Some things are destined to be

Pourquoi tenter d'arrêter l'inévitable ? Pourquoi perdre son temps à tenter de sauver une personne qui est déjà perdue ? Pourquoi vouloir épargner la vie d'une raclure comme ce jeune homme ? Voilà les questions qui lui passent par la tête, Cahan, alors que ses pas lourds le dirige vers le vieux bâtiment. On l'arrête devant la porte, on lui demande ce qu'il fait là puis sa voix grave s'élève. On le laisse passer et alors, il franchit la porte et se dirige instantanément vers la porte qui se trouve tout au fond. La garde le laisse entrer et le bourreau demande à être seule avec la jeune femme. Il se retrouve alors face à elle. Voilà des années qu'il ne l'a pas vue, pourtant, elle n'a pas changée, bien qu'aujourd'hui elle soit devenue une femme, une vraie. À l'époque, ils n'étaient que des gamins, ne connaissant pas l'amour ou en sachant très peu à ce sujet. Ils étaient innocents, insouciants. La vie n'avait pas la même couleur, ni la même saveur. Son coeur à lui n'était pas encore noircit par la colère, il n'était pas encore ce monstre que les gens voient aujourd'hui. Il n'était que le fils d'un soldat, qu'un jeune guerrier rempli de volonté et d'ambitions. À l'époque, ses mains n'étaient pas souillés par le sang de nombreux hommes, il était encore pur, Cahan. Ces pulsions meurtrières ne faisaient pas encore parties de lui. Il n'était pas encore cet homme, le bourreau.

À l'époque où il a connue la jolie blonde, il n'était qu'un gamin, Cahan. Qu'un adolescent au coeur bon, qu'un adolescent qui pourtant aurait tout donné pour elle. Il ne connaissait pas l'amour, mais elle, il l'a aimée. Du moins, aussi intensément qu'un gamin de treize ans peut aimer. Et puis, elle a disparue de sa vie, Iniel, elle l'a laissée, le marquant d'un profond vide. Puis, il s'en est remis, Cahan, une autre femme est entrée dans son coeur et elle, elle était la femme de sa vie, celle auprès de qui il aurait dû vieillir. Seulement, la vie a décidée qu'elle ne serait qu'une épisode, qu'une chapitre dans la sienne. C'est là qu'il est devenue ce monstre, cette bête, le bourreau. Cet homme, elle ne le connait pas, Iniel, elle a aucune idée de ses sombres pensées, elle a aucune idée de quoi il est capable.

Les iris clairs du celte l'observent, alors qu'il entre dans la pièce. Son visage est dur, autrefois il ne l'a regardait pas ainsi. Il avait le sourire sur les lèvres, la joie au fond des prunelles. Maintenant, il est tout autre. Il s'approche et se pose devant elle, de toute sa hauteur. « Ne t'avise plus jamais de t'interposer ainsi. Quand un homme est condamné, personne ne peut changer son destin. Surtout pas une femme. Tu aurais pu te faire tuer ! » Son ton est aussi dur et froid que l'est son visage, il la fixe de ce regard sombre, le bourreau. Iniel, il ne l'a pas vu depuis des années, mais il ne souhaite pas sa mort. Il aurait pu lui arriver malheur, elle pourrait même se faire juger pour s'être interposée ainsi. Elle n'aurait pas dû s'interposer, elle aurait dû rester à l'écart et accepter que ce gamin se fasse exécuter. Elle ne pouvait rien y faire du tout et Cahan, il ne pouvait pas s'arrêter. Son boulot est d'exécuter ceux qui sont jugés, leurs sorts ne reposent pas entre ses mains, il n'y a que la hache qui y repose. C'est de la pure folie de s'être imposée et pour ça, le bourreau il peut ressentir de la colère. Pas seulement parce qu'il s'agit d'elle, mais aussi parce qu'il déteste voir les gens tenter d'empêcher l'inévitable. Le sort de ce jeune homme était scellé à l'instant où il a été prit la main dans le sac. Rien et personne n'aurait pu y changer quelque chose, surtout pas elle.

