J’étais complètement perdue. D’un côté on m’a toujours menti et pousser à être la jeune femme parfaite pour atteindre les sommets et de l’autre on me demande de comploter dans le dos de mon meilleur ami, même si tout le monde sait que je veux être sa femme un jour. Je me battais contre moi-même. J’étais torturée par l’idée que j’avais à moitié accepté l’offre et le fait que je ne jouerais pas un jeu. Mon amour pour lui était tout ce qu’il y avait de réel.
«Mais c’Est pourtant si simple Amina! Tu l’aimes c’est tout! Qu’il le remarque devrait te réjouir!» dis-je à voix haute avant de faire exploser des reliques humaines en verre. Ça faisait du bien. Ça défoulait. Plus j’en lançais, plus je voulais le refaire encore et encore. C’était toute cette colère, cette crainte, cette torture qui sortait en même temps. Je me sentais puissante face à ces objets si fragiles. Pour une fois, ce n’était pas moi la petite chose fragile qu’il ne faut pas casser. Personne n’osait m’approcher de peur que je leur lance un de ces jouets coupants. C’était le bonheur de pouvoir enfin agir de manière non-acceptable. J’aurais des ennuis, mais pour le moment je m’en foutais. «Tu devrais avoir honte de faire peur à tous ces pauvres citoyens.» Dis-je en riant aux éclats. Je ne contrôlais plus mes émotions. Tout partait en vrille. Je vis quelqu’un à quelques mètres de moi qui me regardais d’un air intrigué. Je me retournai vers cette personne et lui dit tout bonnement : «Vous cherchez quelque chose peut-être? Ou peut-être était-ce à vous?» Cette personne était blonde et plus âgée que moi. Je ne savais pas pourquoi je m’attardais à son visage. Je me forçai à casser des trucs pour oublier cette chose étrange qui m’oppressait la poitrine. Je m’assis dans le fond de la place sur ma queue pour continuer de casser les reliques, du moins casser les petits morceaux en plus petits morceau jusqu’à ce qu’ils deviennent que du sable entre mes doigts. Mes doigts saignaient légèrement, mais cela guérirait bientôt. Voyant que j’attirais encore l’attention je dis : «Vous avez apprécié le spectacle? Autre représentation dans une heure.» Je respirais fortement pour essayer de reprendre mes esprits. Mes mains tremblaient, mes jambes tremblaient. Trop de choses accumulées avaient fait en sorte que je disjoncte… et je ne voulais surtout pas nuire à la réputation que j’avais ni briser la confiance que le roi me portait. J’étais dans les beaux draps, le cas était de le dire!
La douce ironie que je redécouvre aujourd'hui. Si je passe mon temps à le tuer pour fuir la routine et ne pas risquer de m'ennuyer, il est évident que cette rengaine devient elle même et irrémédiablement... une routine. Cercle vicieux, escalade stupide menant droit à... je vous le donne en mille.. l'ennui. Formidable, n'est ce pas, comme on peut se retrouver pris à son propre jeu et se mettre à chercher toujours plus pour ne jamais tourner en rond. Il me faut de l’imprévu, quelque chose de nouveau, d’inattendu. Et vite. Avant qu'il ne me prenne l'envie de faire une connerie.
Et quel endroit peut à coup sur vous procurer ce genre de chose ? Une place bondée d'inconnus parmi lesquels il y en aura toujours un ou une pour faire quelque chose de surprenant. De ce coté ci, la foule semble s'amasser en un large cercle autour d'une créature hystérique. Qu'est ce que je disais. La curiosité. La curiosité est le meilleur allié de quelqu'un qui comme moi a besoin de renouveau perpétuel. Et c'est elle qui me pousse à me rapprocher pour jeter un œil à la délicieuse enfant en proie à... à dire vrai je ne saurais déterminer quelle émotion prédomine chez elle et la pousse à se donner en spectacle. Elle semble en colère, perdue, désemparée, amoureuse ? Si on en croit ses propos décousus du moins. Diantre ! Que voilà une proie parfaite. Un pauvre cœur brisé à consoler. Ceux là sont presque trop simples à conquérir...
Ainsi je suis prêt à passer mon chemin, refusant de m'abaisser à un challenge si aisé quand elle m'interpelle. Hooo voici qui change la donne. Trop de colère. Ce ne sera peut être pas si facile que ça après tout. Peut être me donnera elle du fil à retordre. Et je reste là, bras croisés, à la regarder poursuivre son massacre. Elle est folle ma parole, elle est en train de se blesser à force de s'acharner sur les restes de son carnage. Oui décidément, elle peut être un défi à ma mesure.
