Le soleil brille avec force dans l’immense drap bleuté. Que c’est apaisant de le voir étinceler après des mois sans lui. Je sens sa chaleur me recouvrir jusqu’à la pointe de mes ailes et puis c’est tout de même plus facile de circuler avec la lumière. Le seul souci, c’est Casse-Noisette. Maintenant, elle peut de nouveau s’aventurer plus loin de l’Arbre… ce qui veut forcément dire que nous allons avoir des problèmes. Inutile de la sermonner, parce qu’en réalité, je suis aussi excitée qu’elle à l’idée de partir de nouveau à l’aventure. Depuis qu’elle est à l’arbre, nous avons une petite habitude : jouer jusqu’à n’en plus finir. Nous n’avons eu que la nuit permanente comme barrière, on ne s’éloignait pas trop et avec les créatures sauvages, mieux valait rester un minimum prudente - assez difficile pour deux casse-cous – pour éviter de mourir. Ou pire. Je me souviens encore de Maurice qui a souffert pendant un très long moment avec la disparition de son protégé. Je ne tiens pas à vivre ça. « Allez Loupiote ! » Je sors de mes pensées pour voir Casse-Noisette galoper sur les passerelles pour descendre de l’Arbre. J’étire un sourire, la joie prenant toute la place dans mon esprit pour voler près d’elle : « À quoi on joue aujourd’hui ? » La petite hausse des épaules, elle ne semble pas avoir une idée précise du jeu, mais elle sait où elle veut aller. Je serai prête à mettre mes ailes à couper ! Peu après, nous nous éloignons de l’Arbre pour traverser la forêt des quatre saisons en direction des Montagnes de l’Imaginaire. J’espère qu’elle ne veut pas faire une chasse aux crocodiles. La dernière fois, elle a bien failli perdre une main. « Est-ce que moi aussi, j’ai le droit de venir voir votre grand arbre ? » Je tourne le visage vers ma protégée, fronçant des sourcils : « Non, il n’y a que les fées qui s’en approchent. » Elle croise ses bras sur son torse, ses lèvres pincées et ses sourcils froncés : elle boude, je reconnais cette expression. « Mais Feisty ! Elle a pu le voir elle ! » Je viens me placer devant son visage, touchant son bout de nez : « Feisty a été choisie par la Reine. C’est différent petite chipie et ça ne peut pas se comparer. » « Mais c’est pas juste... » Je roule des yeux.
Cela fait presque deux heures que nous marchons – enfin qu’elle marche – et j’aperçois au loin les toits d’habitations. « Tu veux aller à la cité ? » Aucune réponse. Je vous présente Casse-Noisette ou Chipie. Un vrai petit rayon de soleil, mais aussi une vraie plaie. Mademoiselle boude parce que Feisty a eu la chance de voir le Saule Sacré. Je précise juste que c’était en période sombre, que l’île était condamnée et que nous allions tous potentiellement mourir. Mais non, la miss continue de bouder. « Si tu veux aller à la cité, je ne viens pas avec toi Casse-Noisette… Tu sais bien comment sont les Adultes ! » Toujours aucune réponse. Je soupire, la joie se faisant remplacer par l’agacement. Mais qu’est-ce qu’elle peut être agaçante parfois ! J’attends cependant de voir si elle va prendre le sentier vers la cité ou celui qui la contourne. Je déciderai à ce moment de ce que je fais. Elle s’engage sur la gauche, Blindman’s Bluff n’est pas sa destination. Pour autant, je ne perds pas ma mauvaise humeur : « Si tu continues de bouder, je t’abandonne là ! » « Plus facile pour toi… » Je sens mes joues rougir par la colère. « Ce n’est pas moi qui décide Casse-Noisette ! Tu ne peux pas venir, tu ne peux pas venir. C’est comme ça et si tu ne peux pas comprendre, alors tu es trop stupide ! » « MOI ? MOI JE SUIS STUPIDE ?! » « OUI ! » Et nous voilà parties pour une bonne dispute. On doit certainement nous entendre crier, enfin… les adultes m’entendront plutôt tinter comme des clochettes. Comme à chaque fois qu’on se dispute, on se reproche des choses d’avant qu’on était censé s’être pardonnées depuis. C’est le problème d’avoir un enfant qui dépasse les dix ans. Ils ne sont pas adultes, mais ils sont un peu plus matures que ceux moins de dix ans. Et donc, les disputes sont plus fortes. Moins puériles. « TU M’ÉNERVES CHIPIE ! » Je tape du pied dans le vide avant de m’envoler plus haut jusqu’à la cime des arbres – oui parce que depuis la cité, on se dispute jusqu’à la forêt des singes – sans regarder derrière moi. Je l’entends me crier dessus à nouveau, mais je n’y prête pas attention. Je survole en rond, comme si je faisais les cent pas. Comme à chaque fois, il suffit juste qu’on s’éloigne quelques instants puis, on va s’excuser et passer à autre chose. C’est peut-être pour ça qu’on se reproche les mêmes choses à chaque fois… parce qu’on n’en discute pas. « LOUPIOOOOOOOOOOTE ! » Mon cœur rate un battement et je fonce, tête première à travers les feuilles, battant des ailes frénétiquement pour retrouver sa trace.
C’est tête en bas que je la retrouve, pendu par une corde. Je viens devant son visage, mes bras écartés sur sa joue comme si je l’étreignais – et c’est le cas - : « Tout va bien ? Qu’est-ce qui s’est passé ? » « Sûrement un piège… tu peux m’aider ? » Je lève les yeux vers la corde, volant jusqu’à celle-ci. « Elle est solide, il faut que je trouve un objet pour la couper. » Je m’éloigne, je l’entends me supplier de ne pas la laisser là. Comme si j’en étais capable. Je ramasse un caillou que je pense tranchant et je reviens vers elle avec un sourire, tout agacement envolé. « Me laisse pas tomber tête la première Loupiote ! » « Mais non… » Je roule des yeux, frottant le caillou contre la corde. Bon, ça risque d’être long !
