Naïla n'avait jamais vraiment vu Aeden d'aussi près. Son visage énervé était à quelques centimètres du sien. Il y a tellement de détails qu'elle n'avait jamais remarqué chez lui, comme les petits reflets dorés de ses yeux au soleil, ou bien sa barbe naissante à certaines parcelles de sa peau. Elle ne l'avait jamais réellement "approché". Mais cela ne changeait pas le point de vue qu'elle avait de lui. Elle ne l'appréciait pas et au fil de cette conversation, ce ne fit que confirmer ses a priori sur le sujet. Le voilà commençant à la secouer de tous les sens, ce qui eut le don de contracter son visage. Naïla tenta de se dégager de sa poigne, mais le faible espace au sommet de ce rocher l'empêchait d'être maître de ses mouvements.
Puis il révéla le mot. "Amon". Ce prénom eut le don de lui faire hausser les sourcils de surprise. Comment Amon, le meilleur ami d'Aeden, avait-il pu le poignarder ? Quelles furent les sombres causes de cet acte irréversible ? Comme ça il aurait disparu en même temps qu'elle? Elle ne lui avait parlé que de minces fois. Il était jaloux de ses fiançailles avec son ami. La jeune femme avait longtemps pensé qu'il cachait son penchant pour la gente masculine, mais quand il l'avait appris, il s'était énervé de plus bel. Entre eux, ça avait été une grande amitié. Si bien qu'Amon avait développé de la haine envers la jeune sirène sans qu'elle ne sache pourquoi. Il avait seulement eu peur de perdre son ami. Il la détestait parce qu'elle lui volait Aeden. Elle, elle n'avait jamais rien demandé. Alors pourquoi l'avoir poignardé après tout ça ? Sa colère avait-elle été si développé au fil du temps ? Etait-elle devenue incontrôlable?
« Amon? Ce n'est pas possible. C'est ton meilleur ami. »
Cela devait sans doute être la seule chose qu'elle savait réellement de lui. Il y en avait un deuxième: sa mort. Mais aujourd'hui ce n'était à présent plus une réalité. Ne comprenant pas la raison de ce geste, elle se retrouva lacéré par ses ongles au niveau des épaules.
« Lâches moi, Aeden. Tu me fais mal. » dit-elle sèchement en secouant les épaules pour se lâcher de son emprise.
Mais leur colère respective les conduisit dans une chute dure et lourde sur le sol. Quel crétin ! Elle en vint même à tomber en avant, sa tête frappant une pierre qui, par chance, n'était pas aiguisée. Elle en fut légèrement étourdie. Mais la montée d'adrénaline la réveilla assez rapidement. Le loup avait sans doute juger la jeune femme plus appétissante que Aeden. Peut-être voulait-il finir ce qu'il avait commencé?
Naïla lui mit un violent coup de pied avant que la bête ne décide de s'approcher plutôt du triton. Il n'avait sans doute pas prévu ça en venant sur la terre ferme. Sans doute n'avait-il pas d'armes ! La jolie brune attrapa son poignard dans sa bottine, là où elle le cachait souvent, et cria un "hé" pour attirer la bête.
L'effet fut immédiat et il grogna en s'approchant d'elle. Il s'apprêta à bondir, mais Naïla planta la lame dans son abdomen. Face au poids du loup, elle en tomba à la renverse sur le sol. L'animal enragé se trouvait au dessus d'elle, montrant ses dents et manquant de lui baver dessus. La jolie brune tenta de le repousser avec ses mains. En vain. Elle ne pourrait pas ET repousser l'animal ET replanter son couteau dans sa chair. Alors, d'un geste maladroit, elle déplaça le couteau dans sa peau pour ouvrir la bête. Cela marcha étant donné qu'elle couina de douleurs. Le loup se vengea même en mordant son épaule. Un gémissement quitta ses lèvres, tandis qu'elle retira son couteau de son abdomen et le planta dans son cou. Cela eut comme effet immédiat d'achever la pauvre bête qui eut beaucoup de douleurs avant de mourir. Faisant basculer le corps inerte à ses côtés, elle se redressa légèrement. Tentant d'enlever le sang sur son visage, elle ne fit qu'en rajouter un peu plus compte tenu de celui déjà présent sur ses mains. Elle détestait ça. Se relevant sans doute trop vite, elle s'adossa contre le rocher, la tête lui tournant légèrement dû au choc et à la morsure. Elle aurait sans doute dû laisser la bête s'occuper d'Aeden et en profiter pour partir. Ses problèmes auraient été réglé.