A nouveau, elle relève la tête vers moi pour me servir une pique toute aussi agressive que la première. J'arque simplement un sourcil avant d'entrer en jeu. Me penchant sur elle, je lui prends doucement les mains. Elle tremble encore de toute cette rage qui l'animait tantôt. Du pouce, j'effleure une des coupures dans sa paume. « Dans une heure hein ? Je doute que vous puissiez recommencer dans si peu de temps. Laissez au moins à ces mains le temps de s'en remettre. D'autant qu'il me semble qu'elles ont bien mérité un peu de répit. Après tout, nul ne peut contester votre victoire. Quoi que ces choses vous aient fait, vous leur avez fait chèrement payer. »
Mon petit sourire charmeur, mon regard compatissant, un mouvement de plus du pouce. Étape numéro un : la calmer tout en l'incitant à me faire confiance. Et si je peux la faire sourire au passage, c'est du bonus.
Je savais que j’avais dérapé. J’avais débordé. Dépassée les bornes. Mais j’avais eu besoin d’évacuer tout cela et c’était la seule façon que j’avais trouvée. Mes jambes tremblaient, mes mains tremblaient et elles étaient blessées. Je les avais meurtris avec ces reliques. Je les avais malmenées pour enfin ressentir quelque chose de réel et de fort. Quelque chose qui me permettait de resituer dans le moment présent. Un homme vint tout près de moi et regarda mes mains. Il avait cet air satisfait et enjôleur.
«Dans une heure hein ? Je doute que vous puissiez recommencer dans si peu de temps. Laissez au moins à ces mains le temps de s'en remettre. D'autant qu'il me semble qu'elles ont bien mérité un peu de répit. Après tout, nul ne peut contester votre victoire. Quoi que ces choses vous aient fait, vous leur avez fait chèrement payer.»
Mon regard se jeta sur tous ces objets que j’avais fracassés. Ils étaient bel et bien dans un piètre état. Cet homme ce faisait si poli. Il réussit à me faire sourire. Mais aussitôt mon sourire apparu, aussitôt disparue. Mon sarcasme reprit le dessus.
«En quoi mes mains vous intéressent-t-elles? Vous ne me connaissez pas et vous devriez rester avec ces pauvres gens. Je suis… violente ces temps-ci… Vous en avez bien eu la preuve non?!»
Je n’avais pas envie de parler ni encore moins être en présence d’un homme. Je ne voulais pas en faire plus pour bousiller ma réputation. En même temps, il était intriguant à sa façon et je ne comprenais toujours pas pourquoi. Je pouvais bien essayer de le découvrir tout en me laissant fermé. Je regardais mes mains de nouveau. Elles n’étaient pas belles du tout.
«Elles vont guérir, ça ira! Non mais pourquoi les hommes sont si compliqué?! Ils se jouent dans le dos au nom des lois, ils t’aiment puis ne savent plus trop… ils t’éduquent pour que tu deviennes X personnes… et ils ne sont fiers que si tu réponds à leurs attentes! Ils sont comme ces objets, fracassants et un casse-tête! Vous êtes lequel des trois types? Dites-moi? Moi j’opte pour le charmeur ou celui qui s’en fou… Je ne sais pas lequel vous donner encore. Ou encore êtes-vous le type bon samaritain? »
J’y étais peut-être allé un peu fort. Je n’avais pas utilisé mon ton doux habituel, mais plutôt un rempli de sarcasme et du léger mépris. Peut-être que ce gentilhomme ne voulait que m’aider. Il ne semblait en rien menaçant, mais pourtant je ressentais le besoin d’être si amer. Je respirai un bon coup et le regarda dans les yeux. Je crois que la passe massacre était terminé.
«Au fond, vous avez raison… Ils ont perdu ces pauvres objets. Pas besoin de faire un autre massacre. De toute façon c’est ennuyant. »
Serait-ce un sourire ? Même s'il s'efface rapidement je suis sur que c'en est un. Un point pour moi. Seulement elle repart rapidement dans l'agressivité, comme si ça pouvait me décourager. Elle a tout faux, c’est tout l'effet inverse qu'elle risque d'obtenir si elle persiste à vouloir jouer les tigresses en colère. Alors je ne lâche pas ses mains tout de suite, pas en sursautant ou en tremblant de peur ou quoi que ce soit dans ce goût là comme elle aurait put s'y attendre. Je continue de lui sourire, les lâchant doucement sans quitter ses prunelles des yeux. Il y a décidément trop de rage et de désespoir dans ce regard pour que je me décide à abdiquer si vite. Et serais-ce du remord que je peux y lire à présent ? Des regrets, envers ces pauvres choses qu'elle a massacrées ? Non... elle réalise seulement l’étendue des dégâts, c'est tout.
