Les jours s’étaient lentement écoulés depuis que tu avais croisé le prince dans la baie des Sirènes. Depuis cette rencontre, tu te sentais étrangement différente. Les doigts d’Égéon semblaient avoir laissé une trace sur la peau délicate de ton bras. Ses paroles étaient restées marquées dans ta tête… Son sourire avait hanté tes songes et tes rêveries. Tu n’arrivais plus à contrôler le fil de tes pensées. Constamment distraite, tu étais parvenir à t’attirer le déplaisir de la princesse lorsque tu lui avais tiré les cheveux par inadvertance. Aussi, elle requérait moins souvent ta présence auprès d’elle depuis quelques jours, ayant choisi de se faire coiffer par une autre de ses dames qui serait plus douce envers son cuir chevelu. Tu ne savais pas trop ce que tu devais en penser… Valone se faisait parfois un malin plaisir de torturer ses dames de compagnie pour des broutilles, puis elles revenaient dans ses grâces au bout de quelques semaines. Ça ne te dérangeait pas vraiment. Une curieuse euphorie s’était emparée de toi. Rien ne semblait pouvoir miner ton moral, qui était à son plus haut depuis que ta mère t’avait brisée lors du couronnement des Thelxiope, il y a quelques mois.
Comment aurait-il pu en être autrement ? Tu étais arrivée au bout d’une longue quête lorsque tu avais retrouvé Aodren. Bien que tu ne saches pas trop sur quel pied danser quant à la relation qui commençait à se développer entre vous, tu t’avouais heureuse de savoir que tu n’étais plus si seule. Comme toi, Aodren avait vécu une enfance teintée de mensonge. Le couple de ses parents, en apparence heureux et sans histoire, n’était finalement pas si solide, puisque son père votre père avait eu une aventure avec la voisine d’à côté. Tu avais de nouveau prouvé ton égoïsme alors que, dans ta quête pour retrouver ce demi-frère depuis longtemps perdu, tu avais complètement omis de songer à la façon dont il se sentirait en apprenant l’infidélité de son père. Ce géniteur qui ne pourrait jamais s’expliquer à son fils qui avait dû se résigner à l’abandonner dans les bras de la mort, lors d’un événement des plus morbides qui avait changé le cours de son existence à tout jamais. Comme toujours, tu avais fait comme si cette quête ne te concernait que toi. Toi, et personne d’autre. Comme si tu ne blesserais personne d’autre en cours de route. Mais tu avais fait du mal à ta mère en lui refusant ton amour et ton pardon après avoir appris la douloureuse réalité sur ta naissance, après avoir vu cette illusion que tu t’étais créée brisée en une fraction de seconde. Tu avais peiné ton beau-père, en le blâmant même s’il n’était pas du tout au courant du mensonge de son épouse. Tu avais causé du tort à ta sœur, qui s’était cruellement sentie délaissée. Puis à ton demi-frère, qui avait vu le souvenir immaculé de son père assassiné taché par ton aveu.
À la fois heureuse et anéantie d’avoir retrouvé Aodren, tu étais repartie dans la mer, le cœur gros. C’est le lendemain que tu avais croisé Égéon. À Mermaid’s Lagoon. Alors que tu étais perdue dans tes pensées… Tu avais imaginé que le prince des mers serait aussi gâté, prétentieux et narcissique que sa jeune sœur. Tu avais bien fini par te prendre d’affection à la princesse à la nageoire meurtrie. Pas qu’elle soit particulièrement attachante, mais tu parvenais aisément à comprendre ce qui l’avait rendue telle qu’elle était. Connaissant l’aversion du roi pour ces êtres qui foulaient le sol sur l’île, tu avais eu du mal à croire les rumeurs qui couraient au sujet de l’héritier du trône. Nombreux étaient ceux qui chuchotaient que le triton s’était amouraché d’une femme humaine, et qu’il avait eu le cœur brisé d’abandonner cet amour qu’il avait pour elle au profit de ses devoirs. Tu comprenais ce genre d’amour sans espoir. Mais tu avais du mal à imaginer que le prince se soit laissé prendre dans une telle idylle. Tes premières paroles échangées avec le prince lors de cet après-midi ensoleillé t’avaient fait comprendre que ta première impression du triton était totalement biaisée. Pas de ton hautain ou de regards dédaigneux… plutôt une maladresse et une timidité qui se dissimulaient agréablement sous son humour malhabile. Très loin de ta première rencontre avec cette princesse qui lui servait de sœur… Tu t’étais rapidement souvenue que, tout comme toi, Égéon était né simple triton. Sa nostalgie de l’époque où il pouvait aller et venir à sa guise, sans les responsabilités qui l’accaparaient aujourd’hui, était difficile à ignorer.
