Cet après-midi, j'ai fait une bêtise. Bon, d'accord. Pas une bêtise ultra super grave non plus. J'ai juste désobéit à Petit Papou, mais ça il ne le sait pas encore – et je sais qu'il se mettra en colère en rentrant, mais qu'importe. Tout de même ! Me demander de rester au campement parce que personne ne peut me surveiller, c'est un peu fort ! J'ai onze ans, mon Papinou. Onze ans ! Pas six ! Et quand je vois ma copine Feisty aller et venir sans contrainte, ça m'horripile. Enfin, presque. Pas que je sois jalouse … Bon d'accord. Juste un peu. Parce que tous les adultes que j'aime sont occupés et ne peuvent pas veiller sur moi, il faudrait que je reste au tipi ? Alors qu'il faut beau dehors ? Ah ça non, sûrement pas ! Pour un peu, j'aurais presque envie de lui dire oui, à ma Rouky, la prochaine fois qu'elle viendra me voir pour me demander si je veux voir son arbre. Parce que vous savez, son arbre, je n'ai pas le droit d'y mettre les pieds, parce que je ne suis pas une enfant perdue. Et à chaque fois qu'on se croise, c'est la même chose. On se saute dessus, on rit, elle tente de me chipper un maquereau si je suis en train d'en manger un – je la comprends, c'est trop bon les maquereaux – et après on va jouer ensemble et vivre des aventures. Parfois, on se bagarre un peu. Mais toujours, elle me demande si je ne veux pas venir avec elle, dans son arbre pour enfants libres, et toujours je lui réponds ceci : « Non, ma Rouky. Pas que j'aimerais pas, tu sais ? Mais je dois veiller sur mon Petit Papou, pour ne pas qu'il se mette dans les ennuis. Et puis je dois aussi faire attention à Tonton Cheyenne qui est papa depuis pas longtemps, et à ma grande soeur Rainbow. En plus, je suis trop grande pour ton arbre, puisque je ne suis plus vraiment une enfant. » Chaque fois, elle fronce le nez et elle râle – pas toujours de façon très audible d'ailleurs – mais qu'à cela ne tienne, de toute façon elle me le repropose dès qu'on se revoit. Un peu comme un rituel. Et si au fond parfois ça m'agace, en fait, j'aime bien ça. Routine rassurante, preuve que rien ne change. Parce que vous savez, ma Rouky, c'est ma meilleure amie, et je sais désormais pourquoi maman m'a donnée le prénom de Selyne. Je pense que lorsque j'aurais des enfants, même si je suis bien trop jeune encore pour ça, si c'est une fille je l'appellerais Feisty. Même si, de toute façon, on restera amie toute la vie, quoi qu'il arrive.
Bien. Du coup je me suis égarée dans mon récit. Ah si ! C'est bon. Je reprends. Papinou qui me consigne au tipi, comme une enfant en bas âge, alors que je suis grande et que, non, définitivement pas. Alors voilà. J'ai fait semblant d'être fatiguée, et je suis partie me coucher. Ça m'arrive, parfois. C'est rare, mais ça m'arrive. Et comme Petit Papou avait lui-même à faire – il est parti ramasser des herbes dans les bois – il n'y avait personne pour me surveiller non plus chez moi. C'est malin, non ? J'ai fait semblant de m'endormir, et quand j'ai su que j'étais seule … J'en ai profité pour me carapater ni vu ni connu, en passant par derrière, après avoir attendu un peu – dès fois qu'il m'y attendrait. Parce qu'il est malin, mon papa. Parfois il pressent mes bêtises. Parfois pas. Et celle là, il ne l'a pas venu venir ! Tant mieux pour moi. J'ai juste pris avec moi mon petit panier tressé – je l'ai fait moi même, vous savez ? Mon premier qui fonctionne bien et qui ne se défait pas ! - que j'ai décoré avec quelques coquillages, et mon petit coffre en bois contenant mes trésors. Enfin. En fait, j'ai pris le petit frère de mon coffre en bois – parce que mon vrai coffre en bois, il est trop grand pour mon panier. Là, j'ai juste pris les coquillages que je collectionne avec moi, pour les comparer avec ceux que je trouverais sur la plage. Parce que c'est là où je vais : la plage ! Ça me fait passer le temps et puis, si ça se trouve, je rencontrerais une sirène. C'est pas dit, mais depuis que j'en guette une … Peut-être que cette fois-ci, ce sera la bonne. Du coup, je me fais toujours un peu plus jolie, quand je sors. Il faut tout de même faire bonne impression. Il paraît que les sirènes et les tritons sont merveilleusement beaux, bien plus qu'une envolée de papillons, et que leurs écailles brillent comme les étoiles qui guident la nuit. Du coup, j'ai aussi pris quelques plumes avec moi, que je me mettrais dans les cheveux en route. Je ferais aussi attention à ne pas trop me tâcher, mais ça … Ça, à la limite, on s'en fiche un peu – je suis une enfant de la nature, qu'est-ce qu'une tâche sur un habit coloré ? Rien de plus que de la couleur en plus.