Tout comme elle réalise qu'elle s’est bien amochée quand elle pose les yeux sur ses paumes. Ça ira qu'elle dit. Bien sur que ça ira, ce ne sont que quelques coupures. Mais je n'ai pas le temps de jouer la carte rassurante qu'elle enchaîne sur un sujet surprenant. Quoi qu'à bien y réfléchir, si c'est un chagrin d'amour qui la met dans cet état, sa question, enfin son raisonnement est plutôt cohérent. Quoi que j'arque un sourcil à l’énumération des différents types d'hommes d’après ses dires. Elle en oublie un. Celui dont faisait parti le beau salaud qui avait brisé le mien, de cœur, à l'époque où j'en avait un. La même catégorie à laquelle j'appartiens aujourd'hui. Celle qui combine les deux premiers groupes qu'elle évoque en quelque chose de bien pire. Les charmeurs qui se foutent des dégâts qu'ils causent.
L'idée de jouer les bon Samaritain pour continuer à l'amadouer ne me déplaît pas. C'est un peu comme jouer une pièce de théâtre, mettre toutes mes tripes dans le personnage et en guise de fleur lancées sur scène par le public à la fin, repartir avec elle. Elle est pas belle la vie ? Et moi qui voulais tromper mon ennui, si je dois enfiler la peau d'un autre pour l'avoir, je sens que les choses vont être distrayantes. Mais les vrais héros ne s'en vantent pas sur les toits. « Ni les uns ni les autres. Simplement un passant qui ne supporte pas de vous voir vous mettre dans cet état. » J'en fais des caisses encore vous allez dire. Mais il faut ce qu'il faut. Et jusqu'ici, ça fonctionne plutôt bien non ?
Puis elle reviens sur ce qu'elle a fait, allant dans mon sens. Elle a gagné contre un lot de babioles enragées, hourra pour le vainqueur ! En revanche, elle prononce une phrase qui fait faire un petit bond de sardine à mon cœur. « De toutes façon c’est ennuyant. » Diantre. Elle ne pouvait pas trouver meilleur sujet à m'offrir que celui ci. « Ennuyant dites-vous ? C'est peut être ça votre problème. Quoi qu'il ai pu se passer pour que vous soyez dans une telle colère, il vous faut vous occuper l'esprit. Et au plus vite. » Je me redresse un peu, recule d'un rapide petit coup de nageoire et lui tends un main, comme une invitation. « Dites moi ce que vous voulez faire, n'importe quoi. Je vous aiderais à tuer votre ennui. » Et vous à tromper le mien quand vous serrez conquise. Mais ça.. je me garde de le lui dire. C'est qu'il ne faudrait pas lui gâcher le suspens à la délicieuse furie à demi apaisée.
« Ni les uns ni les autres. Simplement un passant qui ne supporte pas de vous voir vous mettre dans cet état. »
«Non mais vous vous entendez? Ne me dites pas que vous êtes un sensible qui ne supporte pas de voir la douleur?»
J’avais un ton un peu amer du style, mais pourquoi il se soucie de moi? Je n’avais pas vraiment le goût de papoter avec quelqu’un surtout pas avec un mec surement plus que le double de mon âge réel. Bon d’accord sur la terre ferme, je n’étais plus une enfant, mais 22 ans d’âge physique… c’était jeune tout de même. Quoi qu’il en soit, mon regard en disait long, je ne voulais pas parler, je ne voulais être en compagnie de personne. Mais mon ton s’adoucie, car je sais que ce n’était pas moi cette personne là et que je devais redevenir un semblant moi-même. C’était pour cela que j’avais dit que c’était ennuyant. Bien évidemment, il n’allait pas s’arrêter là! Il était déterminé à me faire sortir de là et à me changer les idées.
«Plutôt me vider l’esprit! Mais d’accord j’embarque. Seulement, nous allons faire ce que vous jugez pertinent de faire, parce qu’une jeune fille bien élevée comme moi ne fait en général rien de bien intéressant. »
Oui, on m’avait élevée dans la perspective de devenir une femme qui avait de la classe, du style et de bonnes manières. Ils avaient fait défaut sur mon niveau d’élocution puisque je parlais trop, mais au moins, ils avaient réussis à faire de moi quelqu’un de bien. C’était pourquoi je ne sortais pas beaucoup et que j’allais que très rarement sur la terre ferme. Je n’étais en aucun cas hautaine, mais avec cet homme, j’avais l’impression de devoir prouver quelque chose d’où le fait que j’étais plutôt arrogante. Je ne pouvais toutefois pas m’empêcher d’être un peu emballée, il était temps que je me libère de toutes ces obligations, le temps d’une seule nuit.
