Maybe I've been always destined to end up in this place, yeah. I don't mean to come off selfish, but I want it all. Love will always be a lesson, let's get out of it's way. Cause I know, all I know, all I know
La Reine & L'assassin
Il se tenait à l’endroit exact où tout avait eu lieu. Dans sa tête, la scène se rejouait. Lui, encore tout jeune, debout à l’intérieur de la maison. Ses parents, labourant le champ. Et puis cette ombre, menaçante, grandissante, violente. Du pourpre colorant l’eau, des cris jaillissant de ses entrailles. Sa colère, sa rage, son envie de tuer. Et puis la pelle, plantée férocement en travers de la gueule de la bête. Ses bras, tremblant de haine. Ses poings s’abattant encore et encore sur la carcasse du poisson mort. Ses larmes, se mélangeant à l’eau salée. Ses cris, encore. Pourquoi, après cela, Aodren avait disparu ? Car sa vie n’avait dès lors plus eu le moindre sens. Sans ses parents, que serait-il devenu un orphelin de plus ? Un moins-que-rien dont la société sous-marine aurait dû se charger à bout de bras ? Non, Aodren avait eu trop de dégoût pour le monde entier pour le supporter à cette époque. La fuite avait été son option. La disparition, la mort présumée furent sa facilité.
- Puisque vous refusez de bouger, nous vous emmenons !
Le triton reprit conscience. Autour de lui, des mains agrippaient ses bras et l’emmenaient. C’était la première fois qu’Aodren remettait les pieds dans ce champ d’algues qu’il avait cultivé autrefois avec ses parents. C’était aussi la première fois qu’il serait emmené au palais royal. C’était là-bas qu’il rencontrerait la reine et qu’on le ferait s’expliquer. Sauf qu’Aodren, il ne s’expliquerait pas. Le triton attendrait la moindre petite occasion, le moindre faux mouvement et boum ... il disparaîtrait à nouveau. Il était passé expert dans l’art de filer en douce. Les gardes le traînèrent donc jusque dans une salle où on referma les portes sur lui. C’était un espace assez vaste, plutôt agréable et confortable. Le genre de salle que l’on imagine parfaitement dans un château, en somme.
Aodren n’avait rien d’un matérialiste, aussi ne chercha-t-il même pas à dérober l’un ou l’autre objet. Sa basse besogne à lui était de tuer, pas de voler. Le triton patienta donc, le dos droit et la nageoire battant l’eau en douceur. Les portes s’ouvrirent et entra une silhouette svelte, à la longue chevelure blonde et aux traits sérieux bien que délicats. Pour tout accueil, l’homme s’inclina légèrement et lâcha, tout en souriant :
- Votre majesté !
C’était presque par provocation, Aodren ne reconnaissait pas l’autorité de la reine. Après tout, cela faisait bien des années qu’il avait quitté leur société ! C’était même devenu ridicule pour lui que de se tenir là, sous le regard autoritaire d’une femme qu’il n’estimait pas plus digne de jugement de justice qu’un paysan du coin. Quand bien même, la reine l’avait désormais à portée de main et c’était à lui à s’extirper de cette situation d’une façon ou d’une autre. Un garde s’avança et expliqua la situation à la reine :
- Il a été retrouvé errant dans un champ de paysans, refusant de décliner son identité ou d’expliquer son intrusion sur la propriété d’autrui. Votre majesté.
Aodren retint un éclat de rire devant le sérieux monacal du garde. Celui-ci prit très mal cette réaction du triton et lui jeta un regard furieux. L’assassin n’avait plus qu’à espérer à présent que ce garde l’emmène plus tard dans un coin pour le battre et tenter de lui donner une leçon ! Car si tel était le cas, Aodren ne mettrait qu’une poignée de secondes à retourner la situation et à faire de ce vaux-rien un joli cadavre ornant les couloirs du palais royal.