Depuis que j’avais appris le décès de ma mère, j’avais des remords. Voilà dix ans que je n’avais pas donné de nouvelles, que finalement le jour où je m’apprêtais à le faire… on m’avait apprit sa mort dû à une maladie. J’étais tellement en colère contre elle, elle m’avait arraché à ma vie, à la fille que j’aimais pour me jeter sur un bateau pirate. Certes, durant ces dix dernières années, je me suis endurci, j’ai pris de l’assurance et de la maturité… mais j’avais perdu tout espoir de retrouver l’amour. D’ailleurs, je semble être maudit en amour – on a dû me jeter un sort ! Après avoir perdu Adélaïde, me voila sous le charme d’une femme mariée.
Le navire venait d’accoster au port dans Blindman’s Bluff, et je décidais de rendre visite à mes chères cousines. Nous avions grandit ensemble, elles étaient comme mes sœurs. Et dire que j’avais passé dix ans de ma vie, sans leur rendre visite ! Mais depuis nos retrouvailles, je ne ratais jamais une occasion d’aller les retrouver. Quelques minutes de marches, et me voilà devant la ferme où j’ai grandi. « Magnus ! Magnus ! J’ai besoin de toi ! » S’écria ma cousine, en accourant vers moi. Elle m’avait sûrement vu au loin, elle devait être devait sa fenêtre. « Isabelle, que ce passe-t-il ? » Je l’attrapais au vol, elle semblait tellement enthousiaste que je ne comprenais rien. « Mère ne veut pas que j’aille au bal organisé par les Fordham, avec tout ce qu’il se passe sur l’île, elle me dit que c’est dangereux. Mais si tu viens avec moi, elle n’osera pas refuser ! S’il te plait Magnus ! » Elle me fit ses yeux de chien battu ; elle savait que je ne pouvais rien lui refuser. Je n’avais prononcé aucun mot, et pourtant, elle était déjà partie en courant vers la maison. « Mère, Magnus m’accompagne au bal ! » Je levais les yeux au ciel, mais au final, je me mis à rire. C’était bon de retrouver une vie simple !
Après plusieurs heures, ma cousine Isabelle fut enfin prête. Elle avait changé trois fois de robe, puis de ruban dans ses cheveux, elle était très jolie. Elle allait sûrement faire tourner des têtes à ce bal. Nous arrivions devant cette magnifique demeure, jamais au grand jamais, je n’avais vu une bâtisse aussi belle. Il y avait du monde, j’étais un peu mal à l’aise, après tout je ne connaissais pas les hôtes. Isabelle me tenait par le bras, nous faisions notre entrée dans cette grande et immense salle. Pour un pirate comme moi, toute cette richesse ferait des envieux, mais je n’ai jamais été un pillard comme eux. Nous nous avancions vers la foule, ceux qui ne connaissait pas notre identité, nous prenaient certainement pour un couple. « Viens danser, Magnus ! » insista ma chère cousine. « Connais-tu les hôtes, Isa ? » lui demandais-je. « Très peu, la femme de cette maison est tellement jolie. Elle a les robes les plus belle de Blindman’s bluff ! Nous la verrons bien assez tôt, viens danser !» Je m’apprêtais à la suivre quand mon regard se posa sur une femme blonde, ce visage … « Adélaïde ? » demandais-je, bien que je sois certain de son identité ; même après toutes ces années, je l’aurais reconnu entre milles.
