coeur qu’il me faudra penser à nouveau … Comme à l’époque, lorsque mon premier amour m’a abandonné. Toutefois, je resterais toujours dans l’ombre, à guetter. Je serais là quoi qu’il arrive, même si il ne me voit plus, prête à le remonter comme aujourd’hui. Masochiste ? Oui. Folle, aussi. Je souris tendrement, avant de répondre à son baiser, n’y tenant plus. Un baiser simple, mais tellement plus profond que les autres – un geste qui me marque une fois de plus, qui s’ancre dans mon coeur, me faisant intérieurement suffoquer. J’ai tant envie de plus, mais il me sauve en s’écartant de lui même pour se servir un nouveau verre.
Je reprends donc ma respiration, vérifiant de même si mon coeur va bien – tout du moins à peut près … même si je le sais depuis le début – cet homme aura ma vie. Je le rejoins par la suite, souriant, riante à ces mots flatteurs. « Tu ne pourrais pas me souffrir plus de trois jours, j’en ai peur ! » Vivre avec lui est un rêve supplémentaire que je dois continuer d’étouffer, tuer dans l’oeuf en silence. Il ne faut pas qu’il se réalise. Jamais. Car j’en crèverais de bonheur … mais il ne se remettrait pas de perdre Constance et je ne suis pas sa femme. Je ne le serais jamais – perspective qui me soulage grandement, à dire vrai. Car j’ai trop souffert. J’ai déjà peur qu’il me quitte – ce qu’il finira par faire un jour quoi qu’il en dise – si j’étais mariée à ce type … Mon dieu. J’en ris rien que d’y penser. Possessive et jalouse comme je suis, il n’aurait pas intérêt à aller voir ailleurs, pour commencer. Ah, Luis … Nous nous ressemblons tant … Trop, peut-être, par certains cotés. Par la suite, j’imite ses gestes, ravie de le voir sourire franchement de nouveau – prenant un verre, le portant à mes lèvres. La situation s’est calmée, bien que nous jouons, sans jamais nous avouer totalement – jeu trop dangereux pour notre salut et notre raison et nous devons rester adultes, malheureusement. Cependant … Cependant lorsque la porte résonne de coups je me tends à nouveau, et ce malgré mon sourire. Qui est-ce ? Pitié, pas Constance. Pitié, pas les enfants – je ne pourrais jamais soutenir leurs regards d’anges innocents. Eyah par contre … oh comme je sourirais, fière, la jaugeant de haut ! Quoi que cela dépendrait de la situation, mais rien que pour voir sa trogne défaite pour ma simple présence me ravie. Je reste à vrai dire tendue par la simple idée de le mettre lui dans la panade – il en a déjà pris trop dans la figure, je ne veux pas que de nouvelles rumeurs circulent à son sujet. Le protéger. Tel est la mission dans laquelle je me suis engagée, auprès de moi-même et Constance. C’est peut-être pour ça d’ailleurs, qu’un frisson me parcourt lorsque je vois son sourire disparaître en voyant l’hôte entrer et que mon propre visage se crispe quelques secondes, le temps de pouvoir reprendre contenance.
