Les eaux de la lagune l’enveloppaient dans une atmosphère étouffée qu’elle ne connaissait que trop bien. Fidèle à elle-même, Ephyra avait passé sa mâtiné à traîner, sans destination particulière en tête, oscillant entre la mer du sud et les profondeurs du lagon. Les kilomètres rapidement avalés avaient fait défiler des paysages aquatiques familiers sous ses yeux toujours assoiffés de nouveauté. Elle aimait ça, la sirène. Vagabonder, uniquement guidé par son instinct, sans se préoccuper d’un quelconque lendemain. Profiter de l’instant présent. Si seulement le présent avait quelque chose de digne ou d’intéressant à lui offrir. Seulement, la jeune femme avait cette amère impression de baigner dans une constante médiocrité, où qu’elle aille. En particulier à la surface. Ce n’était pourtant pas les événements étranges qui manquaient là-bas ces derniers temps.
Elle n’avait pas remis le nez là-haut depuis que l’île avait sombré dans la pénombre. Plus par fierté qu’autre chose. La situation de l’île l’intriguait plus qu’elle ne l’effrayait, mais pendant un temps, ses retrouvailles avec Rosaharn avaient été encore trop récentes dans son esprit pour qu’elle se résigne à remettre les pieds à Blindman Bluff. Ephyra y repensait avec une amertume et une rage qui l’étonnait. Cette fille, bien qu’elle ne soit réapparue dans sa vie que récemment, avait su lui insuffler une telle rancœur que la sirène ne savait plus sur qui diriger son exaspération. Elle, qui s’était laissé aller à l’alcool en douteuse compagnie, ou cette sainte nitouche qui avait su se montrer d’humeur beaucoup trop gentil en lui venant en aide, et ce malgré les méchancetés qu’Ephyra lui avait crachées au visage ce soir-là? Oui, Ephyra s’en voulait d’être tombé entre les mains de cette bonne sœur alors qu’elle se trouvait en position de faiblesse, aussi ivre qu’un matelot, mais pour une raison qui lui échappait, elle en voulait encore plus à Rosaharn. Dire que cette petite blonde chétive était désormais plus heureuse qu’elle.
Le temps que les mémoires oublient, elle avait disparu de la surface pour se perdre dans les flots du pays imaginaires. Mais les récents événements qui avaient secoué Neverland l’intriguait décidément trop pour qu’elle y reste insensible plus longtemps. Déterminé à jeter un coup d’œil à cette fameuse lune qui ne s’était pas couché depuis plusieurs jours, elle nageait désormais en direction du Bec à Buse. De là, elle comptait bien rejoindre les rochers où elle avait pris l’habitude de dissimuler quelques vêtements qu’elle utilisait pour ses escapades quotidiennes à la surface. C’est avec cette destination en tête qu’elle traversa le royaume. Tous les visages qu’elle croisait lui semblaient familiers et pour cause, le temps ne marquait en aucun cas la figure du peuple des océans. Seul le sien allait un jour finir par se faner. Quelle tâche elle ferait alors, au milieu de cette perfection qu’incarnaient les hybrides. Au milieu des sirènes et des tritons qui vaquaient là à leurs petites occupations, une silhouette en particulier attira son attention.
« Egéon ! » Ephyra avait immédiatement reconnu son ami. Un sourire aux coins des lèvres, elle bata des nageoires en sa direction, les cheveux dansant au gré des courants. « Alors, comme se porte Son Altesse ? Pas trop couvé par ta royale garde ? » Dit elle en donnant un petit coup de coude amical à Egéon. Avec lui, la jeune sirène ne se prenait jamais trop au sérieux et ce n’était pas le statut royal de son ami ou l’escorte qui le suivait à la trace qui allait la convaincre d’agir de manière plus solennelle avec lui. Au contraire. « Tu tombes bien, je vais faire une petite virée là-haut, ça te dit de m’accompagner ? » Elle avait prononcé ses mots, un petit air de défi sur le visage. La majorité des habitants du royaume se plaisait à rester enfermer dans cette bulle de sécurité que représentait le territoire des sirènes et bon gré, mal grès, le prince n’échappait pas à la règle. Ils ne savaient pas ce qu’ils manquaient. Aussi dangereux soit-il, le monde des humains valaient néanmoins le détour.
« Bien sûr, j'ai d'autres certitudes, j'ai d'autres habitudes, mais d'aventure en aventure »
Comme chaque journée à présent depuis que je suis prince, je suis submergé par les obligation, je dois être présent aux doléances du peuple, assister au conseil qui a leur une fois par semaine, participer à la vie active du château (une idée de ma mère pour que je m'intègre et que je garde les pieds sur terre), et j'en passe. En gros mes journées sont toujours très remplies. Je suis sortit plusieurs fois du palais depuis ce matin afin de remplir différentes missions données par ma mère. Cette dernière fois je suis simplement sortit pour accomplir mon devoir auprès du palais. Je suis en charge des plantes décoratives, toutes les semaines je me charge de gérer le stock et de renouveler les vases qui sont disposés un peu partout chez moi. Pas très viril, je sais, mais je ne l'ai pas choisis, mais je me suis juste habituée à le faire.
Je sortais juste de l'équivalent du fleuriste chez nous les poissons, avec une loooongue commande en main et un peu moins d'argent en poche. J'étais en train d'essayer de me frayer un chemin à travers la foule. A cette heure ci il y a beaucoup de monde en ville, du trafic, du mouvement, mes gardes du corps étaient terriblement anxieux. Moi je voyais là plutôt une occasion de m'enfuir, de leur fausser compagnie encore une fois. Cela faisait longtemps que je m'étais pas accordé ces petites instants loin du royaume, loin du palais, loin de mes gardes, dans les profondeurs de la mer, seul avec les poissons.