Elle courrait. Ses longues mèches brunes virevoltant dans son dos, les pans de sa robe se mélangeant aux feuilles mortes, à la boue et à la mousse verdâtre de la forêt. Lentement, elle pivota sur elle-même, dévoilant son visage aux grands yeux clairs. Des yeux doux, innocents. Des yeux pour lesquels il se serait damné. Ses lèvres remuèrent, lentement, langoureusement. Elle l'appela. Seth sentit son corps se mettre en mouvement, ses jambes accélérèrent le pas. Il pouvait presque l'atteindre, sa main se tendit, du bout des doigts, il effleura le tissu doux de sa robe.
Soudain, elle disparut. Comme si jamais elle n'avait été là. Toutes les couleurs vives et chaudes de la forêt disparurent avec elle. Seule la nuit perdura. Une nuit intense, une nuit éternelle. Celle qui avait plongé Neverland dans le chaos durant des semaines. Seth secoua la tête, chuta. Ses genoux rencontrèrent la terre humide et tout son corps fut secoué de sanglots pathétiques. Non, il ne pouvait pas la perdre. Pas encore. Pas une deuxième fois. C'était insupportable. L'artiste redressa la tête juste à temps pour l'apercevoir. Là-bas, au sommet de la colline, adossée à un arbre dans sa robe virginale. Elle agita la main dans sa direction, lui souffla de venir à elle.
Seth rampa sur la terre humide et se redressa tant bien que mal, il s'agrippa à un tronc d'arbre pour s'aider à se remettre sur ses jambes fatiguées. Les poussant dans leurs retranchements, l'homme se précipita dans la direction de sa naïade. Lorsqu'il arriva au sommet de la colline, ses yeux furent éblouis. Elle était là, au milieu de la clairière. Les fleurs s'épanouissaient autour d'elle, entonnant des refrains joyeux sur lesquels la demoiselle ondulait du bassin. Ses poignets moulinaient dans les airs, ses hanches se succédaient en une cascade voluptueuse de chair et d'envie. Ses pieds nus foulaient la terre fraîche, ses orteils s'enfonçant dans les touffes herbeuses à mesure qu'elle dansait de plus en plus vite. Seth s'approcha d'un pas de plus.
Le jour s'en était allé. Encore. La nuit s'était abattue sur Neverland. Opale gisait au milieu de la clairière. Son corps avait cessé de danser, de bouger, de respirer. Sur ses avants-bras trônaient de fines lignes rougeâtres dont s'écoulaient des rivières pourpres. Seth sentit le liquide chaud lui caresser les orteils puis mordiller ses mollets. Il voulut reculer, avancer. Rien à faire, son corps était bloqué. Il était condamné à la regarder, allongée là, se vidant de son sang. Et à mesure que le liquide brûlant grimpait de plus en plus haut, léchant désormais ses hanches, Opale devenait terriblement cadavérique. Seth sentit le contact du vermeille sur ses lèvres et serra les lèvres pour ne pas laisser le goût de fer envahir sa bouche. Bientôt, sa vision fut troublée et Neverland quitta le noir pour devenir rouge. Entièrement rouge. Uniquement rouge.
Chacun des membres de son corps tremblait. Seth ouvrit les yeux sur une matinée banale, dans la chambre de sa demeure. Son torse nu était couvert de perles de sueur et les draps s'étaient littéralement enroulés autour de ses jambes tels des cordes. L'homme se redressa sur les coudes, cherchant du regard une preuve que la réalité était ici et pas dans cet autre monde fait de perte et de fracas. S'arracher à sa couche fut bien plus simple que les autres matins, Seth n'avait aucune envie de retourner vivre dans un monde où il voyait Opale mourir sous ses propres yeux. Il se dirigea nonchalamment vers la fenêtre et en tira si fort les lourds rideaux que ceux-ci se déchirèrent et chutèrent de leur barre. Ils s'échouèrent lamentablement en un amas de chiffons sur le sol. Le maître ouvrit les lourdes fenêtres et laissa l'air lui fouetter le visage, le corps. Un long frisson le parcourut, achevant de l'extirper de ses cauchemars.
- Kala !
Son hurlement avait résonné dans toute la demeure. Il ne fallut que quelques minutes avant que des bruits de pas ne se fassent entendre dans le couloir. La porte s'ouvrit et l'esclave entra. Elle découvrit un Seth affaibli, dotés de cernes violacés sous les yeux, à la mine blafarde et au corps luisant de sueur. sur le coup, la demoiselle faillit prononcer un mot mais elle fit bien de ne pas le faire car déjà, son maître lui désignait du doigt les rideaux.
- Il faut remettre ça à sa place et si ça me retombe encore dessus ... la prochaine fois, je le jette par la fenêtre et tu risques bien de l'accompagner.
Il secoua la tête, attrapa ses vêtements et quitta les lieux à grandes enjambées. Quand Seth était en colère, Kala en faisait les frais. L'homme enfila sa chemise et son pantalon dans le couloir puis se glissa dans ses chaussures. Il quitta la demeure en claquant violemment la vieille porte qui grinça furieusement. Seth marcha, encore et encore. Neverland n'avait jamais été aussi étouffante qu'aujourd'hui. L'artisan cessa d'avancer quand il réalisa qu'il avait mis le pied dans une forêt. Des primates de toutes talles se balançaient aux branches. Par miracle, l'un d'eux, plus petit que les autres, parvint à lui arracher un sourire avec sa tête à la fois adorable et grotesque.
Opale quitta ses pensées, quelques instants seulement. Le temps pour Seth de s'émerveiller de la faune locale et pour les primates, de vérifier s'il avait quelque chose d'intéressant dans les poches. Soudain, un cri l'interpella. La voix paraissait jeune et Seth ne pouvait décemment passer son chemin en sachant qu'une enfant était en danger dans les parages. Il accéléra le pas, cherchant parmi les arbres le lieu d'où provenait le son. Cette scène de course lui rappela son rêve et sa mine se renfrogna légèrement. Enfin, l'homme débarqua face à un drôle de spectacle. Une fillette, la tête en bas, les bras ballants et une lueur clignotante tentant de la dépêtrer de cette situation. Seth s'avança et fronça les sourcils.
- Un peu d'aide pour vous tirer de cette situation ?
Il s'avança vers la fillette et lui adressa un sourire presque bienveillant.
