Kaâ lui avait demandé de rester au campement. Séance d’entrainement intensif pour les enfants avait-elle dit. La guerrière avait hoché la tête bien entendu, acceptant les ordres sans broncher. Pourtant ses muscles s’étaient raidis de ne pouvoir s’étendre. Les grandes forêts de l’île lui tendaient les bras, aspirant ses pensées à chaque minute. Elles devaient être blanches ce matin et nappées de brume. Freya était avant tout une guerrière, avide d’action et de champs de bataille. Pour se mouvoir il lui fallait de l’espace, pour vivre, de l’adrénaline. Le tout donnait un cocktail explosif dont son corps gardait en mémoire chaque impact.
Mais l’heure n’était pas aux bravades. Les récentes disparitions d’enfants inquiétaient et plongeait chaque parent dans l’angoisse. On avait de suite pensé aux pirates. Ce n’était pas la première fois qu’ils les enlevaient pour leur faculté de création. Neverland semblait depuis toujours, s’exprimer à travers eux. Réceptacles innocents de sa magie, ils étaient par conséquent, les victimes toutes désignées des convoitises.
Pourtant, on dénotait des disparitions de tout bord, y compris chez les pirates. Une sournoise manipulation de ces crapauds ? Ou une nouvelle facette obscure de l’île ? Quoi qu’il en soit, Freya comprenait les motivations de sa chef. L’entrainement avait deux objectifs. Le premier, faire en sorte que ces gamins ne sortent pas du campement, barouder et jouer à se battre avec des stalactites comme les têtes de nœud qu’ils étaient. Le deuxième, faire en sorte de les endurcir et de les tenir prêt à affronter n’importe quoi. C’était ainsi que les Unamis répondaient à cette attaque. Non pas en terrant leurs enfants sous des chaumières de pailles futiles, mais en les formant à contrôler leur peur jusqu’à leur donner assez de courage pour affronter l’inconnu.
Et c’est ainsi qu’elle les entrainait. Yeux bandés, les jeunes combattants frappaient les bâtons adverses avec régularité alors que la jeune femme passait entre leurs rangs. Chaque choc rythmait ses réflexions, chaque tic nerveux replaçait un bras trop bas, un coude en dehors. Certaines disparitions avaient eu lieu presque au même moment, donc soit l’individu n’était pas seul, soit il se déplaçait à une vitesse vertigineuse.
Un frisson malsain lécha son échine au moment même ou des cris alertèrent son attention. Chargeant un second de s’occuper des jeunes, elle se précipita vers la source des cris. Netidhaïr et son époux l’accueillir par des gestes affolés.
▬ Freya, Gaho a disparu. J’ai détourné le regard quoi, une seconde, et elle avait disparu. Je l’ai appelé, mais elle ne répond pas, ce n’est pas normal. Elle répond toujours. Elle a disparu… Attrapant franchement les mains de l’indienne éplorée, elle les serra, rassurant du mieux qu’elle put la mère tout en glanant des informations précieuses sur ses vêtements et ses endroits favoris.
▬ Je vais la retrouver Neti, ais confiance. Si son ton assuré et ses yeux clairs n’avaient pas failli, son cœur lui avait eut un lâché. Alors qu’elle s’enfonçait dans la forêt, repérant ça les là des traces pouvant appartenir à la gamine, elle pria les esprits pour qu’ils gardent cette enfant du démon, et qu’elle la retrouve saine et sauve. Alors que les piétinements se faisaient de plus en plus clairs et que Freya reprenait espoir, se disant qu’après tout étant enfant, elle avait passé moins d’heure au campement Unami que les décennies à traquer une forêt aux milles et une âme, son pied heurta une chausse de la taille d’un ptit poucet, de la taille d’une gamine.
Sa main s’accrocha à l’arbre le plus proche, retenant son corps et l’instant de faiblesse qui l’avait parcourue. Elle respira longuement avant de s’accroupir, cherchant à repérer au sol des traces d’une quelconque lutte. Mais rien. Alors qu’elle se redressait, une silhouette entra dans son champ de vision et elle porta la main à sa garde par réflexe, sentant le contact rassurant de ses poignards.
© Gasmask