Ce soir-là, je n’arrivais pas à dormir. J’avais beau compter autant de moutons que je le pouvais, je n’y arrivais pas. En fait, j’avais l’impression que plus j’essayais de m’endormir, plus je me réveillais, comme si mon corps luttait contre le sommeil pendant que mon esprit tentait de le trouver en vain. J’avais donc passé les vingt dernières minutes à gigoter sur ma paillasse avant de me tanner et de me lever d’un bond, complètement réveillée malgré l’heure tardive. Puis, une fois debout, je décidai d’aller me promener un peu dans le campement, histoire de vérifier que tout allait bien. En plus, à force de rester couchée à ne rien faire, j’avais des verres dans les fesses, alors je me disais qu’une petite promenade nocturne me ferait le plus grand bien et je n’avais pas tort. À peine eue-je franchis la porte de ma cabane que l’air frais et la vue des étoiles me procura une immense sensation de bien-être accompagnée d’une furieuse envie de courir partout, envie que je ne réprimai pas, puisque j’avais grandement besoin de bouger un peu. Donc, sans trop réfléchir, j’avançai en gambadant jusqu’à l’autre extrémité du campement, accélérant graduellement en chemin, jusqu’à me mettre à sprinter entre les cabanes des autres enfants perdus. Une fois ma course achevée, j’éclatai d’un rire espiègle, avant de me taire subitement. Après tout, je ne voulais pas réveiller les autres enfants perdus, non? Quoique…
À ce moment-là, une idée commença à germer dans mon esprit. Pour chasser l’ennui procurée par une nuit où l’on n’arrive pas à trouver le sommeil, quoi de mieux qu’un camarade de jeu à embêter un peu? En plus, je connaissais la victime parfaite pour me tenir compagnie cette nuit et il s’agissait de nul autre que, roulement de tambour, le Pipeau! Et oui, ce petit garçon un peu trop tranquille à mon goût et adorateur de musique et de l’art en général jouerait avec moi ce soir, qu’il le veuille ou non! Je me dirigeai donc jusqu’à sa cabane personnelle, toujours en gambadant gaiement. Honnêtement, je ne savais pas vraiment d’où je sortais toute cette énergie, mais ça m’était égal. Tout ce qui comptait à l’instant, c’était que je m’amusais comme une folle et que j’allais m’amuser encore plus dès que j’aurai réveillé le Pipeau! Et puis, dans la vie, toutes les choses sont éphémères, alors pourquoi ne pas profiter de cette réserve d’énergie tant qu’elle dure?
Quelques secondes plus tard, je me trouvai à moins de dix mètres de l’endroit où mon futur camarade de jeu dormait, alors j’arrêtai de fredonner, pour être certaine de conserver mon effet de surprise. Après tout, mon but était de lui foutre la trouille de sa vie, pas qu’il se réveille doucement après avoir entendu une fillette siffloter! Je m’approchai donc lentement et précautionneusement de sa cabane, évitant avec soin les brindilles qui auraient craqué sous mon poids. À ce rythme, je pris une bonne minute avant d’atteindre enfin la porte de l’habitation de mon camarade. Une fois devant mon objectif, je figeai quelques secondes, puis je pris une grande inspiration avant d’ouvrir la porte tout doucement, grimaçant à chaque fois qu’elle grinçait. Finalement, après quelques secondes d’un travail minutieux, je me trouvais face au Pipeau qui dormait comme un bébé. Fière de moi, je laissai échapper un petit cri de victoire avant de taper deux fois dans mes mains, tout en sautillant sur place. Merde! Pour ce qui était de l’effet de surprise, on pouvait dire que j’avais tout gâché…