- Je ne suis pas armé et je suppose que tu as déjà deviné que je n'étais pas un pirate.
Les enfants perdus étaient doués pour repérer les pirates et puis de toute façon, Seth avait beaucoup trop d'allure pour être un forban. Cependant, rien ne lui indiquait que la gamine acceptait qu'il lui vienne en aide. Mieux valait patienter sous peine de recevoir un éclat scintillant dans l'oeil, prêt à le trucider pour défendre sa petite protégée ...
Lou Loupiote
Beware, I'm starving
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« Je vais tomber tête la première là, tu le sais ça ?! » Je roule des yeux, continuant de frotter le caillou contre la corde. Comme si j’allais la laisser tomber, je suis une fée capable de la soulever dans les airs alors quand il ne restera plus grand-chose pour la maintenir, j’irais la tirer de toutes mes forces. « Un peu d'aide pour vous tirer de cette situation ? » J’en lâche mon caillou sous la surprise, me retournant vers l’Adulte qui nous mire du bas. Casse-Noisette tourne son visage dans sa direction, hésitant à lui répondre. « Je ne suis pas armé et je suppose que tu as déjà deviné que je n'étais pas un pirate. » Cette simple réponse suffit à me convaincre, mais Casse-Noisette dit que je suis trop naïve. Un comble, une gamine de douze ans qui fait la morale à une fée de presque neuf cents ans. Je bats des ailes jusqu’au visage de ma protégée, qui reste muette : « Réponds-lui Chipie ! Dis-lui que tu veux bien qu’il t’aide ?! » « Non ! C’est peut-être un piège », murmure-t-elle. Je fronce des sourcils : « Tu es trop méfiante ! » « Et toi, tu ne l’es pas assez ! » Elle croise les bras, voilà le retour de sa moue boudeuse. Je soupire en tournant le regard vers l’adulte. Avant que je ne puisse aller plus loin, la paume de Casse-Noisette se referme sur mon corps : « Même pas en rêve Loupiote ! » Je soupire. « Mais, c’est le seul à pouvoir nous aider et en plus, j’ai lâché mon caillou. » Elle grimace tandis qu’elle glisse de nouveau un regard vers l’adulte : « Pourquoi un adulte voudrait aider un enfant qu’il connait pas ? Tu veux me kidnapper pour me faire travailler, c’est ça ? » « Barbe Noire est mort, tu sais. » « La ferme ! » Mon nez se retrousse sous ma colère. Je n’aime pas quand elle me parle comme ça, à croire que je suis l’enfant et elle l’adulte responsable. Je pose mes mains à plat de chaque côté de sa paume renfermée sur moi et je pousse de toutes mes forces. Bien évidemment, je n’ai aucun mal à me libérer de sa prise. Je lui tire la langue avec maturité, tandis que je vole vers l’adulte tout en gardant une distance raisonnable au départ. « Tu vas nous faire du mal ? » J’en oublie parfois que les adultes ne peuvent pas me comprendre. « Il ne te comprend pas ! » Chipie soupire : « Elle a demandé si tu allais nous faire du mal ? »
L’homme répond, je l’observe. J’ai envie de lui faire confiance, je viens encore plus près, me plaçant juste devant lui. « Bon, j’ai toujours la tête en bas moi ! » Je lève les yeux vers Chipie avant de la pointer d’une main face à l’Adulte. « Là, elle dit rien, mais… elle veut bien que tu m’aides à descendre ! Et je te préviens, ma fée est sauvage ! Si tu essayes de me faire quoi que ce soit, elle va te saigner ! » Je me retourne vers Chipie, les sourcils hérissés. J’en serai bien incapable, pourquoi est-ce qu’elle dit des choses comme ça ? Effrayer l’Adulte ? Il semble vouloir nous aider de bon cœur, alors le menacer est inutile. Mais, Casse-Noisette n’aime pas les Adultes, cela fait partie de son passé, ce que je peux comprendre. Elle n’est pas à Neverland depuis des lustres, seulement deux petites années et même si elle a déjà tout oublié, il y a certaines douleurs qui semblent avoir un impact sur son comportement, sans qu’elle ne sache pourquoi ni ne cherche à savoir pourquoi non plus. Je suis l’homme, volant tout près de lui pour observer comment il fait pour la sortir de là et je me tiens prête à la rattraper si jamais, il se contente de couper la corde.
Scène improbable. Une fillette, pendue par les pieds, la tête vers le bas, ses cheveux allant presque toucher le sol. Dans cette position, elle ressemblait à un petit opossum pendu par la queue et observant son environnement. Seth s'approcha lentement pour ne pas l'effrayer et se présenta tout en clarifiant bien la situation. Cela ne sembla pourtant pas la mettre à l'aise car il la vit tourner la tête et chuchoter quelques mots. Parlait-elle toute seule ? Tandis qu'elle croisait les bras sur la poitrine, boudeuse, un tintement pareil à celui d'une petite clochette, lui parvint jusqu'aux oreilles. L'homme fronça les sourcils. La magie de Neverland était sans fin et ne cessait de l'émerveiller mais il n'en avait pas encore saisi toutes les nuances.
Soudain, la fillette s'adressa à Seth en des termes qui lui firent tirer une drôle de grimace. La faire travailler ? Par quel étrange raisonnement en était-elle venue à une telle conclusion ? L'artiste n'avait pas pris conscience de ce monde dans lequel il vivait où les enfants avaient l'impression que chaque adulte était une menace latente. Il secoua négativement la tête avec vigueur.
- Bien sûr que non je veux jus...
Il n'eut même pas le temps de finir sa phrase que la gamine beuglait un "la ferme" qui le cloua sur place. Seth n'avait pas l'habitude qu'on s'adresse à lui sur ce ton et à vrai dire, il détestait ça. Qu'elle soit une fillette en danger ou pas ... avec ce genre d'attitude, elle allait finir par se débrouiller toute seule. L'adulte se contenta donc de répliquer, un peu piqué au vif :
- Inutile de s'emporter. Je voulais simplement aider.