Tu avais hésité à laisser libre cours à ta pensée en sa présence, mais tu avais compris que tu pouvais laisser tomber les faux-sembles devant Égéon. Tu n’avais pas besoin de t’accaparer de titres cérémonieux et de formules de politesse en t’adressant à lui. Pas alors que vous n’étiez que tous les deux. Il semblait las d’être traité avec délicatesse, d’être constamment pris avec des pincettes. Toi-même, tu n’aurais pas apprécié ce genre d’attentions. Tous ne pouvaient aimer le pouvoir comme la princesse aux cheveux d’argent.
L’envie de succomber à l’invitation du prince à t’isoler dans la serre du palais ne te lâchait pas. Surtout depuis que sa sœur avait décidé de te tourmenter pour l’avoir blessée. La faune et la flore marine t’avaient toujours passionnée. Les anémones étaient une fascination que tu nourrissais depuis plus d’une centaine d’années et tu savais que la serre abritait quelques magnifiques spécimens de ta couleur préférée : le rouge. Le moral un peu à plat ce matin-là, tu avais décidé de profiter d’un répit durant l’après-midi pour te cacher dans la serre. Une part de toi espérait revoir les beaux yeux du prince, mais une autre avait envie de profiter de ces instants de solitude pour que tu puisses retrouver un peu de paix dans ton cœur. C’était un exercice assez ardu en présence de l’héritier qui te troublait plus que tu ne le voulais.
Pour l’instant, la serre était déserte. Tes longs doigts effleuraient les tentacules d’une magnifique anémone. Tu n’avais jamais compris ce qui poussait ces êtres vivants à demeurer dans le palais. Les couleurs vives stimulaient ton regard émerveillé alors qu’un sourire se dessinait sur tes lèvres…
« Petit à petit l'oiseau fait son nid, c'est ce qu'on dit non ? »
Il est tôt ce matin lorsque je me lève afin d'assister à mon cour d'art du combat avec Aodren. Cela fait quelques temps maintenant que je m’entraîne avec lui en parallèle de l'entraînement avec le maître d'arme. Il a accepté de me prendre comme élève parce que, je l'avoue, je l'ai un peu fait chanter. Mais j'étais vraiment prêt à tout pour être au top niveau aux yeux de mon père, même à passer des heures à rattraper mon retard en cachette. Il est pas tendre comme mec, il me ménage jamais, mais c'est cela que je recherchais, je ne voulais pas, encore une fois, de quelqu'un qui ai peur de me faire un bobo ou qui ne se donne pas à fond juste parce que je suis le prince. Aodren lui c'est un peu comme si il s'en foutait, j'apprécie ces moments avec lui, même si je souffre la plupart du temps, c'est quand même très rafraîchissant, ça me fait mon moment incognito de la semaine. A mon retour le palais se réveille tout juste, je profite de l'engourdissement général pour regagner ma chambre et faire comme si je n'étais pas sortit, comme si je venais moi aussi de me lever. Mon planning de la journée semblait plutôt léger, pour une fois. Du coup j'ai décidé de me balader un peu en ville comme j'aimais le faire avant d'être prince.
En passant devant les cuisines je passe dire bonjour au cuistot avec qui j'ai lié une amitié sincère. J'aime ce type, il est bourru, franc et parfois un peu maladroit dans ses mots, mais ça fait tellement de bien depuis que tout le monde me lèche les pompes. Comme à chaque fois il dit me trouver trop maigre, qu'il faut que je mange à ma faim, ce que je fais déjà bien sur, et il insiste pour que je reparte avec un fruit ou une pâtisserie. Et comme d'habitude, je n'ai pas pus refuser. Me voilà donc, finissant ma bouchée tout en arpentant les couloirs vers la sortie du palais. J'ai passé deux heures à traîner au final. Je n'ai pas vu le temps filer je me suis perdu dans mes pensées. A mon retour tout le monde me cherchait, ma mère voulait me voir depuis près d'une demie heure et comme je n'avais dit à personne où j'allais, j'ai eu le droit à un petit rappel à l'ordre et une punition ... Être privé de sortie, pour un prince qui à je ne sais plus quel âge tellement je suis vieux, vous arrivez à imaginer le truc ? La honte hein ... Tant pis, je me baladerais de nouveau dans les rues de ma ville d'ici quelques semaines.
