Tankred : Tu penses que moi, je serai prêt à te payer pour coucher avec toi ?

Il se moque de moi, j’ai pris sur moi, j’ai ravalé ma fierté pour lui dire ce que je viens de lui dire et lui, se contente de se rire de moi. Je me sens tellement…mal ici. Il s’approche de moi, je suis contrainte de redresser le visage vers le sien.

Tankred : J’aime m’amuser avec toi Lyra, parce que dès que j’ouvre la bouche, tu te rebelles. Je suis un monstre à tes yeux, un stupide pirate sans cervelle qui se contente de frapper et donner des ordres. Grand bien t’en fasse de penser ainsi… Mais je ne te payerai pas pour avoir ton corps dans ma couche, femme.

Je suis vexée et plus encore. Pas uniquement parce qu’il ne veut pas payer pour moi, cela au contraire d’un côté je le remercie, mais plus parce que quoi que je fasse, il s’amuse avec moi. Je suis malheureuse, oui, je suis bien traitée sans doute, mais…je ne suis pas libre de mes mouvements, jamais je ne serais épanouie en travaillant pour et jamais je ne veux lui pardonner de ne pas me faire confiance pour le remboursement de ses foutues pièces d’or. Sans dire un mot de plus, puisqu’il pense que je me rebelle pour un rien, alors je vais continuer mon mutisme avec lui. L’après-midi se passe sans que ni l’un ni l’autre nous n’ayons ouvert la bouche. Le soir, le dîner finit, je compte me rendre dans ma chambre pour manger, mais Tank veut que je mange avec lui. Sans doute parce que Melot n’est pas revenu. Je prends place, sans rien dire, mais j’ai envie de sourire. Le pirate se sentirait-il seul ? Au point d’accepter son esclave trop virulente en parole…oh…pauvre Tankred !

Tankred : Tu cuisines mieux qu’avant Lyra, la servitude a du bon, finalement.

En vérité, je savais bien cuisiner puisque je le faisais dans la ferme où je travaillais avant de venir ici même. C’est juste que pour lui, je n’en avais aucune envie. Je ne le remercie pas pour ce pseudo compliment, trop agacée par le bruit de sa bouche qu’il mâche ouvertement. « Serait-il possible que tu fermes ta bouche en mangeant ? »

Tankred : Oh pardon milady, j’avais oublié que j’étais en présence d’une noble dame.

« Tu es vraiment grossier ! » il se lance sur le fait qu’ici à Neverland je ne suis plus lady, mais que croit-il que c’est pour cette raison que je vais oublier mes bonnes manières. Il est dégoutant parfois…je sais qu’il y a des gens de manière à Neverland, et j’en ai déjà rencontré. « Si… » On cogne à la porte et Tank se lève pour ouvrir. Je pose ma cuillère et j’observe en me penchant pour voir de qui il s’agit. Curieuse ? Oui, beaucoup même. Des pirates, des hommes visiblement bien trop saouls. Je n’ai pas le temps de poser ma serviette que l’un d’eux vient vers moi. « T’es mignonne toi, t’n’veux pas me réchauffer un peu ? » Je tente de me retirer de ma chaise pour m’éloigner de lui. Il me prend le bras et je le mire méchamment. « Non, merci ! »J’ai déjà eu droit à ce genre d’homme sur Blindman lorsque j’étais sans toit et perdue. Je sais ce que veut dire ce regard et je n’aime pas cela. Il pousse la chaise m’attrapant et commençant à vouloir remonter ma jupe. Je me débats, heureusement Tankred intervient avec perte et fracas et me débarrasse de cet individu puant. Bloquée dans un coin de la pièce, j’attends que Tankred les renvoie. Je n’ai plus faim, déjà que je n’en avais pas vraiment le goût avant. Il me demande de venir manger, mais mes pensées sont encore troublées, vais-je subir encore cela longtemps, je veux dire ces hommes qui veulent me posséder ? Sales pirates ! Tank vient pour me saisir par la poignée et je le suis rapidement, légèrement contrainte vers la table où il me fait assoir sur la chaise que j’occupais quelques instants avant.

Tankred : Tu vois, si tu avais été chez quelqu’un d’autre que chez moi, tu aurais subi ça tous les jours. Estime-toi heureuse, dans ton malheur, de n’avoir reçu qu’une gifle la dernière fois !