Soudain, une faible lueur clignotante apparut sous ses yeux. Il réalisa seulement à cet instant qu'il s'agissait de la fée de la fillette. Jusqu'alors, Seth n'avait pas saisi que la lueur était sa protectrice mais quand il la vit s'agiter sous son regard en tintinnabulant, il comprit. La gamine poussa un profond soupire, visiblement désabusée par les efforts inutiles d'incompréhension entre Seth et sa fée. Son langage n'était que tintement à ses oreilles d'adulte. La petite fit alors la traduction. Encore une fois, elles étaient suspicieuses ... avaient-elle donc tant de mal à faire confiance aux adultes ? Aucun adulte agréable ne faisait donc partie de leur existence ?
- Je suis venu pour vous aider à te dépêtrer de ce piège. Je n'ai aucunement envie de faire du mal à qui que ce soit ...
La fée se rapprocha encore un peu, Seth ne put s'empêcher de sourire en voyant cette lueur clignoter à ses côtés. C'était la première fois qu'une fée venait aussi près de lui et cela l'émerveillait. Ce tout petit être lumineux l'enchantait. L'homme aurait voulu sortir son carnet de croquis et la dessiner sur le champ mais il fut rappelé à l'ordre par la petite qui leur rappela sa situation précaire.
Ladite Chipie se sentit obligée de préciser que sa fée était sauvage et pouvait attaquer Seth à tout moment. L'homme acquiesça comme s'il prenait cette menace au sérieux. En vérité, il ne connaissait pas grand-chose aux êtres de lumière et dans son esprit, il pensait pouvoir l'éradiquer d'un simple claquement de main si jamais elle venait à l'attaquer. Seth était donc totalement serein quant à une potentielle offensive mais de toute façon, il ne désirait en rien déclencher les hostilités.
- Bon, je te préviens, je vais te saisir par la taille pour t'éviter de tomber.
Seth avait repéré une faiblesse sur la corde, comme si quelqu'un avait commencé à vouloir la ciseler avec un objet plutôt tranchant. L'homme s'avança et glissa un bras autour de Chipie pour pouvoir la rattraper lorsque la corde cèderait. Il bondit tel un fauve et attrapa la corde, s'appuyant de tout son poids sur celle-ci pour affaiblir encore cette zone déjà effritée. Seth répéta la manœuvre deux fois en tirant à la force des bras en faisant attention à ne pas faire mal à Chipie. Enfin, la corde céda tout à coup et ils chutèrent.
L'homme se retrouva allongé par terre, le poids de la petite lui tombant sur le torse. Il éclata de rire et se redressa en époussetant les feuilles et les brindilles qui venaient recouvrir ses vêtements. La petite lueur avait continué à les entourer et à les supporter dans leurs actions. Seth fixa la fillette.
- Te voilà libérée ! Mais dis-moi, qu'est-ce que tu fais ici toute seule ? Vous ne vous déplacez pas en groupe avec tes amis les enfants perdus ?
Seth était curieux d'en apprendre plus au sujet de ces mystérieux enfants capables de survivre dans la nature hostile de l'île. Ils étaient bien plus ingénieux que beaucoup ne le pensaient. Ils se créaient leur propre demeure et subvenaient à leurs besoins sans la présence d'adultes responsables. Cela impressionnait Seth au plus haut point.
- Je me présente, je m'appelle Seth. J'ai cru comprendre que tu étais nommée Chipie ? Et ta fée sanguinaire, elle a un nom ?
Son regard se posa alors sur la lueur clignotante. Visiblement, elle pouvait le comprendre mais l'inverse n'était pas vraie. Drôle de situation.
Lou Loupiote
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« Je suis venu pour vous aider à te dépêtrer de ce piège. Je n'ai aucunement envie de faire du mal à qui que ce soit ... » Je tourne le visage vers Chipie, une manière de dire : qui avait raison ?! Bien évidemment, elle m’ignore cette petite coquine, mais qu’importe. « Bon, je te préviens, je vais te saisir par la taille pour t'éviter de tomber. » De toute manière, vu sa situation, Chipie a tout intérêt à laisser faire l’adulte, sinon il va repartir et elle va me le reprocher. Ah, ce n’est pas facile d’être sa fée protectrice. Cela a au moins l’avantage de ne pas me rappeler tous ceux que j’ai eus avant et particulièrement Lizzy. Elle était douce, elle était gentille, tout le contraire de Chipie en réalité. Bourdonnant à côté des oreilles de l’Adulte, j’observe ce qu’il fait, alternant entre ses bras qui tirent et la corde qui s’étend, qui craque. Je vole jusque-là où j’ai commencé à trancher, mirant les derniers fils craquer les uns après les autres. Puis ils tombent, Chipie sur l’Adulte et la voilà libérée. Je viens près d’eux en souriant, battant des ailes rapidement. « Te voilà libérée ! Mais dis-moi, qu'est-ce que tu fais ici toute seule ? Vous ne vous déplacez pas en groupe avec tes amis les enfants perdus ? » Chipie se redresse, s’éloigne d’un ou deux pas de l’adulte tout en le fusillant presque du regard. Redevable, Chipie ? Jamais. « Je fais ce que je veux d’abord ! Si j’ai envie d’être toute seule, alors je suis toute seule. Et non, on n’est pas toujours tous ensembles. Toi, tu es tout seul aussi, non ?! » Elle croise les bras et je viens près d’elle dans le but de la gronder. « On ne parle pas comme ça à un adulte, en plus lui, il vient de t’aider ! Dis merci ! » Elle tourne les yeux vers moi avant de soupirer : « Merci… » murmure-t-elle. Mieux vaut ne pas lui en demander plus, c’est déjà un bel effort de sa part. « Je me présente, je m'appelle Seth. J'ai cru comprendre que tu étais nommée Chipie ? Et ta fée sanguinaire, elle a un nom ? » À son regard, je devine que quelque chose ne va pas et c’est sans attendre qu’elle s’exprime : « Comment tu sais comment je m’appelle d’abord ? Tu comprends ma fée ? Parce que je ne l’ai pas dit moi, c’est elle qui m’a appelé ! » « Facile à deviner, vu ton caractère ! » « C’est pas écrit sur mon front ! » Je roule des yeux tout en volant près de l’Adulte, observant ses grands yeux bleu aussi clair que les miens.
« Ma fée, elle s’appelle Loupiote ! Je l’ai surnommée comme ça parce qu’elle clignote des fois, regarde… Pis en plus, par rapport aux autres fées, elle est moins lumineuse ! Mais touche pas ! C’est ma fée ! » Je souris, venant me poser sur la main de Chipie qu’elle tend devant elle. Elle me soulève légèrement pour me montrer à l’Adulte et je me redresse bien droite, ce qui la fait rire. « Elle aime bien qu’on la regarde ! » Je reprends mon envol tandis que Chipie semble se détendre en présence de Seth le sauveur. « Si t’es pas un pirate, alors qu’est-ce que tu es ? » C’est frustrant de ne pas pouvoir prendre part à la discussion, je n’ai pas emporté de fiole d’humanité avec moi. Et puis, Chipie ne m’a pas encore vu en taille humaine, d’ailleurs, je ne l’ai jamais utilisé. Pas encore. « Tu fabriques des bijoux ? Tu peux m’en donner, j’aime quand ça brille ! » Je vole jusqu’au dessus de la tête de Seth, me posant dessus tout en regardant Chipie d’en haut. Elle s’esclaffe en me voyant là-haut puis je descends pour venir me poser sur son épaule. « Si tu fabriques des bijoux, ça veut dire que tu les dessines avant ? Tu pourrais dessiner ma fée ? » demande-t-elle tout en m’attrapant pour me coller devant le nez de Seth : « Hey ! » Elle rigole tandis que je tourne la tête vers l’Adulte, mirant ses yeux de très près. Il va finir par loucher à me voir presque sur son nez.
Spoiler:
hj : dis moi si ça te convient concernant la petite liberté que j'ai prise
Une anguille empêtrée dans un filet de pêcheur aurait sans doute été plus facile à secourir ! La chipie était une vraie pile électrique. Dès qu'elle fut sur ses pieds, elle prit de la distance comme si Seth avait été un méchant dinosaure prêt à l'attaquer. L'homme ne comprenait pas les agissements de l'enfant mais on lui avait souvent dit de ne pas chercher à suivre la logique de ces petits êtres vivant en autarcie dans la nature. Après tout, lui, il avait fait sa part en aidant la personne en danger mais désormais plus rien ne le retenait en cet endroit s'il était maltraité. Chipie n'était pas très reconnaissante mais Seth s'y était attendu aussi, il ne répliqua pas. Contre toute attente, la gamine finit tout de même par murmurer un mot de remerciement. Comprendrait-elle enfin qu'il n'était pas là pour la persécuter mais simplement pour aider ?
La petite souleva alors un point, comment savait-il comment elle s'appelait ? Seth se sentit légèrement mal à l'aise. La vérité, c'est qu'il savait comment les enfants perdus choisissaient leurs noms. Ils faisaient partie du folklore local et Seth avait voulu en apprendre davantage. Il avait lu plusieurs bouquins à leur sujet et connaissait même le nom de leur chef ! L'homme esquissa un sourire gêné et tenta de se dépêtrer de la situation sans vexer cette petite susceptible.
- Eh bien j'ai entendu parler de votre façon de vous nommer entre vous et vraisemblablement ... c'est le seul mot qui puisse me venir à l'esprit en te rencontrant.
Il pouffa de rire. C'était inévitable vu le tempérament de la gamine ! Même quand on lui venait en aide, elle trouvait le moyen de râler. Pour dire toute la vérité, Seth avait plutôt pensé à "emmerdeuse" mais les enfants ne s'exprimaient pas de cette façon alors, il avait adapté le langage. Seth s'intéressa alors à la fée qui accompagnait la petite. Elles aussi, étaient un sujet intriguant dans les bouquins. L'homme avait passé des jours entiers à dévorer les écrits à leur sujet. On les disait puissantes, efficaces et dévouées à leur tâche. Leur royaume était régi par une reine et dans leur société, chacun avait sa place bien définie. Seth admirait ces petites créatures et en plus, il fallait bien l'avouer, elles avaient quelque chose d'absolument divin aux yeux d'un être humain mortel.
La fillette lui montra la fée en question nommée Loupiote qui se pavanait au centre de la paume de Chipie. Seth lui fit un petit signe de tête et continua poliment :
- Enchanté, Loupiote.
Si un jour on lui avait dit, lorsqu'il était encore loin des rives de Neverland, qu'il parlerait à une fée ! Seth aurait bien ri. Et pourtant, c'était vrai. Les fées existaient. Chipie questionna ensuite l'homme sur son rôle à Neverland. Pourquoi pensait-elle directement à la piraterie ? Seth n'avait rien d'un forban. Il avait une allure digne, une hygiène irréprochable et une éducation largement supérieure à celles de ces vaux-rien. Cependant, il fallait bien avouer que certains pirates tiraient leur épingle du jeu. Seth avait même entendu parler d'anciens aristocrates ayant abandonné leur vie de faste pour prendre la mer. Absurde.
- Je suis joaillier. Je créée des bijoux.
Aussitôt, la petite lui demanda s'il pourrait lui en donner. Seth esquissa un sourire et tenta d'imaginer l'enfant avec l'un de ses colliers autour du cou. Sans doute tomberait-elle sous le poids de l'objet ! Le joaillier n'eut heureusement pas le temps de répondre que Loupiote volait jusqu'au sommet de son crâne où elle se posa. L'homme pouffa de rire tel un enfant devant son premier sapin de Noël. La magie avait la capacité de le rendre plus immature que jamais.
Chipie attrapa alors sa fée et demanda à Seth de la dessiner. L'artiste afficha un large sourire. Aurait-il pu avoir plus de chance ? Lui qui cherchait un moyen de dessiner l'un de ces petits êtres ! Voilà le moyen tout trouvé de parvenir à ses fins. L'homme acquiesça vigoureusement d'un hochement de tête. Chipie lui offrait une victoire facile.
- Ce serait avec plaisir si elle est d'accord !
Seth fouilla les poches de ses vêtements. Il trouva sans mal un crayon traînant dans le fond d'un bout de tissu. Il tâtonna alors les poches arrières de son pantalon et fut agréablement surpris d'y trouver le petit carnet de secours qu'il emportait au cas où. L'homme recula de quelques pas et invita Chipie à poser sa fée sur une branche où elle pourrait s'asseoir tranquillement.
