le vent qui t’emporte, te dirige, et allège tes jambes. un souffle violent qui les motivent surtout, plus glacial que les yeux d’un pirate sur le point d'ôter la vie. ton esprit lui qui ne s'inquiète de rien, encore occupé par les dernières aventures que tu venais de vivre. ton corps est encore barbouillé de leurs peintures, tes cheveux encore mêlés à des restes de neige ou de vieilles saletés de la saison dernière. aujourd'hui heureusement, ni hématome provoqué par l’une de leurs bagarres, ni blessure causée par quelque mauvaise chute. contournant les troncs nus avec une certaine facilité malgré l’épaisseur de ces couches blanches, tu rentres au camp. la nuit noire, tu n’en as pas peur. ou du moins pas assez pour te contenter de rester à la maison et te morfondre qu’un jour le soleil revienne. au contraire, cet infini te fascine et te fait réfléchir. ressentir. rêver. jamais tu ne te lasserais de ses jolies, si petites d’ici bas et pourtant si puissantes, si brillantes. et un peu plus loin, sur la falaise, le feu qui émane du village; ses lumières, ses fumées. puis la mer, plus mystérieuse qu’en été. un plaisir pour les yeux, du pain pour l'âme.

   et tes pas ralentissent, s'arrêtent, comme figés dans la neige. tes mains viennent se caler contre ton ventre, sous les peaux de bêtes. ton regard lui se perd de l’autre côté, vers un horizon lointain, par-delà la cime des arbres dépourvus de feuilles. et les peaux pâles? comment font-ils au milieu de leurs terres de pierre et de perdition? sont-ils même au courant qu’un tel paysage existe, qu’un tel paradis gît là, sous leurs yeux, à quelques heures de leurs grandes habitations? ne le leur cachent-elles donc pas? sont-ils heureux sans elle?
toi, jamais tu ne pourrais concevoir ton existence sans Nature, mère de toutes créatures. pourtant si belle, si généreuse, si secrète, si parfaite. tu lèves alors les yeux, et la contemple avant de sereinement clore tes paupières. d’un ton solennel, tes bras s’ouvrent le long de ton corps avant de s’élever vers le ciel au dessus de ta tête, doucement, et cela plusieurs fois. un sourire finit par se dessiner sur ton visage adolescent. merci.

   brusquement on te sort de ta prière. par instinct légèrement baissée, à l'affût du moindre son, prête à courir te cacher derrière un arbre ou prendre tes jambes à ton cou. quoique tu sois plus attirée par celui-ci qu’autre chose, comme un lapin reniflant ce qui pourrait donc se tapir dans l’ombre. un cri venait de briser le silence. une voix de femme, plaintive, une dizaine de mètres plus loin, si tes calculs étaient bons. quelque part plus au sud-est, soit tout droit si tu empruntais le chemin sur ta gauche. le camps indien était cependant à ta droite. tant pis. à pas de loup, tu retournes dans la forêt, à la recherche d'un visuel plus concret, toujours baissée à la hauteur des buissons et fourrés. fronçant les yeux à cause de l'obscurité, c'est là que tu l'aperçois: une silhouette agitée, prisonnière d'un instrument de torture à son pied.

HRPG: