Il était prostré, portant le poids du désespoir sur ses épaules fatiguées. Les autres le voyaient mais ils tâchaient de respecter sa souffrance, de minimiser les dégâts. Cheyenne s’identifiait à lui, à cet homme abattu, la tête entre les mains, dont le pressentiment devait s’enflammer et irradier à l’instant même. Il était âgé, cet indien. S’il l’avait pu, il y serait allé lui-même mais son corps que les années avaient usé ne l’aurait pas supporté. Les Piccaninny étaient tolérants, à l’écoute et généreux. Dans ce cas, pourquoi personne ne faisait rien ? Tout simplement car il était trop tôt, qu’on ne pouvait déployer des efforts inutiles, gaspiller cette précieuse énergie qui faisait vivre leur camp, à chercher une personne qui n’était probablement pas perdue.
Cheyenne détourna le regard, incapable de supporter davantage ce reflet humain de sa propre expérience. Égocentrique, il ramenait le malheur des autres au sien. L’indien commençait seulement peu à peu à sortir la tête de l’eau, à reprendre ce qu’il lui restait de vie en main. Sa sœur y était pour beaucoup. Elle déployait des montagnes d’efforts pour lui rendre le sourire et elle seule y parvenait. Elle et Selyne, ce petit bout de demoiselle qui tâchait de rendre à Chey l’ombre d’un espoir. Mataku, pour sa part, restait tout aussi important que les deux demoiselles puisqu’il était le seul à réellement pouvoir faire sortir Cheyenne de son tipi et à trouver les mots pour lui redonner l’envie de bouger.
L’indien rejoignait d’ailleurs son ami dans son tipi, lui amenant quelques ingrédients dont le soigneur avait besoin pour une concoction personnelle. Cheyenne débarqua dans le tipi de son meilleur ami et extirpa de son sac les quelques affaires nécessaires à l’herboriste. Il les disposa sur la table sans prononcer le moindre mot. Son esprit était ailleurs, perdu quelque part entre sa propre expérience et celle de ce vieillard qui se confondaient et ne devenaient plus qu’une seule et même cause à ses yeux. Cheyenne finit par redresser la tête et regarder Mataku, il allait encore l’emmener dans ses délires psychotiques mais cette fois, le Piccaninny se promit de ne plus mettre la vie de son ami en danger.
- Il faut qu’on aide Isha à retrouver Coahoma. Avec la nuit constante, elle s’est peut-être égarée ...
Cheyenne savait qu’il proposait encore une quête futile à Mataku, qu’il y avait de grandes choses pour que l’inquiétude du vieil homme ne soit que pure paranoïa ! Mais qu’importe, l’indien avait besoin d’en avoir le cœur net. Quand il aurait le visage serein de la jeune femme sous les yeux, qu’il la verrait sur ses deux pieds en train de cueillir des fruits, alors il serait rasséréné. Chey ajouta en souriant, comme pour tenter de convaincre Mataku :
- Et en chemin, je crois qu’on devrait avoir une discussion ...
Récemment, beaucoup de choses avaient changé dans la vie de Cheyenne. Le départ d’Accacia et de leur fille n’avait été qu’un début. L’indien avait ensuite sombré dans un profond désarroi, un désespoir qui n’avait pris fin que lorsque par miracle, il avait retrouvé la trace de son petit frère présumé mort depuis des années. Gaaji avait reparu dans sa vie, comme par magie. Les esprits s’étaient joués des Inooké. L’indien avait alors ramené son cadet au camp mais évidemment, Gaaji étant devenu un pirate, il n’y était qu’en tant que prisonnier, vulgaire otage d’une tribu qui le haïssait. Quand bien même, cette situation était préférable à ne plus jamais revoir le visage de son petit frère.
De toutes ces choses, il leur fallait parler. Tout comme du fait qu’il se murmurait, au sein de ce camp Piccaniny bien bavard, que Mataku aurait pu faire la connaissance d’une demoiselle. Une mystérieuse inconnue dont Cheyenne ne savait rien et qui, il l’espérait, rendrait heureux l’herboriste. Une longue marche s’imposait donc ...
En voyant la lente agonie de mon ami, j'ai l'impression de me retrouver moi, il y a trois ans. Bien que je serais bien égoïste de prétendre pouvoir me mettre à sa place. Là où Cheyenne a tout perdu, il me reste Selyne. Elle est ce qui m'a permis de relever la tête, ou plutôt de ne pas avoir le temps de sombrer dans la folie. Pour elle, j'ai essayé d'avancer, pour elle, j'ai mis ma peine de coté. Aujourd'hui pour cet ami, ce presque frère, je me dois de faire la même chose, de m'efforcer d'être un peu cette amarre, ce lien qui l’empêchera de chavirer tout à fait. Mais que puis je lui apporter de plus qu'un peu de soutient, quelques mots, quelques occasions de sortir, de ne pas rester cloîtré à ressasser ce qu'il aurait put dire ou faire... et à ça venaient se mêler ses retrouvailles on ne peut plus complexes avec son frère.