- Ce ne sera pas long. En attendant, tu peux m'expliquer pourquoi tu m'as pris pour un vieux poisson pourri de pirate ? N'est-ce pas Loupiote que je n'ai rien d'un forban ?
Il pouffa de rire, espérant gagner la sympathie de Chipie et de Loupiote en leur prouvant qu'ils étaient dans le même bateau. Seth s'installa sur un gros rocher et commença à dessiner la fée dans son habitat naturel. C'était une expérience inédite et enrichissante, ses doigts en tremblaient presque tant l'excitation était vrombissante.
- Elle est très belle, ta fée. Est-ce que tu l'as toujours eue comme protectrice ?
Encore une information glanée dans les bouquins de la bibliothèque de Blindman's Bluff. D'ailleurs, pour éviter d'éveiller à nouveau la paranoïa si facilement irritable de la fillette, Seth le lui précisa.
- Tout ce que je sais de vous les enfants perdus, je le sais grâce aux livres de la bibliothèque qui relatent vos aventures contre les pirates.
Lou Loupiote
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« Ce serait avec plaisir si elle est d'accord ! » Je ne pense pas avoir mon mot à dire. Chipie souhaite avoir un dessin de moi, il accepte alors je n’ai d’autres choix que de me plier à ses volontés. Ainsi, je pourrais me servir de ce jour comme poids lorsque nous nous prendrons de nouveau le nez. Chipie me laisse m’installer sur une branche tandis que l’homme sort ce qu’il faut de ses poches pour reproduire mes traits. J’avoue que je suis assez curieuse de voir le rendu, comment il me perçoit et comment il va dessiner mon visage, si petit à ses yeux. « Ce ne sera pas long. En attendant, tu peux m'expliquer pourquoi tu m'as pris pour un vieux poisson pourri de pirate ? N'est-ce pas Loupiote que je n'ai rien d'un forban ? » Je tourne la tête en direction de Chipie. Va-t-elle se confier ou rester silencieuse ? A ma plus grande surprise, ma petite coquine ouvre la bouche pour narrer à l’inconnu le pourquoi du comment, elle a cru que c’était un pirate. « Parce que les pirates sont nos ennemis, ils veulent nous attraper pour nous tuer ou nous utiliser… A quoi déjà Loupiote ? » « Travailler ! » « Voilà, travailler ! » J’étire un sourire, bien heureuse de la voir s’ouvrir à quelqu’un, d’oser discuter avec un Adulte. Ils ne sont pas tous comme ceux qu’elle a connus jadis, il est temps pour elle de retirer ses œillères. « Elle est très belle, ta fée. Est-ce que tu l'as toujours eue comme protectrice ? » Ses sourcils se froncent et les miens aussi, comment sait-il ? Mais avant qu’elle ne puisse répondre quoi que ce soit, l’Adulte s’empresse de donner les raisons de son savoir. Chipie semble laisser passer, hochant de la tête avant de me pointer d’un doigt : « Oui, je n’ai eu qu’elle. Je sais plus quand je suis arrivée ici, mais ça fait longtemps déjà. Loupiote elle, elle a eu pleins d’enfants qu’elle m’a dit. Beaucoup ont grandi… Je ne comprends pas pourquoi ils ont fait ça, c’est tellement nul d’être grand. » Attention, sujet de discorde en approche.
Docilement, je reste sur ma branche tout en écoutant les échanges entre ma protégée et l’homme. Celui-ci reste concentré sur son petit carnet pour me dessiner, tout en discutant avec Chipie. C’est un véritable plaisir de la voir ainsi, si… bavarde. « Ma fée a un caractère de cochon ! » « Oh ! Qui a un caractère de cochon entre nous deux ? » Elle éclate de rire tandis que mes tintements se perdent. Elle oublie qui râle pour un rien, qui est impolie, qui fait la tête dès qu’elle est contrariée. Décidément, cette petite friponne ne cessera de m’étonner ! « Tombe pas amoureux de ma fée hein ! De toute façon, elle est à moi et à personne d’autre, tu ne pourras rien en faire. » Je souris, remuant de la tête avant de me redresse pour m’envoler, mais ça ne semble pas être le bon moment, il n’a pas terminé. Je reprends ma place en soupirant : « Elle dit que tu es très long ! » « Menteuse ! » Je prends de la couleur tout en venant voler devant le nez de Chipie. Elle se contente de rire : « Elle est pas très contente… » L’homme semble comprendre que Chipie ne dit pas toute la vérité, ce qui me rassure d’un certain côté. « Si tu continues à mentir, je m’en vais et tu n’auras pas ton dessin ! » Elle soupire : « Bon, elle a rien dit, c’est moi… » Je retourne m’installer sur la branche, laissant ainsi à Seth le loisir de reprendre son activité.
La gamine semblait s'être apaisée, la perspective d'avoir un dessin de sa fée semblait la rendre plus aimable. Seth en profita pour tenter de percer le mystère. Pourquoi l'avait-elle pris pour un pirate ? Elle lui expliqua alors que les forbans recherchaient les enfants perdus pour les faire travailler ou pire encore. L'artiste en perdit durant quelques secondes son attention pour la fée. Son regard se perdit sur Chipie. Neverland était donc si cruelle ? Ces petits garnements étaient réellement recherchés par les loups de mer pour en finir ? Seth était loin d'être un modèle de bienveillance et de tendresse mais jamasi il n'aurait fait de mal à un être aussi innocent ...
- Je ne savais pas ...
Il ne sut quoi dire de plus. Seth ne faisait pas partie de la piraterie et n'en ferait jamais partie, trop vulgaire et bas pour son rang social. Cela ne l'empêchait pas d'en côtoyer parfois l'un ou l'autre et sa vision de ces personnes venait d'en prendre un sacré coup. L'artiste tâcha de garder à l'esprit que ces deux camps étaient des ennemis mortels. Ils ne se feraient aucun cadeau. Pour rendre la conversation plus légère, Seth décida de parler de la jolie fée. Celle-là même qu'il était occupé à dessiner. Il questionna la fillette sur le rôle de gardienne de sa protectrice. Chipie lui expliqua donc qu'elle n'avait jamais eu qu'elle en tant que gardienne mais que l'inverse n'était pas vrai.