J'étais plongé dans mes pensées, à chercher à quel moment de notre trajet je pourrais les semer sans craindre qu'ils ne me retrouvent ou ne me suivent. Et tout d'un coup, une jeune femme m'agrippa le bras. J'étais tellement concentré que j'en ai sursauté avant de me retrouver nez à nez avec Ephyra. Cela faisait longtemps que je ne l'avais pas vu, c'est étrange de la retrouver là, mais ça tombe juste à pic. Je fis un léger signe à mes gardes pour leur préciser que tout allait bien, qu'il n'y avait pas à s'inquiéter et que cette jeune femme un peu trop imprévisible était une amie. " Alors, comme se porte Son Altesse ? Pas trop couvé par ta royale garde ? - Ça peut aller, toujours aussi occupé." Je me rapproche d'elle pour chuchoter et que les gardes n'entendent pas ce que je dis. " Tu n'imagine même pas à quel point ils sont collants. " J'aime beaucoup sa façon de me considérer comme n'importe qui. Même si on est pas des supers amis, on se connait pas beaucoup, mais du coup, même si il pourrait y avoir une distance, elle a su rester naturelle, elle ne fait pas état de mon statut. Nombreux sont les membres de mon entourage qui me connaissent mieux et qui ont changés de comportement depuis que mes parents sont sur le trône.
" Tu tombes bien, je vais faire une petite virée là-haut, ça te dit de m’accompagner ? " On peut dire qu'elle tombe plus que bien, elle est loin de se douter que j'attendais que ça en fait, m'échapper. Ni une ni deux, je saisie sa main et me lance dans une course folle à travers la foule, prenant alors mes gardes de court. En me retournant furtivement je les vois complètement figés, la bouche ouverte. Cela faisait un petit moment que je ne leur avais pas joué un tel tour, ils avaient dû se dire que c'était fini, que j'arrêtais de le faire. Une fois trèèèèès loin d'eux, je ralentis le rythme de ma course. Au final on était déjà arrivés à la frontière de la ville, moment que je choisis pour lâcher la main d'Ephy. " C'est toi qui tombe bien, ça faisait un plombe que j'essayais de trouver un moyen de les semer. ! Alors, t'avais quoi de prévus en tête ? "
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Dernière édition par Égéon Thelxiope le Mer 6 Juil 2016 - 18:58, édité 1 fois
« Ça peut aller, toujours aussi occupé. » Un léger sourire se dessina sur le visage de la sirène. Le rang de prince impliquait de grandes responsabilités, des devoirs qu'Ephyra était loin d'envier à son ami. La famille royale avait le don d'éveiller des rêves et des ambitions chez n'importe qui, y compris les plus jeunes, pourtant, la jeune femme n'avait jamais posé de prunelles émerveillées sur le palais. Ephyra tenait beaucoup trop à sa liberté pour s'enfoncer dans des conventions sociales qu'elle jugeait, pour la plupart du temps, hypocrite. Sans parler de la protection dont bénéficiaient les malheureux héritiers. Non, les titres princiers n'avaient jamais fait fantasmer la sirène, mais ce n'était pas pour autant qu'elle n'appréciait pas écouter ce qui se disait sur le compte des familles régentes. Les rumeurs la divertissaient, les histoires politiques éveillaient chez elle un intérêt singulier : la chute de la veuve sanglante avait secoué l'océan et brisé la monotonie du royaume sous-marin. Pour le mieux, Ephyra osait le croire. Elle était heureuse de pouvoir être témoin de ce genre de rebondissement. Un changement de souverain n'était pas une chose commune, et encore moins chez les êtres aquatiques. Légitimes ou pas, les Thelxiopes apporteraient un vent de nouveauté qui ne pourrait pas faire de mal au royaume, après des siècles à baigner sous le joug d'une seule et même reine…
Son regard glissa vers les fameux gardes du corps, de véritables sangsues d'après les dires d'Égéon. Ça, la sirène voulait bien le croire. « Comprend les, ça serait bien dommage que quelqu'un vienne t'abimer en voulant te lécher les nageoires. Un prince défiguré ça rendrait mal sur les portraits. » Ce ton sarcastique, la sirène n'avait pas peur de l'utiliser en présence du prince. Elle ne s'était jamais pliée aux formalités royales avec lui, et ce n'était pas son nouveau statut qui allait changer quoi que ce soit entre eux. Égéon devait surement avoir assez de tritons et de sirène jouant les hypocrites auprès de lui afin d'entrer dans ses bonnes grâces. C'était peut-être poussé par la lassitude envers tout cela que le blond décida d'empoigner le bras de la sirène pour l'entrainer dans une nage folle à travers la ville. Ephyra se laissa guider, agréablement surprise par ce retournement de situation. Elle se serait plutôt attendue à un refus de la part du prince. Ils ne ralentirent le rythme qu'une fois parvenu à la sortie de la cité aquatique. Agile comme ils l'avaient été, à se faufiler parmi les passants et les demeures, le duo avait réussi à semer les gardes royaux. Ceux-là devaient très certainement se maudire en se rongeant le sang à l'heure qu'il était.