«Alors! On fait quoi?! Vous n’allez tout de même pas me faire enfreindre la loi si? Parce que je ne ferai rien contre celle-ci! Je ne peux pas me le permettre.»
Je ne voulais pas tout gâcher mon avenir simplement pour avoir une nuit amusante. Je ne voulais pas mettre mon futur en péril. Bien qu’il soit de belle apparence, je ne pouvais me laisser complètement aller avec lui. Je pouvais tout de même m’amuser et faire des folies pour une seule fois dans ma vie.
«Amina, au fait! J’ai fait faux bond à mes manières. Prénom italien il parait. En fait, je n’en sais rien. Alors um… et toi? Ne me dis pas que ton nom à un rapport avec la famille royale!? OU dites-moi que vous n’êtes pas un membre de ma famille?!»
Je n’étais pas en état de jongler avec un autre membre de près de la famille royale ni un membre de ma famille dont je n’avais aucune connaissance. J’avais besoin de distraction en dehors d’eux. J’avais besoin d’être une jeune femme comme une autre. J’avais besoin de rire, d’être quelqu’un d’autre.
«Et si on disait que je m’appelles Akila et si nous allions là où personne ne pourrait me connaitre?! Une escapade d’aventure peut-être? Ce soir, je ne serai pas Amina!»
Tuer l'ennui c'est ma spécialité. J'en ai fait le but même de mon existence. Alors si elle veut que je lui trouve de quoi l'occuper.. elle va être servie. Elle me laisse le choix qui plus est, enfin elle veut quelque chose de pertinent. Oooh j'aurais bien une idée mais ce serait trop facile. Et maintenant que j'ai commencé à jouer les chevalier servants je ne vais pas changer de registre et lui faire la moindre proposition indécente d'entrée de jeu. Ce serait gâcher le plaisir n'est ce pas ? Et ce serait surtout essuyer un refus plus que probable. Non. Je peux trouver mieux que ça voyons. Faire un peu travailler son imagination ça n'a jamais fait de mal à personne.
Sa seule contrainte, c'est de rester dans les occupations légales. Dommage, lui apprendre à vider quelques poches aurait put être amusant. Quoi que mes petits trucs et astuces, je les garde pour moi. Si je filais mes tuyaux à tout le monde, ça serait comme scier la branche sur laquelle je suis assis et je suis pas aussi stupide. Et puis qui me dit qu’elle irait pas me balancer aux autorités ? Allons Aël.. réfléchis.. il doit bien y avoir quelque chose. Je vais trouver... hum ? Elle se présente. Mince, moi qui comptais sur la carte de l’inconnu pour ajouter un peu de piment et de mystère à tout ça, c'est rappé. Quoi qu’elle me donne une idée. « Un pseudonyme hein ? Ça me va. Vous n'aurez qu'à m'appeler Shaqti dans ce cas. Venez miss Akila, soyons n'importe qui et allons faire n'importe quoi. » Parfait. Tout simplement parfait. Elle m'offre tout ce dont j'ai besoin sur un plateau d'argent.
Elle veut quelque chose qui la sorte de sa dépression ? Qui lui fasse oublier son chagrin ? Qui soit un peu une aventure ? Qu'à cela ne tienne. Je lui tends la main pour l’inciter à la prendre pour me suivre et nous voilà partis. La surface, voilà notre destination. La musique, voilà ce qui touche sans grand peine le cœur des femmes. De la plupart d'entre elles du moins. Les romantiques... beurk. Mais elle semble en être et puisqu'elles sont les plus faciles à berner.. allons y pour une soirée dans une taverne quelconque, pourvu qu'il y ai un accordéon et un violon. Les marins, ça ne sait jouer que ça de toutes façons, et puis ça suffira bien pour la faire valser. Ça aussi ça marche bien dans ces cas là.
Il ne nous a pas fallut bien longtemps pour trouver l'endroit idéal. L'imbécile derrière son instrument se débrouille comme un manche et le son que la pauvre chose émet me fait grincer des dents mais le rythme est entraînant et quelques idiots sont déjà en train de battre le rythme sur le plancher. « M'accorderez vous cette danse.. miss Akila ? » Un petit clin d’œil complice et tout à fait innocent, si si promis, et le tour est joué. Il n'est n'est ce pas ? Elle ne va pas me refuser ça ? C'est elle qui voulait une aventure, quelque chose qui la change de sa routine morose, non ?
«Shaqti? Ça vient d’où ce pseudonyme? Il ne fait pas un peu indien? Ou Dieu et Déesse méconnus? » Lui répondis-je avant de pouffer de rire.