HRP:
Qu'est-ce que je dois dire, avec mon petit mois de retard, hein ? Ta réponse était parfaite et ce rp va me tuer. Par contre, comme je ne sais absolument pas ce que tu as prévu pour la suite, je te laisse gérer
Luis de la Nostra
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C’est ce minois mi-amusé, mi-rêveur qui m’a attiré la première fois. Une crinière d’or dans les ténèbres de la cité, elle étincelait à côté de toutes les autres catins. Quand je l’ai vu, je me suis demandé ce qu’elle faisait ici, pourquoi une si jolie jeune fille traînait dans un coin mal famé ? C’est quand elle a essayé de m’attirer que j’ai compris qu’elle était malheureusement, une vendeuse de charme. Si jeune, si belle, si lumineuse… Je me suis laissé tenter, à diverses reprises, plusieurs nuits, jusqu’à ce que j’apprenne sa grossesse. Puis, je l’ai ramené chez moi, là où elle ne serait plus contrainte d’écarter les cuisses pour gagner son pain. Je ne suis pas amoureux d’Eyah, mais je l’aime énormément. Non pas comme un père, ça serait trop malsain vu que je viens la visiter quelques fois, mais plutôt comme un amant qui tient beaucoup à sa maîtresse. Et surtout, elle est la mère de ma petite fée, ma petite pupille qui rend mes journées meilleures. Elle a une place de choix, protégée dans mon immense demeure avec un solde chaque mois pour ses achats personnels et la promesse d’une demeure à elle, d’un coffre d’or si jamais, Constance redevient mon épouse de toujours. Son avenir est fait, mêlant richesse et protection du Gouverneur. Mais, elle persiste pourtant à agir comme il ne faut pas, cherchant mon agacement et mon mécontentement. Cette jalousie malvenue, ce besoin de se faire remarquer et de s’imposer partout. Comme là, alors que je suis avec Rosemary dans mon bureau, c’est elle qui entre et nous regarde tous les deux. Je m’attends à une requête, une demande particulière qui me forcera à délaisser ma douce Rosemary. Mais non, c’est mon cœur qu’elle effleure en parlant de notre Leya : « Elle est tombée, elle te réclame Luis… » Évidemment qu’elle me réclame, elle veut le baiser magique. Je remue de la tête en me redressant, délaissant mon amie : « Je reviens dans quelques instants, tu m’attends ?! » Ce n’est pas une question, j’aimerai qu’elle m’attende. « Je vais lui tenir compagnie Luis, le temps que tu reviennes. » Je tourne la tête vers Eyah, est-ce elle qui vient de faire cette proposition ? Impossible ! Et pourtant vrai, elle étire un sourire en pénétrant dans la pièce avec cet air adorable qui a toujours su me faire fondre. Et je craque, évidemment : « Merci ma douce colombe. » Je viens déposer un baiser sur son front avant de quitter la pièce rapidement, c’est que ma petite fée me réclame et que pour cette petite, je suis prêt à me plier en dix.
Je l’entends couiner au bout du couloir où est sa chambre, quand ma petite puce a mal, elle veut que toute la cité le sache. Quelle comédienne ! Je pousse la porte, la trouvant sur son lit avec toutes ses poupées étalées autour d’elle. Une des servantes me sourit, certainement contente que je sois là pour stopper ces jérémiades qu’on peut qualifier d’agaçantes – qui tape sur le système même – et bruyantes. « Ma petite fée, alors … ? » Je m’assois sur le lit et aussitôt qu’elle me voit, elle cesse de pleurer pour venir sur mes genoux, me montrant la marque sur son front. Effectivement, elle va avoir une belle bosse, peut-être même un hématome, mais… rien de dramatique. « Mon dieu Leya… Mais, te voilà dévisager par cette vilaine bosse. Qu’allons-nous faire ? Où est Docteur Lapeluche ? » Elle éclate de rire, me montrant l’ourson en peluche avec un tablier blanc. Je l’attrape pour venir la placer devant le visage de ma fille, imitant une voix d’ours comme j’ai l’habitude de le faire : « Bonjour Mademoiselle Leya. Oh, que vois-je ? Une bosse… Que pouvons-nous faire ? » Leya regarde l’ourson avant de réclamer le bisou magique, celui qui efface tout, même les plus gros bobos. « Vous voulez le bisou magique de Monsieur votre père, ou du docteur ? » dis-je avec cette petite voix. « De mon papa ! » Je fais bouger et parler l’ourson, avant de le reposer sur le lit – malheur si on est brutal avec ses affaires – puis je viens prendre son visage en coupe : « Un bisou magique pour la plus belle des fées ! » J’embrasse doucement sa bosse, frôlant son front avec un sourire tendre. « Maintenant, est-ce que ça va aller ? » Elle hoche de la tête. « Tu me promets de ne pas courir, de ne pas aller là où tu sais que tu vas te faire mal ? » Nouveau hochement. « C’est qu’à force, tu vas épuiser papa avec les bisous, je vais devoir aller me remplir en magie. » Elle se met à rire et je la sers dans mes bras, baisant son crâne. « Allez ma fée, que dirais-tu si Gwen t’emmène dans le jardin pour nourrir les poules ? » Une idée qui l’enchante, elle qui adore les animaux. Je me tourne vers la servante qui hoche de la tête et je me lève, posant ma petite puce sur le sol. « A ce soir ? » Elle s’empresse d’aller prendre la main de Gwen et elles disparaissent. Je soupire. Aucun de mes deux fils n’a été si capricieux et comédien, il faut croire que ce trait de caractère vient de sa mère et… je n’en suis pas étonné.
