Les jours s'enchaînaient, l'un après l'autre. Le reste de l'équipage avait banni le Mouss, mais celui-ci ne s'en préoccupait guère. Après tout, il n'avait jamais réussi à rester bien longtemps sur un bateau pirate, et pour une fois, il n'avait pas besoin de travailler pour gagner sa vie. Son filet, qu'il avait réparé suite au naufrage, lui permettait d'attraper du poisson, et les fruits et les coquillages qu'il trouvait sur le rivage venaient compléter ses repas, de sorte qu'il ne souffrait pas de la faim. Au fil de ses errances, il avait trouvé un cours d'eau qui réglait le problème de la soif, et depuis... Le moins qu'on puisse dire, c'est que les soucis matériels n'occupaient qu'une place mineure dans ses journées. Pour la première fois de sa vie peut-être, il était seul, désœuvré, et rien ne l'obligeait à trouver du travail au plus vite. Il avait tout son temps de libre, personne ne lui donnait aucun ordre, et tout ce qu'il faisait c'était rester près de la plage. Explorer l'intérieur de l'île aurait pu rompre la monotonie de ses journées, mais il ne pouvait s'empêcher de se dire que s'il s'éloignait de la côte, même pour quelques heures, la sirène pourrait réapparaître sans le trouver.
Petit à petit, alors que ses pas le menaient de plage en plage, celle-ci remplissait les pages de son carnet à dessins, et le soir il restait de longues heures devant l'océan, bien après que le soleil se soit couché, espérant l'apercevoir.
Un matin il n'y tint plus. La plage où il se trouvait était bordée par la forêt, et regorgeait de bois mort et de bois flotté. Il passa trois jours à en faire un radeau, nouant les branches entre elles avec la corde de son filet, arrangeant sa chemise de manière à en faire une voile. Il tailla une gaffe pour quitter les eaux peu profondes, des rames pour avancer ou revenir si le vent tombait, et se déclara enfin prêt. Il aller chercher sa sirène.
Dans l'absolu, il ne savait même pas pourquoi elle comptait autant pour lui. Mais il était incapable de l'oublier, d'arrêter de guetter les flots à sa recherche, ou même d'arrêter de penser à elle. Alors autant aller la chercher.
Son radeau de fortune se révéla assez étanche, compte tenu de sa fabrication, et il prit la mer. Il s'éloigna de la côte autant qu'il le pouvait, cherchant à percer du regard les profondeurs. Il vit plusieurs bancs de poissons qui auraient fait le bonheur des pêcheurs, mais aucune sirène. Pourtant il n'avait pas rêvé, les autres marins l'avaient vue aussi... Il était si concentré qu'il en oublia de surveiller son environnement, ce qui, en mer, peut vite s'avérer fatal.
Il ne vit pas la vague qui le frappa par-derrière, lui faisant perdre l'équilibre et l'entraînant hors du radeau. L'eau salée l'entoura, comme lorsqu'il était enfant et qu'il avait failli se noyer, une peur panique lui enserra la poitrine, l'empêcha de réfléchir clairement et d'essayer de s'accrocher au radeau. Il coula comme une pierre, incapable de respirer ou de remonter à la surface... et il n'avait toujours pas retrouvé la sirène.
I'm Going To Find You! I Promise! Carter & EileenaEileena avait les bras chargés d'objets en tout genre, qu'elle avait ramassés un peu partout au fil de ses petites escapades au pays imaginaire. Elle avait pris la décision de ne plus rendre de comptes à son père, et de faire ce que bon lui semblait. Elle ne voulait pas finir comme lui, à faire de la politique à longueur de journée. Ca l'ennuyait tellement, elle, préférait l'aventure, l'adrénaline, le nouveau. Elle ne voulait pas rentrer dans un moule, elle voulait se faire sa propre identité. Et elle était assez grande pour se prendre en main. A force de se balader et de ramener toute sorte de choses, elle avait décidé d'ouvrir une petite boutique d'objets, objets venant de la terre et qui pourraient être utiles au peuple marin. Son père n'approuverait certainement pas, mais c'était son choix, et elle n'en démordrait pas. Pour une fois, elle était prête à tout pour arriver à ses fins.