Et aujourd'hui, quand il franchi le seuil de ma modeste demeure pour m'apporter ce qu'il m’avait promis, son silence me pèse plus que tout autre. J'ai beau chercher les mots, je ne trouve rien de judicieux à avancer pour essayer de lui donner matière à parler. Le regardant sortir le contenu de son sac, j’élimine un à un tous les sujets qu'il pourrait dévier vers celles qu'il a perdues. Quelque chose le tracasse un peu plus que d'habitude, mais je n'arrive pas à voir quoi. Une nouvelle qui m'aurait échappé ?
Quand il finit par relever la tête et croiser mon regard, je l'écoute en laissant un rictus tendre se dessiner au coin de mes lèvres. Ainsi c'est pour elle qu'il s’inquiète. Mais il ne me leur pas. A moins que je ne sois tout à fait à coté, s'il se met en tête de venir en aide à Coahoma c'est pour soulager Isha d'un poids qui pèse sur ses épaules à lui. Comme si le parallèle entre ces deux histoires pouvait l'aider à tourner la page. Réussir pour un autre là où nous avions échoués pour lui. Et je viens poser une main réconfortante sur son épaule avant qu'il ne s’enlise dans quelques explications inutiles. « Je te suis. Tu as raison, c'est dangereux dehors par cette nuit. Ce que j'avais à faire peut attendre notre retour. Et puis.. je serais plus que ravi de pouvoir discuter. Quoi que tu sais que je suis toujours disponible pour ça ici ou dehors. »
Je doute qu'il ait eu besoin que je le lui rappelle, mais je tiens à ce qu'il n’oublie pas que je serais là pour lui. Il fait partie de cette famille que je me suis choisie à défaut de pouvoir la construire, et c'est ce que font les membres d'une famille, ils se soutiennent. Nous quittons le camp en silence cependant. Aucun de nous n'osant attaquer la moindre conversation avant d'avoir mis suffisamment de distance entre nous et les oreilles indiscrètes peut-être. Pas qu'il me semble que ces choses là soient secrètes, mais je suppose qu'il n'a pas envie de s’épancher dessus en public. Je n'en avais pas envie moi, quand Ena nous a quittés. Je finis par briser le silence, abordant le sujet qui nous a officiellement fait sortir du camp. « Tu sais de quel coté elle était partie ? »
Mataku accepta instantanément, Cheyenne acquiesça en silence. Il pouvait toujours compter sur son ami pour l’accompagner, parfois même lorsqu’il s’agissait d’une quête illusoire. Le pêcheur se promit tout de même de ne plus s’entêter, de ne pas chercher à remuer ciel et terre pour atteindre un but qu’il n’était peut-être pas destiné à atteindre. Les esprits veillaient sur eux et Cheyenne devait apprendre à s’en remettre à leur jugement plutôt qu’à son propre entêtement. Mataku tint à souligner le fait qu’il restait présent si son meilleur ami avait besoin d’une oreille attentive. Tout ça, le pêcheur le savait parfaitement. Il était reconnaissant envers le guérisseur de se montrer si patient face à son désarroi. Le problème restait que Cheyenne ne parvenait pas à s’ouvrir à propos d’Acacia et de sa fille, elles restaient encore des mirages dans son esprit. En parler lui était douloureux et désagréable.
Les deux hommes se mirent en marche, quittèrent le camp Piccaninny pour s’éloigner quelque peu. Mataku posa alors une question simple mais terriblement logique : par où était-elle partie ? Cheyenne fronça les sourcils, réfléchissant un bref instant. Vraisemblablement, la demoiselle était partie à la cueillette et pour cela, elle devait plutôt se diriger vers la forêt que vers la mer. Il pointa donc du doigt le sentier menant vers les terres.
- Par là. Elle partait cueillir des fruits, je pense.
Ils s’engouffrèrent donc dans le bois des esprits, sachant que l’indienne ne se serait pas fait attaquer par des Unami en ces lieux. Ce bois était sacré pour les deux tribus qui avaient convenus de ne pas s’entretuer et de ne pas verser du sang indien inutilement à l’abri de ces arbres. Cheyenne était persuadé que même les plus vicieux des Unami n’oseraient braver cet interdit. Cela n’était pas forcément une bonne nouvelle, la demoiselle avait pu être attaquée par une bête sauvage ou pire ... un pirate. Tout en marchant cependant, Cheyenne reprit :
- J’apprécie que tu m’accompagnes. J’avais besoin de bouger et de me sentir utile.
Cheyenne s’exprimait peu sur ses sentiments, cela ne faisait pas partie de son caractère de s’apitoyer ou de se plaindre. Les pêcheurs étaient des gens patients, qui savaient endurer les coups durs pour obtenir mieux par la suite. Cette fois cependant, le Picca avait besoin d’extérioriser sa colère, son incompréhension et sa tristesse. Qui d’autre que Mataku pourrait mieux comprendre cela ? Lui qui avait autrefois perdu, d’une façon différente mais tout de même, sa bien-aimée.