« C'est toi qui tombes bien, ça faisait une plombe que j'essayais de trouver un moyen de les semer. ! Alors, t'avais quoi de prévu en tête ? » Elle leva sa main droite, marquant une pause afin de pouvoir reprendre son souffle après cette course improvisée. « Je comptais aller jeter un coup d'œil à la surface. Ça fait plusieurs jours qu'on n'a pas vu le moindre rayon de soleil, je suis curieuse de voir ce qu'ils en pensent en haut. » Les événements qui secouaient l'île avaient le mérite d'avoir suscité une certaine curiosité chez les sirènes. Rien de tous ces phénomènes n'était normal, même pour Neverland. « Quand je t'ai croisé, je me rendais vers les rochers des abandonnés. Je cache des vêtements là-bas. Et puis, j'imagine que je me serais un peu baladée, peut-être pour finir à Blindman Bluff, va savoir… » Ephyra n'organisait que très rarement ses escapades, elle préférait se laisser guider par son instinct, à la recherche de l'inconnu. Qui sait, peut-être tomberait elle sur un matelot pouvant l'escorter jusqu'à la cité ? Chaque rencontre pouvait réserver son lot de surprise, bien que la plupart des marins qu'elle côtoyait répondaient tous à un même genre d'homme : amateur d'alcool et de jolies filles, amoureux de l'océan. « Alors, ça te dit une escapade là-haut ? À moins que tu préfères retrouver tes sangsues de garde, bien sûr. Ça te prend souvent d'ailleurs, de t'enfuir comme ça ? » Ajouta-t-elle en riant. Au fond, elle ne savait que très peu de choses sur Égéon : de lui, elle ne connaissait que son nouveau rang ainsi que sa nature quelque peu trouillarde. Mais la témérité dont il venait de faire preuve en faussant compagnie à sa protection laissait supposer que le prince était lui aussi pleins de surprise.
« Bien sûr, j'ai d'autres certitudes, j'ai d'autres habitudes, mais d'aventure en aventure »
Une fois en dehors de la ville nous priment quelques minutes pour reprendre notre souffle. Une course effrénée comme ça, à se faufiler entre les gens sans leur rentrer dedans et à prendre des petites rues perpendiculaires au dernier moment, c'est assez sportif. " Je comptais aller jeter un coup d'œil à la surface. Ça fait plusieurs jours qu'on n'a pas vu le moindre rayon de soleil, je suis curieuse de voir ce qu'ils en pensent en haut. " Mon père va certainement me tuer, mais j'avoue que moi aussi cette nuit sans fin m'intrigue. Alors la perspective d'aller à la surface voir ce qu'on peu trouver titille ma curiosité et me pousse à l'accompagner.
" Quand je t'ai croisé, je me rendais vers les rochers des abandonnés. Je cache des vêtements là-bas. Et puis, j'imagine que je me serais un peu baladée, peut-être pour finir à Blindman Bluff, va savoir… - C'est parfait, je cache mes vêtements sur le chemin, on passera les prendre. Après on va où tu veux, je te suis, j'en ai marre de cette vie monotone j'ai envie de changement là maintenant. " Je sais, c'est assez exceptionnel pour moi, d'ordinaire j'aurais préféré rester dans mon petit chez moi, dans ma routine, ou à la limite rester au bord de l'eau sur la plage. Mais là je suis au bord du burn out, et puis si par miracle je croise Seyranëa, peut-être que cela pourra m'aider à voir plus clair dans mes sentiments.
" Alors, ça te dit une escapade là-haut ? À moins que tu préfères retrouver tes sangsues de garde, bien sûr. Ça te prend souvent d'ailleurs, de t'enfuir comme ça ? " Je ris à sa dernière question, parce que bon j'imagine bien que tout le monde pense que je suis du genre à jamais rien risquer, à rester bien au chaud chez moi et à toujours obéir à papa maman. Il y a une part de vrai la dedans, mais les gens ne savent pas que je fréquente une humaine, que ma meilleure amie me fait de l'effet, que je m'échappe régulièrement pour me vider la tête, que je me rends souvent à la surface, même si ce n'est que sur la plage, et que je suis tellement nul au combat que je fais chanter un triton à la double vie humaine pour qu'il m’entraîner et paraître moins empoté. " Non je n'ai pas bien envie de retourner les voir pour l'instant, et oui ça m'arrive régulièrement, pour évacuer la pression. J'ai pris goût à ces moments ou je suis tout seul avec juste le monde à découvrir. Mais j'avoue ne pas aller tout le temps à la surface, j'y vais même pas très souvent, surtout dernièrement. Mais là j'en ai tellement marre que je te suis, peu importe où tu vas ! "
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Dernière édition par Égéon Thelxiope le Mer 6 Juil 2016 - 18:58, édité 1 fois
Les déclarations d’Égéon eurent le mérite d’étonner la sirène. Ephyra avait bien conscience qu’elle n’était pas la seule à dissimuler des vêtements à la surface, c’était une pratique assez courante chez les hybrides qui s’aventurait souvent en territoire humain. C’était d’ailleurs la seule option qu’ils avaient s’ils ne souhaitaient pas se retrouver dénudés aux yeux de tous. Seulement, elle ne se serait pas attendue à ce qu’Égéon s’adonne lui aussi à ce genre de pratique. La jeune femme n’était nullement gênée par la nudité. La pudeur pouvait apparaitre comme un concept étranger pour un peuple qui n’éprouvait aucune honte à se promener le torse ou la poitrine à nu. Cependant, ce genre d’idées n’était pas forcément très bien accueilli par les mœurs humaines, aussi, il valait mieux ne pas se risquer. « Oh. J’imagine que c’est mieux comme ça, je ne pense pas qu’une de mes robes te mette particulièrement en valeur. » dit elle en riant. La sirène n’aurait pas été sûre d’avoir de quoi habiller son ami de toute manière.