Bon. Bien. Je suis apprêtée et je fredonne sur la route, même si je fais très très attention à ne croiser personne de connu – si jamais on me reconnaît, je suis fichue, ils iront tout dire à mon papa et ce sera la crise. Croyez-moi, si y'a un truc que j'aime pas, c'est être punie parce que je suis sortie alors qu'il voulait pas. Faudra que quelqu'un lui explique un jour, que les enfants ça grandit, et puis même, de toute façon, je ne peux pas vivre des aventures en restant clouée au lit. Mais je pense, qu'en fait, c'est peut-être sa façon à lui de garder maman avec nous. Il ne veut pas que je grandisse, parce qu'il a peur de me perdre si jamais je m'en vais loin. C'est tordu, et illogique je sais, parce que je ne veux pas m'en aller loin. Mais bon. Apparemment, tous les adultes sont un peu comme ça. Lorsque je serais aussi grande qu'eux, j'espère bien ne pas l'attraper, leur maladie, parce qu'elle est pas drôle du tout. Enfin bref. J'arrive sur la plage, et c'est avec un grand plaisir que je plonge mes pieds dans le sable fin – et aussi doré que chaud. Je souris grandement d'ailleurs, avant de me mettre à rigoler toute seule. Puisque j'ai réussis à aller jusque là, autant continuer mon chemin ! J'adore la mer. Je regarde les vagues se fracasser sur le sable avec un son tendre. L'écume brille, le bleu du ciel et la mer n'ont que quelques teintes de différences. Parfois, je me demande ce que ça fait, d'être une sirène. Mais moi je suis indienne, et il est hors de questions que ça change. Après avoir scruté l'horizon un petit peu – pas de triton en vu, tant pis, une prochaine fois – je me mets à arpenter la plage à la recherche de jolis coquillages – en faisant tout de même attention à ne pas trop m'éloigner non plus. Pas que j'ai peur de me perdre, juste qu'il faudrait quand même que je sois rentrée avant que Papinou lui-même ne comprenne que je me suis une fois de plus carapatée. Ça ferait désordre. Mhm. Il n'y a pas l'air d'y avoir grand-chose, cette fois-ci. Je veux dire, outre les coquillages communs qui décorent déjà le sable, je ne vois pas grand-chose d'exceptio… OH ! OH, LA ! Je couine, en voyant scintiller au soleil une couleur merveilleusement belle et irisée – un coquillage rouge aux milles reflets. Je m'en vais pour l'attraper, avide de pouvoir le contempler tout entier au soleil – car il est encore en grande partie enfouit, comme un vrai trésor – mais soudainement, sans que je comprenne, me voilà sur les fesses à me frotter la tête … Parce que je viens de rentrer dans quelqu'un !
« Aie ! » Je lance, parce que mine de rien, je ne me suis pas ratée. Et quand je lève les yeux, je sais que c'est fichu, et que Papinou me grondera quoi qu'il arrive. Parce que la personne devant moi est un adulte, et qu'apparemment … Il convoite le même coquillage que moi !
