L’arbre du pendu était loin derrière lui, Brynjár avait besoin de s’aérer l’esprit. Il avait récemment été confronté à des révélations. Une ancienne amie chère à son cœur avait refait surface mais tout ne s’était pas déroulé comme il aurait pu l’anticiper. D’autre part, sa propre cabane était en bonne voie de construction. Il ne devrait plus squatter celle de Feisty bien longtemps. Sa petite vie avançait donc, pas à pas. Et d’ailleurs, à mesure qu’il retrouvait ce goût de liberté totale qu’il avait un rien perdu lorsqu’il était piégé dans les mines de Barbe Noire, Brynjár redevenait un gamin pétillant, souriant, dynamique et imprévisible. Un vrai garçon perdu, en somme.
Flirter avec le danger n’avait plus fait partie de son quotidien depuis un bon moment. La vérité, c’est que depuis son retour parmi les enfants perdus, Bryn était moins désinvolte. Il ressentait la peur plus que jamais ! Essayez de passer des années esclave des pirates, à piocher toute la journée de la roche pour en extraire les ressources et la peur naîtra chez vous aussi. Cependant, Neverland avait cette faculté d’offrir sans cesse de nouvelles chances aux enfants perdus. Brynjár se forçait à passer au-dessus de ses douleurs, il souhaitait véritablement se rétablir et oublier, aller de l’avant. C’était pour cela qu’aujourd’hui, il allait agir en enfant perdu. Il allait faire quelque chose de fou, de décalé, de marrant et d’inattendu : rendre une visite aux Unamis.
Ces indiens avaient la réputation de ne pas être les plus ouverts d’esprits ! Pire, on les disait plutôt froids envers les autres peuplades de l’île de Neverland. Réfractaires à l’amitié entre eux et les sirènes, au rapprochement avec les enfants perdus ... Sans doute les seuls individus qui devaient paraître acceptables à leurs yeux étaient les gens lambda de l’île ! Et encore, les indiens vivaient souvent en marge de la société. Bryn s’aventura donc jusqu’à leur camp, sachant ce qu’il risquait s’il se faisait surprendre. Le but était de trouver un peu d’aventure, un peu d’amusement. Quitte à semer la discorde ou à ramasser quelques coups.
Ce n’était pas si simple de s’infiltrer chez les Unamis, en effet, le camp était bien gardé. Ces indiens qui n’aimaient pas tant que ça les autres, protégeaient les leurs. Et qui aurait pu le leur reprocher ? Mais il y aurait toujours une faille, un écart un peu trop gros entre deux rondins de bois ou un creux dans le sol où pourrait se faufiler un enfant perdu. Peut-être avaient-ils un camp gardés par des guerriers ou peut-être avaient-ils un système mis en place pour la sécurité des leurs. Quand bien même, ils n’avaient clairement pas un château fort. Brynjár s’infiltra donc et avança sur la pointe des pieds. S’ils le repéraient, ils se mettraient probablement à lui hurler dessus, à lui jeter des objets ou à le virer de là à grands coups de pieds. C’était sans doute ça le plus marrant !
Brynjár vit soudain une haute silhouette aux épaules carrées avancer droit vers lui, l’homme ne l’avait pas vu et l’enfant perdu en profita pour se faufiler dans un tipi. Sans doute aurait-il dû vérifier que celui-ci était inhabité car lorsque sa tête tourna, il se rendit compte qu’un autre Unami le fixait. C’était un homme imposant, à la chevelure noire, au regard glacé et aux yeux sombres. Bryn lui adressa un signe de main et un sourire tout en ajoutant :
- Salut ! Je passais par là et je me suis perdu ... c’est fou comme vous vous fondez bien dans le décor !
La journée avait commencé comme toutes les autres. Je m’étais lever et j’avais mangé et je devais avouer que j’allais devoir chasser bientôt pour ne pas mourir de faim. Peux être que Cheyenne accepterait de venir pêcher avec moi si je lui demandais. Bientôt je serais marier a Nuddy et peux être qu’elle apprécierait d’avoir autre chose à manger sur la table que de la viande d’herbivore. Je ne voulais pas la rendre malheureuse. Je n’étais pas une mauvaise personne, mais pour moi toutes les règles étaient importantes. Tout le monde devait les respecter et je n’en attendais pas moins de ma future femme. Je savais que certaine chose ne se faisait pas, mais lorsque j’étais en rogne plus rien ne pouvais m’arrêter. Elle devait bien comprendre cela si nous devions vivre ensemble jusqu'à notre mort.