Le triton l’intriguait de plus en plus. Ephyra s’était imaginé que, en tant que membre de la bonne société des sirènes, Égéon s’était toujours rangé dans parmi les autres, sans commettre de débordement. C’était avec un certain plaisir qu’elle réalisait son erreur. Finalement, ce prince n’était pas bien différent d’elle : lui aussi éprouvait des besoins d’évasion lorsque l’océan se faisait trop étouffant. Et dire qu’il avait déjà mis les pieds à la surface ! Ces découvertes ne firent qu’attiser un peu plus la curiosité de la sirène. Elle se demandait bien ce qu’un triton comme lui pouvait fabriquer à la surface. Écumer les tavernes ? Se fondre parmi les hommes le temps d’une partie de cartes ? Séduire quelques humaines ? Non, peut-être n’en était-il pas là, lui-même déclarait ne pas se rendre en surface très souvent. « Je me serai jamais douté que tu te mêlais aux raclures de là-haut… » Avoua-t-elle tandis qu’ils se dirigeaient vers les rochers. « Certains sont si terrorisés par la surface… J’ai toujours cru que tu faisais partie de ce genre de personnes. Certes, l’inconnu effraie toujours, mais honnêtement, il n’y a rien de plus facile à couler qu’un pirate qui sort d’une taverne. » En ce qui concernait les pirates ayant encore possession de leurs sens et de leurs esprits, c’était une autre histoire. Mais une fois dans l’eau, les hybrides pouvaient facilement avoir l’avantage sur ces faibles créatures.
Ils finirent par atteindre les fameux rochers des abandonnés. Sans attendre, Ephyra nagea jusqu’à la surface et se hissa à la force de ses bras sur l’une des pierres. La lune, fidèle à son poste, brillait au milieu du ciel étoilé. La sirène resta quelques secondes les prunelles levées vers le l’astre lunaire, scrutant chaque parcelle du firmament à la recherche de quelque chose hors du commun. Mais rien. La lune ne lui semblait pas différente, ni les étoiles d’ailleurs. Rien d’exceptionnel en soi, si on oubliait que le soleil ne pointait plus ses rayons depuis un moment. « C’est bizarre, cette histoire de lune… Je me demande ce qui peut bien provoquer ça… Cette maudite île est complètement déréglée, ils doivent être en état de panique complet à la cité. » Si la nuit s’éternisait encore, la situation allait très certainement se compliquer et pas que pour les humains. Les animaux qu’élevaient les bipèdes n’étaient pas les seules créatures à avoir besoin de soleil pour s’épanouir. Qu’allait devenir la faune et la flore aquatique, privées ainsi de lumière ? La douce chaleur du soleil manquait cruellement à la sirène. Elle ne s’attarda pas plus sur ces réflexions et déposa sa nageoire sur le sol. Celle-ci laissa place à une paire de jambes que la sirène utilisa pour aller récupérer ses vêtements. « Je propose qu’on marche un peu du côté de Blindman Bluff, on verra bien sur qui on tombe. Je doute que les humains possèdent plus de réponses que nous au sujet de la lune, mais on pourra toujours faire un arrêt rapide à la taverne. Tu y as déjà été ? Ça vaut le coup d’œil comme endroit. » Ephyra enfila sa robe, rien de particulièrement voyant ou luxueux avant de se retourner vers Egéon. Une question lui turlupinait l’esprit. « Mais en fait, qu’est-ce que tu viens faire à la surface ? Profiter de quelques humaines ou bien te frotter à des pirates ? »
« Bien sûr, j'ai d'autres certitudes, j'ai d'autres habitudes, mais d'aventure en aventure »
Je vis dans son regard l'étonnement et la curiosité. Elle ne se doutait sûrement pas que j'avais écouté ses conseils et que régulièrement je m'échappais de mon quotidien si rigide pour aller prendre l'air autant en mer que sur terre. Je ne sais pas ce qu'elle s'imagine, mais il faudra bien que je lui dise que je ne suis allé que deux fois en dehors de la plage, et c'était pour aller chez Seyranëa où je savais être en sécurité. Eh oui, je suis curieux et courageux, mais pas trop, je garde en mémoire tout ce que mon père m'a raconté sur les humains et leur manière de nous traiter, sur la cruauté dont ils peuvent faire preuve. En somme je reste extrêmement prudent.
Mais voilà, aujourd'hui j'ai envie de changer un peu, de me lâcher, de faire des folies. Je sais que mon père, si il l'apprend, sera encore une fois très déçu et probablement qu'il préférera me tuer plutôt que de me voir de nouveau vagabonder chez les humains. Mais tant pis, j'ai envie de prendre des risques. C'est sûrement la présence d'Ephyra qui fait ça, après tout c'est elle qui m'a parlé de l'extérieur, c'est à cause de ses histoires que j'ai sauté le pas il y a quelques mois de cela. Elle semble tellement épanouie et joyeuse quand elle revient, ça m'a donné envie d'essayer. Bien-sûr je l'ai fait à mon rythme, un pas après l'autre, et j'ai fini par faire un bon en sortant avec une humaine. Mais même si je ne m'aventure pas autant qu'elle sur l'île, mes petites escapades sur la côte me font beaucoup de bien, elles m'aident à me recentrer. " Je me serai jamais douté que tu te mêlais aux raclures de là-haut… " Ouais, enfin je ne me mêle pas vraiment, mais ça elle le constatera bien assez tôt quand elle me verra complètement paniqué à la vue de pirates. " Certains sont si terrorisés par la surface… J’ai toujours cru que tu faisais partie de ce genre de personnes. Certes, l’inconnu effraie toujours, mais honnêtement, il n’y a rien de plus facile à couler qu’un pirate qui sort d’une taverne. - Eh bien tu n'avais pas complètement tord... En ce qui concerne couler un pirate ivre, je ne saurais dire je n'ai encore jamais expérimenté. "
Après être passés par ma cachette à vêtements, nous arrivâmes au rocher des abandonnés. Sinistre nom pour un simple caillou, je ne sais trop pourquoi il se nomme ainsi mais cela ne donne pas envie de s'y éterniser. Nous contemplâmes quelques instants le ciel étoilé et cette lune toujours aussi présente. Il est vrai que c'est étrange, je me demande quand cela va bien finir, et surtout si à la fin il n'y aura pas une catastrophe, parce qu'il faut l'avouer, ce noir continue n'annonce rien de bon. Une fois sous forme humaine, nous passons les habits qui nous avions chacun récupérés. Je me demande bien ce que l'on va pouvoir faire, et surtout, où est-ce qu'elle va me traîner. " Je propose qu’on marche un peu du côté de Blindman Bluff, on verra bien sur qui on tombe. Je doute que les humains possèdent plus de réponses que nous au sujet de la lune, mais on pourra toujours faire un arrêt rapide à la taverne. Tu y as déjà été ? Ça vaut le coup d’œil comme endroit. - Ça me va. Et non je ne suis jamais allé à la taverne. A vrai dire je ne suis jamais allé en ville... "