« Les petites folies de la vie sont les meilleures »
La collecte de coquillage a toujours été une passion pour moi, j'ai toujours aimé recherché le plus beau, le plus brillant, le plus atypique des coquillages. Depuis tout petit je fait cette collection que personne ne semble comprendre dans mon entourage. A vrai dire le simple fait de faire une collection est un principe très humain, mes parents ont tout fait pour m'en dissuader, m'en faire passer l'envie, mais rien n'y fit. Depuis, ils sont quelque peu résigné. Cependant, ils ne savent pas que je vais fréquemment sur la plage pour trouver de plus beaux spécimens. Il est vrai que sous l'eau dans les profondeurs de la mer, on trouve des choses magnifiques, mais pour moi qui les côtoie tous les jours, les coquillages que je peux trouver sur les plages humaines sont plus exceptionnels, plus précieux même.
Je dois avouer que depuis que la nuit semble s'éterniser sur notre monde, j'ai limité mes escapades dans le monde des hommes. Je me suis contenté de faire ma chasse en milieu connu et rassurant qu'est la mer pour moi. Mais ce matin, je me suis levé avec l'intime conviction de devoir aller voir ce qui pouvait bien se présenter à moi à la surface. Comme d'habitude, j'ai eu du mal à semer ma garde rapprochée, ils sont de plus en plus vigilants j'ai l'impression, sûrement parce qu'ils commencent à avoir l'habitude que je leur fosse compagnie. J'ai du batailler cette fois, je sais que je gagne un peu en agilité, surtout avec mes entraînements au combat, mais il semblerait qu'eux ne soient pas en reste quand il s'agit de prendre des virages serrés dans les couloirs du palais. J'ai du ruser en me cachant à l'improviste, j'ai fait peur à une servante, j'ai probablement brisé un vase et je me suis échappé par une fenêtre. Ce fut sportif, mais au final j'ai bien aimé galérer comme ça, c'est plus drôle et plus gratifiant quand je réussis alors que mes adversaires sont coriaces.
J'ai fait prudemment le reste du trajet vers la surface, on ne sait jamais, il pourrait leur prendre l'envie de me suivre pour m'arrêter à mi chemin pour une fois. Une fois à la surface, je ne vois pas grand chose, mais au moins j'arrive à distinguer la rive, le sable et le fait qu'il n'y ai personne. Surexcité à l'idée de ce que j'allais bien pouvoir trouver, je fonce récupérer les guenilles qui me servent d'habits lors de mes escapades sur la terre ferme et un petit baluchon improvisé avec d'autres vieux habits déchirés. Je pourrais y mettre mes trouvailles et je les étudierais à mon retour à la maison. Trépignant d'avance, je me dirige vers la plage, son sable fin et ses COQUILLAGES !!!!! Je sais, comme ça on dirait un enfant de 7 ans, mais bon, on dit parfois qu'il est bon pour le moral de garder une petite part de notre enfance en nous.
Une fois sur la plage, j'arpente en long en large et en travers son bords, les coquillages s’amassent en général juste là où l'eau balaye doucement le sable. J'ai du passer un bon moment ainsi à marcher la tête penchée pour chercher la pépite, le bijoux des bijoux. Jusque là je n'ai qu'une poignée de coquillages plutôt jolis, mais pas sensationnels. J'étais tellement absorbés par ma quête désespérée que je n'ai même pas vu que je n'étais plus seul sur la plage, à scruter le sable pour y trouver des trésors. Et soudain, quelque chose attira mon regard, un coquillage spendissime (ou un nouveau mot), une merveille parmi les merveilles ! Je fonce tête baissée tel un animal affamé vers ma trouvaille. Tout d'un coup choc frontal, je ne sais pas ce qui s'est passé mais en tout cas quelque chose de dur me percuta, ou alors c'est moi qui l'ai percuté, je ne sais pas trop. " Aie " Purement par réflexe, je reste agrippé au coquillage mais en même temps je m'excuse, foutues bonnes manières inculquées dès le berceau, normalement je devrais rester impartial, un coquillage est en jeu. " Oh pardon, je suis désolé je ne regardais pas devant moi, est-ce que ça va ? " Je me rends compte alors que ce n'est qu'une fillette, déjà je suis rassuré, les enfants aiment les gens de mon espèce, les tritons et les sirènes. Au moins, je ne me ferais pas tué, mais reste à régler la question du coquillage.