Il finit son assiette, la repousse avec les couverts dessus et disparait de la pièce. Je reste là, seule devant cette table. J’ai presque envie de pleurer, mais je suis plus forte que cela, je le sais. Les épreuves que j’ai traversées me l’ont prouvé. Je ravale mes sentiments et je débarrasse la table, je sors dehors pour prendre de l’eau et je vais la vaisselle, puis j’hésite entre ma chambre et la porte de sortie. Finalement, je choisis l’extérieur. Je pourrais m’enfuir, mais où irais-je ? Me faire prendre par un vieux pirate boiteux ? Tomber à l’eau, me faire manger par un crocodile ? Je ne sais même pas me battre, tout ce que je sais faire, c’est…survivre pour l’instant. Je contourne la maison, sur mes pas je saisis une branche que je jette sur un arbre tout près. Les bras croisés sur ma poitrine, j’ai envie de tourner une page, il a raison, je ne suis plus celle que j’ai été…je dois faire ma propre vie. Je soupire me laissant glisser contre le tronc de l’arbre que je viens de maltraiter. Le regard vers la mer, je me mets à sourire. Cet océan que je déteste parce qu’il m’a volé ma vie, me projetant ici dans ce monde que j’ai cru pendant longtemps faux. Je retourne dans la petite maison, Tank est à la fenêtre, il a dû penser que j’allais tenter de m’enfuir. Mais je ne dis rien de plus et je vais dans ma chambre.

Le lendemain, je finis mes tâches rapidement, plus vite que d’habitude et Melot est très surpris. « Bah M’ptite ! T’es bien pressée aujourd’hui, qu’est c’qui t’arrive donc ? » Je m’approche de lui avec un grand sourire, chose que je n’avais pas eue encore ici. « Laisse-moi t’aider, plus vite on termine et plus vite tu pourras apprendre à me battre ? » Le vieux est surpris et je lui touche l’épaule avec un large rictus. « Oui, s’il faut que je m’adapte à cette vie, je dois savoir me débrouiller, apprends moi, je te promets de ne pas m’enfuir ou de me servir de ce que tu vas m’apprendre pour m’enfuir, tout ce que je veux, c’est être une nouvelle Lyra…je pense même à me trouver un autre prénom, qu’en penses tu ? » Il sourit de me voir ainsi, me charrie et finalement, nous allons à l’arrière de la maison, il me confit une épée et il m’apprend quelques petites choses. Je ne suis pas douée, mais j’ai la volonté de faire bien.

Les jours passent, la nuit est toujours là, je déprime de ne plus voir le soleil se lever. C’est triste et tout semble prendre une dimension étrange sans la lumière du jour. Tank n’est pas rentré cette nuit, il arrive au moment ou Melot sort pour la journée. « Attends ! » Je vais vers Melot et je lui tends un baluchon avec de quoi boire et manger. « On ne sait jamais… » Il me fait un sourire édenté avant de sortir. Je croise les yeux de Tankred et je vais pour mettre un peu de nourriture sur la table, lorsque je remarque une blessure sur le haut de sa main. « Tu es blessé ? » Il dit que ce n’est rien qu’il va dormir. Je pourrais ne rien faire, mais…sa porte claque et je prends de quoi faire un bandage, de l’eau et de l’alcool. J’entre dans sa chambre, il grogne me demandant ce que je fais. La bassine d’un côté et la chandelle de l’autre, je tire une chaise pour être à sa hauteur et je lui demande sa main. Il râle me disant de me mêler de ce qui me regarde. « Mais cela me regarde, tu es mon propriétaire et je dois prendre soin de toi…qu’est ce que je deviendrais si ta blessure s’infectait ? Je serais vendue, pire encore… » La lumière de la flemme augmente son regard à cet instant et je me risque à un sourire. Je lui prends la main, passant un linge mouillé sur le dessus pour retirer le sang séché et le sang qui coule encore un peu. Puis, je passe un peu d’alcool pour désinfecter. Il grogne de nouveau et je continue, jusqu’à lui faire un bandage. « Voilà… » Je me lève pour partir, mais il me demande de rester. « Mais je suis à côté, je ne vais pas m’enfuir, dors tranquille… »

Il se redresse et se lève de son lit pour s’approcher de moi. Il me dit qu’il a confiance en moi, qu’il sait que je ne prendrais pas la fuite. Tank insiste sur le fait qu’il veut que je reste, mon ventre se contracte, je sens son regard sur moi, la crainte de savoir ce qu’il attend de moi monte comme une brûlure dans mon ventre jusqu’à ma gorge. Mes sourcils se froncent alors qu’il caresse mon visage comme ce jour où nous étions seuls sur le chemin de Blindman. Les secondes qui s’écoulent et nos regards qui restent l’un dans l’autre me tordent les tripes jusqu’à ce que sa bouche s’écrase contre la mienne. Il m’a déjà embrassé, mais je sais que ce matin, c’est bien une autre intension qu’il a envers ma personne. Mon corps entier se contracte et frissonne lorsque ses paumes larges et calleuses viennent sur mon corps jusqu’à mes fesses. Mes pieds décollent du sol, seul appui que j’avais jusque-là.

