White demon, where's your selfish kiss? White demon sorrow will arrange. Let's not forget about the fear, black invitation to this place that cannot change. While strangely holy, come for a rain.
Un capuchon vert sur la tête, des chaussures aux pieds. Brynjár avait l’impression d’être engoncé dans un déguisement. Il ne fallait pas faire de vagues car en effet, il mettait les pieds en territoire ennemi ! One-Eyed-Willy, l’endroit où les enfants perdus ne se rendaient jamais. Un repère de pirates, un trou à rats en quelques sortes. Alors que venait-il faire ici ? Bryn voulait simplement rendre visite à Anya. Son amie lui avait raconté son quotidien, ses danses dans les rues de cette ville hideuse et son art de dérober dans les bourses des moins attentifs. Le gamin perdu avait mis quelques temps à se décider à venir ! L’explication résidait dans le fait que cette ville ne lui inspirait rien de bon. Il détestait tout dans cet endroit. Les effluves d’alcool qui s’échappaient des tavernes, les visages sombres des passants, les rires et les cris qui s’élevaient çà-et-là.
C’était la toute première fois qu’il mettait les pieds en plein centre de One-Eyed-Willy. Les bâtiments étaient hauts, les gens parlaient fort. Bryn n’était pas du tout à l’aise, il avançait la tête basse et tâchait de ne pas se faire repérer. C’était désagréable pour lui. D’ailleurs, il avait peut-être déjà mis les pieds ici en vérité ! Il ne se souvenait de quasiment rien de cette époque mais lors de sa capture par Barbe Noire, Brynjár avait dû passer par ce trou à rats. Bref, rien qui ne lui rappelle de bons souvenirs.
Anya lui avait dit qu’il pourrait la trouver occupée à danser ou à dérober de l’argent, le tout, généralement dans les rues. Le garçon perdu resserra donc la cape verte qui l’entourait et continua d’avancer. Personne ne prenait attention à lui, les adultes semblaient trop occupés à marcher, à rêvasser ou à compter. Ils ne prêtaient pas le moindre regard à cette cape qui persévérait parmi les rues pavées. Enfin, Brynjár entendit de la musique. Il s’en approcha à pas discrets et aperçut une silhouette féminine occupée à faire virevolter le tissu de sa robe ainsi que ses longues mèches brunes. Restant un instant en retrait, occupé à la regarder danser, Brynjár finit par avancer.
Plusieurs regards se tournèrent vers lui. Anya ne travaillait pas seule, elle était accompagnée d’autres artistes de rue qui eux aussi étaient des chipeurs. Bryn s’en fichait car lui, en tant que garçon perdu, ne possédait rien de valeur. Seule sa fée représentait son plus précieux trésor et Maurice était actuellement caché dans une poche intérieure de sa cape bien au chaud. Le garçon s’approcha de la demoiselle et abattit son capuchon, lui adressant un large sourire.
- Salut !
Il était content de la revoir, de retrouver son regard pétillant et son sourire. Mais le fait d’être à One-Eyed-Willy le mettait mal à l’aise. Bryn se sentait comme un intrus. Le rouge lui monta aux joues.
La petite danseuse et l'enfant rêveur Avec Brynjár
Une autre journée sans couleurs s'écoulait dans le centre de One-Eyed-Willy, pour le plus grand ennui d'Anya. C'était toujours la même chose : elle et ses amis artistes parcouraient les rues, s'installant sur les places ou dans les allées, et jouaient de la musique ou dansaient... certains d'entre eux en profitant évidemment pour faire les poches des spectateurs. Au fil des mois, Anya était devenue une excellente voleuse, et ne s'était jamais fait prendre la main dans le sac. Il était essentiel d'être discret et rapide, car les voleurs ne vivaient pas vieux s'ils se faisaient attraper. Le vol était un art, une danse qui exigeait rigueur et tendresse à la fois, et surtout une précision et une efficacité redoutable.
Elle était donc là, au milieu des badauds, tournoyant, volant, exprimant la rage de vivre qui se trouvait en elle. Elle était tempête, elle était oiseau... et elle était voleuse. Quand la musique s'arrêtait, et que la jeune femme revenait sur Terre, la réalité lui revenait en plein visage. Les bâtiments gris, les passants à l'air louche, les effluves du port, tout semblait lui rappeler qu'elle n'était pas à sa place ici. A vrai dire, Anya ne savait plus où était sa place. Elle l'avait su un jour, mais c'était tellement lointain...