« Comme ça on est quitte ! Et pour répondre à ta question, les raisons de ma fuite ne te concernent aucunement. Tu ne me connais pas et c'est très bien ainsi. Donc maintenant tu peux retourner vers ta belle petite vie en bas et me foutre la paix. »dit-elle énervée, d'un ton glacial.
Pourtant son visage révélé la peur de son retour et la douleur des événements de cette journée. Elle n'avait jamais voulu son retour dans sa vie. Elle avait déjà assez de problèmes avec les pirates. Son retour ne faisait que lui en rajouter d'autant plus.
Sa réaction le surpris, évidement. Oui, il était son meilleur. Était. C'était tout le soucis. Il n'était plus rien à ses yeux. Comment pouvait-il en être autrement ? L'être le plus cher à son cœur avait tenté de le tuer ! C'était le genre de rancune qu'on ne pouvait pas faire disparaître facilement. Leur chute fut lourde, longue et trop douloureuse. Il fut tout d'abord complètement sonné et pria pour que la douleur qu'il ressentait au poignée ne fut que le fruit de son imagination. Mais en voyant la tête de ce dernier il serra les dents et ravala ses larmes. Oh bon sang. Il était cassé. Le loup, il avait bien faillit l'oublier. Mais Naïla fut la pour le rappeler à l'ordre. Quand elle flanqua un coup de pied à l'animal. Non il ne rêvait pas elle venait bel et bien de se jeter sur l'animal. Oh bon sang, il ferma les yeux, il ne voulait pas voir. Il refusait de la voir se faire déchiqueter par la bête féroce. La bête état juste au dessus d'elle, montrant les crocs et... tomba au sol. Elle avait un couteau couvert du sang épais de la bête. Elle l'avait tué. S'il n'avait pas eu si mal à la main, il aurait probablement affiché autre chose que cet air frustré et souffrant.
« Comme ça on est quitte ! Et pour répondre à ta question, les raisons de ma fuite ne te concernent aucunement. Tu ne me connais pas et c'est très bien ainsi. Donc maintenant tu peux retourner vers ta belle petite vie en bas et me foutre la paix. »
Quitte ? Alors c'était donc comme ça que cela fonctionnait ? Il haussa les épaules. Le reste de sa réponse ne lui convenait pas mais il fit mine de ne pas être touché. Elle n'avait donc pas fuis à cause de lui. Allons bon. Oui, elle n'avait pas tord, il en la connaissait pas. Mais il savait plusieurs chose, c'était une demoiselle très agaçante. Et lâche. Qui était prête à laisser un des siens mourir pour... Pour il ne savait toujours pas trop quoi. Si c'était une raison pour elle de fuir leur mariage, alors elle était cruelle par dessus le marché. Les sirènes et les tritons étaient des êtres cruels. Certes. Mais pas entre eux normalement.
« Très bien. »
Avec autant d’énergie qu'on pouvait en avoir après une telle chute, une course, de l'escalade, une dispute et un poignée cassé il se releva. Il tituba et, la pointant du doigt, il se retint de ne pas l'incendier à nouveau.