Je sais, ça fait un peu trouillard et ça contraste carrément avec mon enthousiasme de tout à l'heure. Mais bon, je préfère être honnête, qu'elle sache à quoi s'attendre. Je vois bien que quelque chose lui trotte dans la tête, et la question ne tarde pas à venir. Ah cette question, je me la pose souvent également, pourquoi je vais à la surface... Elle risque d'être surprise par la réponse, personne au royaume ne doit se douter que j'ai finis par tomber sous le charme d'une humaine et que j'en suis arrivé à éprouver des sentiments très forts. " Mais en fait, qu’est-ce que tu viens faire à la surface ? Profiter de quelques humaines ou bien te frotter à des pirates ? - Eh bien d'ordinaire je me cantonne à la côté, aux plages et aux rochers du lagon. Je n'ai encore jamais rencontré de pirates, comme je te l'ai dit, mais j'ai des connaissances parmi la gente féminine oui. A vrai dire, si tu veux tout savoir, je me suis fait des amies, et j'ai même une aventure avec une humaine, mais c'est une situation un peu compliquée, je préférerais ne pas en parler. Pas que je ne te fasse pas confiance ou quoi, mais je ne sais pas bien où j'en suis sentimentalement et je voulais justement partir en virée avec toi pour me changer les idées. Sinon, pour être plus général, je viens à la surface pour échapper à mon quotidien au château, pour souffler et me vider la tête. C'est plutôt efficace en général, mais mes bains de soleil commencent à me manquer ces derniers jours. Et toi, tu viens pour quoi en général ? "
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Dernière édition par Égéon Thelxiope le Mer 6 Juil 2016 - 18:58, édité 1 fois
Impossible de faire semblant, de cacher cette curiosité dévorante. Les questions s’enchaînaient, franchissaient la barrière de ses lèvres sans qu’elle ne puisse y mettre fin. Un sourire discret vint se dessiner sur son visage. Les confidences du prince l’amusaient autant qu’elles la surprenaient. Il n’avait jamais mis les pieds en ville. Ni à la taverne. Cette soirée allé s’annoncer riche en découverte et en nouvelles expériences pour le triton. C’était tout un monde qui se dissimulait derrière les murs de la cité et Ephyra n’était pas mécontente de guider Égéon dans ses premières aventures à Blindman’s Bluff. Peut-être aurait-elle dû se sentir coupable. Arracher un héritier à sa prison royal pour l’amener dans les quartiers animés et populaires de la ville relevait d’une certaine audace. La sirène en était consciente. Y prêtait-elle attention pour autant ? Non. De toute manière, Égéon n’avait pas eu besoin d’elle pour faire ses premiers pas à la surface. Et pas pour y faire n’importe quoi apparemment. Voilà qu’une charmante figure féminine venait s’ajouter au récit de ses péripéties. Ephyra arqua un sourcil, mais n’ajouta rien, hochant simplement la tête. Parce qu’il n’y tenait pas, parce qu’elle n’avait tout simplement rien à dire. Ces amours, nés de sentiments interdits et coupables entre un humain et un hybride : combien d’histoires, de légendes avaient-ils inspirés ? Ces unions s’ancraient pourtant bel et bien dans la réalité et ça, Ephyra ne le savait que trop bien. Elle était le fruit d’un de ces amours destructeurs. Si amour, il y avait bien eu entre sa mère et cet homme.
À vrai dire, Ephyra était plutôt rassuré qu’Égéon ne vienne pas lui réclamer des conseils à ce sujet. Un sujet qu’elle était loin de maîtriser : son cœur s’était fermé aux futilités des sentiments amoureux depuis longtemps. L’amour, elle se contentait de le recevoir sans y être sensible. Le supposé amour qu’elle rendait à ses admirateurs n’étaient qu’un sentiment faux, simulé de toute pièce. Elle était passée maître à ce petit jeu. « Presque pour les mêmes raisons que toi… Je monte à la surface pour tuer l’ennui en me jouant de certains humains, quand l’océan se fait trop étouffant. Les hommes sont des créatures faibles : l’argent, l’alcool ou un joli minois… Un rien suffit à les tromper. Certains sont si faciles à duper que s’en devient plus pitoyable qu’autre chose. » Pitoyable et ennuyant. Elle soupira. Inutile de préciser que son quotidien se résumait en un éternel va et viens entre la ville et l’océan. Les bons moments qu’elle y passait finissaient par s’estomper et la lassitude reprenait inlassablement le dessus. Ephyra vivait entre terre et mer sans que ni l’un ni l’autre ne sache réellement la retenir. La jeune femme lissa la jupe de sa robe d’un mouvement bref de la main avant de relever ses cheveux mouillés en un chignon qu’elle maintint à l’aide d’une coquille de couteau. Elle avait horreur de sentir sa chevelure tremper le dos de ses vêtements, et avec les sautes d’humeur de la météo, ses boucles rousses n’étaient pas prêtes de sécher. « Le soleil me manque aussi. Mais je crois qu’on va devoir s’y habituer… » Déclara-t-elle en toisant tristement la lune. Cela faisait déjà plusieurs semaines que la sirène était privée de ses bains de lumière quotidiens. « Vu la situation de l’île, je doute que les choses s’arrangent rapidement. »
Ephyra n’était pas de nature optimiste. Les étranges événements qui avaient secoué certains habitants de l’île, elle en avait eu vent. Hallucination collective ou véritable phénomène, ces accidents n’avaient fait qu’annoncer cette longue nuit. Cela ne présageait rien de bon, inutile de le nier en se protégeant derrière des pensées naïves. « Prêt à t’éloigner un peu des rives ? La cité de l’aveugle, c’est par là. » Ses mots furent accompagnés d’un bref mouvement de tête vers la direction indiqué. La ville n’était pas bien loin, s’il maintenait un bon rythme, ils devraient y être rapidement. « Tu vas voir, Blindmann’s Bluff c’est tout un univers à découvrir, que ce soit en terme de nourriture, de boisson ou de mœurs… Même si certains humains qui y habitent inspirent la médiocrité, ça vaut le détour comme endroit, ne serait-ce que pour se faire une opinion sur les modes de vie des humains. Ça change du royaume. » Il y avait certains hybride que ça fascinait, les humains et tout ce qui les entourait. Ses visites régulières sur la terre ferme n’avaient pas su éveiller ce même intérêt chez Ephyra, mais la sirène devait cependant reconnaître que les hommes et leurs objets avaient de quoi en intriguer plus d’un.