Je rentre un peu la queue entre les ... Ben la queue, et je vais méditer tranquillement sur la situation et sur le fait que je me fasse encore reprendre comme un enfant de 5 ans. Je décide d'aller me poser tranquillement sur un banc dans la serre, ça fait quelques temps que je n'ai pas pu profiter de son ambiance apaisante avec tout ce qui s'est passé. J'ai de moins en moins de temps pour moi en fait, je trouve ça désolant. La dernière fois que je suis aller à la serre c'était avant qu'on récupère le soleil d'ailleurs, la nuit et les quelques rayons de lune en faisaient un endroit tout fait différent, presque surréel, déjà que d'ordinaire c'est pas un lieu comme les autres. Mais je ne regrette pas du tout cette ambiance parce que je préfère largement le soleil à la lune, même si elle est envoûtante. En pensant au soleil, je revois cette jolie sirène que j'ai vue au mermaid lagoon il y a peu, ses cheveux descendaient en cascade sur ses épaules comme des vagues de soleil. Elle était vraiment jolie, je me demande comment j'ai fait pour garder autant mon sang-froid en sa présence, moi qui suis d'ordinaire beaucoup plus timide. Je me demande ce qu'elle devient, je ne l'ai pas revus depuis, pourtant elle doit être encore à suivre ma sœur partout comme un petit chien, vraiment je la plains, ça doit pas être facile tous les jours.
En entrant dans la serre Murphy, le petit hippocampe que j'ai recueilli il y a longtemps maintenant, m'accueille en se précipitant vers moi. " Salu Murph', ça faisait longtemps. " Il reste dans la serre quand il n'est pas dehors, il est resté assez petit à cause de carences alimentaires les premiers temps de sa vie du coup il sort peu, il a assez peur en fait, il faut le comprendre, quand on a sa taille, tout doit paraître tellement impressionnant. Et puis avec l'effervescence permanente qui règne dans le palais, je préfère autant qu'il reste ici au calme. En entrant, je remarque une silhouette qui se déplace parmi les plantes, une femme. Je me plais à espérer que la jolie Isis se soit souvenue de mon invitation à passer se réfugier ici pour avoir un peu de calme. Je m'approche doucement et en l’apercevant je ne peux empêcher mon visage de s’illuminer. Je me rapproche encore pour arriver à ses côtés et l'aborder. " Bonjour. " J'espère ne pas lui avoir fait peur, elle semblait absorbée dans ses pensées, à regarder les anémones et les coraux. " Alors, je ne vous avez pas menti hein, c'est paradisiaque ici n'est-ce pas ? " Je me permet cette affirmation parce que j'en suis tout à fait conscient, et aussi parce que c'est ce que tous les gens qui viennent ici font remarquer.
L’anémone secouait ses tentacules, effleurant tes longs doigts sans te piquer. Un grand sourire étirait tes lèvres. Ton beau visage s’illumina de bonheur l’espace d’un instant. Fascinantes créatures qu’elles étaient, ces anémones. Parce qu’elles semblaient faire partie de la flore marine comme les coraux et les algues, mais comme les poissons, les étoiles de mer et les méduses, elles étaient bien vivantes, et elles pouvaient interagir avec les êtres qui les entouraient, même si elles ne pouvaient se faire comprendre. Un peu comme les fées, que tu songes en caressant les appendices de la créature. Sauf qu’il n’existait pas de poudre qui aurait pu permettre aux orties de mer de se faire comprendre alors que les fées, même si elles n’étaient comprises que des enfants perdus sous leur forme de luciole, pouvaient s’adresser aux humains et aux sirènes une fois qu’elles saupoudraient un peu de leur poudre magique. Comment pouvait bien se sentir un organisme comme celui-là ? Avait-elle des sentiments, cette anémone ? Pourquoi certaines d’entre elles piquaient-elles alors que les autres se montraient amicales ? Tant d’années étaient passées depuis ta première exploration des fonds marins en solitaire, et tu en savais toujours si peu sur la mer, ses trésors et ses habitants... Ça te ramenait à cette question qui te taraudait depuis que tu avais rencontré Jud sur la plage à la Crique du Lapin : comment les humains pouvaient-ils se satisfaire d’une vie aussi courte ? Comment ne pas vivre chaque instant précipitamment en sachant qu’on avait si peu de temps devant soi ? Et alors que ta conscience te chuchotait que ta question n’avait pas lieu d’être, que les humains ne connaissaient rien d’autre et qu’ils ne pensaient donc pas comme toi, ta curiosité l’emportait et les questions continuaient à se multiplier. En tant qu’être immortel, ta malédiction serait peut-être d’être tourmentée de milliers d’interrogations qui n’avaient pas vraiment de réponse jusqu’à la fin des temps...
