J’écoute avec attention les récits de mes compagnons. A en croire leurs histoires, aucun de nous n’a eu la vie idéale dont la plupart des gens rêvent. D’ailleurs, c’est quoi, la vie idéale hein ? Une utopie comme bien d’autres choses pré formatés dans la tête des gens. Idéal c’est comme normal, ça n’existe pas. On s’en fait tous une idée différente et puis… on redescend vite sur terre. Rien n’est jamais parfait, et surtout pas la vie. Allons bon, voilà que je me mets à broyer du noir à nouveau. Mince alors, le destin, le hasard, ou quoi que ça puisse être, replace sur ma route ces trois frères perdus depuis longtemps et moi, je trouve rien de mieux à faire que de déprimer tout seul en repensant à tout ce qui va de travers autour de ma petite personne. L’heure est aux réjouissances, Stuart, souri un peu bon sang de bois. Alors oui, quand Boule trinque à nos vies, je suis le mouvement, et au final, je me laisse emporter et mon sourire n’est pas tout à fait feint.
La conversation se poursuit, chacun y allant de nouveaux détails qui auraient pu échapper au premier récit. J’évite soigneusement de parler de ma sœur, peut-être parce que j’ai franchement pas envie d’en parler maintenant, je sais pertinemment que le sujet risquerait de briser l’ambiance et je veux croire que ces retrouvailles doivent se faire à grand renfort de fous rires et de grandes accolades en non à chaudes larmes. En revanche, j’insiste lourdement sur ce pauvre Calico et ses chiens imaginaires. Je l’ai dit : à grand renfort de fous rires.
C’est lui d’ailleurs, qui met fin à ces histoires pour nous faire promettre que cette fois, on ne se quittera plus. Comme si nous avions besoin d’un serment pour ça. Du moins… non après tout, je ne sais pas ce qui peut traverser l’esprit de Miro et Boule en cet instant mais pour ma part, la décision est déjà prise depuis l’instant où nous nous sommes retrouvés. J’ai beau tenir à ma vie de solitaire, je refuse de les perdre une fois de plus. Seulement je ne dis rien, pas tout de suite. Il poursuit avec une déclaration que je sais plus que sincère et je me contente de poser ma main sur son épaule et de serrer légèrement. Juste pour qu’il sache qu’il n’est pas le seul à voir les choses ainsi et que tout difficiles qu’aient été ces mots à prononcer pour lui, ils sont partagés, j’en suis convaincu, par nous tous autour de la table.
Sans lâcher son épaule, je reprends la parole pour répondre à son monologue. « Personne ici n’a été parfait, et moi le premier. Les choses auraient pu être différentes si je n’étais pas parti, mais ce qui est fait est fait et tu l’as dit toi-même… » Ma prise sur l’épaule de Calico se fait moins pressente pour se changer peu à peu en quelques tapes amicales avant de le lâcher tout à fait. « … maintenant que nous sommes là, il est hors de question de se paumer de nouveau. Oh bien sûr, on va pas s’installer tous les quatre ensemble et ne plus se lâcher d’une semelle, on a chacun nos vies et nos obligations. » Je pense à Apoline et à ce brin de femme qui accompagne Boule et Miro, je doute qu’elles appréciaient l’idée de partager leurs hommes à longueurs de temps comme ça. « Mais peut-être devrions nous instaurer une sorte de .. rituel au moins. Un jour où nous retrouver au minimum quand on aura pas pu se voir entre temps. Ne plus laisser filer les mois et les années sans se voir. »
Brothers who play together, stay together > ERIM & STUART
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