Le jour du bal était enfin arrivé. Depuis plusieurs jours, cette nouvelle avait éveillé le village et les préparations ne firent que s’accroître. J’avais interdiction de me mêler aux préparatifs et devait vaquer à mes occupations habituelles. J’étais enceinte, mais cela ne m’empêchait pas de pouvoir vivre comme bon me semble. Les robes s'entassent devant moi et cette fille m’aidant au quotidien tenter de me préparer, mais mon instinct d’éternelle indécise refuse toutes propositions. Vêtue de ce peignoir, j’entendis des pas non loin de la porte et celle-ci s'entrouvrit. « Laissez-nous Emma ! » Cette voix autoritaire fit partir la demoiselle et le couple Fordham se tenait réunit dans cette chambre. Je laissais ce sourire discret apparaître alors que mon mari s’avançait vers moi, ses mains n’étaient pas vides. « Je veux que tu portes cette robe ce soir ! » Sa voix s’était adouci et je ne pus cacher mon expression face à la beauté de cette robe. Je n’eus pas le temps de rétorquer la moindre parole qu’il s’était avancée vers moi afin de m’embrasser tendrement sur la joue et sortir de cette chambre. Nous n’étions pas un exemple d’amour pur, sincère et éternel, mais nous représentions l’attachement, le respect et l’affection constante. Quelques minutes plus tard, cette robe était enfilée et mes cheveux blonds retombaient en cascade sur mes épaules. Il n’était plus question de préparatifs, mais de festivités. Les premiers invités avaient pris place dans cette salle, dans notre demeure. Je n’étais pas une adepte des grandes festivités, mais cela restait calme et agréable. Aux côtés de mon mari, je saluais les personnes présentes et je les écoutais narrer leur dernier exploit. Elias avait son bras autour de ma taille et empêcher quiconque de s’approcher trop près de moi. Son instinct de protection s’était accru lorsque j’avais découvert ma grossesse. Cependant, il suffit de quelques amis proches à lui débarquent dans la salle, afin qu’il détache son étreinte et se penchait doucement vers moi. « Profite de cette soirée, fais attention à toi ! Nous nous reverrons tout à l'heure afin d'annoncer l'arrivée de l'enfant Fordham. »J’acquiesçais d’un signe de tête avant de le voir s’éloigner vers ses connaissances. Mon regard zigzague entre les personnes présentes ici, mais je m’arrête quelques instants lorsque cette voix familière me fait sortir de mes pensées. Je reconnais cette voix entre mille et ma respiration se coupe instantanément. Je tourne la tête afin de rencontrer Magnus. Tant de questions se posent dans mon esprit, que se passe-t-il ici ? Que fait-il là ? Pourquoi était-il revenu alors que cela fait une dizaine d’années que j'apprenais à vivre sans lui. Aucun son ne réussit pourtant à sortir. Un simple : « Magnus » se lance hésitant. « Pourquoi es-tu là ? Comment fais-tu pour revenir après toutes ses années ? » Je ne prête plus attention à ce qu’il se passe autour de nous. Les notes de musique s'enchaînent mais je me trouve immobile au centre de tous. Les dernières nouvelles que j’eus de lui sont les propos de mon mari et cela n”était pas positif à son égard.
Si l’on m’avait dit ça ! A peine accoster sur la terre ferme, je me fais embarquer pour un bal. Je n’avais pas mis dans ce genre d’évènement depuis des lustres… en fait, je réalise que je n’ai jamais été invité dans un bal aussi chic que celui-ci. De toute façon, qui inviterait un pirate dans une maison aussi luxueuse, ce serait du lard aux cochons ! Mais je n’étais pas un voleur, les propriétaires de cette bâtisse peuvent dormir sur leurs deux oreilles. C’est donc, au bras de ma charmante cousine que nous pénétrons dans le lieu de réception. A peine arrivé, Isabelle veut absolument aller danser, et elle m’entraîne vers la grande salle au parquet luisant. Je ne suis pas sûre de vouloir m’exposer au monde présent, je ne suis pas le meilleur des danseurs. « Tu devrais te trouver un meilleur cavalier, je vais aller me chercher un verre. » Elle me regarda avec son regard suppliant, mais lorsque je lui montrais du doigt un charmant jeune homme - qui la dévorait du regard – elle finit par sourire, et le rejoindre. Une fois seul, je me dirigeais vers un endroit qui me semblait moins bondé ; quand mon regard croisa une jolie blonde. Elle était magnifique dans cette robe qui valait sûrement très chère, ma seule pensée fut qu’elle avait finalement su trouvé un prince à sa hauteur. Adélaïde, elle se tenait là devant moi, j’avais peine à y croire… mais tout cela