Soudain, parmi la foule, une personne familière parut. Il caché sous une cape, mais Anya serait toujours capable de reconnaître son ami, même le visage à moitié caché. Surprise, la brune s'arrêta de danser, faisant comprendre aux autres qu'elle s'arrêtait là pour aujourd'hui. Tandis que Brynjár s'avançait vers elle, Anya sentait les regards interrogateurs de ses compagnons posés sur elle, mais elle n'en avait cure. Toute son attention était dirigée vers Bryn, qui était aussi grand qu'elle était menue. Elle ne put s'empêcher de le trouver beau garçon, bientôt homme mais avec un air toujours enfantin sur le visage. La brune ne s'était pas attendue à une visite si rapidement, mais cela ne pouvait que l'emplir de joie.
-Bryn !
Elle se jeta dans ses bras, avant de le prendre par la main pour le mener ailleurs.
-Comment vas-tu ? Je suis ravie de te revoir... Mais viens, allons dans un endroit un peu plus calme pour parler. D'accord ?
White demon, where's your selfish kiss? White demon sorrow will arrange. Let's not forget about the fear, black invitation to this place that cannot change. While strangely holy, come for a rain.
La toxicité de cette ville l’étouffait. Rien, rien en cet endroit ne lui donnait l’impression d’être à sa place. Rien si ce n’est ce large sourire qui s’afficha sur le visage d’Anya. Qu’importe où elle était, qu’importe si ses voisins étaient des pirates, elle restait la même. Cette même fille qui, au cœur de ses pires cauchemars, lui avait tenu la main et murmurait des mots d’encouragement. Son étreinte, brève mais suffisante, le replongea dans le réconfort, la sécurité. Entre ses bras, Brynjár se sentait à sa place. One-Eyed-Willy ne comptait plus, Anya abolissait tout ça. Son corps gracile contre le sien, ses bras maigrelets autour de son cou. Tout comme au fond des mines, elle surgissait d’un endroit de torture pour égayer sa journée.
Et comme toujours en sa présence, Bryn ne put retenir son sourire. Leurs mains se trouvèrent et Anya l’emmena. Le garçon perdu ne s’en plaindrait pas, cette rue lui rappelait la piraterie. La nuit éternelle qui plongeait Neverland dans une lente dépression acide ne faisait qu’accentuer cette impression. One-Eyed-Willy était une pauvresse se lamentant sur son sort. Bryn, il n’y voyait que la misère et les stigmates d’une vie désabusée. Il aurait tant aimé pouvoir emmener Ana loin de tout ça, l’arracher aux bras cadavériques de cette ville nauséabonde pour la ramener chez elle, chez eux, à l’Arbre du Pendu. Mais la réalité le rattrapait, lui rappelant que la demoiselle avait grandi et que désormais sa place n’était plus auprès des enfants candides et innocents.
- Je vais bien. Et toi ? Je suis d’accord, allons-nous-en.
Brynjár jeta un rapide regard à cette petite bande d’artistes qui formaient la nouvelle famille d’Anya. Ces gens-là étaient ceux avec qui elle passait le plus clair de son temps. Ces gens-là étaient sa bande d’enfants perdus à elle. C’étaient eux qui le remplaçaient, lui qui n’était plus présent pour elle. Cela ne fit que le plonger un peu plus dans l’amertume. Cependant, Anya avait pu recréer un cocon, elle était parvenue à s’en sortir et pour cela, Bryn était heureux.
Ils marchèrent quelques instants, se fichant des badauds et des hauts bâtiments sombres. Bryn ne se préoccupait plus de rien si ce n’est des mèches brunes de la jeune fille qui volaient dans son dos. Elle avait cet effet apaisant sur lui, comme si sa simple main pouvait le rendre plus fort. Ensemble, ils étaient tellement puissants, presque invincibles. Brynjár en avait l’impression en tous cas. Dans un rire presque trop enfantin, il reprit :
- Tu m’emmènes où ?
Il avait tenu à vivre la revoir, à se plonger dans son quotidien mais de quoi était-il fait ? Comment se déroulait la vie d’une personne habitant à One-Eyed-Willy ? Bryn n’en avait pas la moindre idée ! Sa curiosité le poussait à vouloir en savoir davantage mais jusqu’à présent, ce qu’il avait vu ne lui donnait pas l’envie de creuser plus. Anya lui réservait peut-être des surprises ...
- Je n’aime pas cette ville ...
Anya devait s’en douter. Mais cette phrase lui était venue si naturellement que Brynjár n’avait pu s’empêcher de l’extérioriser.