Je fais marche arrière pour retourner dans mon bureau, là où m’attendent Rosy et Eyah. J’espère d’ailleurs que ces quelques instants n’ont pas été… sanglants. Je ne m’en remettrais pas si l’une des deux perdait quelques plumes, elles me sont précieuses. D’une manière différente. Je pousse la porte, elles sont debout l’une en face de l’autre comme si elles conversaient. Eyah me tourne un visage angélique avec ce regard et ce sourire, elle s’approche pour un baiser sur mes lèvres, me demandant pour notre fille. « Juste une petite blessure superficielle, elle est avec Gwen pour nourrir les poules. » Elle hoche de la tête et tourne son regard vers Rosemary pour la saluer, avant de sortir de la pièce. Et bien, quel changement de comportement ! J’étire un sourire avant de revenir vers ma douce amie, qui semble soudainement plus distante. « Un problème ? » Je fronce des sourcils à sa réponse, avant de lui proposer le fauteuil en face du mien. « Et si nous buvions ce que tu as rapporté et qu’ensuite, tu me dis enfin ce qu’il y a dans ce fameux panier que tu as près de toi ? » Je suis curieux, est-ce un cadeau pour moi ?
C’est elle. Elle qui, dans toute sa grâce hautaine, entre à petits pas, telle une reine. Et si la surprise glace ses traits une fraction de seconde, elle se reprend bien vite, un sourire doux étirant ses lèvres juvéniles. Toutes deux conquérantes dans l’âme, nous n’avions jamais pu nous entendre, malgré notre passé similaire. Catins étions-nous, c’est ce que nous resterions à jamais, car nous avions commis un crime si grand que nul ne pouvait sauver nos âmes. Il est vrai qu’avec tant de similitudes, il était étrange que nous ne parvenions à un lien positif. Cependant elle était trop avare de reconnaissance, bien plus que moi jadis, et le trône qu’elle convoitait aujourd’hui était déjà pris. Certes fissuré – une blessure que je m’efforçais pourtant de redresser avec force et amour – cependant elle y étendait déjà son ombre et l’idée même m’était intolérable. Car j’aimais Constance. Et si j’avais, il est vrai, de forts sentiments pour Luis … Jamais je ne chercherais à nuire à l’un ou à l’autre. Tout au contraire. Je préférais me sacrifier allègrement pour eux, pour qu’ils puissent honorer cet ancien serment prêter – gage d’amour ultime, union que serait pour toujours interdite à mon âme damnée. Je les enviais. Tellement. Et le fait qu’elle puisse tenter de détruire quelque chose d’aussi sacré et beau me révulsait de la tête au pied – tout dans son attitude me donnait la nausée, en réalité. Car dans ma paranoïa consciente, je l’entendais déjà minauder. Luis avait pourtant fait d’elle une véritable princesse, craquant, comme de nombreux autres avant lui, pour un visage poupin et angélique. Mais je pouvais le voir. Le sentir. Qu’importe ce qu’elle portait, son âme était à l’aune de la mienne : souillée de péchés que nulle richesse ne pourrait couvrir nos corps. Éradiquer les traces. L’absolution nous serait à jamais interdite, il était inutile de courir après par conséquent. Mais elle était reine, ici, il était vrai. Elle dominait le monde de la supercherie avec une extase non feint, tour habillement placée attendant son heure. Cela se voyait dans ses yeux maquillés, suintait par ses paroles tendres, et si je serrais les dents pour ne rien montrer, affichant un air neutre et poli, au fond de moi-même je fulminais. Jalouse ? Oui. Bien sûr. Mais pas que. Cependant, il aurait été déplacé d’émettre la moindre remarque maintenant à son égard. Pas quand un enfant était en jeu, pas quand Luis exultait de bonheur et d’inquiétude mêlée à la seule mention d’un nom si adorable. Leya. Je ferme les yeux une seconde, sachant pertinemment et bien avant que mon ami n’ouvre la bouche qu’il cèdera. Car ainsi est-il avec cette progéniture si douce, celle qui pense les blessures comme le temps peut en raccommoder d’autres, et elle-même le sait. Elle. Son serpent de mère. Oh quel jeu adroit, j’en applaudirais presque. Je me contente de sourire cependant à mon ami, hochant la tête à la remarque de cette perfide. « Bien sûr. Va mon ami. Ta princesse t’attend. » Je mets toutes la tendresse et l’amour dans mes propos, poussant ce grand homme à quitter la pièce, avant de fixer l’usurpatrice d’un regard aussi gelé que la nuit hivernale qui nous submerge. Oui. Pars, mon tendre, mon cher, mon Luis. Pitié, quitte cette pièce marquée par l’enfer, fuis loin de nous – loin de moi et ma colère, loin d’elle et de sa fierté. De mon coté je tiendrais parole, car si je suis venue sans y être invitée, j’ai encore des choses à te dire. Du moins est-ce là mon attention première. Je ne m’attendais à ce qu’elle rende les choses si compliqués.
