La joie dans leur regard. Les petites étoiles dans ces yeux plein d'espoir. Aodren avait renoncé depuis longtemps à la notion de famille. La sienne n'était plus et sans doute n'en formerait-il jamais une, de peur de leur causer plus de tord que de bien. Mais qu'importe, sur le moment, voir ce père désemparé retrouver ses enfants, cela réchauffa une partie presque morte au fond d'Aodren. Le mercenaire était content d'avoir participé à cette aventure bien qu'il n'ait, au final, rempli qu'une infime partie du contrat puisqu'ils avaient été nombreux à parvenir jusqu'à cet ultime point de rendez-vous.

Malgré tout, Aodren s'approcha du paternel euphorique. Celui-ci lui tendit alors une bourse contenant 100 pièces d'or. L'assassin se sentit presque honteux, durant une seconde, d'accepter d'être rémunéré pour réunir une famille. Mais l'instant d'après, cette part de lui qui avait ressenti de la sympathie pour cette famille, s'éteignit à nouveau. Eux, avaient une vie. Désormais, ils retourneraient à leurs occupations et peut-être que ces enfants retiendraient la leçon et ne s'approcheraient plus jamais des marais. Quant à lui, il avait aussi sa propre existence. Faite de pièces, de contrats et de sang. En lui, il n'y avait de place pour le sentimentalisme. Alors Aodren empocha la bourse, tourna les talons et s'éloigna. Ce petit bonheur distillé en un même endroit ne le concernait définitivement pas.

Et bien, en voilà une sacrée affaire. Mais, voir le bonheur dans le regard de ces enfants n’a pas de prix. Je pourrais presque refuser la somme au père, juste parce que mon but était surtout de rassembler la famille. Seulement, ça serait stupide de renoncer à quelques pièces d’or. Aucun des enfants ne semble blessé, ils ont eu une belle frayeur et je pense qu’ils ne vont plus s’aventurer dans les environs. J’espère pour eux en tout cas ! Après avoir récupéré mon bien – soit 100 pièces d’or quand même – je lance un regard vers les deux autres. Je suis contente que Raygon soit arrivé jusque-là, même si je ne montre rien. Pas un sourire, pas un geste dans sa direction. Il est courageux et je comprends pourquoi il plait à mon mari, mais il ignore bien des choses sur nous. Je n’ai pas envie de l’avoir dans les pattes dans mon foyer. Qu’il fasse ce qu’il veut sur One-Eyed Willy mais je n’ai pas à les supporter chez moi. Bon, je ne vais pas m’éterniser ici non plus. Je remercie le père avec un mouvement de tête, je m’accroupis devant les deux enfants avec un sourire que j’espère aimable : « J’espère que cette petite frayeur vous servira de leçon. Il n’y aura pas toujours un adulte pour vous sortir de là ! » Bon, en phrase rassurante, y’a mieux certes. Mais ces gamins stupides apprendront avec ça, sinon, ils mourront. Sans plus de cérémonie, je fais demi-tour pour traverser les marais. Je ne tiens pas à me perdre maintenant que je suis seul, aussi, je pars sur la gauche pour en ressortir quelques minutes après et je les contourne pour rentrer chez moi. Mais avant, comme je l’avais déjà envisagé avant cette quête, je vais aller consulter notre médecin.

Le garçon fait quelques pas dans cette herbe grasse, d'un vert irréel tant il n'en existe aucun de cette touche fluo sur tout Neverland. Cet endroit n'a pu qu'être créé par la magie, cela ne fait aucun doute. Que les fées soient derrière tout cela n'étonnerait même pas Raygon, quoi qu'elles soient pourtant plus discrète que cela en matière de vraisemblance. L'autre solution ne peut venir que des enfants...
Alors que l'escouade se reforme et jette des regards curieux aux alentours, la voix de plusieurs gamins raisonnent dans les airs comme autant de clochettes. Hemma, Belegan et Myrielle accourent vers leur père, se fichant pas mal du reste de la troupe tant leur regard s'est accroché à ce visage paternel qui s'illumine à leur vue. Ils n'ont pas l'air d'avoir subi de mauvais traitements, tout au plus d'avoir pataugé dans la boue pendant des heures. La plus jeune se blottit contre son père et tout autour d'eux, le petit coin de paradis éclate en boutons de fleurs. C'était donc elle, la source de tout ceci. Raygon ne cessera jamais de s'émerveiller du lien que tisse l'île avec ses enfants. Ce lien qu'il a perdu délibérément en quittant les perdus, en choisissant de grandir. Neverland lui en tient-elle rigueur? Ou au contraire, aurait fait de lui l'un de ses protecteurs, de l'île et du trésor que représente ses enfants?

Un à un, ils s'avancent vers le père. Le garçon ébouriffe la tête des trois gamins avant de saisir la poigne de l'homme redevenu à la fois fort et père. Il lui glisse la bourse dans la main que Raygon empoche maladroitement, ne sachant trop comment remercier sans paraitre grossier. Alors que chacun s'éloigne, le jeune homme se place juste devant l'autre homme de leur compagnie, lui barrant momentanément le passage. Il a vu le regard qu'il jetait à la famille, comme un bonheur inconnu, comme quelque chose d'interdit, alors il glisse juste :
«J'espère qu'on se recroisera. Je m'appelle Raygon Finnighan. » Même si l'homme aura oublié jusqu'à la première lettre de son prénom quand il s'en retournera, il lui aura donné autre chose qu'une bourse remplie de pièces, quelque chose qui ne se compte pas.
Il observe Keyne qui s'en va à son tour, sûrement dans la même direction que lui d'ailleurs, ves Bartok où ils sont voisins. Alors il lui laisse prendre de l'avance, respectant son désir de le voir loin de son foyer, et rêve déjà à cette nouvelle cire qu'il va pouvoir acheter et utiliser pour enduire son dernier meuble pour la demeure du gouverneur de Blindman's Bluff.