Bon bien que je ne le connaissais pas, il arrivait à me faire rire, alors je devais lui donner du crédit. Puis bon, il n’était pas le pire homme de l’océan et il semblait déterminé à me faire sortir de ma morosité. Autant en profiter pour une fois. C’est en prenant sa main que je lui répondis :
«Alors c’est parti! Shaqti, je vous suis.»
Il était encore difficile de perdre mes manières, mais moi aussi j’étais déterminée à être quelqu’un d’autre. Je n’allais pratiquement jamais à la surface et vu la direction que l’on prenait et le fait que nous remontions vers la surface de l’eau, j’en avais déduit que nous allions sur la terre ferme. Qu’allais dire Malech ou mon grand-père? Ils ne m’en voudraient pas de passer une petite soirée en compagnie des humains simplement pour être une jeune fille normale si? Ils ne le sauraient pas de toute manière, je n’étais pas comme Égéon à devoir semer les gardes. J’avais une liberté contrainte, mais une petite liberté tout de même. Alors, j’allais oublier ma vie ce soir et devenir Akila, une jeune femme ordinaire, pleine de fougue avec aucune responsabilité. Reprendre une forme avec des jambes c’était électrisant. J’étais un peu maladroite sur mes deux cannes, mais je marchais très bien.
«Um… Je ne suis pas vêtue pour sortir! Je vous rappelle que l’on sort de l’eau…Il n’y aurait pas une boutique proche où je pourrais faire des achats? Akila a besoin de se vêtir selon sa nouvelle vie.»
En marchant, je m’arrêtai devant une boutique de linge qui semblait selon les mannequins en feutre ou plastique à travers la vitre vendre des petites robes charmantes. Je lui fis un geste de m’attendre quelques minutes. Je pénétrai à l’intérieur en me dirigeant vers les plus belles. J’en pris une petite noire, avec un décolleté plongeant. Il fallait bien que je montre mes courbes un peu. J’arrachai l’étiquette, pris une paire de souliers à talons hauts noirs et payai le tout. Je sortis avec un petit sourire en tournant sur moi-même.
«Pas mal pour ma nouvelle identité! N’est-ce pas?»
Je continuais de sourire tout en le suivant dans les rues. Je n’avais jamais été dans cette partie de l’île, mais cela me semblait bien amusant. Nous avions trouvé un petit bar coquet où un joueur d’accordéon jouait un rythme enflammé. Je crois avoir entendu dire un marin que c’était un rigodon ou la danse endiablée. Dans tous les cas, je ne connaissais pas la référence. Puis, Shaqti me demanda de danser avec lui. Je commençai à rire tout en pouffant de rire de nouveau.
«Je m’excuse d’avance si je suis mauvaise… Vos pieds risquent d’en souffrir.»
Il m’entraina dans la danse et j’essayais de maintenir le rythme. Je ne pensais pas que cela serait si difficile. Puis, je vis une serveuse venir avec des plateaux d’un certain liquide… J’en pris deux et le tendis à ce gentil homme en lui faisant une signe de ''trinquage''.
«À notre nouvelle vie! À la tienne.»
Pwah! Il était fort ce liquide. Il me brulait la gorge et on voyait à mon visage crispé par une grimace mon inexpérience en la matière. Mais Dieu que j’aimais son effet. Je continuai de danser jusqu’à ce que la musique s’arrête. Il devait avoir terminé sa chanson. Je me tournai vers mon inconnu et lui souris.
«Je vais aller chercher d’autres verres de ce truc! Oh et si je prenais la bouteille?» Dis-je avant de me diriger vers le comptoir et commander à la serveuse cette fameuse bouteille.
Je revins avec celle-ci débouchée et me servant à même la bouteille. C’était… Wow… J’étais peut-être un peu réchauffée… Mon corps ne devait pas tenir à eum… Rhum, je crois que c’était ce que la serveuse avait dit. Peu importe ce que c’était, j’étais dégênée et plutôt extravertie. Pourtant, ce n’était pas ce que j’étais normalement. Ce devait être un des effets secondaire de cette boisson du diable. «Vous en voulez?»
Mes pieds risquent d'en souffrir qu’elle dit ! Et alors ? Que feriez vous à ma place ? Vous la planteriez là en abandonnant la partie, adieu veaux, vaches, cochons, couvées, tout ça par peur de vous faire marcher sur les pieds par une partenaire de danse débutante ? Pas moi. Alors je me lance avec elle dans cette danse endiablée, juste ce qu'il faut pour lui faire tourner la tête, lui faire oublier tout le reste. La soirée commence bien, très bien même. Jusqu'à ce qu'elle attrape deux verres de rhum. Bah de toutes façons, je comptais bien que ça me coûte quelques pièce, cette affaire, on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs. Je la laisse faire, glissant juste ce que je pense être un montant honnête sur le plateau à la place des verres qu’elle y a pris. Honnête... ce mot m’étonnera toujours.. enfin passons.