« Puisque c'est comme ça je... Je pars. »
Ce n'était pas auprès d'elle qu'il aurait ses réponses. Il allait falloir trouver son ex meilleur ami, et plus vite que ça. Furieux, la mine sombre il tourna les talons. Retourner ne mer, se soigner et reprendre des force au plus vite. Comme un gamin râleur (ce qu'il était au fond) il ne lui pas adressé un regard ni une parole de plus. De toute façon, il avait ce pressentiment désagréable qu'elle allait refaire surface dans sa vie assez rapidement. Foutue sirène de malheur. Maudite femme.
Naïla n'aimait pas assassiner des animaux. Même quand ceux ci étaient destinés à être vendus au marché pour lui faire de l'argent et donc des vivres. C'était des créatures vivantes, tout comme eux. Mais son innocence était partie bien trop vite. Une innocence assez contradictoire. Elle était loin d'être innocente dans sa tuerie envers la piraterie, mais, en revanche, elle l'était en ce qui concernait l'amour, les relations avec autrui, les gestes d'amour et d'amitié. Autant dire que c'était une parfaite ignorante sur ce point là. Mais les sentiments positifs brisaient. Voilà pourquoi elle s'y refusait ! Hors de question de se mettre en danger pour un simple batifolage avec quelqu'un. Et hors de question d'offrir sa vertu juste pour connaître ce plaisir dont tout le monde parlait. Les choses viendraient en temps voulu. La personne méritante viendrait. Ou peut-être jamais. Qui voudrait d'une sirène, aux apparences froides, rongée par le passé et assassinant des pirates ? Personne. Il faudrait être fou pour porter de l'attention sur elle. Et la réciproque était vraie. Naïla ne portait d'attention à personne. Peut-être une ou deux. Mais rien de plus. Les autres étaient humains, c'est-à-dire destinés à vieillir, destiner à mourir dans un avenir proche. A quoi bon s'attacher à quelqu'un qui allait grandir et que la jeune femme oublierait avec le temps ? Sa vie promettait d'être longue si elle échappait aux pirates. La vérité était qu'un nom restait un temps en mémoire. Même à sa mort, il y aurait des gens pour penser à elle quoi ? Un an, dix peut-être ? Et puis, celui-ci s'effacerait, laissant aucune trace de sa mémoire. Juste les cadavres laissés derrière elle. Vision assez morbide de la vie, mais pourtant vrai pour une sirène destinée à vivre jusqu'à ce que bon lui semble!
Elle essuya son visage avec la manche de sa robe. La sensation du sang sec sur sa peau était désagréable. Et ses mains étaient dans un sacré état. Elle devait se désinfecter et vite ! Notamment l'épaule. Attrapant son sac au sol, elle l'installa sur ses deux épaules pour être sur de ne pas le perdre. Hors de question, elle y tenait beaucoup trop.
Voyant son censé-être-défunt fiancé, elle ne put se retenir de sourire d'amusement, mais rien de bien sympathique à son égard, en le voyant bafouiller. Ce n'était pas un sourire qui voulait dire "amusons nous", mais plutôt "tu as l'air d'un crétin à ne plus trouver tes mots". Le voyant vouloir dire qu'il allait partir si c'était ainsi, cela l'amusa. On aurait dit une sortie théâtrale orchestrée par un gamin de onze ans mal assuré.
Naïla ne pouvait que se contenter de cette situation. Elle ne le verrait plus. Sa vie redeviendrait comme avant. N'est-ce pas ? Elle n'en était plus très sûre à présent. Il allait parler d'elle en bas et ça promettait d'être inquiétant. Reprenant un visage fermé, distant, elle dit d'un ton sec révélant de la confiance et de la sûreté dans ses paroles.
« Bien. »
Pas de "au revoir", ni d'adieu, elle se contenta de tourner les talons et de s'en aller dans la forêt d'une marche rapide, le laissant là. Elle ne savait pas si il reviendrait sain et sauf, mais elle n'allait pas perdre son temps avec lui.
La voilà de retour dans sa vie banale. Ordinaire. Ca n'allait pas être bien amusant. Fuir. Fuir. Fuir. Quelle était sa prochaine destination maintenant ?