- Et cette nuit qui n’en finit plus ... je voudrais tellement retrouver un rayon de soleil !
L’indien shoota dans un petit caillou qui s’envola et percuta un gros rocher. Cheyenne détestait cette période, c’était un peu comme lorsqu’on se retrouve sous l’eau. Le silence nous envahit, on n’entend plus rien si ce n’est le battement incessant du cœur. Et peu à peu, la vision se brouille et au final, il ne reste plus rien si ce n’est le néant, l’obscurité totale. Enfin, on émerge. Difficilement, à grandes goulées d’oxygène brûlant.
- Si on ne la retrouve pas, il va dépérir. Je le sais, tu le sais, nous le savons tous.
Une pointe de colère persistait dans la voix de Cheyenne. Il avait cessé d’en vouloir au monde entier pour ses maux personnels mais parfois, la colère reprenait encore le dessus ...
Cette occasion est trop belle. Comme une diversion pour l’aider à mieux se confier sans avoir à entrer tout de suite dans le vif du sujet. Sujet fâcheux que je n’ose d’ailleurs aborder de but en blanc. Je sais que tout ceci lui est encore bien trop douloureux. Au lieu de ça, je le garde concentré sur ce qui nous a fait sortir du camp. Mon vieil ami m’indique rapidement la direction qu’il pense être la bonne et j’acquiesce d’un signe de la tète. Oui, il semble que ce soit la destination la plus logique au vu de ce notre disparue était partie faire. Tout en marchant, le souvenir de notre dernière virée refait surface. Et bien que tout ceci se soit terminé dans les larmes pour Cheyenne, je ne peux retenir un leger rictus qui se forme au coin de mes lèvres. Notre mésaventure avec l’ours avait, il faut bien l’avouer, quelque chose d’assez épique. Ce qui me ramène rapidement sur terre d’ailleurs. Si nous avions eu de la chance ce jour là, on a rarement deux fois ce genre de chance insolente. Et aujourd’hui que la nuit semble régner en maître sur l’île, il y a fort à parier que toutes sortes d’individus malfaisants s’en donnent à cœur joie dans la pénombre. Comme si les créatures sauvages ne suffisaient pas, je ne serais pas surpris de tomber sur quelques pirates assoiffés de carnages.
Mon sourire revient lorsque mon compagnon de recherches reprend la parole. Bien sûr qu’il avait besoin de se sentir utile. Trouver une occupation est indispensable dans sa situation pour ne pas risquer de devenir fou. Je suis passé par là, je sais le bien que peut faire ce genre de.. distraction, si j’ose appeler ça ainsi. « Allons, allons, je ne pouvais pas te laisser y aller seul. Il faut bien que je sois là pour te tirer des griffes de la créature que tu réveilleras cette fois. » C’est mesquin, sachant que sans lui je n’aurais donné cher de ma peau non plus ce jour là, mais c’est tout ce que j’ai trouvé sur le coup pour essayer de lui arracher un sourire . Peine perdue j’en ai bien peur, peut-être ais je réussi à le détendre un bref instant mais il continue de broyer du noir. Et nul besoin d’être devin pour comprendre ce qu’il entend pas "retrouver un rayon de soleil". Combien de fois ais je moi-même espéré retrouver à mon réveil le radieux visage d’Ena… Si je suis plus que bien placé pour comprendre sa peine, peut-être le suis-je moins pour l’aider à relever la tête. Je ne dois mon salut qu’à ma fille, chose qu’il n’a plus.
Dépérir.. je me demande s’il parle de .. ou de lui-même. Un peu des deux probablement. Aussi je viens poser une main réconfortante sur son épaule, le forçant à stopper sa marche, afin d’éclaircir un point qui me semble capital. « Chey… Nous allons la trouver. Nous allons faire tout notre possible pour du moins. Mais je veux que tu me promettes une chose. » Je le fais pivoter pour mieux le saisir par les deux épaules cette fois. Puis posant mon front contre le sien, mon regard rivé à ses prunelles, je reprends. « Promets moi que quoi qu’il arrive, tu n’en feras pas un fardeau de plus sur tes épaules. Et qu’au contraire, si tout se passe bien, tu y verras l’espoir, la lueur que tu cherches et à laquelle te raccrocher. » Je veux croire que nous allons la retrouver et que nous rentrerons tous les trois, je veux y croire. Et si ce peut être pour mon ami la preuve que tout ne va pas si mal en ce monde, alors il faut qu’il s’y accroche. Il faut qu’il retrouve envie de croire que tout peut s’arranger un jour ou l’autre. Il le faut. J’attends patiemment sa réponse, bien décidé à ne le lâcher qu’une fois qu’il m’aura fait cette promesse, quand un craquement léger se fait entendre un peu plus loin, nous forçant à relever la tête. Une branche brisée, sans doute. Mais par quoi ?