Ce jour là, elle regarda un peu la collection qu'elle avait récupéré et se dit qu'il lui manquait quelque chose, avant qu'elle ne puisse ouvrir sa petite boutique. Elle avait tout prévu, jusqu'au nom, mais si elle jugeait que quelque chose manquait, il fallait qu'elle le trouve rapidement. Il y avait encore quelques endroits de l'ile, qu'elle n'avait pas exploré, et peut-être lui permettraient-ils de trouver son bonheur. Sans attendre, elle se dirigea vers le sud, tout en cherchant dans sa tête, ce qu'elle pourrait bien ramener. Elle avait quelques petites idées, comme un de ces miroirs que les femmes humaines utilisent, qui font fureur sous la mer, ou alors, un de ces filets avec lesquels les humains attrapent les poissons. Ces filets monstrueux pourraient devenir de parfait hamac s'ils sont bien utilisés. En y repensant, ce filet lui avait joué bien des tours. Elle avait échappé de peu aux humains, et elle se rappelait encore la peur qu'elle avait ressenti, et son coeur qui s'était emballé. Elle repensait aussi au jeune homme, le jeune marin qui lui avait permis de s'échapper. Elle avait rêvé tant de fois de lui, avait tellement envie de le revoir. Mais tout le monde lui disait que c'était de la folie, si bien qu'elle avait peut-être fini par le croire. Elle avait cessé de le chercher, se focalisant sur son projet de boutique. Mais au fond de son coeur, elle le sentait, il était toujours là.
Au fur et à mesure qu'elle nageait, elle sentait son coeur battre de plus en plus vite. Elle ne savait pas si c'était parce qu'elle pensait à lui ou s'il y avait autre chose qui lui faisait cet effet. Le courant devenait de plus en plus fort, la mer se déchainait et elle décida d’accélérer. Au loin, elle apperçu ce qui devait être une barque, ou un radeau. Si un humain était dessus, il devait passer un moment pas des plus agréables. Il fallait être un peu fou pour s'amuser sur un si petit bateau dans une mer pareille. Elle décida donc de se rapprocher mais resta prudente, elle ne savait pas comment réagirait la personne qui la verrait, puisque les sirènes ne sont pas très appréciées parmi les humains.
L'eau l'entourait, il n'avait plus d'air et allait probablement se noyer, quand quelqu'un posa les mains sur son torse. Comme une vision d'un rêve, une sirène se tenait face à lui - pas une sirène, mais sa sirène, celle qu'il était venu chercher. Quelle ironie, que ce soit elle qui finisse par le trouver, au moment où tout était perdu... Quelques instants plus tôt, et tout aurait encore été possible...
Mais tout n'était peut-être pas si perdu que cela. Ses poumons brûlaient, mais la sirène le ramenait d'une main sure vers le haut. Ils crevèrent la surface et Carter avala une grande goulée d'air frais, puissante et salvatrice. Il se cramponna à sa sauveuse et mit plusieurs minutes à reprendre son souffle, pantelant, incapable d'articuler un mot.
Quand il fut enfin capable de formuler deux pensées cohérentes et de les prononcer, il s'adressa à la sirène : "Merci", murmura-t-il avec reconnaissance. Sa voix était encore rauque de terreur - et pourtant, il en fallait pour l'impressionner. Il n'avait toujours pas pied et ne se sentait toujours pas vraiment dans son environnement, mais la présence de la sirène avait eu en grande partie raison de sa peur. Il la connaissait à peine, mais il lui faisait confiance pour ne pas le lâcher en pleine mer ; après tout elle venait de lui sauver la vie...
Elle semblait muette de stupeur, et il se demanda si elle l'avait reconnu. Même si elle lui avait fait si forte impression, peut-être que de son côté elle avait oublié cet incident sur la plage. Après tout, que pouvait bien représenter un pirate pour une sirène, à part un danger potentiel ?
Malgré cela, Carter se retrouva incapable de se taire. Il fallait qu'il lui dise...
"Je vous cherchais..." lui avoua-t-il tout bas.