était bien réel… elle prononça mon prénom dans un effet de surprise. Je m’approchais d’elle, instinctivement… dix ans, c’est tellement long. Alors que quelques centimètres nous séparaient, elle s’arrêta et me demanda pourquoi j’étais là, et surtout après tant d’année. Je pouvais sentir sa rancœur dans le son de sa voix, je l’avais abandonné… mais on ne m’en a pas laissé le choix. « Adélaïde, je suis revenu te chercher… mais quatre ans ce sont écouler depuis mon départ, et tu n’étais plus là. Ma mère m’a vendu à ce pirate, j’étais en mer durant ces quatre et longue années… je pensais à toi chaque jour. » Brisant la distance qu’il y avait en nous pour saisir ses mains, je remarquais l’étincelante bague qui ornait son doigt. Je relevais les yeux pour les plonger dans les siens, et ajoutais : « Je suis heureux que tu es trouvé le bonheur au près de quelqu’un qui puisse accomplir tes rêves. » La revoir après tant d’année me chamboulait au plus haut point. Mon cœur battait la chamade, et ma gorge était sèche… à cet instant, je nous revoyais, dix ans auparavant sous ce pommier - sous lequel nous nous étions rencontrer – mais aujourd’hui, elle n’était plus mienne. D’ailleurs, à cet instant précis, j’en oublie qu’elle est mariée, et que son époux peut arriver à tout moment… qu’en serait-il de ma vie s’il me surprend avec sa femme. Seulement, j’étais tellement absorbé par la beauté d’Adélaïde que j’en oubliais toutes les règles de bienséance.
Comment est-ce possible ? Mon coeur bat la chamade à chaque parole qu’il prononce. Comment pouvais-je expliquer qu’après toutes ces années il suffit d’un simple regard de sa part afin que je puisse devenir de nouveau l’adolescente que j’étais auparavant. Je ne pouvais pas plonger mon regard dans le sien sans ressentir une certaine colère en son égard. D’après les dires de mon mari, il avait pris la décision de fuir et considérais leur relation comme une simple passade comme d’autres pourraient l’être. Je m’étais faite à cette idée comme si cette pensée était devenue un échappatoire à ma tristesse. Ses paroles se perdirent dans mon esprit. Je refusais de croire qu’après toutes ces années, il était venu me chercher sous ce pommier. Avais-je manqué ce jour où notre rencontre aurait pu être possible à nouveau. Je le laissais poser ses mains sur les miennes, malgré le lieu dans lequel nous nous trouvions et les circonstances que cette soirée promettait. « Comment pourrais-je te croire ? Je pensais n’être qu’une simple passade pour toi. Si je devais reprendre tes propres termes, je n’était qu’une amourette sans grand avenir. » Je retire mes mains des siennes ne voulant pas me plonger dans un méandre de sentiments. Je ne pouvais plus me permettre de laisser mon coeur dictait ma raison, je ne suis plus seule dans toute cette histoire. Je porte une de mes mains sur mon ventre comme pour revenir à la réalité. Je n’ai jamais réussi à lui en vouloir longtemps, il suffit simplement de plonger mon regard dans le sien afin de nous revoir ces années auparavant. De me revoir assis à ses côtés en lisant ces livres qui rythment toujours mon quotidien. Mon esprit part dans ce passé lorsque je repris conscience et laisse apparaître un sourire sur mon visage. A cette soirée, je ne pouvais pas me permettre de montrer mes sentiments alors que mon mari se trouve dans les mêmes lieux. J’éprouve de l’affection pour lui et je refusais qu’il puisse passer pour un homme dont la femme fait les yeux doux à un pirate. « J’ai trouvé le bonheur à présent, tu n’imagines même à quel point j’étais devenue une femme blessée suite à ton départ. J’aurais tellement aimé savoir, j’aurais tellement aimé que tu puisses m’informer et me dire que tu ne voulais plus me revoir. » Je m’entête à croire les paroles de mon mari, enfin mon esprit préfère le croire afin que ma tristesse puisse se transformer en colère. Les premières notes de musique se firent entendre dans l’enceinte de cette demeure. « Je ne sais pas ce qui s’est passée depuis toutes ces années, es-tu encore l’homme que j’ai connu… » A présent qu’il se trouvait face à moi, mes sentiments étaient contradictoires. Je ressentais l’envie de crier, de lui dire de s’en aller, de demander des explications et d’un autre côté, je refusais de le perdre de nouveau. Je lève une de mes mains en arpentant un sourire afin qu’il puisse danser et que notre conversation puisse paraître une simple danse entre nous et éviter le moindre soupçon des invités beaucoup trop envahissants.