Marcher et se vider l’esprit, s’accaparer la peine d’un autre pour momentanément oublier la sienne. Cheyenne avait appris à utiliser tous les petits prétextes de la vie quotidienne pour se soustraire à son humeur massacrante. Dès qu’il y avait quoi que ce soit pour occuper son esprit, l’indien sautait sur l’occasion. Il n’était pas un guerrier mais avait cette rage de vivre et cette détermination commune avec eux. Plusieurs personnes au camp Piccaninny représentaient des lueurs d’espoir à ses yeux. Mataku et sa fille Selyne, sa petite sœur Nokomi, son pirate de frère Gaaji, sa malicieuse amie Rain. Tous ces gens le portaient littéralement au quotidien, chacun veillant sur lui tels des gardiens. Chey n’aimait pas ce rôle qu’il détenait, celui du malheureux petit être abandonné et esseulé, mais le soutien de tout son entourage lui faisait le plus grand bien.
Les deux amis s’étaient mis en route et Mataku tenta une plaisanterie basée sur leur dernière sortie du camp ensemble. En temps normal, Cheyenne aurait été bon public et en aurait ri. Mais repenser à ce jour-là faisait remonter quelques souvenirs bien désagréables qui bloquèrent ses lèvres de s’étirer en un sourire. Il ne réagit même pas à la remarque de Mataku, préférant occulter cette fameuse journée plutôt que de l’affronter de front.
Les mots de Cheyenne étaient bien sérieux, presque dramatiques. Cela sembla alarmer le guérisseur qui tenta de le convaincre qu’ils allaient parvenir à la retrouver, qu’elle s’en sortirait. Mataku finit par arrêter son ami de longue date, l’attraper par les épaules et poser son front contre celui du pêcheur. La promesse qu’exigeait son meilleur ami était immense, Cheyenne sentait déjà que cette quête était devenue la sienne. Pourtant, l’indien savait que Mataku avait raison et qu’il ne fallait pas se lancer dans une épopée digne d’une vengeance contre le destin lui-même. Après un instant d’hésitation, Chey frappa amicalement la nuque de son compère et le rassura :
- Ne t’en fais pas. Je ne mélangerai pas cette histoire avec mon passé. Je veux simplement aider si je le peux !
Un craquement se fit entendre, leur faisant brusquement redresser la tête. L’obscurité avait envahi Neverland et rendait la visibilité difficile. Cheyenne resserra un peu plus les doigts sur son arme et se pencha légèrement vers l’avant, adoptant la position d’un guerrier. Ses pas se firent mesurés, lents et précis. Tout à coup, sa main empoigné le buisson d’où provenait le bruit et il le tira d’un coup sec, levant son trident au-dessus de sa tête, prêt à attaquer. La pauvre biche le fixa avec des yeux ronds comme des billes et poussa une sorte de hoquet de surprise tout en virevoltant sur ses frêles pattes. Cheyenne fut surpris, lui qui s’attendait à y trouver une silhouette humaine. Dans sa surprise, il fit un pas en arrière et s’emmêla les pieds. Son long corps s’écroula sur la terre humide, faisant s’envoler un nuage de sable.
Au début, le Piccaninny poussa un soupir puis se laissa aller à un petit rire. Sa paranoïa avait atteint des sommets, il s’était retrouvé à terre face à une biche ! Franchement, plus ridicule que ça, il allait falloir y aller pour trouver. Cheyenne cessa peu à peu de rire et leva les yeux vers son ami.
- Vas-y, tu peux te moquer. Je sais que tu en meures d’envie !
Cheyenne se sentait d’humeur plus légère, peut-être parviendrait-il à lâcher un peu la bride désormais qu’il se retrouvait en compagnie de son meilleur ami. Être toujours si solennel et accablé finissait par le rendre très morose. Un peu de légèreté ne pourrait lui faire que le plus grand bien.
Des promesses… j’exige de lui des promesses comme s’il n’était qu’un enfant qu’on remet à sa place et qu’on veut garder sur le droit chemin. Mais qui suis-je donc pour lui demander de telles. D’autant qu'il ne me semble pas que j’aurais put promettre quoi que ce soit si nous nous étions retrouvés dans la même situation il y a trois ans de ça. Pourtant je veux y croire. Je veux le croire capable de relever enfin la tête comme je l’ai fait bien qu’il m’ait fallut à moi bien plus de temps. Et bien qu’il tente de me rassurer à sa façon, son accolade et ses mots sonnent étrangement faux. Comme forcés, feints, dans le seul but de mettre un terme à mes réprimandes d’amis, de frère, inquiet. Mais je garde pour moi ce ressentiment, m’efforçant de sourire pour mieux lui laisser croire que je crois en ce qui résonne à mes oreilles comme l’un des plus nobles mensonges qu’il n’ait jamais prononcé. Je veux l’aider à aller mieux, il veut me préserver de ses tracas, alors soit.. si ça peut l’aider à moins s’inquiéter que de croire que je cesse de m’en faire, alors laissons le croire.
