Un soupire franchit la barrière de mes lèvres, je n'en assez de cette conversation qui ne mène à rien. Plus ses lèvres bougent dans ce mouvement perpétuel, plus j'insupporte le son de sa voix. Il s'accroche à moi, telle à une bouée et ses mains ne délaissent pas sa poigne solide, par peur de couler, de sombrer. Lui, moi, ce n'est rien du tout, qu'une histoire qui ne peut se consolider. Moi, lui, ce n'était que l'histoire d'une amitié qui a flanchée lors d'une nuit. Une amitié qui a glissée vers le désir et ce désir qui a fini par nous enlever cette amitié. Je n'aurais jamais dû franchir cette limite avec lui et j'ai laissée ce désir guider mes gestes, mes paroles. Aujourd'hui, je le regrette. Je ne peux continuer ainsi, son désir à lui est trop grand, trop ambitieux. Je ne peux lui donner ce dont il a besoin. J'aurais dû me satisfaire de cette amitié, pourtant je n'ai su m'y résoudre et à l'instant même, je le regrette. Je pose un doigt contre ses lèvres, je lui intime de garder le silence. Je ne veux plus entendre la moindre parole sortir de sa bouche. S'il continue dans cette direction, il va la regretter. S'il prononce ces mots, je ne pourrai plus le regarder comme je le regardais quelques minutes avant cette discussion étrange et sans but.

« Tais-toi, Ewen. Arrête de parler, tu t'enfonce et demain, tu vas le regretter. » Ses lèvres s'entrouvrent, il essaie de parler, je secoue la tête et c'est ma main entière qui se plaque contre sa bouche. « Non, je t'en prie, ne dit rien du tout, sinon ça va mal se terminer. » Je retire ma main de son visage et me lève rapidement, mes mirettes continuant de l'observer, à l'affût du moindre signe qu'il pourrait parler. Ma main se pose sur la sienne et je tire sur cette dernière, afin qu'il se lève à son tour. Il obéit, gardant ce silence que je lui ai imposé. Il a trop bu, beaucoup trop bu et les paroles qu'il essaie de poser, je ne veux surtout pas les entendre alors qu'il a les pensées embrouillées par la bière. À nouveau, il tente de parler, mais je le devance. « Ewen ! » Il me mire, l'air agacé, mais garde tout de même le silence, respectant mon désir. Mes pas le guide jusqu'à sa chambre et je l'oblige à se glisser sous les couvertures, alors qu'il est toujours vêtu. Ma main caresse ses cheveux avec douceur et je recule, tentant de lui sourire. « Dors maintenant. Moi, je dois filer. » Je disparais de son champ de vision, je m'éloigne et quitte sa demeure. Lorsqu'il aura les idées plus claires, il comprendra. Je ne suis qu'une amie, il a besoin de moi, mais pas dans ce sens.

Après de longues minutes de marche, j'atteins enfin la taverne. Je me faufile à l'intérieur et commande une bière au tavernier, avant de m'accouder au bar. Les paroles d'Ewen hantent mes pensées. Je le connais depuis tant d'années, nous avons partagés maintes paroles, il a toujours été un ami... un des seuls, d'ailleurs. Et cette nuit-là, nous avons chuté dans ce piège d'alcool et de désir. Nous n'aurions jamais dû en arriver là. J'ai peur de le perdre, s'il désir obtenir davantage de moi, il se heurtera à nouveau à la pierre. Je ne ressens rien d'autre que de l'amitié pour lui et du désir, mais rien qui ne se compare à l'amour. Je ne l'aime pas dans ce sens et j'espère que toutes ces paroles étaient dû à l'alcool et à rien d'autre. Un nouveau soupire s'échappe d'entre mes lèvres et j'avale une longue gorgée de bière, avant de me redresser et de m'avancer vers une table, au fond de la taverne. J'ai besoin d'un semblant de tranquillité, je ne veux pas être entourée d'hommes plongés au beau milieu d'un débat qui ne rime à rien.