« En parlant du royaume… Tu te plais dans tes nouvelles fonctions princières ? Ça ne doit pas être évident à vivre tous les jours à en juger ta fugue improvisée. » Ephyra ne pouvait pas se mettre à la place d’Égéon. Certes, elle aussi subissait la pression sociale que lui imposait de temps à autre sa mère, mais ce n’était rien comparait à ce que devait vivre le triton. Cependant, s’il y avait bien une chose que la jeune femme pouvait comprendre, c’était bien ce désir de liberté, de changement et d’aventure et pour cause : ce désir ne la quittait jamais. La cité de l’aveugle se profilait déjà à quelque mètre, avec ses lumières, ses bruits et ses odeurs. Un mélange vivant qui promettait, avec un peu de chance, une soirée divertissante.
« Bien sûr, j'ai d'autres certitudes, j'ai d'autres habitudes, mais d'aventure en aventure »
Intéressant son point de vue sur les hommes, vraiment. On pourrait lui faire remarquer que nombreux tritons se comportent aussi ainsi, mais il est vrai que ce qui ressors des récits que j'entends à propos des hommes et de la terre ferme se limite grandement à ce qu'elle venait de m'exposer. Je suis bizarrement curieux de voir tout ça, de me fondre dans la masse, même si j'ai déjà peur de ce qu'il pourrait m'arriver. Je pense que je vois systématiquement le scénario catastrophe de ce qui pourrait arriver et c'est pour ça que je fais jamais rien ... Je sais ce n'est pas super courageux, ce n'est pas digne d'un prince et encore moins d'un futur Roi, je suis sur que ma sœur aurait plus de courage que moi ... Je suis pathétique. Mais en même temps ce sentiment de curiosité qui me pousse à suivre mon amie et à vouloir en savoir plus me ravis le cœur. C'est un sentiment que je connais assez peu, en général je le jugule avant de faire une bêtise. Tant pis, ce soir, place aux bêtises !
Ah le soleil ... Comme mes bains de soleil me manquent, j'aimais tant me poser sur un rocher et me laisser sécher au soleil jusqu'à être presque roussie pour finalement me plonger dans l'eau fraîche avant de recommencer à cuire. Je ne sais pas si c'est typique de mon espèce, mais il est vrai que l'on aime particulièrement cette sensation de chaleur cuisante sur notre peau, cette chaleur qui transperce même nos écailles. " Ne me parle pas du soleil, je commence à devenir malade à force de ne voir que nuit lune, nuit et lune ... Je ferais tout pour me laisser griller sur un rocher là maintenant ! " Il est vrai que tout cela est très inquiétant, je ne sais pas trop comment on va s'en sortir, j'espère que les esprits de l'île trouveront bientôt une solution. Si je tombe sur celui qui est à l'origine de tout ça, je crois que je serais capable de lui trancher la gorge, homme ou triton !
" Prêt à t’éloigner un peu des rives ? La cité de l’aveugle, c’est par là. " A ses mots, je pris une grande inspiration pour me donner du courage et nous nous mirent en route. Je dois avouer que si elle n'avait pas été avec moi, elle qui est déjà allé plusieurs fois en ville, je n'aurais jamais entrepris tel périple. " Je te suis ! " Étrangement, j'étais presque excité à la perspective de cette aventure, et l'excitation prenait petit à petit le dessus sur ma légendaire couardise. " Tu vas voir, Blindmann’s Bluff c’est tout un univers à découvrir, que ce soit en terme de nourriture, de boisson ou de mœurs… Même si certains humains qui y habitent inspirent la médiocrité, ça vaut le détour comme endroit, ne serait-ce que pour se faire une opinion sur les modes de vie des humains. Ça change du royaume. - Ça je veux bien te croire ! " Tout en marchant, des questions se précipitèrent dans ma tête, il me fallut quelques minutes pour faire le tri avant de lui en poser une. " Qu'est-ce qui t'a poussé à aller voir ce qui se passait là-bas la première fois ? "
Elle devait surement avoir son propre raisonnement intérieur elle aussi puisqu'elle me posa une question presque en même temps que moi. " En parlant du royaume… Tu te plais dans tes nouvelles fonctions princières ? Ça ne doit pas être évident à vivre tous les jours à en juger ta fugue improvisée. " Je ne pus retenir un bel éclat de rire spontané. Ça se ressent tant que ça que je fais un petit trop plein ? " Je peux pas vraiment dire que je m'y plais, c'est pas facile tous les jours ... Mais je fais de mon mieux, je fais beaucoup d'efforts alors des fois il me faut déconnecter. Et tu imagine bien que c'est pas au palais avec mes parents et mes professeurs sur le dos que je vais pouvoir le faire ! " Au final, la conversation nous fit oublier les kilomètres, je suis même surpris de ne pas être tombé parce que d'ordinaire je me débrouille très mal sur mes jambes et il me faut y réfléchir pour ne pas me faire de croc en jambe ou me prendre un caillou. Au loin des lumières commencèrent à apparaître, j'étais presque fasciné par ces lumières minuscules et scintillantes, tel un tapis d'étoiles à même le sol. " C'est ça ? "
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Dernière édition par Égéon Thelxiope le Mer 6 Juil 2016 - 18:59, édité 1 fois
