Le soleil brillait parfaitement dans le ciel malgré la neige qui tombait à nouveau sur l’île des rêves pour signifier le milieu de cette douce journée. Le monde s’activait à remplir sa pense pour ceux qui le pouvaient et prenait une pause dans leurs activités quotidiennes. Tous sauf le jeune indien qui ronflait comme un bébé dans sa tente, dormant déjà depuis des heures. Son état peu glorieux ne semblait pas l’importuner tant il était confortablement pelotonné dans ses fourrures remontées jusqu’à son menton. Contre lui s’était lovée une grosse boule de poils dont la parure blanchissait au fil des jours et de la température qui se refroidissait doucement. C’était plutôt inhabituel de la part de la louve qui préférait dormir à l’entrée de la tente de son ami, mais sa blessure la rendait plus collante et vulnérable, si bien que le jeune homme de protestait pas quand elle venait chercher de la chaleur à l’abri. Même, il avait la conscience plus tranquille de la savoir avec lui plutôt qu’à l’extérieur. Le seul problème était parfois qu’elle bougeait dans son sommeil ou le réveillait à coup de langue baveux, ce qui n’était pas spécialement agréable.
Mais cette fois-ci elle ne fut pas la fautive. Non, quelqu’un pénétra le tipi et flatta gentiment le crâne de la bête qui reconnut sans mal l’odeur d’un ami. Elle redressa le cou, s’étira et se leva avec précautions pour saluer l’intrus qui lui donna volontiers des caresses avant de reporter son attention vers la belle au bois dormant. Soupirant quand il lâcha un ronflement sonore, il souleva le sceau d’eau glacé qu’il avait apporté et projeta son contenu sur l’indien. L’effet fut immédiat et la marmotte géante bondit sous la surprise et la morsure gelée du liquide le réveilla d’un coup.
« Je pas dormir.. »
Il marmonna, passant la main sur son visage et secouant la tête pour chasser un peu de l’eau qui le couvrait. Habitué à ce genre de traitement, Siw agita vaguement le bras pour signifier qu’il arrivait. L’unami quitta la tente suivit de la louve qui secouait la queue à l’idée de quémander des morceaux de viandes séchées pour son repas. Bien sûr elle profitait de son état de pauvre blessée pour faire les yeux doux et en avoir plus. Mais chasser lui était encore difficile, alors les gens étaient relativement généreux.
Se changeant pour éviter d’attraper la mort avec des vêtements trempés, le bûcheron sortit de sous son toit, frottant ses yeux et baillant un bon coup. Il se dirigea vers le centre du campement pour y retrouver celui qui l’avait tiré de son sommeil avec si peu de délicatesse. L’intéressé ne put s’empêcher de rire en voyant la mine mauvaise de l’indien et lui donna un fruit dans une recherche de pardon, qui fut acceptée avec quelque grognements et une moue. Il prit connaissance de la raison de ce dérangement et comme il s’en doutait, le camp avait besoin de bois et c’était son tour d’y aller avec quelques autres. Allant chercher sa hache, il enfila une fourrure en prévision du froid qui pourrait grimper durant le reste de la journée et s’apprêtait à partir quand Abequa arriva en boitant joyeusement, des morceaux de viandes en gueule. Cette image lui arracha un fou rire et il ouvrit la marche, sa fidèle allie sur les talons qui mâchouillait heureuse comme tout son repas.
Il resta dans la forêt des âmes pour ne pas épuiser la louve et peut être par flemme également. Avec Istaga on ne savait jamais vraiment l’excuse de ci ou ça. S’arrêtant dans un coin qu’il connaissait pour regorger de vieux arbres prêts à être coupés, il fit le tour. Passant une main respectueuse sur l’écorce irrégulière, l’indien ferma les yeux pour profiter de ce silence religieux qu’il adorait tant, de ce sentiment de petitesse qui l’envahissait quand il était entouré d’arbres. De n’être au final qu’un insecte en ce monde. Matchitisiw pouvait facilement rester des dizaines de minutes immobile et silencieux à choisir l’arbre parfait, prenant soin de trouver ceux dans leur fin de vie et de moins en moins apte à laisser des graines pour faire prospérer le bois. Son choix porta sur un bel érable dont les feuilles givraient avec le froid et l’humidité. Étirant ses muscles, le bûcheron se positionna de manière à porter son coup et souleva l’arme, mais sa douce amie attira son attention par des grognements agressifs et un jappement d’avertissement. Abequa avait entendu quelque chose qui avait échappé à son oreille et ses sourcils se froncèrent alors qu’il reposa ses bras le long de son corps, mais prêt à attaquer. Se rapprochant de la louve, il passa une main dans le poil de son crâne. Ce ne pouvait être qu’un simple animal, elle n’agissait ainsi que pour une présence humaine dont elle n’était pas sûre de la provenance. Et avec la neige, c’était certainement compliqué de déterminé si c’était un Unami ou non.