Si seulement tu pouvais te comprendre toi-même. Tu ne comprenais pas encore l’univers qui t’entourait. Au bout de plus de deux cent ans, tu aurais dû au moins te connaître, savoir ce que tu voulais, savoir qui tu étais. Tu croyais le savoir, il n’y a pas si longtemps, mais ta mère t’avais lancée dans une crise d’identité depuis qu’elle t’avait avoué la vérité. Tu ne t’étais jamais sentie comme ça auparavant. Plusieurs sirènes disaient avoir vécu une époque où elles ne comprenaient pas qui elles étaient et pourquoi elles étaient, mais ce genre de phase se produisait dans les premières dizaines d’années des naïades. Pas à 200 ans !
Tu sursautes légèrement lorsque la voix d’Égéon brise le silence qui flottait dans la serre. Portant ta main à ton cœur qui tressaute violemment dans ta poitrine, tu te retournes vers lui, le regard brillant de plaisir. « Vous m’avez prise par surprise, mon prince, » déclares-tu en pouffant de rire. « C’était tellement tranquille, je me croyais seule... » Tu jettes rapidement un coup d’œil à la ronde pour t’assurer que vous êtes seuls dans la serre. Ça n’aurait pas vraiment faire de différence si quelqu’un s’y était trouvé, mais tu aimes imaginer qu’il s’agit d’un moment privilégié, loin des regards. Pourquoi ? Tu ne le sais pas vraiment, mais cette idée te plaît. Et tu ne crois pas que le fait que tu passes du temps en tête à tête avec le prince héritier plairait à la princesse qui éprouvait déjà de la rancœur à ton endroit depuis quelques temps. Tu reportes ton regard pétillant de gaieté sur les iris clairs du prince et lui avoue : « Maintenant que vous me l’avez fait remarquer, la serre semble encore plus magnifique qu’auparavant, surtout en si bonne compagnie... mais si vous avez envie d’être seul, je peux m’en aller. Je ne serai pas vexée. »
Si. Peut-être que tu le serais, un peu. Mais tu ne lui en voudrais pas, parce qu’il t’avait dit que la serre était son endroit de prédilection lorsqu’il ressentait le besoin d’être seul. Tu te rappelais de cette grotte tout près de la surface où tu te réfugiais, des années plus tôt, lorsque tu étais en colère ou que tu ressentais de la tristesse. Tu n’avais jamais montré cette grotte à qui que ce soit. Tu aimais l’endroit pour son plafond qui était recouvert de cristaux qui chatoyaient à la lumière du soleil qui filtrait souvent par le bassin qui y donnait accès. C’était ton havre de paix. Et même si tu aurais aimé que quelqu’un t’y rejoigne pour mettre un baume sur tes tempêtes d’émotions, tu n’avais jamais été assez proche de qui que ce soit pour dévoiler son emplacement. Même si tu avais été tentée de le révéler à ton amie Opale, mais tu avais changé d’idée.
Spontanément, tu t’approches du prince et lui souris avant de souffler : « Je dois vous avouer que l’envie de flâner ici m’a effleurée l’esprit très souvent ces derniers temps. J’aime beaucoup les anémones, mais j’avais aussi très envie de vous croiser, au moins quelques minutes... » Tes joues rougissent plutôt violemment, mais tes paroles affluent sans que tu puisses t’en empêcher. Tu redoutais qu’il te demande de partir, mais tu en aurais le cœur net, et tu pourrais arrêter de t’embrumer l’esprit avec les beaux yeux céruléens du prince. Tu aurais un soucis de moins qui t’ennuagerait les pensées et l’attention. Peut-être même que Valone te trouverait enfin assez concentrée pour que te laisser recommencer ton travail quotidien auprès d’elle...