Je ne m’attendais pas à voir Adélaïde lors de cette soirée, je n’étais pas préparer à ces retrouvailles… pourtant, j’ai tellement attendu ce moment. J’avais besoin de savoir si elle était heureuse, si elle avait avancé sans moi. Si ce n’était pas mon cas, je n’étais pas marié, je n’avais pas de maison et encore moins de famille. La voir ce soir, me rassurait sur son bonheur… bien que dernièrement j’ai appris à mes dépends… que parfois les apparences sont trompeuses. J’aurais aimé être à la place de l’homme auquel elle est mariée, mais la vie en a décidé autrement. Ma place n’est plus à ces cotés depuis longtemps, pourtant il m’arrive encore de penser à quoi ressemblerait ma vie si j’étais resté à la maison. Je lui avouais mes regrets, tout en saisissant ces mains… un geste naturel pour moi… mais qui pouvait être déplacé, surtout dans ces lieux. Mais elle retira ses mains, faisant un pas en arrière, ces paroles me percutèrent de plein fouet. Qui donc a pu lui dire de telle horreur à mon sujet ? Si elle demandait à la plupart de mes collègues pirates, ils pourraient lui certifier que je n’ai jamais pensé une telle chose à son sujet. Je pleurais son amour chaque soir, je passais des nuits blanches sur le pont supérieur de notre navire à espérer la revoir. « Comment peux-tu penser une telle chose de moi, Adélaïde ? Tu me connais, notre histoire était bien réelle pour moi ! Tu étais la femme de ma vie… » En prononçant cette dernière phrase un peu trop fort, je remarquais quelques regards se figer sur nous. Je ne voulais lui créer des problèmes, mais j’avais besoin de lui parler. J’avais attendu tellement d’année, l’occasion se présentait enfin à moi.
Face à face, les yeux dans les yeux ; je pouvais lire dans son regard que quelque chose n’allait pas. La jeune femme que j’avais laissée derrière moi avait mûri… et pourtant, j’avais l’impression de revenir dix ans en arrière. Ce que je voyais en face de moi, n’était autre que la jeune fille dont je suis tombé amoureux. Celle avait qui je passais des heures, enlacés dans les bras l’un de l’autre sous un pommier, avec pour seule conversation nos rêves et nos projets… ces projets anéantis par la faute de ma mère. « Je voulais te revoir Adélaïde, je n’ai jamais abandonné l’idée de te retrouver. Mais les jours passaient sur ce bateau, et j’ai bien cru ne jamais revoir Blindman’s bluff. Et quand je suis revenu, tu n’étais plus là.» La musique se mit à résonner dans la salle, et les invités se mirent à danser. Elle me demanda si j’étais toujours le même homme, certes le temps à passer, même elle avait changé. J’avais passé dix ans sur un navire pirate à fréquenter des brigands, alors oui, j’ai sûrement changé… mais jamais je ne suis devenu un homme qui traite les femmes comme des objets. Elle lève la main, je pose la mienne contre la sienne, et suit le mouvement. Je n’étais pas un bon danseur, mais pour elle, j’essayerai d’être à la hauteur. « Après tout ce que l’on a vécu, tu penses vraiment que je me serais enfuit comme un lâche ? Je n’ai pas la moindre idée de qui a pu te mettre ces idées en tête… était-ce ma mère ? Après ce qu’elle a fait, cela ne m’étonnerait même pas… En plus de m’éloigner de toi, elle voulait salir l’amour que je te portais. » Mes sentiments se mélangeaient, entre la colère et l’amour - que j’éprouvais pour cette jolie blonde - qui remontaient à la surface. Je tentais malgré moi de garder le contrôle, et de paraître … normal. Je voyais bien les regards de ces gens sur nous, je sais qu’Adelaïde est mariée, mais pourquoi tant de personne nous observe… est ce que j’ai loupé un détail ?