Que je lui laisse cette illusion ou non, il n’en reste pas moins tendu, les nerfs à fleur de peau. Preuve en est qu’à ce bruit, ce craquement de brindille qui en d’autre temps nous aurait paru des plus banals en ces bois, voila mon ami qui tient prêt à bondir, tous muscles bandés comme s’il pouvait s’agir d’un ennemis terrible qui risquerait de nous fondre dessus sans le moindre pré-avis. Il est vrai que ce pourrait être le cas, par cette nuit qui sait ce qui pourrait passer par la tête des hommes de peu de conscience qui peuplent cette île, mais je doute fort qu’un homme seul aurait le cran d’attaquer deux indiens, ou qu’un groupe de plusieurs bandits aient pu être aussi silencieux jusque là et s’approcher si prés sans que l’un de nous ne s’en rendent compte avant. Quant à notre vieille amie ursidé, et bien elle ne guetterait pas de la sorte. Alors que reste il ? Des loups ? Rien de tout ceci. Comme je m’étais moi aussi préparé au pire, voila que le buisson écarté par Cheyenne dévoile.. une biche. Une simple biche qui ne s’attendait très certainement pas à tomber sur un pécheur se prenant pour un féroce guerrier.
Et comme elle détale à toute allure, fuyant les deux fous qui l’avaient prise pour un danger potentiel, Cheyenne se retrouve étalé sur le sol. Qui des deux fut le plus surpris ou le plus effrayé, je ne pense pas avoir un jour la réponse. Et sur le moment, la seule certitude que j’ai est que le fou rire qui me vient me semble incontrôlable. Ainsi lorsque mon vieil ami m’offre, sans doute tout à fait ironiquement, de me moquer de sa mésaventure, je le laisse tout bonnement éclater. Bien entendu que j’en mourais d’envie, et puisque je suis certain que seul son orgueil s’est heurté dans sa chute, je m’en donne à cœur joie. Le rire est contagieux parait-il, voila peut être le remède qu’il lui faut. Bien plus efficace que tout ce que je pourrais lui concocter ou ce que les bons penseurs pourraient lui offrir comme conseil. Rire. Rire autant qu’il le peut, se vider l’esprit de tout ce qu’il peut contenir de morose et le remplir de toute cette légèreté insouciante que nous offre cet instant.
Puis quand mon fou rire finit par se calmer, je lui tends une main secourable, me tenant les cotes de l’autre, pour l’aider à se relever. «[/color] En voila un chasseur peu ordinaire. Une légende à partager au coin du feu sans aucun doute. J’imagine tout ça d’ici. » Et une fois qu’il est de nouveau sur ses pieds, je mime la fabuleuse expression que son visage arborait à la découverte de son… adversaire. Surjouant autant que possible bien évidement, grossissant les choses pour les tourner plus encore en ridicule. Il est à deux doigts de rire à son tour, je le sais, j’en suis convaincu et je poursuivrais jusqu’à l’entendre à son tour. « Si je n’avais pas peur d’être pris pour un fou, je jurerais avoir entendu cette créature diabolique rire en s’enfuyant. Elle aussi aura à raconter quand elle croisera quelques une de ses semblables…. La fois ou elle a effrayé un indien taillé comme un ours ! » Mais en ponctuant ma phrase d’une énième accolade dans son dos, je me laisse aller à une pique supplémentaire que je regrette à peine a elle franchi mes lèvres. « Les femmes t’ont elle à ce point traumatisé que tu crains chaque femelle que porte cette île ? »
La terre sous son corps, un petit rire agitant son torse. Cheyenne se sentait ridicule et il avait de quoi ! Une simple biche l’avait effrayé, pris au dépourvu. Et il ne fallait pas bien longtemps à son ami pour se laisser aller à un grand rire bien plus franc que celui du pêcheur. Le guérisseur était bien décidé à profiter de cette opportunité de se moquer de son comparse. Chey accepta sa main tendue et se releva en secouant la tête en signe de dénégation. Le pêcheur souriait en coin mais refusait de rire de bon cœur, par pure fierté. Mataku en rajouta des tonnes ne l’imitant, feignant une stupeur que Cheyenne n’avait pas ressentie. L’indien administra une bourrade dans le bras de son ami pour lui faire comprendre que ses plaisanteries ne l’atteignaient pas.
Sa dernière phrase fit cependant disparaître instantanément le sourire de Cheyenne. Trop tôt. Beaucoup trop tôt pour qu’il prenne ce genre de plaisanteries à la légère. D’un mouvement froid et sec, le pêcheur chassa la main de Mataku dans son dos. Les femmes ne l’avaient pas traumatisé mais l’une d’entre elle, oui. Chey ne comprenait pas pourquoi son ami lui avait dit quelque chose de ce genre. Sur le coup, il resta muet puis s’arrêta de marcher et fixa Mataku droit dans les yeux.