« Qu'est-ce qui t'a poussé à aller voir ce qui se passait là-bas la première fois ? » Elle ne répondit pas immédiatement. Répondre à cette question, c'était se replonger dans le passé, remonter jusqu'à son enfance. Elle devait avoir onze ans, la première fois que ses nageoires étaient entrées en contact avec la terre ferme. Ses escapades terrestres avaient longtemps été limitées aux frontières de la lagune, jusqu'à ce que l'ennui la pousse à s'aventurer de plus en plus loin. « L'ennui. J'étais lassée de l'océan, j'avais envie d'ailleurs et l'interdit me plaisait. » L'ennui, la lassitude, ces sentiments-là étaient presque toujours à l'origine de ses actions. Et puis, il y avait eu sa mère. À cette époque, prendre des risques à la surface, c'était essayer d'attirer son attention sur autre chose que ses cheveux et ses nouvelles tenues. Autant dire que ça n'avait pas fonctionné. Mais ces voyages jusqu'à la surface et les négligences de sa mère lui avaient fait goûter à une liberté dont elle n'avait que trop prix goût. Les paroles de son ami ne firent que renforcer cette pensée. Parent, professeur… La vie de prince lui semblait horriblement contraignante. Ephyra n'avait jamais rêvé d'être une princesse. Petite, le reste de sa famille l'avait pourtant souvent considéré comme telle : elle avait eu droit à son lot de surnom, on s'était plié à ses caprices. La sirène avait bénéficié d'un favoritisme qui avait eu le don d'éveiller de la jalousie de ses cousins et cousines. Cela lui avait suffi et les rangs royaux, ainsi que toutes les responsabilités qui venaient avec, ne faisaient pas partie des ambitions que pouvait nourrir la sirène. Oui, trop contraignant. « Tu peux toujours te dire qu'ici au moins, tu n'es rien pour personne. L'actualité politique du royaume ne fait pas vraiment partie des sujets de conversation humains. » En particulier avec la nuit qui s'éternisait. Ils n'avaient plus que ses mots là à la bouche, s'en devenait presque ennuyant.
De petits points scintillants se profilèrent à l’horizon. La cité était toute proche. « Oui, nous y sommes presque. » La sirène accéléra légèrement le pas tout en s’assurant qu’Égéon la suivait toujours. Perdre le prince dans la ville de l’aveugle et se mettre les souverains du royaume maritime à dos n’étaient pas dans ses plans. La rousse s’engouffra dans la cité d’un pas assurant. La jeune femme avait tellement mis les pieds à Blindman Bluff que ces rues lui semblaient désormais familières. Elle aimait les parcourir, laisser ses yeux se poser sur les commerçants en activité, capter quelques bribes de conversation, se perdre dans cette cité en laissant ses pas la guider aux hasards. Combien de fois avait-elle erré ici sans réel but, pour le simple plaisir de marcher et de se divertir l’esprit ? « Attention ! » Dit-elle soudainement en tirant le triton hors du passage où venait de s’engager une charrette à toute allure. La nuit avait peut-être jeté un voile d’ombre sur l’île, mais la cité, elle, vivait toujours et avec cela venait tous les dangers auxquels une sirène inexpérimentée pouvait faire face. Des commerçants pressés, des ivrognes, des brigands… Mieux valait ne pas quitter Égéon des yeux. « Suis-moi ! » Si Ephyra aimait se perdre dans les rues de la cité, aujourd’hui, elle savait exactement où les ruelles qu’elle empruntait la menaient et bientôt, le duo arriva face à la taverne. L’établissement ne désemplissait pas. On pouvait déjà entendre les rires et les chants qui s’en dégageaient.
Un petit sourire aux lèvres, elle indiqua d'un signe de tête à Égéon de la suivre à l'intérieur. Comme elle avait pu le deviner, l'ambiance était déjà au rendez-vous. Sous les lumières vacillantes, des marins semblaient déjà bien touchés par les ravages de l'alcool, ce qui arracha un rire amer à la sirène. Remettre les pieds ici lui rappelait les frasques qu'elle avait pu commettre sous l'emprise de la boisson en ce même lieu. C'était des souvenirs qu'elle aurait préféré oublier. Son regard balaya rapidement la salle, à la recherche d'une table libre, mais aussi d'un quelconque visage familier. Personne. Tant mieux. Ephyra n'était pas d'humeur à mentir pour justifier sa présence ici à un pirate qui l'aurait reconnu ou à une Rosaharn trop consciencieuse. Elle finit par s'installer à une table. « Pas trop intimidé ? » Passer du palais royal à la taverne n'était pas l'une des transitions les plus douces. En particulier avec le monde de ce soir. Mais la sirène ne comptait pas s'attarder ici trop longtemps, juste le temps d'échanger quelques paroles autour d'un verre. « Deux chopes s'il vous plaît ! » Demanda-t-elle à une serveuse passant près de leurs tables. « J'imagine que si tu n'as jamais mis les pieds à la taverne, tu n'as jamais goûté à l'une de leurs boissons ? »
« Bien sûr, j'ai d'autres certitudes, j'ai d'autres habitudes, mais d'aventure en aventure »
Ah cet attrait de l'inconnu, humains et tritons semblent égaux face à cette envie malsaine qui nous pousse à nous aventurer en dehors de notre zone de confort. On sait que c'est mal, on sait que l'on risque même notre vie, mais on ne peut pas la refréner, l'envie est plus forte il nous faut aller voir. " Tu peux toujours te dire qu'ici au moins, tu n'es rien pour personne. L'actualité politique du royaume ne fait pas vraiment partie des sujets de conversation humains. " Pas faux, et j'avoue que cette perspective m'enchante. Je fais un signe de tête comme pour approuver ce qu'Ephyra venait de dire, elle a raison après tout, autant profiter de cet anonymat pour me lâcher, recharger mes batteries et laisser libre court à ma curiosité, mes envies. Décidément, j'étais très loin de me douter, en attrapant sa main sur la place du royaume, que je me dirigeais vers pareil périple.