« Ainsi, tu n’as pas pu t’en empêcher … Il fallait que tu reviennes. Il fallait que tu quémandes, comme les faibles. Ne vois-tu donc pas que Luis a plus important en tête que ton petit taulier ? » Elle se pavane, dans sa robe brodée, et ma mâchoire se serre. Si j’étais une chiffonnière, je me jetterais sur elle pour l’étrangler – car dire du mal de ma personne est une chose, médire sur la perfection qu’est l’Arum est les gens qui y travaillent, en revanche .... Mais non. Je ne suis rien de tout cela. Je ne le suis plus, du moins. Tout ce qui me reste à faire, pas conséquent, est de rester droite, campée sur mes jambes, et afficher mon plus beau sourire de garce préféré. « Ne confonds ton attitude et la mienne, très chère. Je ne suis là que parce que je me soucie de sa santé, l’Arum se porte comme un charme. » Je vois la colère passer dans ses yeux, identique à la mienne, grondant, enflant. Mais je suis plus forte à ce petit jeu. Elle devrait le savoir. Elle est comme un chiot tentant d’avoir l’autorité sur le maître. Pathétique. Risible. Stupide. « Sa santé va parfaitement bien, il irait même d’avantage mieux si tu ne lui polluait pas autant l’air … Nous ne faisons pas partie du même monde. Je ne comprends pas pourquoi tu t’obstines, Rosemary. Il ne sera jamais tien. C’est à moi qu’il appartient. » A ces mots dénués de sens, un rire rauque sort de ma gorge opaline, cynique, effroyable, grinçant. Le plus charmant reste qu’elle croit les inepties qu’elle me sort. Est-elle sérieuse ? Je dois me tenir le ventre tant la situation est risible. « Il est vrai qu’il semblait rayonner lorsque je suis entré dans la pièce. » Je lance, cynique, avant de reprendre, d’un ton plus doux, plus cruel. « Tu n’as décidément rien compris, Eyah. Luis n’est pas toi. Il ne le sera jamais. Il retournera vers Constance, ma chère. Tu n’es qu’une passade, tout comme moi – mais là est notre seul point commun car, vois-tu, je serais la plus heureuse des femmes lorsqu’enfin il quittera mes bras pour rejoindre ceux de sa légitime épouse. Cesse donc de rêver, tu ne seras jamais plus qu’une catin passée dans son lit, comme tant d’autres avant toi ! Si tu lui plaisais tant, crois-tu qu’il viendrait me voir ? » Et à ma réplique venimeuse, je la vois devenir cramoisie de rage, ses épaules s’affaissant, ses muscles se crispant. Quel effet cela fait-il, Eyah, que d’être prise à son propre jeu ? Ô que je savoure mes mots durs. Comme cela fait du bien de dire ainsi le fond de ma pensée à celle que je méprise ! « J’AI PORTE SON ENFANT ! » Son cri me fige pourtant, mes yeux s’écarquillant de surprise. En moi, je sens la morsure gelé du froid, tandis que son regard étincelle d’une lueur mauvaise et qu’elle se redresse, prête à me foudroyer de nouveau – car de toute évidence, je l’ai sous estimée. C’est plus doucement qu’elle reprend par la suite, sans me laisser le temps de répliquer, s’avançant d’un pas vers moi, victorieuse à présent que je serre les poings un peu plus. « J’ai porté son enfant, sa fille, sa douce, son étoile. J’ai fait ce que tu ne pourras jamais faire et ce que Constance est à présent trop faible pour recommencer. Je suis une reine en puissance. TU ne seras jamais rien de plus qu’une passade, ma chère … » Et ses lèvres se fendent d’un sourire cruel, ses yeux riant de la gifle qu’elle vient de m’offrir. Car elle dit vrai. Je ne suis pas capable d’avoir d’enfants. Tout du moins incapable d’en garder, jusqu’à présent – pas que cela ne me déplaise par ailleurs, puisqu’avec mon métier, je préfère autant ne pas donner vie. Cependant, cela n’enlève rien à l’horreur de la situation, lui offrant, au contraire, une tournure plus tragique. Monstrueuse. Angoissante. Je n’aurais jamais d’enfant. Une hantise qui, malgré tout ce que je peux bien dire, me ronge de l’intérieur depuis de nombreuses années – blessure à vif tenue secrète de tous. Mais Eyah est mère, elle n’est donc pas dupe. Et je le soupçonne d’avoir usé de ces mots comme de son dernier poignard à disposition. Qu’importe à présent. Elle a fait mouche. Et cela fait bien plus mal que je ne veux bien l’avouer. « Cela ne change rien à la donne. Je resterais tant qu’il m’ordonnera de rester. » Je murmure ces mots, me remettant tant bien que mal du coup de poing qui vient de me cueillir, mes entrailles se tordant encore de douleur rien qu’à l’idée de perdre une énième étincelle de vie.