Les vagues allaient et venaient contre sa nuque, le vent soufflait dans ce qui semblait annoncer une tempête, et il était au milieu de l'eau dans les bras d'une sirène. Il se demanda quelle mouche l'avait piqué, s'il n'était pas en train de devenir fou, mais pourtant il n'avait aucune envie de lui demander de le ramener jusqu'à son radeau ou jusqu'au rivage. Il y avait quelque chose d'improbable, quelque chose de magique dans ce moment, qui ne se présenterait sans doute plus jamais, et il ne voulait pas qu'il finisse.
Il scruta son visage, se plongea dans ses yeux.
"Dites-moi au moins votre nom", la pria-t-il, comme une dernière requête pour faire durer l'instant.
I'm Going To Find You! I Promise! Carter & Eileena "Merci" Leena était fascinée, d'entendre cette voix une nouvelle fois, même si elle avait quelque chose de différent. Peut-être la peur avait pris possession de la voix de ce marin et l'empêchait de sortir normalement. On sentait lorsqu'il parlait que ce qui venait de se passer l'avait un peu secoué et qu'il lui faudrait un petit moment avant de s'en remettre. La sirène quant à elle, sentait que sa gorge se nouait, elle ne savait pas si elle devait le craindre, étant donnée la proximité de leurs corps, ou si elle devait croire que tous les humains ne sont pas forcément des brutes. Après tout, son amie Rheïanne était la preuve que les sirènes et les humains peuvent avoir un avenir commun.
Les vagues devenaient de plus en plus fortes et Leena savait qu'il ne fallait pas rester là. Depuis que la nuit avait pris posséssion de Neverland, la mer devenait de plus en plus difficile à traverser et bon nombre de bateaux finissaient engloutis. Elle ne voulait pas qu'il en soit de même pour lui. Mais elle ne comprenait pas ce qui la motivait à rester là, collée contre cet humain, et lui faisant oublier qu'elle pouvait le ramener à son radeau de fortune.
"Je vous cherchais..."
Son coeur fit un bon dans sa poitrine. En un instant des milliers de questions envahirent sa tête et elle n'en trouva pas les réponses. Pourquoi la cherchait-il? Pourquoi avait-il pris tant de risques pour la trouver elle? Qu'avait-elle bien pu faire pour qu'il veuille la trouver? Elle espérait au fond que ce soit pour les mêmes raisons qui l'avaient poussée à regarder sur chaque plage, chaque rivage.
Malgré le noir qui les entourait, Leena pouvait aisément apercevoir son regard, éclairé seulement par la lumière de la lune. Il était beau, envoutant comme la première fois qu'elle s'était baignée dedans et avait quelque chose qui l'attirait sans qu'elle ne comprenne vraiment. Elle aurait pu rester des heures comme çà, si le temps ne se gatait pas. Elle aurait pu rester avec lui, si elle ne devait pas lui dire d'aller se mettre à l'abri. D'ici quelques heures, la pluie les assomerait, et ça deviendrait bien trop dangereux.
"Dites-moi au moins votre nom"
Sa requête semblait pleine d'envie, d'espoir, et elle sentit son coeur se soulever une nouvelle fois. Décidemment, quelque chose se passait avec cet humain, il était bien trop différent de tous les autres, et il ne semblait pas lui vouloir du mal. Bien au contraire. Peut-être qu'il voyait les choses de la même manière qu'elle.
« Je... Je m'appelle Eileena. Je vous cherchais aussi... Je voulais vous remercier de m'avoir aidée sur la plage. Il y avait ce.... Je ne sais pas comment vous appelez cette chose... Mais merci beaucoup de l'avoir enlevé.»
Il fallait qu'elle lui dise, à quel point elle lui était reconnaissante qu'il l'ait aidée. Elle ne savait pas combien de temps elle allait pouvoir parler avec lui, alors elle voulait en profiter au maximum. Mais elle fut envahie par une vague de stresse, qui la transforma en une pipelette incapable de s'arrêter. Sa timidité reprenait le dessus sur elle, et elle se demandait comment allait réagir l'homme en face d'elle. Surtout qu'elle ne savait rien non plus de lui.