« Pas la peine de te cacher, elle t’a entendu. Ou senti. Éloigne-toi ou montre-toi, mais tu t’arranges avec mon amie. »
Bien sûr qu’il ne la laisserait pas courser avec sa blessure, mais les gens avait tendance à éviter les grands prédateurs comme Abequa. Il attendit donc, que l’inconnu se dévoile.
Le matin était clair, la nuit avait été calme, et l'hiver était là, parmi les hommes et tout autre être depuis quelques temps déjà. Le ministre de la saison était heureux: ils avaient réussi, lui et ses fées, à rendre cet hiver doux, tout en ne lui enlevant rien de sa magnificence. Les feuilles étaient tombées, les aiguilles de pin maculées de glace, les lacs étaient recouverts, les flaques n'étaient que surface dure, mais le soleil n'hésitait pas à pointer son nez, au bon moment, d'entre quelques nuages. C'était lors de cette matinée parfaite que Círyon avait choisi de prendre sa demi-journée de congé, non pas qu'il était forcé à quoi que ce soit par qui que ce soit, et surtout pas sa reine, mais il préférait ne s'autoriser ses temps de repos que rarement durant sa saison, passant le reste à vérifier que tout soit parfait.
Il ne partit pas en voletant, ni en riant ou hurlant: il était trop Círyon, trop de l'hiver, pour tant de démonstration futiles. Non, il volait bas, doucement, droit comme un i, se posant de temps à autre sur une branche, laissant ses doigts caresser quelques feuilles courageuses, les vêtant d'un manteau blanc du bout de ses ongles. La magie, si puissant magie qu'il avait la chance de possédait le galvanisait, et alors qu'il laissait sortir le flux de ses mains, il le sentait passer par tous les ports de sa peau, tous les membres de son corps. L'énergie de la nature le transcendait, le rendait plus puissant, mais aussi plus proche d'elle, le rassérénait, l'emplissant d'une paix hivernale sans pareil.
Et alors qu'il se baladait depuis quelques heures déjà, il sembla qu'il approchait de la réserve Unami, l'un de ces deux peuples d'indiens qui vivait là. Le fée n'avait jamais su donner tord ou raison à n'importe quel de ces camps, pour lui la guerre était futile, il y avait déjà bien assez de malheur dans le monde pour des querelles sans queue ni tête. Heureusement, la paix avait été signée, et même si elle était fragile, les dernières altercations dont il avait entendu parler remontaient à loin.
Tout à sa balade, le regard de Círyon ne tarda cependant pas à être attiré par du mouvement plus loin. S'approchant doucement, le fée se posa sur une branche afin de mieux observer le curieux rituel de cet Unami, accompagné tout aussi curieusement pas un loup, réputé pour être un animal sauvage. L'indien s'approcha de l'arbre, semblant le jauger, l'évaluer, et Círyon vit ensuite la hache qui fermait le trio. Ainsi donc, ils voulaient couper des arbres pour l'hiver. Quoi de plus normal, les humains n'étaient pas très résistants au froid. Il ne pouvait les en blâmer, certains fées y étaient très sensibles aussi, et avait tôt fait de s'enfermer au chaud une fois l'hiver venu! pas de feu évidemment dans leur maison beaucoup trop inflammable.
Les pensées de Círyon furent un point suspendue par le regard perçant du loup, qui avait sûrement dû le sentir. Le vent avait sûrement tourné, mais ce n'était pas grave, car si la bête était intriguée il était rare que de tels animaux attaquent des fées. Il fallait vraiment qu'ils se sentent en danger, et ce n'était pas les trois millimètres de Círyon qui allaient le menacer...
Pas la peine de te cacher, elle t’a entendu. Ou senti. Éloigne-toi ou montre-toi, mais tu t’arranges avec mon amie.
Agréablement surpris par le lien entre l'homme et l'animal, Círyon sourit. Le plus judicieux aurait été de partir puisque de toute façon il ne pourrait se faire comprendre par l'indien, mais la louve l'attirait, c'était après tout un animal qui aimait beaucoup la neige aussi, ils avaient ça en commun. Alors l'homme put voir un halo blanc descendre d'une branche qui les surplombaient. Il ne pourrait ni l'entendre, ni voir ses gestes avec précision, la communication ne serait pas facile. Círyon s'approcha du museau de la louve et s'inclina avec respect, volant doucement. Elle pourrait sûrement le voir, elle avait après tout une bien meilleure vision. Il s'approcha ensuite de l'homme et s'abaissa au plus bas, en guise de salutation également, priant pour que le halo blanc de l'aveugle pas. Il s'évertuait d'ailleurs à en diminuer la puissance, mais la neige environnante ne rendait pas la tâche aisée...