A l'approche de la ville, mon cœur bat plus vite, je m'aventure dans un lieu qui m'est totalement inconnu, chez des gens qui pourraient vouloir me tuer si ils savaient ce que je suis, mais bizarrement je ne ressens aucune pression, au contraire, je suis tout excité à l'idée d'explorer cette ville si différente de la mienne. Ephyra semble tellement à l'aise parmi ces hommes et ces femmes, on la croirait chez elle, j'imagine qu'elle n'en est pas à sa première expédition dans ces rues. On appelle cette cité la cité de l'aveugle, mais avec toutes ces lumières qui éclairent mon passage, je ne la trouve pas si aveugle, au contraire, on y voit presque comme en plein jour. J'étais surement bien trop en train de bailler aux corneilles parce mon amie de vadrouille m'évita de justesse une collision avec une charrette, heureusement qu'elle est là, cela n'aurait vraiment pas été agréable comme moment.
Me guidant habilement à travers ces rues qu'elle connait comme sa poche, Ephyra me mène, l’œil pétillant de malice devant l'auberge de la ville. L’ambiance semblait battre son plein à l'intérieur, les chants et les rires me mirent du baume au cœur, ce soir, c'est le soir de tous les interdits, je vais m'amuser, je vais boire, je vais chanter avec des humains et peut-être même que je vais frôler la mort, on verra bien ! Ce soir, un autre Égéon est de sortit, le prince n'est plus, je redevient ce jeune homme en soif de danger et d'aventure que j'étais avant de devoir faire en permanence bonne figure. Une fois entrés, la déception ne fut pas au rendez-vous, la majorité des hommes ressemblaient à ce que je m'étais figuré des pirates, saoul et bourrus, de vrais distributeurs d'insultes ambulants. Mes yeux d'enfant s'émerveillèrent, j'emplis mon cœur si avide de tout ce que je pouvais voir en passant par les femmes qui dansaient très légèrement vêtues jusqu'au tenancier du bar, le regard dur et méfiant, surveillant ses clients pour limiter la casse. On se serait cru au cœur d'un de ces romans d'aventure épiques mêlant pirates, trésors et belles jeunes femmes.
Assis à une table, j'avais suivis Ephyra machinalement, elle semblait elle aussi se délecter du spectacle. Je ne sais pas depuis combien de temps elle n'était pas venue, mais cela semble lui avoir manqué. Le rose aux joues me vient lorsqu'une des femmes de joies me surprend en train de la regarder. Je ne faisais pas ça de manière intéressé, j'étais juste fasciné par la façon dont ses hanches ondulaient habilement. Je ne suis vraiment pas à l'aise sur des pieds alors j'ai du mal à comprendre comme elle est capable de réaliser se prodige ampli de sensualité. Lorsqu'elle me fait signe je détourne la tête pour me recentrer sur ma voisine de table, je suis complètement rouge, mort de honte et à cet instant j'aimerais pouvoir devenir tout petit et disparaître. On peut dire que jusque là je ne l'étais pas trop, intimidé, mais présentement je suis un peu au bord du gouffre. Et la voilà qui s'avance vers notre table en plus. J'entends Ephyra lui commander deux chopes, je suppose qu'il s'agit de boisson. Heureusement elle est également serveuse, ouf, je suis sauvé. Je lève légèrement le regard vers elle avec mon air gêné et tout ce que j'arrive à faire c'est lui sourire. Ne vous y méprenez pas, je n'ai pas peur d'une femme, c'est juste que j'ai assez peu d'expérience avec les humaines et elle sont quelque peu différentes des sirènes, avec elles par contre je suis un peu plus naturel. Mais y a aussi que ce soir je suis là pour passer du temps avec une amie, découvrir le monde d'en haut et pas pour prendre du plaisir au lit avec une jeune femme qui n'en veut qu'à mon argent.
Elle me regarde avec un sourire enjôleur avant de repartir vers le bar, finalement je préférerais qu'on ne s'éternise pas ici ... " J'imagine que si tu n'as jamais mis les pieds à la taverne, tu n'as jamais goûté à l'une de leurs boissons ? - Hein ? Euh non jamais, j'imagine que c'est différent de ce que l'on trouve chez nous. C'est aussi fort ? Non parce qu'il m'est déjà arrivé de me prendre une cuite chez nous et j'aimerais ne pas réitérer ici si possible ... " Rien qu'au souvenir de cette soirée mon estomac se met à faire des bonds. J'espère vraiment que leur mixture est plus douce au palais que les notre, j'aimerais bien pouvoir me rappeler de cette soirée encore longtemps. " Tu veux faire quoi après ? " Ou comment suggérer que je ne voudrais pas m'éterniser dans cette taverne, pas que j'aime pas l'ambiance, mais je sens toujours le regard de cette serveuse sur moi et cela me met très mal à l'aise. Non mais qu'est-ce qu'elle a à la fin, elle n'a jamais vu d'homme blond de sa vie ou quoi ?!