Je préparais mon matériel de chasse afin de partir le plus tôt possible. Si j’avais de la chance, je serais revenu à la nuit tomber. Sinon sa prendrait bien quelque jour. La chasse était un art de patience, tout comme la pêche et la cueillette de fruit. Les pistes n’étaient pas toujours faciles à trouver surtout après la pluie des derniers jours. La pluie effaçais les traces ressente et ancienne. J’allais devoir m’enfoncer plus loin dans la forêt. C’est alors qu’un enfant perdu fit irruption dans ma demeure. Je me levais, la main sur mon poignard. Je me maudissais d’avoir laissé ma lance a l’extérieur, même si dans un endroit aussi petit sa ne m’aurais pas beaucoup aidé.
- Salut ! Je passais par là et je me suis perdu ... c’est fou comme vous vous fondez bien dans le décor !
Mes sourcils se froncèrent encore plus. Avec la vitesse du serpent, j’attrapai l’enfant perdu part le collet. Un garçon maigrichon qui semblait un peu trop enjouer a mes yeux. Ses enfants perdus se croyaient toujours tout permis. Certain d’entre eux entrait sur nos terres afin de s’amuser. Ils voulaient qu’on les pourchasse pour le plaisir. Je ne savais pas qui était l’imbécile qui avait laissé entrer ce garçon, mais il aurait affaire a moi.
« Les gens comme toi on en veut pas ici. Retourne a ton arbre ou je ne sais quoi ! »
Sans faire de manière, je l’emmenai jusqu’au frontière. Le laissant tomber sur la plage je reculais de quelque pas. Qui sais quelle diablerie cet enfant perdu était encore capable…?
Deux gros yeux sombres, des sourcils froncés, une mine hargneuse. Pas content, l’indien. Il gratifia Brynjár d’une remarque venimeuse. Logique. Les Unami étaient réfractaires à tout contact avec l’extérieur. Comme si vivre en parfaite autarcie, loin de tout et de tout le monde, était salutaire. N’allaient-ils pas devenir fous à toujours rester entre eux ? Ou pire ... consanguins ? Bryn pouffa de rire à cette pensée. L’homme jeta au gamin de retourner dans son arbre. Ce à quoi le jeune acquiesça d’un hochement de tête. Y retourner, pour sûr ! Mais pas avant d’avoir un peu testé les limites de cet indien.
L’Unami l’attrapa d’ailleurs avant que le gamin perdu ait eu le temps de fuir et l’emmena. Brynjár se sentit plutôt comme un fiston se faisant réprimander par son père pas content que comme un ennemi étant jeté à grands coups de pieds aux fesses hors du camp. La vérité, c’était sûrement que l’indien savait que Bryn ne voulait aucun mal aux siens. Jouer, rire et fumer leur calumet tout au plus. Le garçon atterrit donc sur le sable, là où l’Unami l’avait balancé.
- Vous ne savez pas rire, vous, les Unami !
Tel l’enfant vexé qu’il était, Brynjár croisa les jambes puis les bras sur la poitrine. Il était furieux contre cet indien ! Ils auraient pu rire, danser autour d’un feu de camp ou jouer à la bagarre ! Mais non, les Unami ne faisaient pas ça. Enfin si, ils le faisaient mais uniquement entre eux. Leur égo surdimensionné les empêchait de jouer avec le reste du monde. Se sentaient-ils supérieurs à ce point que de refuser le contact avec les autres ? Bryn leva le nez pour faire face à l’homme à ses côtés.
- Mais puisque tu ne veux pas jouer avec moi ... je vais devoir t’y forcer !
En souriant, Bryn se redressa sur ses pieds d’un bon. Il se recula de quelques pas et sortit de l’une de ses poches un objet qu’il avait dérobé dans les affaires d’Abi avant que celui-ci ne l’attrape et l’emmène dehors. Le gamin s’enfuit à toutes jambes, sachant pertinemment que l’Unami le traquerait. Non seulement car l’objet avait peut-être une valeur, sentimentale ou monétaire. Mais surtout par question d’honneur.
- Tu m’attraperas jamais !
Brynjár piqua un sprint, rejoignit un arbre tout proche et grimpa à celui-ci tel un écureuil. Ses mains agrippèrent l’écorce et ses pieds sautèrent de branches en branches. L’Unami allait faire du sport s’il voulait suivre le rythme effréné de l’enfant perdu.
- Tu vois, jouer avec moi, c’est pas si horrible !
Il avait crié ça tout en sautant de branche en branche, un véritable petit lutin pourfendant une forêt touffue.