« Petit à petit l'oiseau fait son nid, c'est ce qu'on dit non ? »
Le léger sursaut qu'elle fit à mes premiers mots m'indiqua qu'effectivement je l'avais prise par surprise. J'ai beau dire que ce n'était pas mon intention, il est vrai que si je l'avais réellement souhaité, j'aurais pu signaler ma présence à mon arrivée dans la serre, lorsque je l'ai vue progresser parmi les algues dansantes. Du coup je m'en veux un peu de lui avoir fait ce coup, cela aurait pu se passer de manière plus délicate pour elle, mais cela aurait été vraiment moins amusant pour moi. Murphy flottait tranquillement à mes côtés, il a toujours aimé la compagnie, il n'est pas très farouche mais est plutôt en confiance avec les personnes qui viennent dans la serre, je ne sais pas pourquoi, peut-être parce que ce lieu n'est fréquenté que par des personnes sympathiques et plutôt correctes. " C'est vrai que c'est toujours très tranquille ici, c'est surtout pour ça que j'aime y passer tant de temps. " Elle me regarde avec une expression qui diffère quelque peu de celle de notre dernière rencontre. Moi qui était plutôt confiant, de voir ces petites étoiles dans ses yeux me fait perdre toute ma superbe. Et voilà qu'elle se met à me complimenter, comme si ma présence pouvait réellement améliorer l'ambiance d'un lieu si magique. Moi je trouve plutôt que c'est sa présence, entre les algues, errant de corail en corail qui changeait cet endroit du tout au tout. Je viens ici depuis un temps assez conséquent et cela fait longtemps que je n'avais pas été aussi émerveillé par le spectacle qui m'était offert. Bien sur cette serre est fantastique, on en prend plein les yeux, mais cette magnifique sirène à la chevelure ondulée, circulant dans ce petit paradis, ça rend le spectacle complètement fascinant.
J'étais complètement perdu dans ma contemplation de sa beauté que je mis un certain temps à réagir à sa remarque comme quoi elle pouvait partir si je le désirais, ce qui est complètement absurde puisque à cet instant même j'ai juste envie qu'elle reste pour le restant de mes jours. " Non, vous pouvez rester ! Je veux dire ... Restez, s'il vous plait. " Très audacieux de dire ça, surtout pour moi, je ne me serais jamais cru capable d'une chose pareille. Enfin, j'ai bien mis fin à ma relation avec une femme dont j'étais amoureux alors je peux bien arriver à dire à une magnifique sirène que j'apprécie sa présence. Je ne l'ai pas beaucoup vu ces derniers temps au palais d'ailleurs, je m'en suis énormément étonné parce qu'auparavant, lorsque je ne la connaissais pas vraiment, il nous arrivait souvent de se voir dans les couloirs, je la voyais avec ma sœur, en permanence. Et là que j'espère la voir, limite que je la cherche, c'est comme si elle avait disparu. J'ai quelques fois franchis la porte de cette serre en souhaitant la voir déambuler parmi les plantes aquatiques, comme aujourd'hui. C'est fou quand même, c'est quand on perd l'espoir de retrouver quelque chose, que finalement il apparaît, comme par magie.
Elle se rapproche de moi encore un peu, pour me chuchoter des mots qui me font légèrement monter le rouge aux joues. " Et je dois vous avouer à mon tour que j'ai de nombreuses fois espéré vous voir en franchissant ces portes. " Je ne sais pas pourquoi, mais je chuchote à mon tour pour lui répondre, peut-être parce que ces confidences sont à faire à demi mot. Les yeux dans les yeux, durant quelques secondes j'eu l'impression que le temps s'était arrêté, jusqu'à ce que Murph' vienne nous interrompre en se mettant entre nous. Décidément, cet hippocampe a un réel soucis, il ne peut pas s'empêcher de désirer ardemment être le centre de tout l'attention. Légèrement gêné, je me recule quelque peu pour me dégager du regard si envoûtant de mon interlocutrice. " Je manque à tous mes devoirs, je vous présente Murphy, vous avez dû entendre parler de lui, c'est un jeune hippocampe orphelin que j'ai recueilli alors qu'il était blessé. Il a finalement décidé de rester avec nous au palais, sûrement parce que c'est plus confortable que la vie sauvage, n'est-ce pas Murph' ! " Je dis ça pour le taquiner parce que je sais qu'il n'aime pas que je dise qu'il a peur de l'extérieur, je peux le comprendre parfois, mais tout de même, il est sauvage à la base, il devrait pouvoir s’accommoder de la vie solitaire en mer. Mais non, je crois aussi que son enfance l'a quelque peu traumatisé, je ne sais pas tout ce qui lui est arrivé avant notre rencontre, mais je sais que cela n'a pas été toujours très facile. Fut un temps où il restait avec moi dans ma chambre, il ne dormait presque pas. Je crois pouvoir affirmer depuis cette époque que les hippocampes aussi font des cauchemars.