- Je veux que tu partes. Rentre au camp, je n’ai plus besoin de toi.
Cheyenne était on ne peut plus sérieux. Son regard était froid et dur, un regard qu’il n’avait probablement jamais servi à Mataku jusqu’à présent. Le guérisseur venait de passer du stade de meilleur ami compréhensif à celui d’ignorant moqueur. En une seule seconde, en une seule remarque. Le pêcheur était conscient que ses humeurs étaient changeantes mais tel un veuf en deuil, chaque infime remarque, chaque parole légèrement ambiguë pouvait devenir une montagne de remords et de chagrin.
- J’ai bêtement cru que tu comprendrais puisque tu as perdu Ena. Mais j’avais tort. Tu ne comprends rien, tu ne sais rien. Toi, tu as encore Selyne et comparer l’attachement malsain que tu portais à la femme de ton frère à l’amour véritable que je ressentais pour ma femme était complètement stupide.
L’indien secoua la tête et se détourna. Il se foutait éperdument de faire du mal à Mataku dans l’immédiat, pire, il avait envie de le blesser. Il avait envie d’enfuir deux doigts dans les blessures de son ami pour les rouvrir et le voir souffrir, lui aussi. Cheyenne n’aurait jamais cru ressentir cette envie envers son meilleur ami. Meilleur ami qui, dans l’immédiat, n’était plus grand-chose à ses yeux. Le chagrin balayant absolument tout sur son passage et emportant les restes de sentiments.
- Désormais, garde tes distances avec moi si tu ne veux pas que l’homme traumatisé par les femmes te précipite la tête dans la rivière ...
Cheyenne était puéril pour le coup mais il assumait pleinement. Il n’avait plus envie de prendre des gants, il avait envie de se défouler ...
J’ai pleinement conscience de l’énormité que je viens de sortir mais j’ai parlé bien trop vite et il est à présent trop tard pour revenir sur ces mots qui ont quitté mes lèvres. C’était minable, mesquin, une pique qui se voulait être une boutade amicale mais qui s’avère n’être qu’un débit de venin violent qu’il ne méritait pas. Et il me le fait comprendre aussi sèchement que possible, repoussant mon geste fraternel avec une froideur qui me va droit au cœur comme le revers du poignard trop aiguisé que je viens de lui tendre. Et si tantôt je n’avais pu retenir ces mots de trop que je n’aurais jamais du prononcer, voici qu’à présent je me trouve incapable de trouver ceux qui pourraient arranger les choses. Aucune excuse, aucune formulation d’aucune sorte ne parvient plus à se former dans mon esprit comme je réalise combien je viens de blesser cet ami si cher, ce frère que je voulais pourtant tant aider à surmonter sa peine.
Et quand il s’arrête finalement de marcher pour me faire face c’est un visage fâché que je découvre à mon grand désespoir. Et les mots qu'il prononce me glacent le sang comme je réalise à quel point mes mots l'ont blessé. Et plus il crache ce venin que j'ai pourtant mérité, plus j'ai l'impression de voir se fissurer sous mes yeux une amitié si chère à mon cœur. Je ne comprends rien... attachement malsain... amour véritable... essaye il de me mettre en colère ? Ou de me blesser ? Ou les deux ? Mais il y a bien plus de peine que de rage dans mon cœur quand ses mots parviennent à mon esprit. Je sais qu'il n'en pense pas un. Que c'est ma pique maladroite qui l'a tant blessé qu'il se sent maintenant obligé de me rendre la pareil. Je sais qu'il y a du vrai dans ce qu'il dit, que nos deux situations n'étaient pas aussi proches que j'aurais aimé le croire. Peut être qu’égoïstement j’espérais qu'il en soit ainsi pour me prouver.. je ne sais quoi. A présent il me faut le raisonner, si je le peux. Lui servir ces excuses que je ne parviens pas à formuler, trouver les mots, les bons cette fois ci, pour effacer si possible les idioties que j'ai prononcées.
Mais comme je fais un pas en avant, tendant une main vers cet ami, ce frère que je crains à présent de perdre à cause de ma maladresse, il me tourne de nouveau le dos. Non, pas ça, tout mais pas ça. Perdre un membre de plus de cette famille à laquelle je tiens tant... le supporterais je ? « Que je garde mes distances ? » que je répète hébété comme il me lance qui qui ressemble bien trop à une menace. « La tête dans la rivière ? » échos de plus aux propos qu'il tient. Et cette fois, je parviens à faire ce pas de plus, puis le suivant, avançant jusqu'à lui pour le saisir par les épaules et le retourner face à moi. « Je m'en contrefiche de ce que ta colère pourrait me faire. Et si mes mots t'ont blessé sache que ce n’était pas mon intention, bien loin delà et je suis persuadé que tu en as conscience quelque part au fond de toi. Mais tu veux me détester pour ça ? Soit. Lâche toi. Emporte toi. Frappe moi si le cœur t'en dis mais ne me tourne pas le dos avec indifférence comme ça. » C'est peut être ce dont il a besoin après tout. Laisser libre cours à sa colère, sortir enfin de cet état second, de ce mutisme dans lequel il s'était plongé au départ de son aimée. Et je dois servir de cible à sa colère pour qu'il relève enfin la tête, alors soit. Ainsi résigné à l'aider coûte que coûte et à surtout éviter qu'il m'ignore tout à fait, je le repousse contre le premier arbre venu. « Vas y, qu'est ce que t'attends ? » S'il rentre dans ce petit jeu, je m'attends à ne pas en sortir tout à fait indemne. Je sais qu'il est capable de frapper fort, Cheyenne, mais si ça peut l'aider, alors le jeu en vaut amplement la chandelle.