Elle lève son verre et je trinque avec elle. « À Akila et Shaqti et à cette soirée qui n'appartient qu'à eux ! » Shaqti.. elle m'a demandé ce que ça signifiait quand je me suis présenté par ce pseudonyme. J'en ai pas la moindre idée moi même, ça m'était venu commença, mais est-ce vraiment important ? Demain je serais de nouveau moi même et elle, elle ignorera à qui elle a eu à faire, c'est tout ce qui compte. Demain.. ou après demain... je suis pas à un jour prés, et après une mise en scène pareille, il se peu que j'ai envie de savourer ma victoire comme il se doit. D'autant qu'elle est plus séduisante que jamais dans cette robe. Moi qui me suis contenté de la tenue que je garde dans l'un de mes repères... Mais elle ne semble pas en tenir compte alors pourquoi devrais je m'en soucier ? Nous buvons puis nous dansons encore. Et encore. Jusqu'à ce que la pauvre chose qui sert d'instrument à l'autre andouille ai finit de couiner.
Il s’avère que le rhum... ça lui plaît. Elle en redemande. Soit, vas y joli cœur en peine, fait couler l'alcool à flot, tu n'en sera que plus facile à séduire ! Une pleine bouteille, voilà ce qu'elle me ramène. Ne disait-elle pas être d'un milieu plutôt bourgeois ou quelque chose dans ce goût là ? Du moins Amina l'était, Akila quant à elle, semble se laisser griser par la liqueur ambrée et la voilà qui tangue quelque peu, le regard pétillant, laissant tout ce qui lui restait de bonnes manières ou presque au vestiaire. Mais c'est qu’elle va me gâcher le plaisir de ce petit jeu ! Un peu d'alcool c'est une aide, trop c'est de la triche. La preuve en est qu’après l'avoir accompagnée d'un verre ou deux moi même, je m'assieds et je la prends par les hanches pour l'asseoir en travers de mes cuisses et qu'elle ne me repousse pas bien qu'elle vire au rouge écarlate. Ha un peu de conscience qui refait surface malgré l'alcool, il était temps. Mais trop tard, elle est déjà mure à point.
Si j'osais... encore une dernière carte à claquer pour être sur de ne pas dormir seul ce soir.. J’enfouis mon nez dans ses boucles blondes, savourant son odeur, ma main toujours ancrée à sa hanche. Pour qui vous me prenez ? Une étape à la fois, si on se met à avoir les mains baladeuses trop tôt, c'est foutu, et puis je sais me tenir. Le but du jeu est de la séduire, pas de la forcer à quoi que ce soit. C'est tellement plus gratifiant si c'est elle qui pense avoir l'initiative. C'est dans cette optique que je lui glisse à l'oreille de ma voix la plus mielleuse « Il est bien stupide l'homme qui vous a brisé le cœur. Car stupide il faut l'être pour laisser filer une femme comme vous. » Je cale mon front contre sa tempe, presque innocemment, je fais mine d’hésiter. Puis je dépose un bécot faussement timide sur sa joue avant de reculer comme honteux et de reporter mon attention sur mon verre. Mordra.. mordra pas... ?
Je m’étais fait belle à l’occasion de cette sortie. Je pouvais enfin profiter de quelque chose et m’en donner à cœur joie. Je n’étais plus Amina ce soir, alors je pouvais me laisser griser par cette danse endiablée. Ce rythme se laissait aller à l’intérieur de moi, ce son, cette musique bruyante et sans harmonie. J’allais fêter cette escapade d’Aventure jusqu’au petit matin. C’était électrisant ce liquide brunâtre qui coulait au fond de ma gorge. Bien qu’il fût dégoutant aux premiers abords, Il me faisait sentir bien. Il me faisait sentir invincible tout en me faisant tituber. J’allais trinquer à ma nouvelle identité, à cet endroit où personne ne pouvait me reconnaitre. Tellement énergisée par ce liquide, je décidai d’aller en chercher une bouteille pleine. J’avais oublié mes bonnes manières, je n’étais plus cette jeune fille bien élevée de la bourgeoisie, mais bien Akila, la fonceuse et l’aventureuse. Shaqti et Akila allait faire tourner des têtes. Bien rapidement, l’alcool faisait son chemin et je me sentais dévergondée et extravertie. Je me retrouvai même assise entre ses cuisses. Un élan de conscience fit son apparition et mes joues s’enflammèrent. J’étais d’un joli rose écarlate. Mais pourtant je n’en pris pas compte et décidai de passer outre. Il était séduisant et il m’attirait bizarrement. Il était certes plus vieux que moi, mais cela ne lui enlevait rien du tout. Ma tête continuait de se balancer comme si une musique continuait de jouer dans mes oreilles. Puis je m’arrêtai net lorsque j’entendis sa voix mélodieuse au creu de l’une d’elle. Il avait raison, il m’avait brisé le cœur et il était con… Mais pourquoi donc m’avait-il brisé le cœur? Ah oui… Il hésitait à prendre mon amour et ressentait des choses pour une humaine. Digne d’un prince?
