Ça me semble évident que ma vie n'est pas celle que je désire. Je suis prisonnière, captive des désirs de ma famille. C'est d'une lourdeur sans nom et je n'arrête pas de me prendre la tête avec toutes ces questions. Je ne veux pas de cette union, je ne veux pas de Kwahu. J'ai toujours su ce que je désirais, sans vraiment en avoir conscience, mais aujourd'hui, je le sais.. Oh que je le sais ! Cependant, il y a tellement de barrières invisibles qui m'empêchent d'aller exactement où je veux. J'aimerais juste qu'elles disparaissent et pouvoir faire exactement ce dont j'ai envie, sans prise de tête. Pourquoi est-ce qu'il ne le comprend pas ?

Il est encore tôt le matin, le soleil pointe à peine le bout de son nez. Je me tracasse sans cesse l'esprit avec ces questionnements, cette dualité qui fait rage dans ma tête. J'ai à peine dormis cette nuit et j'ai franchement besoin de respirer un bon coup. Discrètement, je quitte le tipi, faisant bien attention de ne réveiller personne. À cette heure, le campement est muet, silencieux. Seuls quelques indiens sont à l'extérieur. J'offre un léger sourire à Howahkan que je croise avant d'atteindre la forêt. Une fraction de seconde, je me demande à quoi il peut penser, en ce moment même. J'aimerais parfois pouvoir lire dans l'esprit des gens et comprendre leur fonctionnement.. Tout serait plus simple ainsi, non ? Perdue dans mes pensées, je m'enfonce dans la forêt qui est très calme à cette heure. Le chant des oiseaux matinaux m'apaise, il me réconforte. Il n'y a pas le moindre humain à l'horizon, seulement des animaux curieux, d'autres plus peureux. Durant quelques minutes, je m'arrête et j'observe ce bel animal, ce cerf. Il n'a pas peur lorsqu'il me voit, il me mire, tout simplement, plus curieux que peureux. Parfois, j'aimerais être l'un des siens, libre comme l'air, sans compte à rendre à personne..

J'avance dans la forêt, sans réellement regarder devant moi. Mes yeux sont occupés à observer les alentours. Je devrais faire plus attention, car je passe bien près de me barrer les pieds sur.. Un corps ? J'ai un petit mouvement de recul et je mire cet homme qui dort ou qui.. Est sans vie.. Étendu sur le sol, il ne bouge pas, ne ronfle pas, il ne fait pas le moindre son et je n'ai pas l'impression que sa poitrine se soulève. Est-ce qu'il est mort ? Il le semble à première vue, mais je veux m'en assurer, donc je m'approche et je m'agenouille à côté de lui. Il n'a pas l'air blessé, je ne vois pas une seule goutte de sang sur sa peau ou ses vêtements. Est-ce qu'il respire ? Je n'en ai pas l'impression.. J'approche doucement mon oreille de sa bouche pour voir si je peux entendre le son de sa respiration. Cependant, je n'ai pas le temps de le constater que sa main enserre mon poignet et qu'il ouvre les yeux. À ce moment, je frôle la crise cardiaque, j'ai l'impression que mon coeur va sortir de ma poitrine, tellement je sursaute. Je dégage mon poignet, je me relève et recule de près d'un mètre. Je le mire, alors qu'il s'éveil, l'air plutôt paumé. Je ne sais pas qui il est, ni ce qu'il peut bien faire là.