Heureusement, c’est à ce moment que des pas se font entendre, plus proches. Je la regarde se métamorphoser en douce créature docile, tandis que je m’avance pour m’appuyer sur le dossier d’une chaise, me redressant et cachant ma douleur, mon désarroi, au même titre qu’elle cache le plaisir évident de me voir souffrir autant. La porte s’ouvre sur celui que nous convoitons toutes deux et chacun de nous lui offre un sourire léger et factice. « Luis. Rien de grave j’espère ? » Si ma voix est quelque peu chevrotante, mes espoirs sont, cependant, sincères. Je ne suis pas comme Eyah. Je ne mettrais jamais d’enfant au milieu d’un conflit si abjecte comme elle peut prendre le malin plaisir de le faire. Je souffle cependant, rassurée aux paroles de mon ami. Parfait. Cela ne signifie qu’une chose : qu’elle n’a plus rien à faire ici à présent. Je lui rends son salut avec autant de chaleur que possible – et dieu qu’il est dur de feindre à présent la moindre politesse envers elle – mon âme s’allégeant d’un poids considérable lorsqu’enfin elle passe la porte pour disparaître. Je prends d’ailleurs le luxe de fermer les yeux une seconde, lèvres serrées, sentant mon cœur implosé de douleur. Non. Non, pas maintenant. Surtout ne pas craquer. Rosemary. Reprends toi ! « Un problème ? » Je rouvre les paupières pour fixer l’homme que j’aime plus que tout et qui m’est à jamais interdit. L’inquiétude perce à présent ses prunelles qui semblaient encore si joyeuses il y un instant. Oh, Eyah, maudite sois-tu pour ça ! Je me force à sourire bien que le cœur n’y soit pas. N’y sois plus. Je suis en train de perdre la face et je ne veux pas qu’il me voit comme ça. Pas maintenant. Jamais. « Je suis désolée, Luis. Il va me falloir m’en aller. J’ai beaucoup à faire à l’Arum et … tu sembles aller mieux. Mon travail ici est terminé. » Pathétique excuse, pitoyable fuite. Je lui offre malgré tout un sourire, et c’est avec lenteur que je m’avance pour venir l’embrasser sur le front – un peu plus longtemps que le ne veut la bienséance. Qu’importe. Nous sommes seuls de nouveau, à présent, et je m’éloigne à nouveau pour le contempler, tristement. « Je te laisse le soin de découvrir ce qui se cache dans ce panier surprise. Tu viendrais me dire si tu as aimé ou … je repasserais plus tard, mais pas avant … tard ce soir. » J’observe son visage, lui demandant pardon pour tant de lâcheté, mais il me faut quitter cet endroit au plus vite … avant de perdre le peu de réelle dignité que je possède et m’effondrer en larmes devant lui, comme une enfant perdue. « Prends soin de toi, veux-tu ? » Je me recule encore, avant de rattraper mon châle et le mettre autour de mes épaules. Puis c’est sans un regard ni une explication que je prends la sortie, claudiquant vers la sortie à cause ma blessure, n’y pensant toutefois plus devant celle qui balafre à présent mon cœur. Oui. Prends soin de toi et ne la laisse pas t’embobiner à nouveau. Je t’en supplie Luis. Je t’en supplie.
Spoiler:
Je suis désolée pour le retard. J'espère avoir joué correctement Eyah, et du coup, que ça te plaira un minimum Plein de bisous sur toi !