«Vous avez raison! Il a été idiot… S’enticher de ces pauvres créatures sans défense. »
Je l’avais dit sur un ton amer. Oui je les aimais de moins en moins, même s’ils n’en demeuraient pas moins intéressants. J’affichais un sourire en coin, non pas celui quand on est heureux, mais celui que l’on affiche quand on se sent un peu supérieur à d’autres. Me voilà repartie pour le champ de tomate avec son baiser sur ma joue. Il semblait pur et sans arrière-pensée, mais je savais pertinemment que ce n’était pas le cas. Il ne m’aurait pas placé entre ses cuisses pour rien… Moi je voulais plus, moi je voulais me laisser et être complètement électrisée par son magnétisme. Je me retournai légèrement et je l’embrassai. Un vrai baiser passionné. On ne se connaissait pas et c’était cela la plus belle des choses. Je m’arrêtai et mordis ma lèvre inférieure. J’avais une idée en tête et je voulais la suivre.
«Et si on allait ailleurs!? Ici il fait chaud et ça pu… l’humanité.» (Référence annonce des barres mars QC)
Je pris sa main pour qu’il se lève. Je titubai vers la sortie et sortie sur le chemin. Il devait bien y avoir un gîte quelque part. Un endroit où nous pourrions nous poser, un endroit où je n’aurais pas peur d’être qui je suis. Je ne voulais surtout pas que l’on me reconnaisse. Un endroit où on ne nous verrait pas et ne nous entendrait pas. Heureuse d’avoir trouvé une place, je montai à la chambre. J’ouvris la porte de peine et de misère. L’alcool avait fait son chemin jusqu’à mon estomacs et je ne me sentais pas bien du tout. J’allais être malade.
«Je vais vomir je crois.»
Je me précipitai dans une pièce où je pourrais faire sortir le contenu de mon estomac. Je n’aurais pas dû me pencher, maintenant, j’avais le tourni et mon cœur s’affolait. Je trouvai le lit devant moi et m’affalai dessus. Je mis ma tête sur l’oreiller et je trouvai le sommeil malgré moi.
[…]
Je me réveillai avec un de ces maux de têtes. De ceux qui veulent dire et bien ma vieille tu t’es lâché lousse et tu l’as bien mérité. Mon cœur battait contre mes tempes. Je me mis en position assise doucement et pris quelques respirations. Ce qui allait me permettre de calmer mes palpitations. Je me tournai légèrement et vis que je n’étais pas seule. Il y avait un homme dans mon lit. Mais comment étais-je arrivée ici? Qui était-il? Je me rappelais des brides de ma journée, mais pas beaucoup. SHAQTI, je crois… Oui… je m’en rappelais. J’avais aussi été malade. Était-ce ce liquide grisant qui expliquait mon amnésie? J’avais encore tous mes vêtements. Ma robe était intacte. Donc, il ne s’était assurément rien passé. Je me levai et allai vers la commode. Je pris mes bijoux et enfilai mes souliers. Je me demandais si je devais filer à l’anglaise ou bien le réveiller lui dire que je devais partir? Je me retournai une deuxième fois vers lui et une breloque de son poignet attira mon attention. Elle représentait le signe du triton de posseidon. Comme celle que ma mère avait et que sa mère avant elle avait. Elle avait été triste quand elle se l’était fait voler. Elle m’avait expliqué que cela était arrivé la nuit de ma conception. Une évidence me frappa, mais je ne voulais pas la voir. Je tapai quelques fois sur ses joues pour qu’il se réveille. Je voulais qu’il me dise que cette breloque était à lui… depuis toujours. Mais quoi qu’il en soit, je la rapporterais à ma mère. Il ne devait pas y en avoir des centaines de ces breloques en triton.
«Réveilles-toi! Ce n’est pas à toi n’est-ce pas? Ce pendentif en forme de triron? Tu ne l’aurais pas volé par hasard?»