Une simple boutade et Cheyenne se sentait hors de lui. Mataku avait malheureusement appuyé pile là où ça fait mal. Les deux indiens auraient pu reprendre leur chemin, faire comme si ces mots n'avaient eu aucune importance mais Chey n'avalait pas cette plaisanterie. Il voulut envoyer paître son meilleur ami amis c'était sans compter sur l'obstination de celui-ci. Le guérisseur s'approcha, tout le contraire de ce que le pêcheur voulait. Ils en avaient déjà trop dit, ils avaient prononcés des mots qu'ils ne pensaient pas et qui ne feraient que les blesser mutuellement. Mieux valait mettre un terme à tout ça et accepter que les routes se séparent.
Ce n'était pas l'avis de Mataku. Il voulait en parler, il voulait agir à chaud. Mauvaise idée. Cheyenne redressa un regard noir vers lui. Ce n'était pas l'intention de son ami de heurter ses sentiments compliqués et pourtant, l'aurait-il voulu qu'il n'aurait pas pu faire pire. Cependant, comme il le disait, le pêcheur savait que Mataku ne ferait rien pour lui nuire. Sa colère ne se résoudrait jamais à l'entendre de cette oreille. Le guérisseur l'encouragea alors à se lâcher, à extérioriser sa colère. Encore une mauvaise idée.
- Ne me tente pas Mata ...
Dans sa folie, Mataku poussa Cheyenne. L'indien percuta un tronc d'arbre et n'entendit qu'à peine la remarque de son meilleur ami. Déjà, il donnait une puissante impulsion des deux pieds dans le sol et se jetait sur le guérisseur. Ses bras encerclèrent la taille de l'homme et en poussant de toutes ses forces, il le souleva avec lui et le plaqua au sol. Chey ressentait une colère beaucoup trop violente pour être destinée à son meilleur ami. Pourtant, ses yeux ne voyaient plus le guérisseur, ils ne voyaient que l'affront qu'il lui avait fait et son passé misérable qu'il devrait assumer tout au long de sa vie. Son poing rencontra la mâchoire de Mata.
Cheyenne savait que Mataku ne resterait pas immobile à encaisser des coups et à vrai dire, il comptait bien sur la répartie de son ami. Le pêcheur était submergé de sentiments contradictoires, la peine se mélangeait à la colère, donnant une drôle d'impression. La rancoeur s'associait à la culpabilité. Très vite, l'indien ne put plus distinguer ce qu'il ressentait. Son poing s'entassa cette fois dans les côtes de son ami et il beugla entre ses dents serrées.
- Je t'avais dit de dégager ! Tu peux pas comprendre ... Y en a aucun de vous qui peut.
Il sentait la colère se transformer en chagrin. Cheyenne ne voulait plus s'apitoyer sur son sort et malgré tout, tous les chemins le ramenaient à ce deuil qu'il devait faire d'une famille non pas morte mais envolée. Le pêcheur lâcha enfin son meilleur ami et s'assit à côté de lui, il se prit la tête entre les mains et tenta de canaliser cette énorme boule d'émotion qui lui bloquait la respiration et le rendait dingue. Chey ne voulait pas faire de mal à Mataku et pourtant, si le guérisseur continuait à le provoquer de la sorte, alors ils finiraient par s'entretuer comme des bêtes sauvages.
- Mata, t'es un frère pour moi. Mais là, je suis pas d'humeur. J'ai juste qu'une envie et c'est de t'exploser la tronche ...
Le pêcheur savait que ses paroles et ses actes auraient des répercutions mais il avait confiance en cette amitié solide qu'ils avaient bâtis au fil des années. Les querelles étaient inévitables mais Cheyenne ne craignait pas de perdre Mataku, il savait que son meilleur ami serait là, même s'il devait venir en faisant la tête car vexé.
- J'ai trop parlé de tout ça, je deviens dingue. Donc si tu veux rester, tu restes. Mais tu me parles plus de ... ce qui s'est passé.