Some things are destined to be

Elle se lève, la blonde, elle vient se poster droit devant lui. Elle l'observe et c'est l'incompréhension qu'il lit sur son visage. Ça et un certain dégoût qu'il voit pour la première fois sur ce doux faciès. Comme tous les autres, c'est le monstre qu'elle voit, cet homme dur qui prend de nombreuses vies, sans sourciller. « Cahan … Pourquoi ? Où est passé le gamin avec un cœur si pur que j'ai connu ? Ton cœur est devenu si noir ! Que penserait ta femme si elle était là, aimerait-elle que son mari soit devenu un montre sans pitié qui exécute des gamins sans défense qui demandent juste de quoi se nourrir ? » Il l'observe, ses yeux se plissent sous la colère. Elle n'a pas connue Aifric, qui est-elle pour juger de ce qu'elle aurait pensée ? Ce n'est pas de sang-froid qu'il tue les condamnés, Cahan, s'il ne le faisait pas, ça serait le rôle d'un autre. C'est la justice qu'il fait régner, c'est son moyen de gagner sa vie. Certes, ce n'est pas très reluisant comme métier, mais c'est ce qu'il est, un bourreau. Il sait parfaitement que se défunte femme serait contre, il sait qu'elle n'apprécierait pas celui qu'il est devenu, mais que peut-il y faire ? Aujourd'hui, elle n'est plus là et ça, depuis plus d'une quinzaine d'années. La vie continue et jamais il ne pourra redevenir l'homme qu'il était. Son coeur s'est assombrit, il a perdu une partie de son humanité et c'est ainsi. Rien et personne ne pourra y changer quelque chose, du moins, il en a la certitude. Les cicatrices ne sont pas encore refermées, même après toutes ces années, alors il doute qu'elle se referment entièrement un jour.

Il ne bronche pas, le bourreau, son regard reste figé sur elle, avec colère. Elle s'approche, Iniel, elle vient caresser son visage, le regard rempli de tristesse. Il ne bronche toujours pas, le celte, ses yeux sont deux billes qui l'observe sans pouvoir bouger. « Ton visage a tellement changé, je ne vois que de la haine dans tes yeux, plus aucune lueur de joie ou d'amour. Moi aussi j'ai tout perdue. » Des larmes se mettent à couler avec douceur sur le beau visage de la blonde et pourtant, il ne bronche toujours pas, Cahan. Il sait qu'elle a tout perdu, à l'époque, il en fut lui-même affecté, mais désormais, ça lui fait ni chaud, ni froid. Chaque être perd quelqu'un qui lui est proche. Tel est ce monde et chacun réagit comme il le désire. Lui, c'est la colère qui l'a emporté, elle c'est autre chose. Les gens sont si différents, ils ne peuvent pas tous réagir de la même façon, c'est ainsi. « Malgré ça je n'arrêterais jamais de défendre mes convictions et personne y compris toi ne pourra m'en empêcher ! » Il saisit son poignet d'une main ferme et éloigne sa main de son visage sans trop de délicatesse, sans toutefois la quitter des yeux. La colère marque toujours son visage, cette crise de larmes ne l'affecte en rien. Il a apprit à en laisser passer, Cahan, aujourd'hui, les larmes ne l'affectent pluss.

« Continue de te battre pour tes convictions, mais cesse de faire l'idiote. Certaines personnes ne peuvent être sauvées, tu devrais déjà le savoir. » Le ton de sa voix reste aussi dur qu'à ses premières paroles. Sa main délaisse son poignet, malgré la colère, il ne désire pas lui faire de mal. Il n'est pas ce monstre que tout le monde dépeint, il est un homme qui a souffert, un homme au coeur qui s'est obscurcit, mais il n'est pas mauvais sur toute la ligne. Il protège les plus faibles, les femmes, les enfants, il ne tolère pas qu'on leur fasse du mal. Il veille encore sur ceux qu'il porte dans son coeur, même si ces gens ne sont pas nombreux. Non, il n'est pas entièrement un monstre, Cahan. Seulement, elle n'en sait rien, Iniel, elle ne le connait pas, elle ne le connait plus. En une vingtaine d'années, il a évolué, mais désormais, rares sont ceux qui le connaissent vraiment. Il ne parle pas beaucoup le bourreau et il crée très peu de liens. En réalité, il se fiche bien des gens, il ne se rapproche pas d'eux, il est solitaire, le celte et ça lui convient. « Interposes-toi encore une seule fois sur la grande place et c'est toi qui risque de te retrouver sur la potence. » Toujours cette voix glaciale et froide. Ce n'est pas une menace, mais bel et bien la vérité. Cette fois, les gardes l'ont arrêtée et ils vont bientôt la relâcher, mais la prochaine fois, les autorités ne seront pas aussi tolérants envers elle. Iniel, elle ne peut pas s'interposer de la sorte, personne ne peut le faire.