Eeeeet... elle mord à l'hameçon. Enfin si j'ose dire. La voilà qui se retourne pour me donner un de ces baisers fougueux et enivrants. Ses lèvres ont le goût du rhum mais il y a quelque chose d’étrange, ce long frisson qui me parcourt l’échine au moment où elle se redresse pour se mâchouiller la lèvre. J'en sais rien, elle a quelque chose de particulier cette sirène là, un petit truc en plus que je n'arriverais pas à nommer. Ainsi elle a ce.. je ne sais quoi qui fait que je suis incapable de lui résister quand elle me prend par la main pour m’entraîner dehors. C'était pas à moi de mener la danse par hasard ? Comment ça se fait qu'elle a pris les rennes d'un coups là ? Bah.. qu'importe, le principale c'est que j'ai réussit mon coup et qu’elle est partante pour passer à l'étape suivante. Quoi que.. vous pensez tout de même pas qu'elle m’entraîne dans un coin sombre pour me dépouiller ? Non, c'est parfaitement ridicule. Personne ne me dépouillera moi. Et puis vu qu’elle est plus imbibée que moi, je doute qu’elle soit en état de me faire le moindre mal.
J'aurais du parier tient. Elle n'est pas en état de faire quoi que ce soit. Rien. Rien du tout. Outre rendre tout le contenu de son estomac dans un seau. Et merde. Quand je disais que trop de rhum c'était pas bon non plus. Voila qu'elle s'est étalée de tout son long sur le plumard et moi.. bah je me retrouve comme un crétin planté là sans rien à me mettre sous la dent pour finir la soirée. Alors oui me diriez vous, je n'ai qu'à attendre demain soir, si je joue les gentleman cette nuit ça finira de la séduire. Mais j'ai tout de même l'impression d'avoir perdu mon temps et j'aime pas ça. D'autant que son baiser.. il m'a ouvert l’appétit. « pfff.. et bien bonne nuit Aël... » Je prends tout de même la peine de la coucher comme il faut avant de laisser ma tunique sur un dossier de chaise et m'avachir à coté d'elle. Faut dire qu'en travers du lit comme elle était, elle ne me laissait pas des masses de place.
***
C'est quoi ça ? Qui se permet de me réveiller de la sorte ? Les événements de la veille reviennent dans le désordre. Une blonde sur mes genoux dans une taverne. Une hystérique sous la flotte. Du rhum, beaucoup de rhum. Un baiser. Merde, trop de rhum. Ça y est j'y suis, elle a faillit me gerber dessus ! Et puis la blonde sexy d'hier soir, elle a laissé place au retour de l’hystérique. Pourquoi fallait que je tombe sur une hystérique hein ? Elle me gueule dans les oreilles de bon matin... mauvais choix de proie. « Oh... OH ! Du calme la miss. De quoi tu parles ? »
Je me redresse pour m'asseoir sur le lit et m’étirer, histoire de me tirer de l'état ensuqué dans lequel je plane encore. Je suis surpris qu'elle soit si fraîche après la biture qu'elle s’est prise hier. Moi qui ai bien moins bu qu'elle je suis déjà pas très frais... « Le pendentif ? Quel pendentif ? » Je porte la main à mon bracelet pour chercher un truc en forme de triton. « Celui là ? J'en sais rien moi, je tiens pas un journal non plus. » Oh non.. me dites pas que... C’est pas vrai, ça fait quoi, vingt piges, peut être plus que je l'ai récupéré celui là. Il fallait que je retombe sur la même sirène après tout ce temps et qu'elle ai plus de mémoire que moi.. vraiment ? « Écoute... Je sais ce que tu vas dire. J'ai joué les enfoiré la dernière fois. Mais j'ai changé.. la preuve, j'ai pris soin de toi alors que t’étais malade, j'aurais pu me casser à nouveau. Ok t'as toutes les raisons du monde de m'en vouloir, j'ai été minable la dernière fois qu'on s'est vu. Mais après tout ce temps, tu peux bien me laisser le bénéfice du doute et... tu veux quoi ? Que je te pressente mes excuses pour t'avoir lâchée comme je l'ai fait ? »
Je me décale rapidement pour ma placer à genoux sur le lit et joindre mes deux mains devant moi pour implorer son pardon. Oui je sais .. j'en fais des caisses une fois de plus. Mais merde, comment je pouvais deviner qu'elle avait déjà figuré à mon tableau de chasse. « Je te demande pardon. Je suis désolé. Tu veux le récupérer, je te le rends. C'était un souvenir, pour cette nuit qu'on a passée ensemble, parce que même si je me suis comporté comme un salaud... Aller... après vingt ans y a prescription non ? » Je lui sers mon regard de chiot battu en espérant que ça suffira à m’éviter une beigne. Parce qu'à ce rythme, il est évident que je peux faire une croix sur une partie de jambes en l'air.