Déverser sa colère sur quelqu'un, n'importe qui, même si ce doit être moi. C'est aussi à ça que doivent servir les amis, les frères, à ramasser les morceaux quand les choses se détériorent. Du moins c'est ainsi que je vois les choses. Oh je me doute que si il doit la lâcher, la colère en question, je vais passer un sale quart d'heure, mais qu'importe. Me tente pas, qu'il me dit tandis que je l'incite à lâcher prise, mais sot qu'il est.. c'est justement le but de ma manœuvre. Je sais ce que je fais. N’hésite pas. Frappe. Je pourrais le lui dire et le lui répéter jusqu'à ce qu'il cède mais il ne m'en laisse pas le temps. J'étais prêt pourtant, mais il m'a pris par surprise, m’entraînant au sol avec toute la force qu'une rage trop longtemps contenue peut fournir. Mes pieds quittent la terre ferme et rapidement, j'en ai le souffle coupé un bref instant, lorsque mon dos heurte le sol. Ainsi il est sorti de ses gongs. Tant mieux.
Son premier coup s’abat sur ma mâchoire mais je ne bronche pas. Je retiens le réflexe qui voudrait que je lui rende le coup. Il faut croire que j'en avais besoin moi aussi, pour expier l'erreur que j'ai commise il y a quelques instants, quand je l'ai blessé malgré moi, quand ma stupidité a ravivé sa peine. Je lâche cependant un râle rauque quand il frappe de nouveau, au flanc cette fois. Pret à affronter sa colère oui, stoïque, pas tout à fait. Et je lève un avant bras devant mon visage pour m’apprêter à parer la prochaine attaque un minimum quand je l'entends enfin reprendre la parole. Non, bien sûr qu'aucun de nous ne peut comprendre. Personne n'a prétendu le contraire. Chacun essaye seulement de le soutenir du mieux qu'il peut, en comparant maladroitement ses propres expériences à ce qu'il vit. Moi le premier et sans doute plus maladroitement que les autres. Et plus encore que les coups qu'il me porte, la douleur que sa voix laisse paraître me blesse à un point qu’il n'imagine pas. Pourtant je serais bien incapable de lui répondre quoi que ce soit. Quels mots pourrais je bien trouver après cela ? Qu'est ce que je pourrais dire qui ne risquerait pas de raviver sa rage ou d’attiser son chagrin ? Aucun.
Quand il finit par lâcher prise et s'asseoir au sol, je me contente de me redresser pour faire de même et rester silencieux. J'ai pris le parti de lui servir de défouloir, que ce soit pour ses poings ou ses mots. Il en a encore certainement à revendre et je reste prêt à les encaisser. Et si je rentre amoché, j’éluderais les questions, ce ne sont pas leurs affaires, du moment qu'il va ne serait ce qu'un peu mieux. Il rompt finalement de nouveau le silence pour prononcer les phrases les plus contradictoires et pourtant les plus sensées qu'il puisse être. Malgré mes efforts, je ne peux refréner un rictus sur le coin de mes lèvres en venant frapper fébrilement son épaule du poing. « Je sais. » Court et concis, mais je n'ose en dire plus. Tout est déjà dit de toutes façons. Il en faudra bien plus que ça, que ses coups, que ses mots violents ou les miens tout à fait maladroits pour briser tout le sens de sa premier phrase. Nous le savons tous les deux. « Et je comprends ça aussi. » Je comprends qu'il ne veuille plus en parler et j'aime à croire qu'il sait qu'il peut changer d'avis sans que j'ai besoin de le lui rappeler. « Je reste. Mais on trouvera rien par cette pénombre. » Et ça ne fait que raviver des souvenirs qu'il vaut mieux laisser où ils sont mais je me garde bien de le lui faire remarquer. « Nous devrions rentrer, elle a dut faire de même. Nous aurions l'air de deux abrutis s'il fallait envoyer du monde à notre recherche parce que nous nous sommes perdus en cherchant quelqu'un qui était bien au chaud chez elle tu ne crois pas ? » J'ai de nouveau posé ma main sur son épaule, avec assez de précaution pour ne pas l’énerver mais assez de fermeté pour lui faire comprendre qu'il devrait m’écouter. « Dans le pire des cas, nous rassemblerons d'autres volontaires pour organiser une battue digne de ce nom. »
Les premiers mètres, nous les faisons en silence. Un silence qui pèse lourd mais dans lequel aucun sujet n'aurait sa place. Pourtant je veux m'assurer que tout ceci n'a pas jeté un froid bien définitif à notre amitié et je puise dans toutes les idées qui me viennent pour trouver quelque chose de parfaitement désuet et stupide à placer. « Tu y arrives toi ? A pécher je veux dire. Par cette nuit. Enfin... ils sont perturbés tu crois, les poissons ? Tu comprends... moi je dois me contenter du peu qui pousse encore malgré le manque de soleil, les plantes ça a besoin de lumière. Mais les poissons... » Je pose une question dont je connais déjà la réponse, en emmêlant mes phrases qui plus est, mais ce silence.. ce silence était trop lourd à supporter.