Tank : J’ai envie de toi, Lyra…

Ses mots résonnent dans ma tête, je ne sais pas quoi faire, en ai-je envie ? Je l’ignore, je ne sais qu’une chose, il y a toujours eu cette attirance entre nous, depuis notre rencontre et malgré ce qu’il a pu me faire subir, j’ai secrètement toujours compris que nous en arrivions à un tel moment. Mon corps chute et rencontre le moelleux de sa couche, son corps au dessus du mien qu’il recouvre de sa stature. Je ressens la peur, le trouble de ce baiser, l’envie d’aller plus loin découvrir ce que signifie vraiment s’unir, mais…j’ai également une éducation basée sur des principes qui sont aux antipodes de cette action qui va se produire. Me laissera-t-il le choix ? Le connaissant maintenant un peu, sûrement. Il revient prendre possession de ma bouche sans que je ne le repousse, mes lèvres viennent à bouger contre la sienne. Agréable, doux, puissant, mais douloureux dans mon esprit. Pourtant, mon corps vient à répondre au sien naturellement. Sans le savoir, je viens de lui donner la confirmation qu’il pouvait obtenir de moi le plaisir charnel dont il a envie. Je ne peux pas faire marche arrière…Son visage bifurque vers ma poitrine qu’il embrasse au-dessus de mes vêtements qui font encore office de barrière à ma chair. Je soupire, emportée par un sentiment primaire. Mes sens flambent doucement sous ces mains et ses caresses et je perds tous sens de la réflexion. Mes doigts s’accrochent à ce qu’ils peuvent trouver, les draps se froissent sous cette pression, mes muscles se tendent, mon cœur prend de la vitesse, tambourinant de plus en plus vite, de plus en plus fort. La chaleur envahit ma tête, il vient chercher sa récompense par ma bouche et je réponds avec beaucoup plus d’assurance, me rappelant un baiser échangé avec un autre homme qui m’avait fait chavirer. Je me sers de cette simple expérience pour lui rendre l’échange sensuel, délaissant le drap pour sa nuque et l’incitant à poursuivre son action qui devient de plus en plus palpitante et plaisante.

Je sens ma robe remonter le long de mes cuisses, provoquant une myriade de frissons sur ma chair qui se parsèment de points. Son bassin vient frotter au mien, je soupire ne sachant pas comment faire, je laisse mon instinct et Tank prendre les devants de ce rapprochement inattendu.

Toute la journée, je fais mes tâches avec le sourire aux lèvres, je me sens différente et pourtant, rien n’a vraiment changé. Melot revient dans l’après-midi et me demande comment je vais aujourd’hui, il vient à évoquer ma vie d’avant et…je sais que je ne viens pas de Neverland, seulement…tout semble très loin, comme si j’avais oublié biens des choses ou qu’elles étaient comme un filigrane dans ma tête, trop lointaines, comme un rêve dont on se souvient à peine. Mon cœur n’est plus meurtri par mon arrivée, je suis heureuse d’être celle que je suis actuellement, une femme qui prend sa vie en main, je sais me battre, je ne suis plus la même…non, comme un renouveau.

Ce soir là, alors que nous sommes à table, Tankred me demande si je veux partir. « Quoi ? » Il prend le temps de couper un morceau de pain, pose son couteau, regard Melot et me demande si je veux quitter sa maison, car il a décidé de me rendre ma liberté. Est-ce parce que nous avons passé un moment ensemble ? Cela le dérange-t-il ? Je ne suis pas à la recherche d’un quelconque amour, a-t-il peut que je tombe amoureuse de lui ? Je prends moi aussi le temps de la réflexion, sous les yeux interrogateurs de Melot qui ne doit pas comprendre ce qui nous arrive. « Je ne me sentais plus esclave depuis un moment déjà, mais si tu préfères que je m’en aille, alors je partirai, je pense avoir appris ici, tout ce qu’il y a à savoir pour m’en sortir dans cette île. Et je tiendrais ma promesse, que ce soit prochainement ou un peu plus tard, je te rembourserai de tes 4 pièces d’or » Il ne semble plus vouloir parler de cette affaire, mais qu’il le veuille ou non, je lui rembourserai cette dépense. Ne serait-ce que pour le remercier au fond de ce qu’il m’a apporté.

Je ne me sens nullement attristé par mon départ, je ne sais pas où je vais aller, où je dormirai ? Mais, j’ai plus confiance en moi et en mon avenir maintenant, que je ne l’ai eu jusqu’à présent. Melot va se coucher et alors que je veux en faire de même, Tankred m’emporte dans sa chambre comme pour me souhaiter une bonne nouvelle vie. Au matin, je le laisse endormi sur sa couche, j’embrasse les joues de Melot et quitte la maison et l’île de One Eyed Willy pour vivre ma propre aventure.