Seth acquiesça en silence. Il ignorait que les enfants perdus grandissaient. Dans son esprit, on vivait enfant jusqu'à la fin de ses jours. Il n'y avait pas de suite logique à ça, le point final se trouvait dans la bataille ou dans les dangers de l'île. Chipie ajouta à son explication qu'elle ne le comprenait pas, ce désir de grandir. Qu'être grand, c'était nul. Seth pouffa de rire et haussa les épaules.
- Parfois, je dois dire que je suis assez d'accord avec toi.
Être adulte, c'était tellement compliqué parfois. Les conventions, les échanges, les relations humaines. Toutes des choses qui n'étaient pas aussi compliquées durant l'enfance. Seth se souvenait d'une époque d'insouciance, quelque part en France, entre les champs et les plaines. Il avait vécu heureux. Loin de l'être instable et capricieux qu'il était aujourd'hui. Oui, Chipie avait raison, c'était nul d'être grand. Opale en était la preuve ultime. Elle avait rendu son état d'adulte tellement plus merveilleux avant de le rendre mille fois pire. Sans elle, Seth se sentait comme un gamin abandonné. Peut-être n'était-il pas si différent de Chipie au fond.
La gamine lança que sa fée avait un caractère de cochon, ce qui fit rire Seth mais la fée réagit instantanément en lançant des sons de clochette à tout va. L'homme comprit que les deux demoiselles argumentaient leur propos dans leur langage qu'il ne pouvait saisir. Chipie lui lança alors de ne pas tomber amoureux de sa fée. Seth n'aurait sans doute pas pu tomber amoureux mais sa fascination pour le petit être de lumière était immense.
- Je ne voudrais pas vous séparer, vous avez l'air d'un duo ... atypique.
Il pouffa de rire. Les voilà qui recommençaient à se chamailler toutes les deux, l'une contredisant l'autre. Chipe finit par avouer son mensonge, c'était elle qui le trouvait long à dessiner la fée. L'artiste tenta donc d'activer un peu ses doigts. Il acheva un croquis puis le déchira du carnet et le tendit vers la fillette et sa protectrice.
- Voilà, j'ai terminé l'ébauche. Bien sûr, si je voulais faire un dessin plus travaillé, il me faudrait beaucoup plus de temps.
On pouvait discerner la fée, petite mais élégante, sur la branche. Son visage était partiellement dissimulé par l'ombre d'une feuille. On distinguait son petit sourire espiègle et ses yeux rieurs.
- ça te plaît ?
Seth avait pris plaisir à la dessiner mais avait un goût d'inachevé.
- Qu'allez-vous faire maintenant toutes les deux ?
Seth ignorait s'il parviendrait à s'incruster dans les plans des deux individus mais qui ne tente rien n'a rien ...
Lou Loupiote
Beware, I'm starving
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Seth semble accélérer la cadence pour plaire à Chipie, ce que je trouve charmant. Enfin quelqu’un qui comme moi, accepte le mauvais caractère de la fillette et n’essaye pas de la prendre à rebrousse-poil. Elle est agaçante, elle est irrespectueuse et parfois insupportable, mais au fond, c’est une fille tellement attachante. Chipie vaut de nombreuses batailles. « Voilà, j'ai terminé l'ébauche. Bien sûr, si je voulais faire un dessin plus travaillé, il me faudrait beaucoup plus de temps. » Je m’empresse de venir voler près de Chipie pour regarder par-dessus son épaule le dessin. Je me laisse choir sur son épaule, penchant légèrement la tête pour m’observer. « Ça te plaît ? » « Oui, merci ! » Chipie lui tourne un regard presque brillant, elle est émue et cela me touche. Je viens contre sa joue, mes bras écartés comme si je l’étreignais et elle sourit avant de mettre la feuille dans une poche de son vêtement. « Tu pourrais la dessiner encore mieux, sur un plus grand dessin ? » Effectivement qu’il peut, cet homme est un artiste. « Je veux que tu m’en fasses un comme ça ! On viendra chez toi ! » Je suis surprise par Chipie, mais si c’est pour lui faire plaisir, je suis prête à rester des heures dans la même position. « Qu'allez-vous faire maintenant toutes les deux ? » Elle hausse des épaules et je viens voler autour de lui en battant frénétiquement des ailes. « On se promène, on va manger et retourner à l’Arbre ce soir. » Je viens me poser sur le nez de Seth, observant ses yeux bleus glaciers de près avant de m’envoler pour aller vers Chipie. « Peut-être que tu peux nous emmener chez toi pour dessiner Loupiote tout de suite ? »
Je vole jusqu’à Chipie pour lui dire : « Il a besoin de temps, si tu veux un grand dessin, la journée sera assez ? » Elle hausse des épaules et me dit qu’on y retournera demain. Seulement, je ne tiens pas à aller à la cité, je n’ai pas confiance dans tous les Adultes et attraper une fée pour la vendre, ça me rappelle un mauvais souvenir. « Je n’ai pas très envie Chipie… » Elle roule des yeux avant de tirer sur la manche de Seth pour attirer son attention : « Loupiote a peur que tu veuilles la vendre au marché, tu ne le feras pas, n’est-ce pas ? » Après sa réponse, elle se tourne vers moi avec un sourire. « Il y a dix minutes, c’est toi qui ne voulais pas faire confiance aux Adultes Chipie ! » « Tout le monde change… » Je soupire, avant de venir me poser sur l’épaule de Seth. « Alors, allons-y ! » En vérité, nous n’avons pas vraiment laissé le choix à cet homme, du moins, c’est Chipie, mais quand elle a une idée derrière la tête, rien ne l’arrête. Ainsi, nous voilà partis en direction de la cité pour rejoindre la bâtisse du dessinateur afin qu’il fasse un plus grand portrait de moi. C’est assez étrange quand on y pense, mais je me suis trouvée plutôt jolie sur le morceau de papier et ça semble faire tellement plaisir à Chipie. Lorsqu’on approche de la ville avec une longue marche – pour eux – je file me cacher dans la poche de Seth pour éviter de me faire repérer, ne sortant que ma tête par moment pour observer la ville grouillante. Je n’y suis encore jamais allée ici, je l’ai survolé à plusieurs reprises et quand j’étais certaine de ne rien risquer, mais y être au cœur, c’est totalement différent et vraiment excitant.
Dessiner le portrait d'une fée était une opportunité que peu d'artistes avaient l'occasion de saisir. Seth aurait été idiot de ne pas se précipiter sur l'occasion. Ce travail était complexe, les millions de reflets dans ces toutes petites ailes qui fouettaient le vent, auraient demandé des heures et des heures d'observation et d'essais s'il avait voulu rendre le résultat identique. Malheureusement, le joaillier ne disposait clairement pas de tout ce luxe. La fillette exigeait déjà un résultat, elle ne lui laissait aucun sursis, aucun répit. Pourtant, malgré cette occasion unique, Seth décida de ne pas la froisser et d'obtempérer à ses exigences. Après tout, elle était celle qui lui avait permis de dessiner une fée et d'en voir une d'aussi près, il ne pouvait pas ne pas l'en remercier. Il tendit donc la feuille de papier à la petite qui sembla apprécier le dessin. Ses yeux exprimaient une profonde gratitude qui toucha Seth. Ce lien exceptionnel qui liait l'être magique à l'être humain était une subtilité dont il n'avait pas soupçonné la puissance. Chipie posa alors une question qui prit Seth de court mais qui le ravit.
- Je pourrai mais il faudrait que j'ai le matériel sous la main.
Aussitôt, la gamine perdue répliquait qu'elles pouvaient venir chez lui. Seth fut troublé de son revirement de position. Quelques minutes plus tôt, elle le soupçonnait d'être un pirate et là, elle s'invitait littéralement dans sa demeure. L'artiste ne pouvait refuser cependant et il acquiesça d'un hochement de tête. Il questionna le duo sur leurs projets immédiats, elles n'en avaient pas vraiment. Se promener et manger, rien d'extraordinaire. Et tandis que la fée vint se poser sur le nez de Seth, lui permettant de la voir plus près que jamais, la gamine proposait de rentrer chez lui pour qu'il dessine sa fée. L'homme n'aurait pu rêver mieux ! Une fée en tant que muse. C'était presque trop beau pour être vrai.
Cependant, la minuscule femme ailée ne semblait pas à son aise. Elle alla voleter autour de sa protégée, produisant des tintements de clochette qui parurent étrangement répétés et proches au goût de Seth. Devait-il en conclure qu'elle était irritée ? Son débit de parole semblait rapide, en tous cas. Chipie n'hésita pas à tirer la manche de l'artiste et à lui demander de but en blanc s'il ne prévoyait pas de revendre la fée sur le marché. Le visage de Seth exprima sa surprise et sa stupeur. Etait-ce la crainte de la fée ou le détachement avec lequel Chipie lui avait posé cette question qui le prit autant de court ? Quoi qu'il en soit, il finit par esquisser un sourire et secouer la tête négativement.
- Bien sûr que non. Tu sais, ce n'est pas vraiment l'argent qui me manque ...
Il haussa vaguement les épaules. Non, s'il avait eu une fée, il ne l'aurait pas vendue. Il l'aurait gardée comme muse. Mais Seth avait tout de même appris de ses erreurs. Opale lui avait inculqué la plus précieuse des leçons. Aucun être vivant ne peut être privé de sa liberté sans que le bourreau ne finisse par en payer les conséquences. Les siennes avaient été désastreuses. Aurait-il été tenté de garder la petite fée luciole en captivité ? Oui, évidemment. L'idée lui aurait forcément traversé l'esprit ! Mais le visage d'Opale lui serait alors apparu et Seth aurait su. Reproduire les mêmes erreurs n'est autre que le signe d'une profonde stupidité or le joaillier était quelqu'un d'assez intelligent.
Il fallait bien l'avouer, le petit dialogue incompréhensible entre la fée et sa protégée amenait une situation plutôt hilarante au final. Seth n'avait que la moitié de la discussion et devait deviner ou déduire l'autre partie. C'était un exercice pour le moins amusant et dans lequel il commençait à exceller. Comme souvent visiblement, Chipie eut le dernier mot. Ils prirent le chemin de Blindman's Bluff sans que la fée n'en décide autrement. Seth en conclut donc qu'elle était d'accord avec le choix. En approchant aux abords de la cité, la fée vint se cacher dans la poche de la chemise de Seth. L'homme, peu habitué au contact d'un tout petit être ailé contre lui, esquissa un sourire légèrement gêné. C'était une situation des plus inédites.
- Bienvenue chez moi.
Sa demeure était grande, la façade était d'un blanc éclatant et de larges fenêtres laissaient apercevoir ce qui se trouvait à l'intérieur. Plusieurs personnes s'affairaient à nettoyer l'intérieur, Seth invita les demoiselles à entrer. Kala vint les accueillir avec un large sourire et questionna son maître sur l'identité de la fillette. Seth baissa d'un ton pour discuter avec son esclave.
- C'est une fillette perdue qui aimerait que je dessine sa fée. Nous allons être occupé dans l'atelier durant quelques temps. Monte des boissons fraîches et quelque chose à grignoter dès que tu le pourras.
Kala acquiesça d'un hochement de tête et disparut dans les cuisines. Seth invita la fée et Chipie à monter à l'étage. Il ouvrit une porte menant à sa pièce favorite de la maison : son atelier. De la lumière entrait par toutes les fenêtres ouvertes mais malgré l'aération excessive, une odeur de peinture fraîche flottait dans l'air. Des dizaines de toile peintes s'accumulaient dans un coin de la pièce tandis que d'autres vierges se superposaient à l'opposé de la salle. Seth attrapa un tabouret et y déposa un pot de peinture qui ferait un siège parfait pour la taille de la fée.
- Puisque vous prévoyiez de manger, nous n'allons pas tarder à avoir quelque chose à grignoter. En attendant, installez-vous.
Il n'y avait dès lors plus qu'à disposer des lieux.